CR UTMJ La Franco Suisse (105k 4200d+)
Je glisse ça avant que Mikimike fasse le sien!
Contexte:
Après un excellent premier 100k en mai 2024 (Ultra trail des païens), c'est la traversée du désert: méforme, contre perfs, je n'y arrive plus
. En juillet, je fais le Mad'trail (63k 4000d+) en guise de course de prépa, à nouveau une perf en deçà, une journée pas top. Je trimballe aussi une tendinite au fessier, assez gênante en fin de SL. Bref, la morosité me gagne
, j'ai plus du tout envie de faire ce second 100k. Mais tout est déjà réservé, donc pas question d'annuler, il me reste 2 mois, l'objectif sera de faire remonter la forme et d'éviter d'en faire trop en me focalisant sur une grosse SL par semaine et que des petites séances à côté. Une prépa sans conviction, mais qui se passe bien. Mais toujours pas vraiment de motivation à aller faire ce 100k. J'ai hâte de retourner sur du court après ça
.
La course (samedi 4 - départ à 5h00):
Départ de l'hôtel à 2h45 (proche de l'arrivée) pour arriver vers 4h10 sur la zone de départ, j'avais anticiper que je n'allais pas dormir cette nuit (30min environ au final
), je calcule mon affutage (glandouille quoi) comme si j'avais courru le vendredi en soirée.
J'ai imaginé 3 stratégies de course suivant la forme du jour: tryhard/normal/dilettante pour un objectif entre 15h (ambitieux) à 18h en gros, en regardant vite fait les chronos des précédentes éditions.
Le départ est donné en 3 vagues, je suis en vague 1 et les dossards ont l'air vaguement d'être attribué par ordre d'index. J'ai le dossard 1179 (ça commence à 1001 - environ 1350 coureurs au départ). Comme à mon habitude je pars très lentement et me retrouve dernier
pas de pression il y a rapidement 1 puis 2 goulots d'étranglement où je peux recoller tranquillement au peloton. Au bout d'à peine 5km, je me fais doubler par les premiers de la vague suivante, je suis étonné par leur nombre! Le premier ravito est à 22km, c'est le plus éloigné, l'effort est très facile, les jambes ont l'air bonne je suis content. Avant le ravito, on commence à rattraper les derniers de la grande course (175km), ils sont partis 17h plus tôt et ont 70k de plus dans les jambes! Ils sont facile à reconnaitre, ce sont les seuls à ce stade qui marchent en descente. Une pensée me traverse l'esprit: je ne vois aucun monde où ils vont finir l'épreuve, ils viennent à peine de faire la moitié! (j'ai aucune idée des BHs pour eux). Je pointe 600ème au ravito, preuve du départ prudent (ça doit être limite plus que le nombre de coureur par vague
).
A partir de là, les ravitos sont beaucoup plus rapprochés, en moyenne à peine 10k entre chaque, c'est le grand luxe. Je pense au 35ème km, c'est ma 1ère grosse étape mental, ça symbolisera le premier tier de course. J'y arrive en légèrement moins de 5h, soit plus rapide que l'objectif ambitieux mais j'anticipe un ralentissement, notamment car il y a de plus grosses difficultés en fin de parcours. Malheureusement, les jambes sont plus entamés qu'espérer à ce stade de la course.
Le second tier me parait interminable, pourtant il comporte beaucoup de sections très roulantes (en alterance avec des courts passages parfois très technique). La fatigue mental et physique est très présente, je ressens une forte lassitude. Que fais-je là? Pourquoi je m'entête à faire du long? Tu as vraiment cru tryhard une telle course alors que rien que finir en dilettante me parait une épreuve insurmontable? Bref le blabla mental habituel. Je compte chaque km et ça défile vraiment très lentement. Malgré tout, j'arrive à finir ce second tier en 5h environ, toujours dans les clous. Je m'amuse à un petit calcul, on double beaucoup de coureurs du grand parcours. Ai-je une chance de croiser Mikimike? Si je finis en 15h dans le meilleur des cas, il faudrait qu'il fasse au moins 32h pour qu'on se croise. Ca me parait donc improbable, vu qu'il visait sub 30h (dont acte, bravo
). Je contemple d'ailleurs ces coureurs du grand parcours: je vois aucun monde où je m'inscrit sur un 100M un jour, ça me paraît tellement du délire. Une rare forme de lucidité de ma part
.
Bon, je garde dans un coin de la tête cet objectif de 15h. Mais rapidement, les vrais difficultés arrivent. Passage en pleine tempête au Mont d'Or (sans profiter du panorama en plus), c'est technique, ça souffle fort, ça glisse, la boue dégouline de partout, la redescente est infâme. J'écarte tout ambition de chrono, je fais du surplace. Les élites ont eu de la chance, ils ont pu passer ce sommet avant que la météo se dégrade, la chance! Du 70 au 77ème c'est juste infâme. Puis on finit par retrouver une route goudronnée qui longe une piste de ski et là incroyable c'est le regain, j'arrive à allonger la foulée, je me met à doubler tout un tas de coureur de ma course et pendant 5km jusqu'à la base vie, c'est le pied. Le regain est avant tout mental (l'allure est pas ouf en vrai
), fini les douleurs, fini les mauvaises pensées, j'arrive à la base vie regonflé à bloc, en mode tryhard pour finir.
Dans mon sac de délestage, j'avais prévu une sous couche chaude en plus des flasques déjà prêtes. Mais je décide de ne pas la prendre, après tout, j'ai pas trop souffert du froid au Mont d'or et puis à Jougne en vallée, il fait bon (grossière erreur
). Je repars de la base vie, il faut faire une boucle de 22km environ jusqu'au Suchet (point haut du parcours) avant de revenir à la base vie puis le finish à Métabief (seulement 3 petits km entre la base vie et Métabief). Tout se déroule bien mis à part un roulé boulé esthétique dans l'herbe / boue, mais plus on s'approche du sommet, plus ça souffle fort. Une fois exposé dans les prairies, la tempête me parait avoir redoublé d'intensité, avec parfois le vent pleine face avec la pluie qui cingle le visage. J'ai les doigts gelés. J'arrive bien refroidi au ravito au sommet, je compte grapiller 2/3 cacahuètes et ne pas m'éterniser. Je découvre une scène de guerre dans le ravito, presque tous les coureurs s'équipent de couverture de survie. Une nana de l'orga prend la parole et annonce qu'un petit bout du parcours (les Aiguilles) est tronquée en raison de la météo, rebalisage en cours (mais les premiers du peloton ont sans doute du y monter je pense - a priori 100d+ d'économisé). A ce stade, je prend les kilos offerts sans remord. Bon entre temps, je me suis bien refroidi à l'arrêt, en fait je tremble comme une feuille. Un garçon m'indique qu'une salle chauffée a été mis en place. J'y vais et je découvre une salle comble de coureurs en couverture de survie. La salle est surchauffée ça fait du bien, mais dur d'en ressortir du coup! Je finis par m'équiper de ma couverture de survie entre mes 2 couches, je décide de pas faire le con et passer 10min en tout au ravito à bien me réchauffer avant de repartir et tant pis pour le chrono.
Et je repars à l'assaut de la tempête, une bénévole me demande si je suis sur, oui j'ai hâte d'en finir maintenant, je pars à bloc pour rester chaud. Ca sera majoritairement de la descente avec quelques coups de cul par ci par là. En redescendant, la météo finit par se calmer, le soleil pointe même le bout de son nez et la pluie cesse un temps. Un long single technique interminable termine cette redescente vers la base vie, tout le monde en a ras le cul du technique ça se voit. La base vie passée, je suis étonné par le grand nombre de coureurs (avec des numéros de dossard "élevé" ) alors que c'était très clairsemé depuis quelques heures. Je finirais par comprendre que la boucle au Suchet a été tronqué entièrement semble-t-il (pas encore vu un message officiel de l'orga mais j'ai pas trop cherché).
A l'avant dernier passage, je pointait 150ème et je finis par passer l'arrivée en 15h17 à la place 553ème sur le livetrail
. Au final, reclassé 201ème avec une pénalité de 1h30 pour le passage tronqué des Aiguilles. Bref le classement est un beau bordel mais on peut pas en vouloir à l'orga. Mais l'essentiel n'est pas là, j'ai enfin refait une belle course, j'ai fini mentalement bien la course (pas l'agonie de l'UDTP), gestion de l'alimentation au top sans le moindre problème gastrique ni sensation de faim, des grosses courbatures et quelques irritations bien sur mais pas de bobos!
La course est très bien organisé sinon, ravitos copieux en permanence, bénévoles au top malgré les conditions difficiles, bonne réaction face à la tempête (je pense que même l'orga s'est fait surprendre par l'intensité sur les sommets), une belle aire d'arrivée pour se restaurer et récupérer, je recommande la course.
https://www.strava.com/activities/16034174583/overview