http://membres.lycos.fr/bouddhisme/chroniques.htm
super instructif et intéressant à lire:
Que veut dire le Bouddha quand il enseigne, seul face aux autres religions (à cause de cela on l?a appelé anattavadi celui à la doctrine de l?impersonnalité) qu?il n?y a pas de moi, alors que nous avons l?impression de bien pouvoir le sentir ?
D?abord, il est utile de décrire les fausses compréhensions courantes du concept du non-moi Bouddhique: La vacuité ou le non-moi ne veulent pas dire que les choses autour de nous n?existent pas ou que nous n?existons pas. Nous existons et le monde extérieur existe aussi, mais pas de la façon dont nous le pensons. Il existe sous forme d?unités de base qui apparaissent et disparaissent si rapidement qu?elles nous donnent l?illusion d?être permanentes (effet des images qui défilent à grande vitesse pour donner un film)
La compréhension du non-moi ne signifie pas non plus qu?on ne ressente plus aucune émotion, qu?on ne ressente que du vide, qu?on perçoive que le monde est sans signification. Il y a une histoire Zen qui illustre ces propos: Un élève vient à l?entrevue avec le maître et à la question, quelle vérité il a trouvée dans ses méditations, il répond :?tout est vide?. A ce moment, là le maître lui donne un claque et dit : ?Et ça, c?est vide aussi ??
Comment se traduit une réelle compréhension du non-moi dans la méditation? Certains ont l?impression que le corps est une marionnette ou un robot, d?autres ont l?impression en s?observant, de regarder quelqu'un d?autre, en dehors d?eux (pare) ou que le corps et les pensées sont juste des phénomènes apparaissant d?eux-mêmes comme dans la nature, qu?ils ne nous appartiennent pas (anatta). D?autres ressentent que le corps ou les pensées sont vides de toute chose désirable (ritta) ou qu?elles sont inutiles (tuccha) parce qu?elles ne peuvent pas nous satisfaire. Ou bien on ressent le corps ou les pensées comme vides c?est à dire qu?elles ne forment pas un support, qu?elles n?ont pas de substance, parce que les unités qui les composent sont tellement éphémères (suñña)
Mais avant d?arriver à cela, quelles perceptions du moi y a-t-il chez quelqu'un ?
Les êtres encore ignorants des 4 nobles vérités pensent que :
· le corps est identique au moi ou
· le moi possède un corps ou
· le corps est à l'intérieur du moi ou
· le moi est à l'intérieur du corps.
1°) le corps est identique au moi
C'est la conception de la majorité des gens, de ceux qui n'ont pas tenté une démarche spirituelle. Quand ils disent : ? je marche, je m'assois, je dors, je mange, je fais ce que je veux ? ils parlent du corps qui fait des mouvements, mais ils l?identifient à leur moi. Quand le corps marche, ils disent : ? je marche ? . Cela veut dire que pour eux le corps est identique au moi.
2°) le moi possède un corps
C'est la vue de gens qui ont déjà eu une démarche spirituelle et qui pensent que le moi est une sorte d'unité mentale, une sorte de force invisible qui utilise un corps, qui possède un corps, et qui change de corps d'une vie à l'autre. Selon le Bouddha, ceci est encore une fausse vue, car dans ce cas on identifie le mental au moi. On pense : celui qui est conscient, celui qui est témoin, celui qui observe c'est le moi, c'est moi. Selon le Bouddha la conscience est simplement la conscience. Elle n'est pas personnelle, elle ne nous appartient pas.
3°) le corps est à l'intérieur du moi
C'est la vue que le moi est une chose mentale qui se diffuse dans le monde entier, et pénètre toute chose. Le corps est contenu dans ce moi comme le sont les autres choses de notre environnement. Le moi serait une sorte de conscience (universelle). Certains iront jusqu?à dire que cette conscience universelle, qui englobe le petit moi, est identique au Divin et même au nibbaana. Dans (samyutta 22:47) le Bouddha répond que même une sorte de conscience universelle serait encore incluse dans les cinq agrégats et donc elle ne peut pas être le moi. De plus, il a enseigné que le nibbana est également impersonnel et qu?il ne peut pas constituer le « grand moi » ou le divin (sabbe dhammaa anattaa = tout ce qui existe est impersonnel)
4°) le moi est à l'intérieur du corps
C'est la vue que l'âme, le moi sont localisés dans un endroit du corps comme par exemple le cerveau, le c?ur, le centre spirituel, un chakra etc. Les chrétiens disent que Dieu est en nous et les persans disent que nous sommes une étincelle du divin. Le Bouddha lui, enseigne qu?en dehors des constituants du corps et du mental, il n?y a rien de supplémentaire qui correspondrait au moi. Si on reprend l?exemple de la vache, une fois découpée, chez le boucher, son corps est réduit en morceaux. Notre esprit lui aussi peut être analysé en composantes, chacune impersonnelle. Si on décomposait maintenant un être en toutes ces unités matérielles et mentales, il ne resterait plus rien que l?on pourrait appeler le ?moi??. Même la conscience est considérée comme une simple composante. Elle est loin d?être éternelle, car en l?espace d?un éclair, elle apparaît et disparaît des millions de fois.
Résumé
Le Bouddha dit : ?Ceux qui conçoivent le moi comme chose ou idée pensent tous qu?il correspond à un ou plusieurs des agrégats.?
En clair, tous ceux qui conçoivent l?existence d?un moi pensent qu?il est identique soit au corps, soit aux sensations et sentiments, soit à la perception, soit à l?intention, soit à la conscience.
Ou bien, ils pensent que le moi possède le corps, les sensations, la perception, les intentions ou la conscience.
Ou bien ils pensent que le corps, les sensations, la perception, les intentions ou la conscience sont à l?intérieur du moi.
Ou bien encore, ils pensent que le moi est contenu dans le corps, les sensations, la perception, les intentions ou la conscience.
En dehors de cela, il ne peut pas y avoir de conception du moi. Toutes les idées du moi sont incluses ici. Or elles se rapportent toutes aux 5 agrégats (le corps, les sensations et sentiments, la perception, l?intention et la conscience) Par de simples arguments, le Bouddha nous montre dans le discours qui s'appelle anatta lakkhana sutta (samyutta nikaya XXII.59) que le moi ne peut pas être dans aucun de ces cinq agrégats.
?Si la forme (le corps) était le soi, ô moines, elle ne serait pas sujette aux changements et l'on aurait la possibilité de dire : que mon corps devienne ainsi; que mon corps ne devienne pas ainsi.?
C?est à dire que si le corps nous appartenait vraiment, nous devrions être capables de le contrôler, de prolonger les plaisirs à volonté et de chasser les peines ou les maladies, voire la mort.
Or nous ne pouvons pas maîtriser notre corps à ce point. Il est conditionné par notre kamma, nos pensées, le climat et la nourriture et évolue selon ces causes productrices. Car le corps n?est pas apparu une fois pour toutes.
Il est reconstitué à chaque instant, car à chaque instant les unités de matière qui le composent se désintègrent.
Ce sont les 4 causes citées ci-dessus qui le façonnent et non pas notre contrôle ou notre volonté. C?est pour cela qu?on dit que le corps est impersonnel, qu?il n?est pas moi.
De même, les sensations et sentiments, perceptions, pensées et la conscience obéissent à leurs propres lois et non pas à nos ordres : Choisissez-vous d?avoir une pensée ou celle-ci s?impose-t-elle à vous ?
Vous décidez par exemple : je vais m?asseoir pour méditer et vais me concentrer pendant 30 min sur une image visualisée.
Pouvez vous le faire ou l?esprit vous joue-t-il des tours en vagabondant ailleurs dès la première minute ? De même, quand vous avez des pensées nobles qui vous font plaisir, pouvez-vous les faire durer ou disparaissent-elles en un instant ? C?est cela que le Bouddha appelle le non-moi. Si ces pensées étaient vraiment les nôtres, elles devraient se plier à notre volonté. Prenez le cas de la prise de conscience d?une image.
Quatre causes vont la conditionner : présence de lumière, présence d?une personne à la rétine intacte, présence d?un objet visible et attention de la part de la personne. Si ces 4 causes sont présentes, la personne doit voir l?objet. Elle ne peut pas dire : je ne veux pas être consciente de cela. Elle peut modifier les conditions, ce qui rendra la conscience de l?image impossible, car la présence de toutes les 4 causes est obligatoire, en se concentrant sur autre chose (absence d?attention) mais son ??pouvoir?? se limite à cela.
Quelque fois, quand vous êtes stressé ou fatigué, vous souhaitez peut être ne plus rien voir, ne plus rien entendre, mais pouvez-vous le faire ? Nous devons subir ; nous n?avons pas le contrôle sur le monde de nos perceptions. Si la conscience était le soi, ô moines, elle ne serait pas sujette aux changements et on aurait la possibilité de dire à propos de la conscience : Que ma conscience soit ainsi ; que ma conscience ne soit pas ainsi.
Puis le Bouddha argumente : ?Qu?en pensez-vous, ô moines ? Le corps (mais aussi les sensations et sentiments, les perceptions, les pensées et la conscience) est-il permanent ou impermanent?
?? Les moines répondent : ?Impermanent, ô Bienheureux.??
Le Bouddha : ?Si une chose est impermanente, est-elle pénible ou plaisante? ??
Les moines répondent : ?Pénible, ô Bienheureux.??
Le Bouddha : ?Alors, donc, de ce qui est impermanent, qui est pénible, sujet au changement, peut-on, dire : Cela est mien, je suis cela, cela est mon moi ? ??
Les moines répondent : ?Certainement pas, ô Bienheureux.?? Nous avons vu plus haut que le corps et l?esprit apparaissent et disparaissent très rapidement à chaque instant.
Si on comprend cette impermanence, on comprend aussi le caractère pénible et décevant de son corps et de son esprit.
Par exemple : on observe la respiration et les pensées qui apparaissent et qui disparaissent. On comprend que, du fait que tout apparaît puis disparaît, il n?y a rien qui soit fiable, durable, sécurisant.
A n'importe quel moment tout peut disparaître, mourir. Cet état de chose est une souffrance et est effrayant.
Les bonnes choses disparaissent, même si nous ne le voulons pas et les mauvaises choses nous arrivent malgré nous.
Nous naissons sans l'avoir demandé et nous mourrons, même si nous ne le voulons pas. Tout apparaît et disparaît à cause de conditions et non pas parce que nous le voulons.
L?argument du Bouddha est : si aussi bien notre corps que nos pensées, nos émotions, notre conscience etc. sont impermanents, pénibles et décevants et en dehors de notre contrôle, comment pouvons nous vouloir ou considérer qu?ils soient ?moi??, ?mon essence?? ? Au contraire, nous commençons à nous en détacher, parce que nous les trouvons insatisfaisants.
Au début de la pratique, il y avait la recherche du moi que l?on a trouvé nul part ; puis, lassé, on se détourne de tout ce qu?on croyait essentiel et là seulement on parvient à l?Eveil : ?Considérant les choses ainsi, ô moines, le disciple sage réprouve et est lassé du corps, réprouve et est lassé de la sensation, réprouve et est lassé de la perception, réprouve et est lassé de l?intention, réprouve et est lassé de la conscience.
Lorsqu'il les réprouve et en est lassé, il est sans désir. Lorsqu'il est ainsi sans désir, il en est libéré. Lorsqu'il est libéré la connaissance vient: "Voici la libération" et il sait : "Toute naissance nouvelle est anéantie, la Conduite pure est vécue, ce qui devait être fait est achevé, il n'y a plus rien qui demeure à accomplir, il n'y a plus (pour moi) de devenir.?? (Traduction : Mohan Wijayaratana)