Stukka a écrit :
Hélas, je suis un peu occupé, je fais donc vite Alors, hop, une image étonnante : https://docplayer.lt/docs-images/10 [...] es/7-0.jpg Cet homme n'a qu'une jambe, mais cet homme... est le militaire allemand le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale : Hans-Ulrich Rudel. Au point qu'à la fin, Hitler a créé une médaille spéciale juste pour lui tellement on n'avait plus rien à lui filer. Alors pourquoi un unijambiste a eu le droit à autant de médailles ? Ben parce qu'à lui tout seul, à bord de son Stuka, il a détruit plus de 2 000 unités ennemies. Et quand je dis unités : dedans, il y a quand même des navires de guerre lourd Je mets par contre tout de suite un gros holà : Rudel est un nazi et il n'a jamais regretté. Alors avant de le citer en soirée en chevalier du ciel, pensez-y. Par contre, si vous avez en face de vous quelqu'un qui vous dit que holala c'est pas bien, vous n'avez pas le droit d'en parler du tout, rappelez que la préface du bouquin de Rudel, Pilote de Stuka, a été écrite par Douglas Bader, pilote de la RAF qui a quand même risqué sa vie contre les Allemands, et qui recommande la lecture du livre (tout en disant bien que s'il apprécie Rudel en tant que pilote, politiquement, c'est un con). Vous avez donc un argument en or : si la personne face à vous pense avoir une plus grande légitimité sur le sujet qu'un pilote de la RAF ayant fait la bataille d'Angleterre, elle ferait bien de revoir son ego Pour l'anecdote, je rappelle que Douglas Bader était lui un pilote... cul-de-jatte. Ci-dessous, une photo des Allemands venant de capturer une jambe de Bader. https://www.tracesofwar.com/upload/ [...] 50424g.jpg Bref, faisons un bref résumé de la carrière de Rudel : c'est l'histoire... d'un mauvais élève. Car dès l'école des pilotes, c'est l'aventure. Rudel rêve d'être pilote de chasse, mais il a entendu une rumeur comme quoi toute sa promotion allait être affectée aux bombardiers, ces trucs lents et pas rigolos. Aussi, comme à l'école on dit qu'on recherche des pilotes de Stuka, il se dit que quitte à piloter un bombardier, autant en avoir un qui soit léger et maniable. Pour rappel, un Stuka (avec un seul K) c'est un avion d'attaque au sol en piqué. https://cdn.hswstatic.com/gif/junkers-ju-87-stuka-2.jpg Rudel se porte volontaire et part donc à l'école des pilotes de Stuka et... ... toute la promotion qu'il vient de quitter se retrouve affectée à la chasse, la rumeur était fausse Rudel est un peu dégoûté, mais surtout, il s'avère que... Rudel est nul. Ses instructeurs l'engueulent parce qu'il est long à la comprenette, et au final, il reste à l'entraînement. Jusqu'à une espèce de déclic qu'il a du mal à expliquer, et où il s'avère qu'enfin, il comprend comment piloter sa machine. Impatient d'aller au front (il est nazi et un peu belliqueux, je le rappelle ), il est affecté sur une base où... ... le commandant est son ancien instructeur. Celui qui est parti avant que Rudel ne devienne bon et dit donc "Ah putain, Rudel ? Vous, pilote ? C'est tout ce que l'on a à m'envoyer ? " Rudel se retrouve à faire le taxi : comprendre, piloter les avions endommagés des vrais pilotes, pour les emmener en réparations, et revenir avec un appareil qui fonctionne. jusqu'au jour où enfin, il change de commandant. Et que le nouveau patron lui laisse sa chance. Et découvre... que Rudel est une bête. À savoir que lors qu'un piqué - donc foncer vers le sol à plusieurs centaines de kilomètres/heure sans perdre le contrôle - rester en formation est compliqué. Sauf pour Rudel : le mitrailleur arrière de l'avion de son boss dit que Rudel est tellement à lui coller au cul qu'il en profite même pour faire coucou. Le boss comprend vite qu'avec Rudel comme second, ça devrait rouler. Et effectivement. Et puis... l'invasion de la Russie arrive https://i.pinimg.com/736x/fb/6b/0e/ [...] 2f74fa.jpg Ici, des Stukas faisant du tourisme chez Staline. Rudel est très enthousiaste (il est persuadé que c'est nécessaire), mais surtout, il découvre le climat russe : même en été, des tempêtes se forment en l'espace de quelques minutes. Et c'est comme ça qu'un jour, alors qu'il vole en formation, soudain, les mecs se retrouvent au milieu de nuages noirs juste au-dessus de l'objectif. Tellement noirs et denses que Rudel perd la formation. Il ne comprend pas, regarde son altimètre et... Constate qu'il est en train de piquer Les secousses de la tempête ont déséquilibré son avion et la bombe qu'il se trimbale, et ça l'a fait basculer. Rudel ne voit absolument rien, redresse comme il peut en utilisant uniquement ses instruments puisque toute la région est plongée dans une purée de pois obscure, et à un moment il entend "Boum !", et hop, son avion vole enfin droit. Il ne cherche pas à comprendre, et parvient à regagner la base. Où il se pose... au moment où son patron est en train de faire son éloge funèbre : "Rudel, malgré le peu de visibilité, n'a pas hésité à piquer sur la cible et..." Rudel est obligé d'expliquer que pas du tout : en fait, c'était accidentel. Et le "boum" qui l'a entendu et qui a remis son avion droit ? Le mec a percuté... un sapin. Qui lui a troué l'aile - il y a encore des branches dans le trou - et le choc l'a remis droit. Rudel ignore par quel miracle il a réussi à se taper un sapin sans se cracher ni s'en manger un autre, mais c'est pas grave. Et le gars a une moule scandaleuse, limite une espèce de destin Par exemple, à un moment, lui et son escadrille doivent attaquer des navires russes au port. Les Russes ne manquent pas de DCA, et c'est déjà miraculeux d'arriver sur la cible. Rudel le fait, largue sa bombe pile sur un gros navire de guerre, et paf, ça le ravage. Retour à la base pour ravitailler et... Le chef d'escadrille de Rudel en se posant se mange une caisse qui traînait, ce qui endommage son avion. "C'est pas grave, je vais prendre mon avion de rechange !" Le chef part avec l'avion de rechange et... merde, se remange une caisse sur la piste au moment de sortir l'appareil ! "Putain mais c'est pas possible ! Rudel, l'escadrille ne peut pas partir sans chef. Je prends votre avion." Le chef part refaire un tour sur le port russe... et ne reviendra jamais. Rudel est assez certain que s'il y était allé, c'était pour lui Ici, le Marat, croiseur russe ayant reçu un beau cadeau de Rudel ce jour-là. https://upload.wikimedia.org/wikipe [...] at1940.jpg On renvoie finalement Rudel à l'arrière pour donner des conseils à de futurs pilotes et... c'est là qu'il manque de mourir. En effet, des civils lui disent "Eh m'sieur Rudel, on a un planeur mais personne pour piloter l'avion pour le tracter, vous voudriez bien vous en charger ?" Rudel décolle et... découvre que ces connards n'ont pas fait le plein Rudel manque de mourir dans l'affaire. Comme quoi, plus dangereux que l'armée russe, tu as toujours tes contemporains dont la connerie ne déçoit jamais. Retour au front russe (c'est moins dangereux ) et Rudel passe chef d'escadrille. Son seul conseil à ses pilotes: "Suivez-moi et ça passera". Le pire : c'est que c'est exactement ce qu'il se passe Lui et ses copains pètent des divisions entières de chars. Et ont donc des couronnes de fleurs et des gâteaux pour fêter ça, comme ici : https://d-art.ppstatic.pl/kadry/k/r [...] medium.jpg Rudel est tellement bon qu'il enchaîne décoration sur décoration, et obtient des entretiens avec Hitler (qu'il aime très fort, mais on y reviendra). Son escadrille fait des ravages au point que... la tête de Rudel est mise à prix par Staline. Toutes les radios russes diffusent la description de l'avion de Rudel, et grosse récompense à qui l'abattra. Même quand l'aviation russe se pointe, on demande aux pilotes de tirer sur Rudel, quitte à ignorer les autres. Ils n'y arrivent pas, Rudel étant un roi de la manœuvre. Taquin, Rudel fait parfois localiser les radios russes qui hurlent que sa tête est mise à prix pour leur rendre une petite visite Bon, malgré tout, parfois, ça se passe moins bien : il finit à un moment abattu derrière les lignes russes, croise une patrouille, les mecs le poursuivent, tirent, le blessent, lâchent des chiens pour le trouver... Mais il s'en tire encore, lui-même ne comprenant pas toujours comment Autre chose qu'il ne comprend pas - car nazi - c'est qu'il tire parfois sur des véhicules américains, envoyés aux Russes. Et Rudel de s'exclamer "Mais ? Ils sont cons les Américains ? Pourquoi ils soutiennent le communisme ? C'est eux, l'ennemi, nous au contraire, on est leurs alliés !" En attendant, le vent tourne, et l'armée allemande recule. Les moyens commencent à manquer, et parfois, Rudel part attaquer l'ennemi seul pour laisser ses pilotes et le matériel se reposer. Il est impressionné par deux choses : l'Union Soviétique qui envoie des divisions sans fin, et l'armée américaine, lorsqu'elle rejoint la guerre, qui en un seul vol de bombardiers, déploie plus d'avions que tout ce que les Allemands ont pour l'intégralité du front Est. Rudel continue cependant, et forme de nouveaux pilotes en leur montrant, comme ici, où viser pour calquer un KV-2. https://i.pinimg.com/originals/97/f [...] 0ca44a.jpg Car accessoirement, Rudel est choisi par Hitler pour tester un nouveau type de Stuka : le modèle G, équipé non pas de bombes... mais de canons antichars. Subtil Une image ici pour les canons fixés sous les ailes : https://www.super-hobby.fr/zdjecia/6/3/0/3399_rd.jpg Rudel fait des ravages avec. Hitler aimerait qu'il se retire du front, de peur que sa mort n'ait un gros impact psychologique sur les troupes, mais Rudel refuse, et Hitler ne sait pas lui dire non. Par contre, ils ont une paire de conversations intéressantes, puisque la fin de la guerre approche : - Hitler parle à Rudel de recherches sur "un nouveau type de bombe capables de raser une cité à elles seules". Je vous laisse deviner de quoi il parlait et ça fait bizarre. - Un jour, il est à Berlin avec Hitler, et ça parle d'une offensive dans le secteur où Rudel a son escadrille. Hitler explique que dans quelques jours, une division blindée allemande va attaquer avec 60 chars dans le secteur. Rudel est un peu étonné : quelle division blindée ? Donnez-moi le numéro ? Okay, quel général vous a dit ça, patron ? Appelez-le, il faut qu'on parle. En effet, Rudel avait vu le chef de ladite division blindée la veille, et son total de chars disponibles s'élevait au nombre faramineux de... un. Et encore : il avait été transformé en poste radio. Le général qui avait assuré qu'il avait 60 chars s'est donc fait passer un gros savon, et Rudel de se demander si les généraux ne mentaient pas ouvertement à Hitler pour ne pas avouer la panade dans laquelle ils étaient. Le général en question assura que les 60 chars "arrivaient par train", mais évidemment, ce ne fut jamais le cas. En attendant, Hitler avait pour hobby la remise de médaille à l'ami Rudel. C'était ça ou la pâtisserie. https://www.akg-images.fr/Docs/AKG/ [...] 149184.jpg Épisode magique : l'armée allemande se replie toujours plus et Rudel se retrouve affecté en Bulgarie, allié de l'Allemagne, sur un petit aérodrome. Un jour que Rudel décolle, il constate que la DCA bulgare voisine de l'aérodrome s'agite et manque de le toucher. Il cherche un avion ennemi dans les airs et... rien. Bon, il a dû le louper. Il revient se poser et... même numéro ! Et cette fois-ci, pas d'erreur, c'est bien lui que la DCA vise ! Rudel se pose, court chopper un téléphone et appelle le grand patron de la DCA locale. "Mais vous êtes cons ou bien ? Pourquoi vous me tirez dessus ? - C'est-à-dire que vous n'êtes pas au courant ? On s'est rendus hier et on a changé de camp. Maintenant, on est avec les Alliés." Que ? Rudel est grognon. "Bon écoute mec, tu te souviens quand on était alliés ? Et que tu m'as invité à venir boire des coups dans ton bureau parce que tu voulais me rencontrer ? - Oui ? - Ben bouge pas, je décolle et j'arrive droit sur ton bureau avec mon double canon antichar embarqué." L'officier bulgare lui répondra que "Tu sais quoi ? On va dire que toi et moi, on n'a pas eu les ordres comme quoi on était en guerre, hein ?" Le mec qui savait que sa DCA ne le sauverait pas Finalement, le destin tourne, et c'est bien une pièce de DCA dans les derniers mois de la guerre qui touche l'avion de Rudel... et le blesse gravement à la jambe. Il est amputé, mais refuse de s'arrêter : il combat jusqu'au bout. Et quand vient le moment de se rendre... Rudel accepte, mais refuse de rendre les armes : il préfère écraser son avion sur un aéroport allié, avant de sortir de l'épave en disant "Voilà ! Maintenant on peut causer !" https://www.historynet.com/wp-conte [...] 00_480.jpg Il fraternise avec les pilotes du coin qui reconnaissent en lui un petit génie de l'aviation... mais un gros con politique. Rudel partira d'ailleurs par la suite pour l'Argentine, où il aidera d'autres anciens nazis à faire le passage. Pas vraiment un mec que vous voulez à table pour parler politique ou religion. Mais sur d'autres sujets, on l'aime très fort : les Américains vont étudier sa carrière, ses méthodes, la différence entre attaquer avec des bombes et un canon antichar embarqué, et grâce à l'expérience de Rudel et à ses récits, ils vont pouvoir développer leur propre avion d'attaque au sol basé sur un canon antichar embarqué : l'A-10 Thunderbolt. Brrrrt! https://www.avionslegendaires.net/w [...] o_USAF.jpg Comme quoi, Etats-Unis et anciens nazis, c'est aussi une belle histoire Rudel a laissé derrière lui son livre - dont je tire ces anecdotes - Pilote de Stuka, dont je rappelle la magie : c'est l'histoire d'un pilote unijambiste nazi, avec la préface d'un pilote anglais cul-de-jatte. Ça ne s'invente pas
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