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Dieudonné : « Tous les combats pour la justice me passionnent »
dimanche 16 octobre 2005
Entretien réalisé par Silvia Cattori
13 septembre 2005
« La vérité finira par se savoir » disait Dieudonné lors dun premier entretien (1). Mais pour que cette vérité finisse par émerger, Dieudonné nen a pas moins dû énormément trimer et souffrir. Connu hier comme un des comiques les plus aimés de France, Dieudonné allait de succès en succès. Il aurait pu en rester là. Sensible à linjustice, Dieudonné a toujours été de tous les combats sans rencontrer de problèmes ; jusquau jour où il a dit le mot de trop : « Israël ». Cétait le 3 décembre 2003. Dès lors, toute la famille pro-israélienne qui sactive autour du CRIF, de la LICRA, de lUEJF, etc, sest déchainée contre lui. En butte depuis bientôt deux ans à des calomnies et poursuites judiciaires, il est temps de demander à ces organisations communautaires - qui sont là pour jeter de lhuile sur le feu et créer un état de guerre partout où des voix critiques se lèvent - de cesser de le harceler. Si Dieudonné a pu tenir bon jusquici, parviendra-t-il à résister encore longtemps aux attaques continuelles de ces intervenants, qui, en France, paralysent tout débat politique avec le chantage de « lantisémitisme et du négationnisme » et veulent sa mort artistique ? S.C.
S. Cattori : On vous a interdit de médias, on vous a interdit de spectacle, on a dénaturé vos propos, on vous a agressé physiquement, on vous a attaqué en justice ; et quand les tribunaux vous ont lavé de laccusation « dantisémitisme » les médias nen ont pas pipé mot. Que ressentez-vous là devant ?
Dieudonné : On shabitue à tout. Lessentiel pour moi est de pouvoir continuer de jouer mes spectacles.
S. Cattori : Tout personnage médiatique victime dune accusation « dantisémitisme », a généralement de la peine à revenir à une vie normale. Or vous, vous êtes toujours là. Ils nont pas réussi à vous faire disparaître !?
Dieudonné : Je pense quils ont fait une erreur avec moi. Les tribunaux lont dit, je nai jamais incité à la haine ni à la violence. Tout mon travail aurait pu passer inaperçu sil ny avait pas eu cette réaction démesurée de la part de ces mouvements ultra communautaires comme le CRIF, la LICRA, etc, qui mont violemment agressé. Ils se sont excités sur un leurre. Mon image médiatique nétait que le simple résultat de mon travail dhumoriste. Je nétais pas un personnage politique au départ, je ne représentais aucun danger. Finalement, par leurs réactions disproportionnées ils ont mis en lumière tout ce qui était caché : tout larsenal médiatique quasi militaire dont ils disposent. Ils mont jeté dans une guerre. Les médias de ce pays navaient pas à faire écho avec cette violence et cette ampleur à un simple sketch dhumoriste. Je pensais sincèrement quil existait une intelligence. Je me suis trouvé en présence dune bestialité féroce.
S. Cattori : Etes-vous fâché contre tous ces médias qui se sont fait lécho de tant de calomnies et de mensonges ?
Dieudonné : Les médias sont allés trop loin. Je nai fait que caricaturer un colon juif. Cela dit, nombre de médias sont des entreprises privées. On ne peut pas leur reprocher de boycotter Dieudonné dans la mesure où celui-ci ne correspond pas à la ligne éditoriale du responsable de lentreprise. Cest une histoire de gros sous. Pour moi, les médias libres cest Internet. Ce qui est regrettable est que, dans le service public, on en arrive à ce que le présentateur Marc Olivier Fogiel, (2) qui ma vilipendé au lendemain dun sketch, ait des comportements qui le conduisent à être condamné pour injure raciale par la justice.
S. Cattori : Lidée de laisser cette lutte à dautres et de redevenir un des comiques le plus aimés de toute la France ne vous effleure-t-elle pas ?
Dieudonné : De cette confrontation directe avec le sionisme - suite à mon sketch sur un colon juif israélien - jai tiré le spectacle « Mes excuses ». Aujourdhui je suis passé à un autre sujet : la laïcité. Cest delle que je parle dans « 1905 ». De la séparation de lEglise et de lEtat, qui consiste à laisser dans la sphère privée des organisations comme le CRIF, léglise catholique, les mouvements musulmans.
S. Cattori : Ne jouer pratiquement que dans votre théâtre (3) est-ce assez ?
Dieudonné : Cest vraiment un plaisir de jouer dans une petite salle de 200 places. Cest le boulot que jaime : être le soir sur scène et jouer mon spectacle. Au-delà, on quitte une dimension humaine, on va vers quelque chose qui me dépasse. Cest lindustrie des médias, ce nest pas mon métier. Pouvoir mexprimer dans mon théâtre me donne une liberté, me permet un style de création différent. Mais il marrive aussi de jouer devant des milliers de spectateurs : je vais jouer le 22 décembre au Zénith mon dernier spectacle « 1905 ».
S. Cattori : Pensez-vous que les choses vont repartir ?
Dieudonné : Je pense que je vais rester encore pendant un certains temps cette sorte de diable que lon a voulu fabriquer.
S. Cattori : A votre sortie victorieuse du tribunal, le 7 septembre 2005, vous aviez affirmé votre désir de tourner la page. Mais est-ce que vos détracteurs vont la tourner ?
Dieudonné : Jai dit en effet vouloir passer à autre chose ! Leur réponse a été une lettre recommandée ce matin : la Licra et autres organisations sectaires nont pas accepté la décision du tribunal et se pourvoient en cassation.
S. Cattori : Que veulent-ils obtenir en sacharnant sur vous de la sorte ?
Dieudonné : Je pense quau travers des lynchages quils organisent, ils veulent montrer à tous les noirs, que ceux-ci doivent rester à leur place, et que, sils se hasardent à marcher sur des chemins interdits, ils seront brimés. Malcom x, Martin Luther King, Lumumba, Jean-Marie Jibao, nont-ils pas démontré que, quand la libre pensée est exprimée par un homme à la peau noire, il devient un homme à abattre ?
S. Cattori : Comptez-vous poursuivre en justice ceux qui vous ont porté préjudice ?
Dieudonné : Oui, il va y avoir toute une série de procès. Je vais notamment mattaquer à ceux qui se sont répandus en calomnies qui mont porté gravement atteinte ; comme le site de Proche-Orient Info qui a divulgué des fausses informations, ou Bernard-Henri Lévy qui ma traité de « fils de Le Pen » et a qualifié mon public « dantisémite ».
S. Cattori : Est-ce pour ne pas devoir payer des dommages que Proche-Orient info a fermé son site ?
Dieudonné : Ce nest pas exclu.
S. Cattori : Alors, contre qui les juges pourront-ils statuer ?
Dieudonné : Contre la journaliste Elisabeth Schemla.
S. Cattori : Quand vous avez dit « pornographie mémorielle » les réactions ont été dune extrême violence ! Mais même là, vous avez su garder votre sang froid !?
Dieudonné : Oui cétait très violent. Mais vous savez que je nai jamais placé ces deux mots dans le contexte que les animateurs du site Proche-Orient info lui ont attribué. Cétait une manipulation de leur part. Ils devront répondre de cela devant le tribunal. Entre temps, ils ont fermé leur site.
S. Cattori : Tous ces procès ne sont-ils pas épuisants ?
Dieudonné : Oui, dautant que je me déplace ; je suis présent lors de chaque audience.
S. Cattori : Nêtes-vous pas ruiné par ces procédures ?
Dieudonné : Si, mais comme je nai pas un grand niveau de vie, cest supportable.
S. Cattori : Ces polémiques nont-elles pas pesé également sur votre vie de famille ?
Dieudonné : Je ne peux pas dire quil ny a pas eu de répercussions négatives. En particulier à la suite de lagression que jai subie de la part de quatre soldats israéliens, en Martinique, en mars 2005. Cela a été dur. Mais jai cette chance de savoir transformer ladversité en création. Je crois pouvoir dores et déjà dire que cest une expérience quil vaut la peine de vivre !
S. Cattori : A ce point ?
Dieudonné : Oui. Jai fait là une expérience humainement passionnante ! Ce nest pas courant pour un comique de se trouver dans une pareille situation et de pouvoir la dédramatiser, transcender par le rire tant de gravité, en puisant dans son propre vécu !
S. Cattori : Vous avez un tempérament combatif !
Dieudonné : Tous les combats pour la justice me passionnent.
S. Cattori : Vous sentez-vous concerné pas la négrophobie ambiante ?
Dieudonné : Cest inquiétant. On a pu voir les conséquences dramatiques de ce racisme lors du cyclone Katrina, en Louisiane, où rien navait été prévu pour protéger ces quartiers habités par des noirs. On a pu le voir également chez nous, lors des incendies dimmeubles insalubres où des dizaines de noirs ont perdu la vie.
S. Cattori : Faut-il sattendre à des affrontements ?
Dieudonné : Je pense que laffrontement a déjà commencé. Il a été provoqué, dès avril 2004, par les déclarations négrophobes dAlain Finkielkraut, notre théoricien de « lislamophobie » qui parle de race blanche, de « peuple élu » ; il stigmatise la population noire, qualifie les Antillais dassistés qui filent un mauvais "coton" idéologique.
S. Cattori : Pensez-vous que votre couleur de peau a également sa part dans la violence des accusations qui vous visent et non pas seulement votre critique dIsraël ?
Dieudonné : Je crois que tout est parti du dossier de la traite négrière, de mon idée de réaliser un film sur le Code Noir. Dès que lon ouvre ce dossier, cest là que les problèmes commencent, car on touche à la responsabilité de chacun. Suite au débat que jai soulevé, le journaliste du Nouvel Observateur Askolovitch, a fait un dossier où il nie la participation de trafiquants juifs dans ce commerce. Les instances juives nont pas lintention de laisser ternir leur réputation de « peuple élu » en reconnaissant la vérité historique ; ils préfèrent réécrire lhistoire. Des livres, comme celui de lhistorien Olivier Pétré-Grenouilleau, minimisent la traite négrière. Les articles de journalistes comme Askolovitch la nient. Or aujourdhui, avec Internet, il nest plus possible détouffer la vérité.
S. Cattori : Mais, quand Bernard-Henri Lévy a appelé à boycotter vos spectacles nétait-ce pas votre critique de lEtat dIsraël qui le motivait ?
Dieudonné : Pourquoi devrait-il minterdire de travailler parce que je soutiens la cause des Palestiniens ? Moi je nai pas empêché BHL, Bernard Kouchner, et toute cette équipe de soi-disant « sauveurs » qui tire en grande partie sa popularité du malheur des gens, daller par exemple se faire prendre en photo au milieu des Somaliens ?! Je leur laisse cette liberté là de faire carrière et business sur la souffrance des Algériens, des Africains, des Afghans. Je ne vois pas pourquoi, moi, je ne pourrais pas parler de la souffrance des Palestiniens et me sentir humainement proche de leur combat. Les Palestiniens se battent pour la justice et la liberté. Je les trouve courageux : cest mon droit de me sentir plus proche des familles des résistants que des familles des soldats de larmée israélienne qui détruisent leurs maisons et leurs vies.
S. Cattori : Comment avez-vous ressenti le fait que toute la classe politique de gauche comme de droite a participé à votre lynchage médiatique ?
Dieudonné : Les Français ont dit NON à toute cette classe politique là. Et cest rassurant ! Un NON qui nétait pas un refus de lEurope. Mais clairement un NON à ladresse de Jacques Chirac, de François Hollande, etc. Tous ces personnages qui, dans les partis et les associations, mont accusé dantisémitisme, montrent quil ny a plus aucune moralité ni aucune éthique de leur part.
S. Cattori : Nêtes-vous pas fatigué de vous battre contre tant dadversité ?
Dieudonné : Je suis arrivé à un moment de mon parcours où il faut savoir se déterminer par rapport à une éthique. La liberté de chaque individu est dévoluer dans un univers de vérité. On ne peut pas vivre dans le mensonge. Ce serait une vie étouffante. La mort est préférable à une vie de rampants. Lhistoire du peuple dont je suis issu - même si je ne suis pas communautaire et je rêve duniversalité et dhumanisme - a été travestie. Je veux simplement offrir à mes semblables un message de justice et leur dire : « soyons conscients de nos droits ».
S. Cattori : Des millions dadmirateurs ne savent plus ce que vous êtes devenu. Ne craignez-vous pas de vous couper deux ?
Dieudonné : Cest vrai, une grande partie des gens ne savent pas ce qui sest passé. Mais je fais mon boulot. Ce qui a changé est que je ne suis plus dans « lindustrie » du spectacle. Je pense être plus en contact avec la réalité que ceux qui sont à lintérieur du système et qui, finalement, sont paralysés par les intérêts croisés des uns et des autres. Cest une histoire, un parcours qui me convient ; le résultat dune volonté artistique. Je vis de ce travail, encore aujourdhui, tout à fait convenablement. Je nourris mes enfants. Je suis libre de tout intermédiaire, dans une relation directe avec le public. Je nai plus dintermédiaires parce que je joue dans mon théâtre. Que puis-je demander de plus ? De passer chez Drucker ou Ardisson ? En général, lindustrie médiatique nuit à la créativité artistique. Moins on est en contact avec le milieu du show business, et mieux on peut accomplir son travail dacteur et dinterprète. Mon style est celui de la libre pensée. De navoir pas dintermédiaires entre moi et le public, me permet une création qui nest influencée que par mon propre regard.
S. Cattori : Malgré le fait que vous avez été interdit de médias, vous avez obtenu la reconnaissance et le soutien dune large partie de la population. Ne craignez-vous pas, cependant, que le mouvement dopinion en votre faveur ne fasse demain lobjet dune instrumentalisation ?
Dieudonné : Je sais très bien ce à quoi vous vous référez : la supercherie et les mensonges sur lesquels les partis se fondent pour instrumentaliser les causes quils prétendent défendre ! Ce fut une de mes premières découvertes et une grande déception. Ces instrumentalisations ont commencé dans les années quatre-vingt quand le parti socialiste a créé lassociation SOS racisme dans le but de récupérer les « beurs ». Lex-trotskiste Julien Dray qui en a été le fondateur, Harlem Désir lanimateur, se sont servis de la souffrance des immigrés pour faire carrière mais ils nont bien sûr pas combattu le racisme anti-arabe. SOS racisme, comme les associations antiracistes qui ont été créées depuis lors, ont été détournées de leur but et se sont transformées en officines racistes. Elles ont fait la chasse à de faux « antisémites ». Tout cela a créé un très mauvais climat. Cest pourquoi je porte, aujourdhui, un regard extrêmement critique sur ces partis et groupuscules de gauche qui instrumentalisent les causes à des fins de mainmise politique. Je suis un homme de gauche ; mais de cette gauche qui a un jour envisagé la loi de séparation des églises et de lEtat ; de cette gauche des lumières qui avait une réflexion universaliste moderne. Or, quand on voit la gauche, en France, apporter son soutien inconditionnel à lEtat dIsraël, aller en Israël faire léloge du mur de Sharon, on ne peut que la renier. Je suis lucide. Je connais toutes ces pratiques. Je pense quil leur sera difficile dinstrumentaliser lopinion des gens qui me soutiennent et qui se reconnaissent dans lassociation « Les OGRES » (Ouverture Géographique Religieuse Ethnique Sociale) ; association née suite au lynchage médiatique qui a commencé en décembre 2003.
S. Cattori : Finalement, par leur acharnement communautariste, ceux qui ont cherché à vous réduire au silence ne vous ont-ils pas rendu communautariste malgré vous ?
Dieudonné : Je suis un homme noir, je ne me ferais ni défriser ni blanchir la peau. Il se trouve que les noirs sont ceux qui sont le plus exposés au racisme et aux humiliations. Le fait dêtre métis, dêtre noir, me donne une responsabilité par rapport à cette injustice. Il ne sagit pas dun combat communautaire. Tous les combats pour la justice me touchent. Les OGRES sont basés sur louverture entre gens de toutes origines et croyances. Cest lantithèse de ce que les groupes sectaires ont toujours cherché à propager. Nous voulons croire en ce projet égalitaire. Or, quavons-nous découvert au travers de cette confrontation ? Le discours de haine, arrogant, cynique, de ce communautarisme religieux du CRIF, va à linverse du rêve républicain qui est le mien. Je ne suis quun humoriste dont la vocation est de dédramatiser. Il faudrait que ceux qui me font des procès ny voient rien dautre que cela. Cétait inouï de voir Sarkozy me placer, lui aussi, au centre du débat, alors que je navais fait quun simple sketch. Ce fait même prouve bien que lhumour est la seule façon qui reste pour aborder lirrationnel. Je suis un comique et au milieu de ce chaos la seule chose que je veux est de faire rire les gens.
S. Cattori : Ils ont voulu vous faire taire et vous êtes toujours là, fort de vos vérités quils ne veulent pas entendre !
Dieudonné : Jai mûri, à travers tout ça. Je pense que tout ce temps était nécessaire, cétait un temps dapprentissage. Là, je serai bientôt prêt.
S. Cattori : Pensez-vous vous présenter comme candidat à la candidature présidentielle, en 2007 ?
Dieudonné : Je pense que cela pourrait être un moment étonnant. Mais là, cest un autre métier.
S. Cattori : Vous lavez déjà fait non !
Dieudonné : Oui, en dautres temps !
Fin
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