Bon, je précise d'emblée que ma position personnelle n'est pas (encore
) celle de l'UMP.
Je suis farouchement POUR l'intégration de la Roumanie et de la Bulgarie. Farouchement POUR, ça ne veut pas dire "le plus vite possible". Ca veut seulement dire "dès qu'ils rempliront effectivement les conditions fixées par l'UE". Ca tombe bien : c'est fait.
Bref, dépêchons-nous de ratifier tous ces adhésions, qu'elles entrent enfin en application.
Mais... il y a un "mais".
A chaque élargissement, la CEE puis la CE puis l'UE avait pris la -bonne et nécessaire- habitude d'approfondir également les relations entre pays membres. Jusqu'à il y a peu, en fait : en refusant le TCE, l'Europe a refusé l'approfondissement nécessaire à sa bonne marche : aujourd'hui, nous sommes trop nombreux pour continuer de décider à l'unanimité dans de nombreux domaines. Alors que jusqu'à présent, nous arrivions à trouver des arrangements qui satisfaisaient chaque pays en tant que tel, il est temps aujourd'hui de contrsuire un véritable intérêt général européen, qui passe par une majorité qualifiée bien davantage que par l'unanimité.
Il faut que chaque pays, et notamment la France, cesse de ne voir l'Europe qu'à l'aune de ses petits intérêts à court terme.
Et il serait bon que chaque citoyen français sache qu'aujourd'hui, nos diplomates et autres négicateurs français ne servent plus à rien jusqu'à 2007. Pourquoi ? Parce que la France n'est pas un pays sur lequel les autres peuvent s'appuyer pour construire des accords : non seulement parce que les accords négociés pendant 1 an risquent d'être rendus caducs en 2007, mais surtout parce que la France a la merveilleuse (
et détestable) habitude de désavouer à Paris ce qu'elle a approuvé à Bruxelles.
Une petite digression : il est absolument stupéfiant de constater que la France a initié la CED, puis que c'est elle qui l'a enterrée ; a initié le TCE, puis l'a refusé ; a arraché un protocole de Londres très favorable à la langue française, et s'apprête à l'enterrer sans se rendre compte que sa renégociation ne pourra jamais se faire dans des termes aussi bénéfiques pour nous.
Reprenons sur la construction européenne pure, et sur l'élargissement.
A quoi sert l'Europe ? Quelle est la principale activité de l'UE et de Bruxelles ? Réponse inattendue : la fabrique de normes. L'UE est une formidable machine à harmoniser nos façons de procéder, ce qui va nous permettre à nous, citoyens, individus, associations, entreprises, couples, voyageurs, travailleurs, touristes, et tout ce qu'on peut imaginer, de circuler en toute sécurité au sein d'un espace toujours plus large.
Au niveau macro-économique, nos préoccupations environnementales sont diffusées, ont davantage de chances d'être entendues. Nos règles anti-trusts également : pour pouvoir investir le marché européen, fort de 450 000 millions de consommateurs solvables, des entreprises américaines renoncent à certaines fusions, qui leur auraient fermé les portes de l'UE. C'est encore l'UE qui impose à Microsoft des efforts en matière d'ouverture à la concurrence (sur ce point par exemple, le libéralisme est un élément régulateur d'un capitalisme à tentation monopolisitique - petite leçon d'économie au passage, à destination des anti-libéraux primaires, tous ne l'étant pas...
).
En matière de normes, c'est encore l'UE qui, depuis des années, pousse la Turquie a se réformer à marche forcée sur les droits de l'homme, par exemple. Mais aussi en matière de Justice, en matière entreprenariale, en matière de contractualisation, etc. Du rouleau compresseur européen face au rouleau compresseur turc, c'est bien l'UE qui influence la Turquie, pas l'inverse...
Mais, vont me répondre un grand nombre d'entre vous, quel rapport entre tout ça, et la taille de l'UE ? L'identité européenne ne doit-elle pas primer sur l'intégration de pays perçus comme en dehors des frontières géorgaphiques de l'UE ?
Ok, parlons identité, parlons culture, et parlons géostratégie.
Géostratégie, d'abord : dans 30 ans, quel sera le poids démographique de l'UE ? Compte tenu de son indice de natalité et de l'immigration, les projections à 30 ans donnent 500 millions d'habitants au mieux. Et pour le reste de la planète ? USA : 650 à 700 millions. Chine : 1,4 milliard. Inde : 1,8 milliard. Traduction : par rapport à aujourd'hui, le poids démographique de l'UE va diminuer, contrairement à celui des grandes puissances US ou asiatiques. Le risque est donc que, au lieu de constituer un pôle d'un monde multipolaire, l'UE pourrait n'être qu'un enclos plus ou moins protectionniste, tentant de juguler des flux d'immigrés pauvres venus d'Amérique centrale et surtout d'Afrique, tant que nos systèmes sociaux tiendront le coup.
L'élargissement est-il une possibilité d'alternative, et à quelles conditions ? Oui, à partir du moment où nous parvenons à fonctionner à 34 membres (comme il est d'ores et déjà prévu...) et surtout à peser démographiquement et économiquement sur le reste du monde. Surtout, si nous pouvions être 800 millions à défendre notre modèle, plutôt que 450 millions, ça pourrait faire une vraie différence. Toute la différence entre une union déclinante, et une union qui intègre toujours plus en défendant des valeurs communes.
Parlons culture et identité : notre civilisation occidentale est pluri-millénaire. Elle s'est construite autour du bassin méditerranéen, avant de s'en détourner au gré de contingences historiques. Je propose de retourner aux racines de notre civilisation, je propose de retrouver les racines qui ont fondé notre démocratie et qui ont porté nos valeurs universelles : je propose d'envisager à terme une UE qui contiendra non seulement la Turquie, mais surtout tout le bassin méditerranéen. Que ce soit sous la forme de coopérations renforcées ou d'un autre partenariat privilégié, c'est la même chose (la distinction est aussi illusoire que de savoir si Sarkozy sera "soutenu" ou "investi" par l'UMP) : il s'agit d'un ensemble de pays qui harmonisent fortement leurs règlementations afin de défendre des valeurs communes et surtout d'offrir à leurs populations un espace élargi où se déplacer, se marier, travailler, vivre en toutes sécurités.
Pour la France, ce serait d'ailleurs une occasion unique de soigner avec certains pays du Maghreb des blessures issues de la colonisation puis des guerres d'indépendance.
Une fois encore, posons-nous la question : l'UE n'est-elle pas un rouleau compresseur suffisant pour promouvoir des valeurs qui nous sont chères, et que nous souhaitons diffuser largement ?
Alors la question se pose : l'UE, vous la voulez forte de 800 millions d'habitants divers mais défendant une vision commune de la civilisation, ou bien nous contentons-nous d'une petite Europe de 450 millions d'habitants (certains d'entre vous regrettent la CEE, celle des 12 !...) qui plus est incapable de se mettre d'accord pour approfondir ses modes de collaboration et de co-décision ?
Finalement, l'approfondissement manqué du TCE sera surtout venue de l'illisibilité de la question posée. Cette question aurait dû être claire : voulez-vous d'une Europe politique (fédérale ou confédérale), ou préférez-vous en rester à une Europe largement économique, comme celle que nous avons construit depuis le début ?
Le débat sur le libéralisme supposé de l'UE aura été à mon sens un faux débat : la politique de l'UE est actuellement libérale parce que la Parlement européen est libéral. Mais les directives sont comme nos lois, elles peuvent être modifiées par une majorité différente. Le TCE n'avait d'ailleurs de "constitutionnel" que le nom, le souveraineté restant par ailleurs celle de chacun des membres déléguée au niveau européen (il n'y avait pas de légitimité européenne intuitu res).
Bon, j'arrête là, j'attends des réactions... zyx ? 