Magicpanda Pushing the envelope |
J'ai fait une prépa sciences po ( après avoir fait 3 mois d'école d'ingé )
Je me base sur les études sociologiques de la stratification sociale et de la reproduction sociale depuis 30 ans
http://socio.ens-lsh.fr/agregation [...] urdieu.php
http://louis.chauvel.free.fr/ofcer [...] onnel5.pdf
http://louis.chauvel.free.fr/ecoleLouis.htm
http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/9-79.pdf
Les cinq inégalités scolaires
Citation :
Un processus essentiel du système est resté à lécart du champ des décisions publiques, même sil est au centre des discussions sociologiques comme politiques sur le rôle de lécole : la question des inégalités des chances à la naissance entre les enfants des différentes classes sociales. Malgré la massification, elles se sont maintenues. Pour la génération 1930, le dixième le plus diplômé dépassait le baccalauréat ; 52,2 % des enfants de cadre y parvenaient, et 3,6 % des enfants douvrier. Pour la génération 1960, le dixième supérieur correspond aux études de deuxième cycle universitaire ou plus, soit 36,9 % des enfants de cadre et 3,2 % des ouvriers. Les chances daccès des enfants de cadre ont décru, mais celles des ouvriers aussi : les catégories mieux dotées à la naissance sont plus nombreuses, maintenant, et la concurrence plus âpre, pour tous. Hier, naître dans un berceau de cadre plutôt que douvrier donnait 14 fois plus de chances darriver au sein de cette élite. Maintenant, le rapport " nest plus que " de 11. Au Canada, où lon dispose de mesures relativement proches, le rapport nest que de 1 à 5. Ici, les inégalités ont baissé, significativement dun point de vue statistique, mais de façon insignifiante, socialement. Faudrait-il un siècle encore de cette tendance pour assurer légalité des chances ? Lâge de fin détudes médian sera-t-il de 35 ans ?
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Citation :
Ces inégalités à la naissance remettent en question le rôle de lécole. Si les origines sociales déterminent à ce point les chances de succès scolaire, lécole ne peut être vue comme donnant des armes égales aux enfants de toute origine pour affronter les épreuves scolaires. La famille reste alors la meilleure école de la République... Pourtant, dire cela, et seulement cela, cest omettre lexistence de quatre autres formes sous-jacentes dinégalités scolaires. Les oublier est le meilleur moyen, en fait, de reproduire la reproduction.
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Inégalités dexclusion externe :
Citation :
Le propre de la sélection scolaire est dexclure de certains niveaux de scolarité une partie de la population, doù une inégalité entre inclus et exclus. La massification implique une réduction continue des inégalités dexclusion externe : des niveaux ouverts naguère à une minorité se généralisent. Pourtant, contrairement à lidée de Raymond Aron, cette réduction peut ne rien changer aux inégalités dans leur ensemble, si elles se reconstituent ailleurs : si le baccalauréat prend le rôle du certificat détudes du début du XXe siècle, et si les grandes écoles celui de filtre de lexcellence naguère dévolu au baccalauréat, rien nest vraiment changé. Le prolongement pour tous peut dissimuler la conservation des autres inégalités.
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Inégalités dexclusion interne :
Citation :
Une forme pernicieuse de lexclusion est de produire lillusion que les exclus sont intégrés. En effet, il est possible de donner, sous lapparence dun même niveau scolaire, des titres de valeur sociale inégale, comme le bac + 5 du polytechnicien et du titulaire dun DEA de socio. De même, du bac professionnel au bac général, la différence nest pas anecdotique. La gradation des filières implique des inégalités sous-jacentes souvent radicales. Plus encore, au sein dune même filière, les différences entre établissements marquent des inégalités subtiles, les exclus du système pouvant avoir limpression dêtre à égalité avec les autres. Lélève de terminale S du lycée Jacques Brel de la Courneuve croit quil est au lycée, et son camarade de Louis-le-Grand, aussi, mais ce ne sont pas les mêmes.
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Inégalités de répartition :
Citation :
Si les exclus de lécole voient sallonger leur scolarité, les mieux nantis peuvent aussi bénéficier de prolongations, plus amples encore, au point daccroître lintensité des inégalités de répartition scolaire. Elles peuvent se lire à lécart entre les premiers et les derniers sortis du système.
Entre la base et le sommet de la pyramide scolaire, la distance nest pas donnée pour toujours. En effet, en 1950, entre le premier dixième des sortants et le dernier, lécart nétait que de 6 ans. Aujourdhui, les uns sortent à 17 ans et les autres à 26 ans : lécart sest creusé encore de 3 ans. La pyramide scolaire sallonge, faute de réflexion sur un minimum scolaire ambitieux, volontariste, et fondé sur linvestissement de moyens en direction des plus démunis, de façon à amoindrir lécart entre les premiers et les derniers. La question est bien celle dun maximin rawlsien appliqué à lécole, ce que dautres appellent un SMIC scolaire, à savoir certifier un niveau minimal volontariste et produire des efforts spécifiques vers les moins dotés de façon à ce que ces connaissances de base soient universellement partagées. On a fait tout le contraire, dans un laissez-faire propice à ceux qui disposaient déjà des meilleures ressources. La création des ZEP apparaît alors comme une action isolée de discrimination positive, mais elle na visiblement pas suffi à réduire lécart se creusant entre la cime et labîme.
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Inégalités de destin après lécole :
Citation :
Lensemble des inégalités scolaires serait sans grande importance si les carrières professionnelles fonctionnaient sous la forme dune seconde chance. Le modèle français fonctionne aux antipodes de celui-là : dès lâge de vingt ans, après le baccalauréat et les concours dentrée dans les grandes écoles, les jeux sont faits, pour toujours. Les positions scolaires obtenues conditionnent le niveau dentrée dans la hiérarchie sociale, et le reste de la carrière en dépend rigidement, faute de formation continue et de modèle de promotion des catégories populaires. Ce fonctionnement touche lensemble des sphères de lexistence : laccès à la culture, à lexpression politique, le beau mariage, etc. tout un ensemble de caractéristiques distinguent une élite marquée scolairement dès lâge de 20 ans, sans grand brassage ultérieur des cartes, bien au contraire. Pour les derniers des derniers daujourdhui, ceux qui cessent leurs études à lâge de 20 ans ou avant, la perspective de destin est la même que pour ceux, nés cinquante ans avant, mais sortis à lâge de 14 ans. Le niveau a monté, mais la ligne de flottaison aussi.
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Citation :
Loubli de ces formes dinégalité fait de lécole daujourdhui, au même titre que celle dhier, linstitution de triage social et de reproduction. Malgré la massification, doù une réduction des inégalités dexclusion externe, les inégalités de répartition se sont accrues. La fonction de triage du lycée de naguère est dissimulée maintenant par une diversification des filières et des établissements du secondaire, entre l" excellence " et le " déchet ", et repoussée dans lenseignement supérieur. Les inégalités de destin après lécole sont maintenues, voire amplifiées du fait de lémergence du chômage de masse surconcentré sur les moins diplômés. Lintensité du processus reproductif, malgré les révolutions sociales et scolaires des cinquante dernières années, nest quà peine diminuée (4).
Derrière la " démographisation " du lycée, dautres inégalités aussi criantes se sont développées, un peu comme si chaque pas avait été contré par la force dinertie des inégalités, au gré du contournement de la carte scolaire, de lusage stratégique des filières, de la prolongation plus que proportionnelle des études des plus favorisés, etc. Du point de vue du projet démocratique de lécole, la " démographisation ", la croissance numérique sans moyens idoines, fut une fuite en avant dissimulant la réflexion sur les principes fondamentaux. Il faut y revenir, maintenant.
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Message édité par Magicpanda le 09-05-2006 à 10:20:11 ---------------
" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
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