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Les conséquences de la perte de la laïcité
Les conséquences de la perte de la laïcité sont dramatiques avant tout pour les femmes. Actuellement, 200 000 avortements clandestins à 4500 Zlotys (1000 Euros) chacun sont pratiqués par des médecins dans des cabinets médicaux privés. En cas de complications, les femmes sont démunies puisque les médecins risquent la prison en les amenant à lhôpital. Une 20-taine de cas de décès suite à des avortements clandestins ont été documentés par le Planning Familial. Le chiffre des avortements pratiqués par les « faiseuses danges » est inconnu, le nombres de blessées, handicapées et mutilées par ces pratiques est inconnu également. LOrganisation Mondiale de la Santé a pointé la responsabilité du gouvernement polonais dans la rapide dégradation de létat de santé des femmes polonaises. De fait, certains examens médicaux, certains soins ne sont plus pratiqués parce quils sont assimilés à un avortement ou peuvent mener à un avortement. La médecine prénatale est en voie de disparition. Les femmes souffrent de violences, discriminations et humiliations dans les hôpitaux lorsquelles sont soupçonnées de vouloir avorter ou davoir essayer davorter [18]. Des expressions telle que « femme enceinte » ou « avortement » ont disparu du vocabulaire public au profit de concepts religieux tels que « la vie », « la mère qui porte lenfant à naître »... Cette censure du vocabulaire est particulièrement pernicieuse car elle éloigne les femmes de toute faculté à exprimer leur véritable ressenti et à articuler leurs propres intérêts. [19]
Chaque jour apporte son lot denfants abandonnés et dinfanticides terribles, alors que ces phénomènes sociaux étaient marginaux en 1989. Léducation sexuelle est absente : pas de prévention de sida à grande échelle, pas de prévention des grosses précoces et multiples dans les milieux défavorisés. La pauvreté accompagne le désespoir, la violence et la dépression.
La famille ultra-conservatrice sest trouvée renforcée : alors que peu de femmes polonaises faisaient grand cas de la propagande pour la restauration du pouvoir du père dans la famille menée par lEglise dans les années 80, on assiste à une réapparition de pratiques doppression disparues en 1945 : mariages précoces, forcés ou arrangés, dot, fiançailles qui ligotent les personnes dans des obligations matérielles et morales, versement dargent pour lépouse... Lidéal conservateur de la femme ressurgit en force dans les médias et dans les esprits. Alors que toutes les femmes en âge de travailler travaillaient en Pologne en 1989, il est de bon ton actuellement de choisir une vocation de femme au foyer popularisée par des sitcoms sirupeux et moralisateurs. Plus une femme est aisée, plus elle se doit de se couler dans le moule de la mère et de lépouse. La popularisation de la pornographie et de la prostitution a favorisé lémergence de limage de la « putain » quasiment disparue sous le régime communiste. Limage de la prostituée paraît dailleurs à de nombreuses jeunes filles plus enviable que celle de la mère et épouse soumise. Cest quon ne leur montre jamais la réalité terrifiante de la prostitution et du trafic de femmes. La quasi totalité des femmes polonaises ignore et veut ignorer les dizaines, les centaines de milliers de femmes polonaises vendues dans les bordels dAllemagne, de Belgique ou dEspagne. Alors que lidée de légaliser le proxénétisme gagne du terrain même chez les féministes, ces femmes immigrés sombrent dans la nuit de loubli et du déni. Mais la prostitution sont des mots tabous dans la société polonaise actuelle, de même que le chômage ou lémigration.
Alors que limage de la travailleuse, chère au régime communiste, a disparu, les intellectuelles, surtout féministes, sont assimilées à des dévergondés occidentales, « un béton que même lacide sulfurique ne pourrait dissoudre », selon les propos fascistes de larchevêque Pieronek. [20]
La prise de pouvoir de lEglise menace la liberté de conscience. Même les hommes ne sont pas épargnés par la propagande cléricale. Par exemple, un « manuel de la confession », élaboré en 2004 avertissait que les personnes ayant voté pour des partis « dont les programmes sont incompatibles avec lenseignement de lEglise » devaient le confesser. Bel exemple de contrôle de la liberté de conscience que la confession obligatoire !
LEglise continue par ailleurs de simmiscer dans la vie publique : elle a tenté, par exemple, de faire limoger en 2004 la délégué ministérielle à légalité, Magdalena Sroda, coupable davoir affirmé dans un journal suédois que le modèle patriarcal de la famille catholique conduisait aux violences conjugales. LEglise exigea sa démission et les femmes durent se mobiliser par centaines pour sauver le poste de leur déléguée. LEglise réussit à faire condamner une artiste, Nieznalska, pour « injure aux sentiments religieux » dans la même année. Madame Nieznalska avait représenté dans son uvre un Christ en croix muni dun phallus...
Les conséquences politiques de la situation en Pologne peuvent avoir de graves répercussions en Europe. En effet, la gauche post-communiste ayant systématiquement abdiqué devant lEglise depuis 1990 en refusant dabroger les lois scélérates contre lavortement jusquà 3 fois (1993, 1995, 2001), lélectorat de gauche a complètement perdu confiance dans les élections et la démocratie. Cette perte de confiance est la raison dune abstention de 60% aux élections de cette année. Cest avec une minorité de 30% dune minuscule fraction de lélectorat que le gouvernement intégriste actuel est arrivé au pouvoir. A peine trois mois plus tard le durcissement du régime saffirme : interdiction de la Marche de la Tolérance à Poznań, tabassage des manifestants par les milices fascistes et par la police, projet de taxation des célibataires et des sans enfants, contrôle des programmes scolaires par lEglise.... LEurope des catholiques intégristes est en marche. Car il serait illusoire de croire que ce phénomène nest quun pur avatar de la culture polonaise. Le gouvernement de Kaczyński nayant aucune assise sociale, il peut avoir besoin de conquêtes pour asseoir sa crédibilité. Cest ainsi que le « programme de ré-évengélisation de lEurope » peut devenir son chemin de prédilection. La fameuse exposition sur les « enfants en Europe » au Parlement Européen où la propagande négationniste « avortement égal Shoah » saffichait ouvertement, nest certainement quun signe avant-coureur dune offensive plus vaste contre les droits des femmes européennes. Nous devons, nous laïques européens, être prêts et prêtes à nous défendre.
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