Bon ben, puisqu'on m'a suggéré de m'exprimer plutôt ici...
corsicapersempre a écrit :
Artus, y a vraiment des moments où tu ferais mieux de te taire. Propose des choses, au lieu de jouer les Sarkozy de comptoir
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J'ai lu ton message plus haut. Je suis d'accord avec beaucoup de choses. Et ce dont tu dois t'être rendu compte depuis longtemps, c'est que la politique est quelque chose de lent : on ne peut pas changer les choses en claquant des doigts.
Borloo a déjà commencé à raser les barres, à reconstruire et à réhabiliter ces quartiers. Là aussi, c'est long. L'Etat y met les moyens. C'est peu médiatisé, mais le travail est déjà engagé. Rendez-vous dans 10 ans, 15 ans, 20 ans.
Pour la réforme du marché du travail, le CPE n'était pas nécessaire. Après le CNE, on aurait pu et dû s'acheminer courant juin vers l'instauration du contrat unique. Modalités à examiner, mais selon le principe du CNE qui veut que les droits du salariés se renforcent progressivement, et qu'un patron qui licencie doit expliquer pourquoi, mais sans que ce motif ne soit plus judiciarisé (sauf évidemment licenciements abusifs précis : femmes enceintes, maladie bénine, syndicalisme normal, orientation sexuelle, etc.).
Pour la réforme de l'éducation, nous attendons tous celui qui sera capable de l'imposer à des étudiants qui, génération après génération, par principe, refusent tout ce qui leur est proposé, défilant hier contre ce qu'ils réclament aujourd'hui (cf. le contrôle continu).
Plus fondamentalement, nous sommes en France dans un pays où les citoyens attendent tout de l'Etat, parce que les hommes politiques ont toujours refusé de mettre les gens face à leurs responsabilités de citoyens. Bien sûr que les conditions socio-économiques dans lesquelles on grandit jouent ; mais si on attend tout de l'Etat sans se prendre soi en mains, c'est là qu'elles jouent à plein, et qu'on se laissent enfermer par elles.
Le libéralisme global (politique, économique, éthique) que je défends au sein de l'UMP n'est ni un laisser-faire généralisé, ni une privatisation de tout ce qui est public, ni un repli sur soi ; c'est un appel à chacun pour qu'il saisisse à bras le corps les leviers dont il dispose pour peser sur le cours de sa vie, c'est un appel à la suppression des monopoles publics ou privés qui épuisent notre dynamisme, c'est un appel à la libération des intelligences individuelles et collectives pour imaginer des solutions plus efficaces.
Notre modèle social n'est attrayant que pour ceux qui n'en paient pas le prix. Financier comme social. La désespérante non organisation de nos systèmes de soins et d'assurance chômage grèvent lourdement notre pouvoir d'achat et notre niveau de vie, tout en entretenant un chômage élevé, notamment chez les jeunes, et plus encore chez les non-diplômés.
Alors c'est bien et c'est facile, Corsica, de tenir un discours lucide ; mais pour le porter, pour l'accomplir, qui trouves-tu ? Nul homme politique n'est parfait. Tu ne trouveras personne d'exactement conforme à l'idée que tu te fais des réformes nécessaires. La seule possibilité à laquelle tu peux te raccrocher, c'est celui qui s'en rapporche le plus.
Aujourd'hui, Dominique de Villepin a montré, par son comportement, qu'il faisait le pari de la réforme contre la démocratie. Je ne parle pas du 49-3, ni des manifestations. Je parle de la façon dont des lois comme la DADVSI ou celle-ci sur l'égalité des chances ont été abordées. Villepin n'a pas cherché à convaincre les parlementaires, mais à leur imposer son point de vue. La discipline parlementaire a fait le reste. Même si beaucoup de dents ont grincé, et même si de nombreux parlementaires ont montré que, tout en soutenant le Gouvernement, ils conservaient leur liberté de parole.
Qui ?
Quel homme politique demeure un recours pour accomplir ces réformes que tu appelles de tes voeux, et moi avec toi ?
Tu le sais comme moi, il n'y en a pas plusieurs.
Il s'est fait remarquer par sa liberté de ton, par sa volonté de franchir les barrières, de proposer des solutions osées. Il ne croit pas forcément en toutes les idées qu'il lance, mais il croit que son rôle est d'aider les débats à être lancés, les immobilismes à être bousculés, les léthargies à être réveillées.
Il croit que la France attend et espère le changement.
Il espère que les Français vont partager cette analyse, et vont porter vers lui leurs suffrages.
C'est un pari. Un pari politique. Un vrai.
Celui d'un homme qui, lorsqu'on examine ses propositions politiques, veut supprimer l'hypocrisie du double exécutif, veut rendre au Parlement davantage de pouvoir, notamment de contrôle de l'action gouvernementale.
Celui d'un homme qui tient à faire respecter les lois de la République, à rendre aux habitants des banlieues une sécurité publique quotidienne à laquelle ils ont droit eux aussi.
Celui d'un homme politique avec lequel on peut ne pas être d'accord, lorsque des mesures sont prises à l'égard de la prostitution qui semblent n'être qu'un déplacement géographique du problème. A quand la réouverture des maisons-closes ? Mais dans l'ombre, les réseaux de proxénétisme sont combattus plus durement que jamais. Parce qu'il est là, le véritable scandale de la prostitution.
Celui d'un homme qui s'attaque aux problèmes qui ont fait croître le score du FN, mais en proposant des solutions aux antipodes : la discrimination positive, le vote des étrangers résidant en France aux élections locales, l'aide au financement de mosquées et autres lieux de cultes de minorités, l'affirmation de la nécessité de l'immigration, etc.
Celui d'un homme capable de mesure (quoi qu'en disent certains) lorsqu'il a supprimé la double peine (à ne pas confondre avec la notion de "peine complémentaire", dont la double peine n'est qu'un cas particulier...).
Et surtout, celui d'un homme politique non énarque et qui s'appuie, non sur des idées d'énarques, mais sur des propositions venues de toutes parts, de la société civile française comme des exemples de pays étrangers. Par rapport auxquels la France, sur de nombreux domaines, n'est pas en avance.
Oui, il y a beaucoup de choses merveilleuses dans notre pays ; mais il faut aussi avoir le courage maintenant de reconnaître que le problème de la France n'est pas basé sur la lutte des classes. Il est basé sur une peur profonde de l'avenir, et sur une incapacité à voir comment améliorer la situation.
Redonner confiance en eux-mêmes aux Français et à la France, c'est le pari politique de Nicolas Sarkozy.