CR Trail des crêtes, St-Paul-de-Jarrat.
Une histoire de famille.
Mes excuses par avance pour le pavé.
Tout d'abord le lieu : st-paul-de-jarrat, petite commune au pied des Pyrénées ariégeoises, dont Wikipedia annonce une densité de population de 56 hab/km2 ... Autant vous dire qu'on ne se marche pas dessus ! Et bien j'ai de la famille là-bas ; oncle maternel et ma tante, ainsi que les 3 cousins revenant régulièrement se ressourcer des tumultes citadins.
Cette commune devient durant une journée le siège de quelques centaines de coureurs venus profiter de 3 parcours au choix : 10km/400, 24/1600, 50/3700.
L'intérêt du 24km est qu'il apporte de magnifiques points de vue pour un trail court, et ainsi pouvoir profiter pleinement du reste de la journée...
J'avais adoré le parcours l'an passé ; une montée en direction du pic de Lauzate (1800m), soit 1350 D+ sur 9,5 km, puis une descente alternant passages roulants, techniques, sentiers en sous-bois superbes, mini bosses de quelques dizaines de mètres mais nombreuses, et enfin un sacré coup-de-cul de 150-200 D+ droit dans la pente au 19ème km avant de redescendre sur st-paul. Moins d'un km de bitume sur tout le parcours, également un point positif.
Me revoilà donc inscrit, avec un peu plus d'expérience, et donc l'envie de faire mieux qu'en 2014 : 7ème en 2h25. La veille nous nous rendons aux dossards, récupérons celui de mon oncle qui fera également le 24km, et inscrivons madame qui décide, après des mois de réflexions, de se lancer sur le 10km.
Comme très souvent, la veille au soir se déroule au restaurant, Les Sapins, une très bonne adresse conviviale et gastronomique. Retour aux sources obligeant, c'est autour du canard que s'articulera l'entrée (foie gras mi-cuit) et le plat (magret aux morilles) ; le dessert sera léger, souffler aux framboises, un délice pour les papilles. Autant vous dire que le sommeil a été profond
Réveil 7h, le départ est à 8h30, à 100m ... On arrive avec mon oncle bien en avance, j'en profite pour trottiner et m'échauffer consciencieusement car l'objectif est de partir dans les 10 sans être dans le dur.
On est appelé à se présenter sous l'arche, puis le speaker annonce les 3 favoris ; le commandant Cousteau, Batman, et l'italien.
Pour le premier, c'est une histoire de bonnet qui malgré une absence de rouge ressemble étrangement au célèbre marin. Pour le second, le surnom vient simplement du fait qu'il était tout en noir. Pour le troisième, son nom et son prénom m'aident pour le surnom, avec un look des plus géniaux ; chaussures trail "sérieuses" mais un short de rando, un tee-shirt simple et rien d'autre ; ni eau ni à bouffer ... rien. Juste une imposante chevelure et une sympathie des plus communicatives.
Le speaker annonce une modification de parcours sur la dernière montée ; afin d'éviter le dré dan'l pentu, la montée se fera par un faux-plat montant, ne changeant donc pas le D+ mais "rallongeant" le parcours d'un km. Je fais rapidement des calculs : 2h25+1km-experience-motivation = ?
Le départ est lancé, je m'installe tranquillement de suite dans un groupe de 8-10. Dès le 2ème km de montée des positions s'installent : Batman prend les devants, même un peu le large, Cousteau et l'italien restent à portée de vue, mais il faut progressivement une longue vue pour les apercevoir. Le marin paraît "facile" tant sa foulée courte est légère et bondissante ... et ce malgré un âge un peu avancé. Respect.
Je reste en retrait durant toute la montée, dans un groupe de 5 avec qui on joue au yoyo ; un mec, que l'on surnommera Le Rouge, me dit qu'il a fini 5ème sur le 10km l'an passé, et que c'est son premier "long" , ça permet de relativiser mes longueurs de courses ! Â noter que le surnom n'a rien à voir avec un quelconque point de vue politique ; seulement une histoire de couleur de tee-shirt. Un autre, tout aussi sympathique, très grand, est assez facile dans les faux-plats montants, mais accuse un peu le coup dans les passages plus raides ; on le surnommera Le Militaire. Un autre, Grincheux, qui ne décroche pas un mot, ne sourit pas. Un autre, que je n'aurai pas le temps de surnommer car avant la moitié de la montée il a décroché notre petit groupe et ne recolle pas.
On alterne sentiers forestiers, singles en sous-bois, Le Rouge accélère un peu sur un faux-plat et maintient sur une montée bien raide, je n'arrive pas à le tenir, le laisse prendre le large, reste 5ème, collé au cul par Grincheux et Le Militaire.
En sortie de bois, les points de vue se multiplient et nous apercevons le pic de Lauzate (1800m) avec encore 300 D+. J'aperçois le ravito d'où ma tante me fait des grands signes, elle est bénévole sur le parcours, et est présente au ravito depuis 7h du matin. Je suis heureux de la voir, m'arrête lui faire la bise, et repars direct. Un rapide coup d'œil derrière me permet d'apercevoir Grincheux, mais plus de trace du Militaire. Je continue de trottiner jusqu'au sommet où se trouve la bifurcation vers un sentier de crêtes magnifique ; avant le sommet, je prends mon portable dans la poche arrière, fais 2 photos, et repars ... Grincheux en profite pour me doubler, il descend très vite, je ne peux pas suivre, je garde une allure vers les 15km/h, puis viens les alternances avec des passages bien techniques ; je reprends le dessus, suis plus alaise dans ces conditions que Grincheux qui me recolle au cul dès que viennent les relances en faux-plat descendant. À ce rythme là je me dis que derrière ça ne risque pas de revenir de sitôt sur nous, et que devant, soit c'est très fort et on sera 5/6ème, soit on va finir par recoller.
Et bien voilà que j'aperçois Le Rouge, mais Grincheux est toujours là.
Le tracé reste superbe, on continue en sous-bois, j'augmente ma fréquence de pas tout en maintenant les 14-16km/h en descente, afin de "soulager" les cuisses qui se montrent enfin : "t'es bien gentil Julien de descendre comme un âne, mais là ça fait 10km non stop, il va falloir trouver un autre refrain, car nous on tire un peu la gueule" !
Après avoir doublé Le Rouge, qui de manière très sympathique m'encourage, me voilà 4ème, mais toujours avec mon ami Grincheux. Ce dernier, sur une belle accélération en fin de descente attaquera la montée juste devant moi.
Nous sortons finalement du sous-bois, et attaquons la dernière bosse du parcours : au lieu de faire du droit dans la pente, on part sur un sentier large, et que vois-je ? Batman ! Je pense à la 3ème place, et me dit que tactiquement tout va se jouer maintenant : je décide d'accélérer pour mettre la pression à Batman et montrer à Grincheux qui est le patron. Je me sens mieux que sur la fin de descente, car les cuisses ont un peu ramassé. Les mollets ne tirent pas, donc je pousse un peu, comble progressivement mon retard tout en faisant un léger écart sur Grincheux que je redouble en milieu de montée. En tout début de dernière descente, je double Batman de manière franche, afin qu'il ne s'accroche pas, je ne regarde pas, et pour une fois ne pense qu'à la course, pense à ce podium qui me tend les bras, qui me paraît si proche.
Derniers lacets en descente où sur une épingle je vois Batman lâché, il ne reviendra pas, mais Grincheux uniquement à quelques dizaines de secondes. Je maintiens mon allure, reconnais la fin de la descente, et ... euh ... aperçois mon frère !
Mais quel bonheur, lui qui s'est déplacé pour venir me voir arriver. Je suis profondément touché qu'il soit là, à deux doigts de pleurer. Certes ce n'est qu'un petit trail court, mais j'ai le sentiment d'avoir fait un bel effort, et partager la fin avec lui est un sentiment très fort.
Mais que fait Grincheux ? Il me double ? Sans dire un mot, sans rien ! On aurait pu finir ensemble, l'arrivée est à 1,5km, roulants, les suivants sont "loin" , mais non, Grincheux accélère au moment où je prends mon frère dans les bras ... tant pis, il y a mieux qu'une 3ème place.
L'arrivée se fait dans les bras de ma petite. Passé l'arche je vais féliciter Grincheux pour sa belle bagarre tout au long du parcours, sa seule réponse aura été "merci".
Décidément nous n'avons pas les mêmes définitions de partages, efforts... Surtout que quelques minutes après, je reviens sous l'arche pour accueillir Batman et le féliciter ; ses mots sont très très sympas. Puis c'est Le Rouge et Le Militaire qui arriveront par la suite, avec des accolades magnifiques tous les 3. On ne se connaît pas, mais au-delà des classements de chacun, les efforts, les partages ont été là.
Très heureux.
Mais ma moitié elle, devrait arriver, je remonte le parcours, vais la chercher pour faire la même que mon frère m'a offerte.
À nouveau heureux.
Je me pose un moment, bois, mange, et vais chercher mon oncle, qui en finir avec son premier 25 km, lui qui passe 70h par semaine à l'hôpital, sans compter les astreintes. Chapeau à toi tonton.
À nouveau très très heureux.
Puis le podium, et enfin, ce que j'attends depuis un moment : la côte de bœuf au barbecue ; un régal
Mais excuses pour la longueur.