Il est temps d'aborder maintenant LE ratal de ma vie, celui qui restera gravé dans ma mémoire.
Et là, je vous demande pardon pour la longueur du pavé... c'est un ratal pas marrant à raconter alors j'ai un peu de mal à synthétiser et résumer la chose...
Le Contexte
Nous sommes en 1995, je débarque en DEUG et malgré le fait que la fac soit située dans la ville de mon lycée, je n'y connais personne (sauf 2-3 têtes + la Véronique de mes ratals non voulus mais qui abandonnera la fac dès la première semaine).
Les cours en amphi sont blindés de monde, autour de 600 étudiants répartis en 3 groupes principaux, le choc est rude par rapport aux classes du lycée et je suis plus concentré sur toutes ces nouveautés que de chercher à me faire des potes dès les premiers jours.
Les premiers TD débutent par petits groupes d'une vingtaine d'étudiants, j'y rencontre d'autres mecs qui ne connaissent pas grand monde non plus, on sympathise mais on forme un ensemble très hétérogène : 1 est là en attendant d'entrer à l'armée, 1 autre voulait aller en chimie et le dernier était clairement en chasse... accessoirement, il voulait aller en physique mais les cours étaient superflus pour lui. Quant à moi, je ne voyais que les maths (plus l'info en hobby).
Foudroyé
Arrive donc ce fameux jour d'octobre 96: nous sommes en tout début d'après midi, nous sommes arrivés bien en avance avant le début des cours et comme les salles sont ouvertes, nous nous installons à nos tables. Perso, je m'assoie et j'ouvre mes cours pour revoir le contenu du cours magistral pendant que mes 3 camarades sont postés aux fenêtres en train de mater toutes les filles qui arrivent dans la cour.
Alors que je suis en train d'essayer de comprendre le cours, j'entends mes 3 comparses émettre des sons d'approbation quant à une créature brune qui venait de débarquer... m'invitant à venir voir pour donner mon avis sur la question. Leur avis est unanime: ils tiennent là leur top1 de la promo !
Je m'approche donc de la fenêtre et là, mon cerveau a bugué, j'ai perdu l'usage de mes sens : je me suis figé, je n'entendais plus rien, mon champ de vision s'est restreint à la créature que je voyais au milieu de la cour... Même ma perception du temps s'est trouvée altérée tellement la belle semblait marcher au ralenti ! elle était là, souriante, pas très grande, assez fine avec ce petit truc en plus, ce "je ne sais quoi" qui fait toute la différence...
Je ne sais combien de temps je suis resté figé comme cela mais j'ai senti comme un appel lointain pour me sortir de ma torpeur, c'étaient mes 3 potes qui répétaient mon prénom, tentant tant bien que mal de briser mon état de contemplation. Je me rappelle juste avoir tourné la tête vers eux et les seuls mots que j'ai réussi à émettre furent "la blonde..." (ce qui ne manqua pas de les faire rire et de donner naissance à un running gag qui allait durer toute l'année).
Ils voulaient connaître mon avis sur la fameuse brune : je dus me faire violence pour détourner mon regard de cette blonde et, en regardant à nouveau, il y avait bien une brune qui marchait à côté de mon incarnation de la beauté, elle était du genre BCBG, un carré chanel autour du cou mais définitivement pas mon genre.
Les conclusions étaient claires : mes 3 comparses bien que trouvant la blonde vraiment pas mal, avaient jeté leur dévolu sur la brune BCBG.
Un éclaireur abattu en plein vol
D'un coup, la révision du cours devenait secondaire, il fallait analyser la situation ! Elle est clairement hors catégorie pour moi, il faudrait un énorme coup de bol/concours de circonstances pour avoir une chance... mais j'avais un espoir: Florent, le mec en chasse ! Il était clairement obnubilé par la brune et était prêt à n'importe quoi dès qu'il aurait l'occasion. Dans ma tête, je voyais la stratégie se dessiner : qu'il s'occupe de la brune, ça me donnerait ainsi l'occasion de faire connaissance avec la blonde, la suite ne dépendrait que de moi.
Pas un plan parfait, mais un plan quand même puisque je sais que le Florent, il sauterait sur l'occase pour parler à la brune ! Cette occase tarda un peu à venir (une semaine... pour le Florent c'est une éternité ! ) : il avait repéré le groupe dans lequel nos 2 targets étaient pour s'y incruster le temps d'un TD de physique. Tout était calculé : il arriverait en retard histoire d'être sûr d'être vu par sa victime et après le cours, il irait prétexter ce retard pour lui demander ses cours et engager la conversation. L'exécution fut presque parfaite : il arriva bien en retard, elles étaient là, et, à la sortie des cours, il nous croisa (en nous adressant un clin d'oeil) et se dirigea vers sa cible. Il resta quelques minutes à parler avec la demoiselle mais rapidement, il revint vers nous l'air énervé... Je me rappelle plus de ses termes mais il me semble que l'adjectif qu'il attribua à sa cible rimait avec "asse"... Je n'ai jamais su quels furent les mots exacts de la brune mais ils étaient axés autour de la différence de classe sociale entre les 2 protagonistes et eurent pour effet la radiation pure et simple de la cible dans le carnet de chasse du Florent.
Mon plan tombait à l'eau, Florent m'encourageait à ne pas m'approcher tellement il était vénère, ce que je fis puisque je n'avais pas de plan solide. De cette épisode ne restait donc que le running gag où Florent me disait tout fort "la blooooonde" quand on l'apercevait de loin (il était pas salaud au point de le faire alors qu'elle était à proximité).
Cette année fut peu reluisante de tout point de vue : bredouille sur les aventures amoureuses, j'avais aussi raté mon année, ne réussissant pas le virage lycée privé/fac, découvrant les joies de la liberté étudiante... et ses pièges ! (ah les soirées du jeudi... puis du mardi... et les cours qu'on saute les lendemain matins...) : j'étais au repêchage et franchement, même si je sentais avoir une petite base de compréhension des cours, je fis en sorte de foirer mes exams en septembre afin de ne pas choper de modules avec un 10 à la con (ne pas faire plus de la moitié des exos demandés).
Nouveau départ !
En 96, je repris donc un nouveau départ dans le même DEUG et à nouveau seul (Florent étant le seul à avoir réussi son premier semestre, il a bifurqué vers sa physique et je ne le verrai plus qu'épisodiquement). La rentrée me fait nettement moins peur, je connais les lieux, je sais à quoi m'attendre sur les profs, les matières, je suis donc plus ouvert, plus enclin à faire des rencontres. A l'approche des amphis, j'aperçois un petit groupe dont je reconnais à peu près les têtes : c'étaient les redoublants, ceux qui, comme moi, avaient foiré leur année ! Le point commun étant tout trouvé, je m'invite dans le groupe sans problème, les présentations sont rapides, on sent qu'ils y a plusieurs sous groupes à l'intérieur qui se connaissaient déjà avant mais l'ambiance est clairement sympa.
De mémoire, nous étions une petite dizaine, 4 mecs et le reste en filles, je me dis que l'année commence bien mieux que la précédente...
et là, derrière moi, j'entends une petite voix me faire "salut". Je tourne la tête et... je la vois, elle, la beauté parfaite, la blonde ! elle se tient à côté de moi, demandant si elle peut se joindre au groupe. Etant assez timide, je ne pensais pas pouvoir lui parler facilement, au minimum en bégayant mais là, non ! Ce fut avec un grand sourire que je lui souhaitais la bienvenue ! Elle fit le tour du groupe pour dire bonjour et se présenter mais revint s'installer à côté de moi où je me surpris encore une fois à engager extrêmement facilement la conversation. Elle s'appelait Carine, devait faire 1m65 au mieux mais était vraiment à tomber... Petit carré court, ce petit mouvement de la main pour mettre ses cheveux derrière son oreille, le sourire, le regard timide et malicieux à la fois...
Intérieurement, j'étais sidéré de pouvoir lui parler si aisément, ça ne me ressemblait pas mais j'allais être rapidement de retour à la réalité : alors que nous discutions toujours tous les 2 quand l'amphi s'est ouvert, permettant de lancer ainsi la nouvelle année universitaire, je la laissa passer pour s'installer sur les bancs de la fac quand LE connard du groupe s'engouffra dans la brèche entre elle et moi pour s'asseoir à côté d'elle. J'étais redescendu de mon nuage: non ça ne serait pas partie facile ! Ma déconvenue fut de courte durée: voyant le malotru entre nous 2, la belle Carine le laissa passer pour s'asseoir près de moi ! fuck au connard !
Un autre mec du groupe (Richard, qui deviendra ensuite un de mes meilleurs potes) s'était montré plus malin: il s'était positionné sur le rang au-dessus de nous, étant seul il avait donc "l'excuse" de vouloir parler avec les personnes devant lui. J'avais clairement 2 concurrents et je me préparais déjà à devoir batailler ferme mais une nouvelle vint clore le débat : Richard fit le gros bourrin et, parmi le flot des questions qu'il posa pour faire connaissance, il demanda directement si elle avait un copain, ce à quoi elle répondit par l'affirmative.
Encore une fois, mon comportement ce jour là me surprit : j'étais soulagé de savoir qu'elle avait quelqu'un !
On revenait dans une réalité que je connaissais, comment une femme comme elle pourrait elle être célibataire et avec qui je pourrais communiquer si facilement ? Second point, cette réponse honnête à la question fit l'effet d'un coup de fusil face à attroupement d'oiseaux : mes concurrents s'envolèrent dès le cours suivant ! Je n'ai plus jamais eu besoin de faire attention à avoir une place près d'elle, c'était acquis !
Le début d'année était donc bien parti : un groupe plus enclin à travailler, une meilleure compréhension de la fac et de son fonctionnement pour moi, ma blonde qui se révélait fort sympathique et avec qui le courant passait plus que bien... j'aurais bien dit "que demander de plus ?" mais j'aurais trouvé la réponse évidente à cette question alors il fallait s'en contenter, si ce n'était pas elle, ce serait une autre.
J'attaquais donc sérieusement cette année: j'avais repéré les bons et les mauvais profs des groupes de TD, je m'aménageais mon emploi du temps perso en squattant différent groupes et la belle Carine m'emboita le pas directement ! On devenait inséparable, c'était juste facile en fait ! Des premières heures de cours jusqu'à la fin de la journée, nous étions l'un à côté de l'autre et, avec le recul, je n'ai jamais vécu une telle facilité avec quelqu'un.
Le premier semestre s'acheva ainsi, j'étais confiant pour les partiels mais je fus un peu déçu par quelques notes me décidant à accélérer franchement au 2ème semestre. Carine, quant à elle, avait foiré ses partiels, trop stressée, manquant de confiance en elle, elle se retrouvait avec du 8 de moyenne.
Nous étions toujours aussi complices pour attaquer le 2ème semestre, malgré ses notes, elle voulait suivre mon rythme.
Prise de conscience
Arriva un jeudi matin... nous avions TP de physique le matin, un truc un peu à part pour nous, matheux. Comme d'habitude, j'arrive bien en avance, j'attends avec les premiers arrivés l'ouverture des portes et nos camarades moins matinaux.
7h45, un couple d'amis arrive, il reste un quart d'heure avant le début du cours, tout va bien, je discute avec eux et je regarde du coin de l'oeil les différents couloir d'où Carine pourrait arriver.
7h50, d'autres amis arrivent, on se dit bonjour mais je regarde plus souvent et plus franchement les couloirs.
7h55, je ne participe plus vraiment aux conversations, tout le monde est arrivé sauf Carine. Je passe mon regard d'un couloir à l'autre en espérant l'y voir.
8h, les portes de la salle s'ouvrent, elle n'est pas encore là, les élèves commencent à rentrer, je reste comme un con dans le couloir sans bouger, j'ai le coeur qui s'est accéléré franchement, je suis en train de m'imaginer tout un tas de scénarii, je comprends pas ce qu'il m'arrive...
Je m'installe tel un zombi à ma table, la chaise voisine est vide et là, j'ai le déclic, je réalise ce qu'il se passe : je suis amoureux d'elle ! Pas juste une attirance physique, pas une passade, c'est juste qu'elle me manque, je suis accro comme jamais je l'ai été. J'ai rien vu venir, je pensais que c'était clair, j'étais juste hyper naturel avec elle et j'avais cette chance que ça passe super bien.
Alors que j'avais l'esprit embrouillé de tout un tas de questions, son arrivée en retard fut un grand soulagement mais aussi la confirmation que j'étais bel et bien accro : à peine l'avais-je vu que j'en ai oublié toutes les questions qui me taraudaient, la discussion était on ne peut plus fluide, facile comme toujours.
Le soir venu, il était temps de dresser un bilan, d'essayer de faire une analyse de la situation : elle avait toujours son copain, c'était donc mort pour moi même si celui-ci habitait dans une autre région (je suis pas le genre de gars à faire aux autres ce que je ne voudrais pas qu'on me fasse). Elle était toujours aussi belle, toujours aussi "hors catégorie" mais finalement, pas tant que ça si il n'y avait pas eu son copain. Connaissant la friendzone et son issue fatale, je pouvais dire que je n'y étais pas : elle ne me parlait jamais de son copain, de leurs sorties, etc... Je n'étais en aucun cas son confident et ça me donnait espoir, fallait surtout pas que ça change de ce côté là. Autre point positif, j'avais le cerveau qui partait en ébullition uniquement lorsqu'elle n'était pas là, dès l'instant où je la voyais, c'était comme si j'avais mon shot pour la journée.
Je ne voyais qu'une solution: prendre mon mal en patience, ne pas déborder sur la friendzone et ne pas craquer à se déclarer trop tôt. Les journées passaient et se ressemblaient, le matin, je n'avais qu'une hâte: la voir ! toute la journée se passait très bien, toujours la même complicité, et le soir, je décryptais ma journée en attendant de la revoir le lendemain.
Seul bémol: alors que je proposais tous les jours de terminer par une session à la BU, elle déclinait puisqu'elle avait de la route à faire pour rentrer chez ses parents.
Il y avait quelques signes qui me faisait penser que ce n'était pas très clair de son côté (ou qu'au contraire, elle était aussi en questionnement) : au beau milieu d'une conversation, plusieurs fois, ça lui est arrivé de poser sa main sur moi (avant bras ou cuisse, selon notre position) et elle la retirait prestement, comme si elle avait pris une décharge électrique. Les rares fois où elle parlait de son copain c'est quand une de ses amies venait manger avec nous, "son copain savait que ce n'était pas lui, le "bon" ", "que personne ne voudrait se marier avec elle", etc... des petites phrases glissées à sa copine qui entretenaient mon espoir.
Arrivent les exams du 2nd semestre... Alors que j'ai super bien bossé à la BU, elle est toujours aussi peu sûre d'elle, elle stresse à mort et se présente aux partiels comme si elle allait à l'abattoir... j'essaie de la rassurer, de lui remonter le moral mais je sens que c'est mort pour elle, elle va se planter. Je suis sûr de moi après les exams, j'ai cartonné mais elle, non... Le jour de l'affichage des résultats, tout notre petit groupe est là, je ne regarde même pas mon nom, je cherche le sien et... c'est les repêchages encore une fois. Tous les autres me félicitent, je fais top3 sur l'année (et sur le 2ème semestre, je bats le major de promo dans toutes les matières) mais je ne suis pas heureux. On reste discuter tous ensemble mais Carine n'est pas là, elle viendra plus tard dans la journée pour confirmer ses notes. Je la vois à ce moment là, j'essaie de la réconforter, elle pleure dans mes bras et je lui propose de l'aider dès qu'elle le souhaite lui montrant que j'avais réussi à comprendre comment tout ça marchait, que je pourrais l'aider à passer ce cap. Elle me remercie, m'embrasse sur la joue et retourne chez elle avec sa mère qui attendait dans la voiture.
Les vacances d'été avancent, je n'ai aucune nouvelle... je me dis qu'elle profite du début d'été pour reprendre des forces et voir son copain (que je jalouse et maudis dans mon coin ! ). Je lui avais dit de faire un break, profiter du soleil pour recharger les batteries, de ré-attaquer les révisions et de m'appeler dès qu'elle en aura envie...
Début août, elle finit par m'appeler pour qu'on se fasse un après midi révision. Je tique un peu intérieurement: un après-midi ? y'a toutes les matières à bosser, faut se mettre en mode commando... Nos domiciles étant espacés de plus de 2h de route, on se donne rendez-vous à la fac : à peine arrivé, je reprends mon shot, je suis aux anges, elle est toujours aussi belle ! Il fait beau, elle est plus légèrement habillée mais on est là officiellement pour bosser. Dès le début, j'essaie de voir de combien de temps nous disposons (et aussi, pour savoir si il y avait moyen de passer au moins le début de soirée ensemble) mais la réponse est assez sèche, elle doit être rentrée pour 19h... Tant pis pour la soirée, faut la remettre en selle: j'essaie de voir dans quel état d'esprit elle est, ce qu'elle a déjà commencé à bosser et là, je comprends que c'est mort: elle a travaillé les cours mais pas les TD, elle n'a pas non plus bossé les annales de physique que je lui ai passé. On aborde quand même quelques points mais à moins d'un miracle...
Je sais que ce jour là, je me suis dit que c'était mort : elle avait posé directement des barrières pour ne pas aller plus loin que les révisions, ce n'était pas anodin.
Le jour des exams, je l'appelle pour l'encourager mais elle m'informe qu'elle s'est inscrite dans un BTS Force de vente parce qu'elle sait qu'elle ne passera pas la 1ère année et effectivement, les résultats confirmeront son choix (échec sur toute la ligne, dès la fin des premières épreuves, elle savait que c'était mort).
Coup de théatre!
Vient alors la rentrée, je suis moins enjoué à l'idée de ne pas la voir tous les jours, je sais déjà que je vais recroiser quelques unes de ses copines donc je pourrais demander des nouvelles de temps en temps et lui téléphoner aussi. Notre groupe est quasi au complet, manquent à l'appel LE connard du groupe et un autre gars, nous ne sommes plus que 2 mecs pour 7 nanas mais il manque donc la plus importante à mes yeux... On discute de tout et rien, on se raconte nos vacances, etc... et là, j'entends 2 des filles du groupe qui discutent:
_t'as appris pour Carine ?
_Ouais, c'est pas cool, lui faire ça...
(mais de quoi qu'elles causent les 2 là ??), je demande alors ce qu'il en est et là, la Solange qui me répond tranquillement:
_ben elle s'est faite larguée juste avant les partiels de juin, 2 jours avant d'attaquer les exams, elle me l'avait dit le jour des partiels, elle en avait gros sur la patate !
Là, le sol s'effondre... alors que j'attendais que le feu passe au vert, je ne l'ai pas vu !
Nous sommes en 97, les portables ça commence à exister mais ça reste de la SF, je prends donc mon petit agenda avec moi, m'excuse auprès du groupe, arguant d'un coup de fil important à donner et je me dirige vers le rez-de-chaussée de la fac, direction la cabine téléphonique, un truc avec un look "futur vu depuis les années 70". Elle est squattée par un mec qui découvre la fac, il a sans doute sa mère au bout du fil, il acquiesse à tout ce qu'elle dit et confirme qu'il a bien pris tous ses papiers et ses médocs... je bous intérieurement mais je montre que je suis aussi en attente du téléphone. Il raccroche enfin et ni une ni deux, j'appelle les parents de Carine car oui, à cette heure là et en ce jour, elle doit déjà être en cours mais fallait que j'appelle. Je lui fais passer le message et elle me rappelle en soirée comme convenu: je lui propose un resto en fin de semaine, ce qu'elle accepte avec plaisir.
A ce moment là, je me dis que j'ai peut être pas tout perdu, y'a peut être moyen de rattraper le cours des choses.
Soirée cauchemardesque
Arrive le vendredi, j'ai réservé une table dans un resto à viande car je sais qu'elle aime ça, on s'est donné rendez vous à la fac, plus facile pour se garer et pour aller au resto avec une seule voiture. Je la vois arriver dans le couloir mais dès cet instant, j'ai su que c'était mort : au lieu de son habituelle grâce, je sens qu'elle a les épaules tombantes, la démarche est moins assurée. En voyant clairement son visage, je comprends que quelque chose ne va pas: elle me dit alors qu'elle sort de chez le dentiste et qu'elle ne sent plus son côté droit. ça peut se comprendre mais je sens qu'il y a autre chose...
Pour le resto, c'est donc mort, impossible de mâcher, on fait le tour des possibilités et il reste le RU où elle pourra choisir ce qu'elle peut manger. A ce moment-là, j'ai le "seum", tout se casse la gueule, tous les signaux sont au rouge, elle est absente des conversations, je croise quelques personnes, je fais les présentations mais elle ne réagit quasiment pas. Le pire c'est que je sais qu'il faut que je me lance, je sais à l'avance que ça va se terminer par un crash mais il faut le faire. On finit tout de même le repas et on va dans un bar sympa dans le coin, l'ambiance est plus feutrée, un endroit un peu plus adéquat pour ouvrir son coeur...
Je prends mon courage à 2 mains et je lui avoue mes sentiments, j'ai l'impression de lui faire une demande en mariage tellement je suis stressé (seule journée de ma vie où j'ai été stressé avec elle... je comptais un peu sur notre alchimie pour couper à ce passage là, raté ! ). Et là, je vois à son visage qu'elle s'y attendait et redoutait ce moment. Elle me regarde droit dans les yeux et me dit qu'elle vient de rencontrer quelqu'un et qu'elle veut se donner une chance.
Elle est désolée et, alors que je suis déjà en train de contempler mon coeur qui vient de se briser en mille morceaux, elle ajoute une petite "touche personnelle" au ratal que je viens de prendre: elle m'avoue qu'elle m'a attendue tout l'été, qu'elle avait dit à Solange au début des partiels qu'elle venait de se faire larguer, dans le but qu'elle me le répète. Elle pensait que tout le monde dans le groupe se doutait qu'il y avait quelque chose entre nous, que ça paraissait évident, elle craignait même que ça me déconcentre des exams
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En fait, non ! Nous étions tellement ensemble tous les 2 que j'étais le seul à maintenir un lien avec le reste du groupe, Carine ne faisait que me suivre et n'a pas créé de lien particulier avec les autres filles, alors quand elles ont eu l'info, ça a été un petit "cancan" à raconter entre filles sans penser que je puisse être intéressé ou pas au courant.
J'ai donc passé tout l'été à attendre quelque chose qui était déjà survenu, à maudire un mec que je connaissais pas alors qu'il avait laissé sa place.
Je ne sais pas comment ça se passe pour vous lors des premiers rapprochements mais j'ai toujours eu des moments spécifiques où je pouvais sentir "voilà, c'est LE moment ! Faut se lancer là !" Ce moment avec elle, je l'ai en tête: juste après la dernière épreuve, après que le groupe se soit balancé des confettis pour fêter la fin des exams, je me suis retrouvé en tête en tête avec elle. Elle en avait plein les cheveux et je me suis retrouvé face à elle, à passer ma main dans ses cheveux pour enlever les confettis, nos regards se sont croisés, c'était LE moment et ... rien ! parce que je freinais des 4 fers intérieurement, elle avait un copain, etc... je me suis forcé à ne pas l'embrasser ! Je repense souvent à ce moment, au fait que je me retenais alors qu'il ne fallait pas ! ça pique encore des années plus tard...
Epilogue:
Je ne sais comment l'expliquer mais suite à ça, je n'étais pas triste, j'étais comme sous le choc, comme si on m'avait enlevé une part de moi-même, je n'arrivais plus à rien ressentir et je me suis plongé dans les études et le sport à outrance pour réussir à garder la tête hors de l'eau.
J'aurais pu en vouloir à Solange mais bizarrement non... En fait, quelques années plus tard, au moment où je prenais un chemin différent du reste du groupe qui allait droit vers l'IUFM, j'ai appris que cette Solange avait des vues sur moi, que je l'avais même rembarrée (et là, je n'ai aucune idée de quoi elle parlait). Je ne sais pas si elle a sciemment conservé l'info comme quoi Carine avait été larguée ou si elle n'y a juste pas pensé. Toujours est-il que quasiment 30 ans plus tard, les souvenirs restent...
Voilà, c'était ma contribution à ce magnifique topic ! Merci (et félicitations à ceux qui ont tout lu !
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