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Le SPD, pour sa part, fait l'analyse que deux ennemis mortels de la social-démocratie et de la République, les nazis et les communistes, enregistrent des progrès imposants qui laissent redouter que, en cas de nouvelle dissolution et élection, ils pourraient approcher, à eux deux, une majorité négative. Une analyse un peu rapide : les « extrêmes » sont, hier comme aujourd'hui, un épouvantail commode pour centristes paresseux – eux-mêmes pas toujours portés à la modération – et la position du KPD n'est pas si hostile que cela à la social-démocratie. Malgré la ligne « classe contre classe » (ré-)inaugurée en 1928, ligne dont la fluctuation montre qu'elle relève moins du dogme que de la tactique conjoncturelle (elle a été abandonnée entre 1925 et 1928), les communistes savent pratiquer le « front unique à la base », mais aussi au sommet, et tendre la main aux chefs sociaux-démocrates, malgré les avanies, voire les massacres purs et simples, que ces derniers n'hésitent pas à perpétrer – le « mai sanglant » du 1ᵉʳ mai 1929 et ses 33 morts berlinois n'étant qu'un épisode supplémentaire d'une répression sociale-démocrate continue depuis janvier 1919.
Le SPD n'en inaugure pas moins une « politique de tolérance » (Tolerierungspolitik) à l'égard du chancelier et de son programme de purge budgétaire et sociale, alimentant la Sozialfaschismusthese défendue par les communistes du KPD qui dénoncent dans les sociaux-démocrates, surnommés « sociaux-fascistes », les soutiens objectifs du « fascisme », et ceux qui, quoi qu'il en soit, font toujours la politique de la bourgeoisie. Autrement dit, après avoir voté contre les lois de Brüning et après avoir fait triompher une motion de censure contre l'ordonnance de juillet, le SPD s'apprête à soutenir des mesures fiscales et sociales bien pires, non en votant pour elles, mais en s'abstenant chaque fois qu'une motion de rejet (article 48 alinéa 3) sera déposée contre une ordonnance de l'article 48-2. Les sociaux-démocrates défendent que Brüning est « le moindre mal » (das kleinere Übel), comparé aux nazis. Ils vont toutefois « tolérer » une politique économique et sociale qui, en aggravant la crise, nourrit le vote nazi comme jamais.
C'est le 3 octobre 1930 que le groupe parlementaire SPD vote sa résolution de « tolérance » afin de préserver la démocratie, protéger la Constitution ainsi que la démocratie parlementaire contre les « cercles social-réactionnaires qui les menacent ». Le SPD réaffirme certes son opposition à « la réduction du pouvoir d'achat des masses et son soutien à la création d'emplois » mais s'apprête à faire le contraire en pratique. Par ailleurs, on voit mal comment « tolérer » la violation de la Constitution et le contournement du Parlement revient à protéger la démocratie et dans quelle mesure les ordonnances de Brüning augmentent le budget des ménages…
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