Une des causes du mécontentement actuel, qui pousse notamment les gens à la rue, est la faiblesse du pouvoir d'achat, en regard des bénéfices records des entreprises du CAC40.
Mais selon vous, le pouvoir d'achat est-il en baisse ou en hausse en France ces dernières années ?
Selon moi les interprétations de l'INSEE sont biaisées. Par exemple quelle est l'évolution du pouvoir d'achat non pas moyen, mais des tranches les plus pauvres de la population ? Les critères de dépenses sont-ils calculés sur le modèle de la classe moyenne, chez qui l'alimentation ne représente que 15% des dépenses? La hausse des différentes factures est-elle prise en compte dans tous ces calculs ? Etc...
Il y a de toutes façons la volonté claire de toujours plus favoriser le revenu du capital aux dépens du revenu du travail et de l'investissement (cf interview de Patrick Artus il y a qq jours dans le même journal).
D'autre part cette politique poudre aux yeux du gouvernement qui consiste à répondre à ce mécontentement par des coups médiatiques du type rabais, comme la baisse supposée des prix en supermarchés, les ordinateurs ou le permis de conduire à "1 euro", la maison à 15 000 euros...
Tout est fait pour ne pas répondre à l'attente d'une hausse réelle des salaires minimum, qui permettrait pourtant une relance de la consommation, et donc une reprise saine de la croissance.
extrait de l'article de libé aujourd'hui : Le pouvoir d'achat a-t-il baissé ?
http://www.liberation.fr/page.php?Article=281384
La polémique sur le pouvoir d'achat ouverte en février 2004 par Edouard Leclerc n'est pas refermée. Désormais, deux indicateurs se font concurrence. Selon la thèse officielle, défendue par l'Insee, le pouvoir d'achat des ménages a subi un sacré coup de mou mais n'a pas baissé. En 2003, sa croissance s'était limitée à un ridicule 0,3 % contre 3,2 % en 2001. En 2004, il est reparti à la hausse (+ 1,5 %), mais devrait fléchir de nouveau au premier semestre (+ 0,5 %). Mais selon le Bureau d'information et de prévisions économiques des entreprises (Bipe), le pouvoir d'achat a bien baissé en 2003 de 1,1 %, puis stagné en 2004. Pourquoi un tel écart ? «Nous déduisons du revenu les dépenses obligatoires (loyer, assurance, transport), explique Elisabeth Waelbroeck-Rocha, directrice du Bipe. Une fois ces dépenses effectuées, le consommateur se demande s'il lui reste de quoi maintenir son niveau de vie.» Or selon le Bipe, ces dépenses incompressibles ont augmenté de 4,8 % en 2004.
Etonnamment, le taux de croissance des salaires par tête n'a pas trop faibli, selon l'Insee. Après une petite hausse de 2,1 % en 2003, les salaires nominaux ont repris un peu du poil de la bête en 2004 avec une grimpette de 2,4 %. La principale cause de la détérioration du pouvoir d'achat serait à chercher du côté de l'emploi. Si l'économie française crée des emplois, automatiquement le pouvoir d'achat suit. Le problème c'est qu'en 2003, la France a détruit des emplois et qu'elle en a créé très peu en 2004, malgré ses 2,2 % de croissance. Une misère. «On est en train d'assister à un phénomène très inquiétant d'une croissance sans emplois» affirme Nicolas Bouzou, l'économiste en chef de l'institut de conjoncture Xerfi.
Dans la fonction publique, le malentendu est total. Après l'échec des négociations salariales de 2004, le gouvernement a accordé une augmentation de 0,5 % au 1er février 2005, une autre de 0,5 % est prévue au 1er novembre. Après une année 2003 blanche et une hausse de 0,5 % en 2004, les syndicats de fonctionnaires estiment être très loin du compte. Ils évaluent à 5 % la perte de pouvoir d'achat depuis 2000. A ce constat, le ministre de la Fonction publique, Renaud Dutreil, répond que les augmentations générales de salaires ne reflètent pas l'évolution réelle des rémunérations, qui intègrent l'ancienneté, l'avancement et les promotions.
Comment se perçoit la perte de pouvoir d'achat ?
«Les consommateurs ont la conviction que leur pouvoir d'achat s'est réellement détérioré ces dernières années», dit Robert Rochefort, du Credoc. Sous l'effet d'un triple phénomène. Il y a eu l'euro, toujours pas digéré surtout sur «les petites dépenses», selon le Credoc. Puis les effets pervers de la lutte contre la vie chère théorisée par Sarkozy depuis Bercy et relayée par les campagnes de pub d'Edouard Leclerc, au service de son lobbying pour faire abolir la loi Galland. «En dénonçant la vie chère, Sarkozy a crédibilisé l'idée d'une baisse du pouvoir d'achat», assure Robert Rochefort. Enfin, dernier élément, et pas des moindres, l'annonce des profits records réalisés par les grands groupes français du CAC 40 en 2004, qui se sont doublés de distributions de dividendes de plus en plus généreuses pour les actionnaires. Les syndicats ont dénoncé un partage des profits en faveur des actionnaires et au détriment des salariés.
Faut-il une grande conférence sur les salaires ?
Dans ce contexte, la gauche somme le gouvernement d'organiser un Grenelle des salaires, pour contraindre les entreprises à mieux redistribuer leurs profits. Après avoir fait la fine bouche, le gouvernement a repris à son compte l'idée. Mais des économistes, même en faveur d'une hausse du pouvoir d'achat, doutent franchement de l'efficacité d'un «Grand Soir» des salaires. D'abord, y a-t-il vraiment un magot à se partager ? Pas si sûr. «La situation des taux de marge des entreprises n'est pas scandaleusement élevée. Les bénéfices des grands groupes, tirés surtout par l'international, cachent une situation plus contrastée pour les PME», estime Xavier Timbaux de l'OFCE. Dans ce cas, une hausse généralisée des salaires «poserait un problème de compétitivité des entreprises françaises», estime Patrick Artus, chef économiste de la banque Ixis et de la Caisse des dépôts. Convaincu que les profits astronomiques des multinationales françaises ne profitent pas à la croissance, ce dernier plaide pour plus de concurrence dans certains secteurs pour permettre une baisse des prix. Dans ce concert, Jacques Généreux, professeur à Sciences Po et membre du conseil national du Parti socialiste, n'en démord pas : «En jouant sur le Smic, on peut très bien entraîner le reste des salaires vers le haut, sans entraver la capacité d'investissement des entreprises.»
Message édité par moonboots le 10-03-2005 à 15:44:14