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Auteur Sujet :

La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar.

n°44517366
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 16-01-2016 à 15:46:44  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 11.

 

https://zupimages.net/up/18/04/zxuo.jpg

 

Puisque la police incarnait la loi jusqu’à nouvel ordre, Martin ne se voyait pas mépriser le droit sans que les flics ne deviennent pour lui un obstacle majeur à sa propre enquête. Il se rendit donc dans le pavillon de la chasse officielle aux brebis galeuses et autres ennemis de l’humanité. L’inspecteur N’Dyé l’attrapa dès son arrivée pour le conduire dans son bureau, dont il referma soigneusement la porte pour ne pas être dérangé. Sous une lampe qui crachait férocement son jet lumineux, il colla sous le nez de Martin des photos d’une pitoyable obscénité, lesquelles montraient de pauvres faces massacrées par leur séjour prolongé dans l’eau. Il les mit en parallèle avec les clichés que le privé avait pris en surveillant l’Ex-Stasi.

 

– Je l’avoue, fit l’inspecteur en les désignant, ils sont plus trop ressemblants, Bonno Landru et Carlos Glaçon, mais tu peux constater, c’est bien eux. L’autre, c’est un certain Perry Gorret et tiens toi bien, lui aussi est un pote de Gros Bill. En ce moment, on dirait que la côte sert de poubelle à malfrats, du genre décharge très sauvage, tu vois ?

 

– Les gens manquent de respect, ça c’est sûr.

 

– Martin, on a trouvé tes empreintes plein la bagnole.

 

– Tout le monde peut se gourer. Je ne savais pas que tu avais mes mimines dans tes fichiers, entre parenthèses, je vois qu’on ne peut plus faire confiance à personne, de nos jours.

 

– C’est pas très malin, comme esquive. Admettons que l’on soit en face d’un règlement de compte entre bandits, tu en penserais quoi, toi ?

 

– Que ça en fait trois de moins à perturber le sommeil des vieilles dames honnêtes.

 

– Ces gars-là donnaient plus de soucis aux transporteurs de fonds qu’aux vieilles taupes riches, et tu le sais bien. D’ailleurs, à mon humble avis, tu en sais beaucoup plus que moi là-dessus. Mais je te préviens, si je trouve encore un champion de crawl en train de barboter dans mes eaux municipales, je te considérerais comme son principal entraineur. Ceci étant dit, je suis prêt à croire que nos amis s’entretuent, mais j’aimerais quand même en savoir d’avantage sur leur raison.

 

– A mon avis, il ne s’agit pas d’une histoire de braquage, Barracuda, mais tout ça aurait plutôt un lien avec l’évasion du docteur Van Degaffe. Faudrait gauler ce type assez vite pour éviter de polluer la mer à nouveau et indiquer à ce barjot le chemin de la déchetterie, histoire de protéger le littoral.

 

– Le cinglé en blouse blanche ? Je ne vois pas trop le rapport avec la transformation de nos amis en sirènes, mais si tu le dis. Tu fous un peu la merde dans mon éthique, Martin. T’es pas droit dans tes bottes.

 

– Au moins, tu en as tranquillement trois refroidis sous les yeux, tu les préfères peut-être invisibles, à se mouiller impunément dans un grand bain de foule ? Il y a des hommes d’affaires que même le plus ambitieux des gars doit apprendre à ne jamais côtoyer. Si les autres lui en laisse le temps, bien entendu.

 

Il restèrent à se toiser longuement les yeux dans les yeux, comme deux duellistes de western prêts à faire feu. Mais ils étaient cependant de la famille, et Martin s’était largement fait un nom. Quand à l’inspecteur, avec son chapeau de marque et ses bretelles chicos, il ne portait pas aux pieds des sabots de péquenot. Smith voyait bien qu’ils allaient bientôt glisser vers l’entente cordiale, juste parce que N’Dyé n‘avait pas son content d‘infos, soucieux qu’il était sans doute de faciliter son propre avancement, en laissant au passage le privé prendre son kilo de prunes en premier. A côté de lui, Martin Smith faisait plutôt figure d’homme des cavernes. En revanche, il ne fallait pas trop compter sur le flic pour faire abondance de miséricorde. Il tapa brusquement du plat des mains sur son bureau :

 

– Je ne te demande pas de faire le ménage, mais de me rencarder, et pour l’instant je n’apprend pas grand chose. Je veux bien faire quadriller la ville, mais j’aimerai surtout bien savoir pourquoi.

 

– Laisse-moi courir pour le moment, Barracuda, met une fleur dans ton fusil, sans quoi la seule chose que tu feras, malgré tous tes moyens, c’est juste retarder l’heure du bilan. Fermer un peu les yeux, ça ne prouve pas qu’on dort profondément. Pour l’instant, on ne parle pas de fusillades tragiques dans les rues, ni de rivières de sang innocent, mais juste de trois plongeurs en apnée, des médailles d’or bien connues du fichier, qui plus est.

 

Barracuda N’Dyé laissa couler la diatribe, histoire de faire l’éduqué, mais en définitif, bien qu’il cherchât le bon mot, il n’avait pas plus envie que ça de riposter. De fait, coller Martin en taule ne lui servirait pas à grand chose non plus.

 

– Et quand tu seras cerné par la fumée, naturellement, tu seras le premier à crier « au feu les pompiers », c’est pas un peu facile ? Qui te dis que je sortirais le camion, Martin ?

 

– Je sais bien que tu te feras plaisir en allant me cueillir avec la grande échelle. Pour une raison que j’ignore, Gros Bill fricote en ce moment très sérieusement avec le fameux docteur Van Degaffe, ce sont eux les pyromanes auxquels tu dois d’abord t’intéresser.

 

Il se quittèrent là-dessus, sans plus rentrer dans les détails. Il n’était pas un mauvais bougre, N’Dyé, ni la moitié d’un con, même si la genèse du boulot de Martin lui paraissait sans doute un brin désordonnée. De retour au loft, le détective retrouva Vaya en train de souffler gentiment sur les plumes de Guitou. Un instant d’intimité touchante, mêlée de grâce futile, avec un peu de cocasserie aussi, vu que le perroquet était comme un gland couché sur le dos. Si Guy Ness ne se montrait pas trop digne ainsi posé, Vaya offrait en revanche le tableau plein de charme d’une reine de fantasme pleine de magie. Une vraie beauté fatale pour laquelle n’importe quel ange aurait lâché son dieu. Une jolie petite étoile qui brillait sans faiblir sous le ciel sombre de Smith. Elle cessa de faire le ventilateur dans le plumage de son piaf pour regarder Martin s’approcher.

 

– Je voudrais passer chez moi, Martin, j’ai vraiment besoin de fringues.

 

– Ok, mais toi tu restes là, c’est moi qui vais y aller.

 

Quand Martin se pointa dans l’appartement de Vaya, chaque pièce était complètement dévastée.

 

https://zupimages.net/up/18/04/uoqc.jpg


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 10:03:12
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Posté le 16-01-2016 à 15:46:44  profilanswer
 

n°44522086
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 17-01-2016 à 05:32:21  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 02.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpg

 

On sait finalement peu de choses sur les parents de Gaston Boudiou. On peut dire que ces lacunes peuvent nous arranger, puisqu’il ne s’agit pas ici d’écrire leurs biographies, mais bien celle de leur progéniture. De laborieuses recherches révèlent toutefois que son père, René Boudiou, a été gravement blessé par les compatriotes qu’il gardait, alors que les prisonniers, affamés et épuisés, cherchaient à s’évader d’un train pendant la guerre. Il en perd un bras et en garde une certaine amertume. Quelques temps plus tard, un braquage de vélo pour fuir l’arrivée des alliés le conduit à son tour derrière les barreaux pendant la libération, mais Walt Disney qui l’admire se bat bec et ongles pour le faire sortir. A sa délivrance anticipée, René participe aux jeux Olympiques d’Helsinki en tant que vendeur de frites, ses clients le surnomment alors étrangement « Le paquebot humain ». La mort du général de Lattre de Tassigny, le 11 janvier 1952, l’affecte énormément. Puis, en 1953, il se fait gardien de yaks au Tibet en compagnie d’anciens officiers Allemands, mais il oublie d’assister le 29 mai à la première de l’Everest, trop occupé à fondé dans l’Himalaya un centre de réinsertion pour les russes fuyant par les cols montagneux les purges Staliniennes. A son retour en France la même année, il est invité par erreur au mariage de la princesse Joséphine-Charlotte, sœur du roi de Baudoin de Belgique, mais n’en gardera aucune amertume. Il découvre dans la troisième classe du train qui le ramène au pays, avec ravissement, Jules Verne et le choco BN. Premier vacciné officiel du B.C.G par une infirmière bon chic bon genre, René tombe gravement malade et part se reposer à Troulbled, où il va aussitôt se marier avec Caroline Cocominute de Givenchy, déjà enceinte du facteur d’environ 6 mois, laquelle sera en conséquence la mère de notre héros. Gaston Boudiou nait donc trois mois plus tard dans la charrette à bras qui emmène sa mère à la maternité de Troulbled, le 6 Août 1953. Refusant d’abdiquer son nom de jeune fille, Caroline décidera d’appeler son fils Gaston Boudiou-Cocominute de Givenchy. Autour de la deuxième année de l'enfant, le grand père Boudiou qui élève son petit-fils fera remarquer un matin à sa femme que les initiales font B.C.G, ce qui par superstition effraie tant la grand-mère de Gaston qu’elle jure de l’appeler désormais simplement Boudiou. René a toujours regretté que son bébé fut trop jeune pour aller combattre en Indochine, puisque c‘est là-bas à cette époque le début de l‘opération « Castor », destinée à briser une percée du Viêt-minh. En 1954, sa femme renonce à faire une brillante carrière de disc-jockey pour s'occuper exclusivement de Gaston et de sa sœur Angèle, née un mois après lui. Caroline gagne au tiercé de quoi s’acheter le tout nouveau robot ménager Moulinex. Bien au chaud dans leur camping-car, c’est sans conteste le temps du bonheur pour les époux Boudiou et leurs deux enfants. De passage à Troulbled le 12 octobre 1954, le ministre de l’intérieur François Mitterand embrasse par erreur le très jeune Gaston dans les bras de sa mère que le politicien essayait vivement d‘embrasser, et Gaston Boudiou en gardera toujours un souvenir ému, sans aucune amertume.

 

Hiver 1954, la neige est si épaisse que même les chats restent ensevelis sous l’épaisse couche froide et cotonneuse. Tous les lampadaires de la ville paraissent  statufiés dans une épaisse gangue de glace immaculée. La température descend largement sous le zéro, contraignant les tracteurs à rester sous l’abri des hangars. Les époux Boudiou ont désormais déménagé pour installer la petite famille dans une petite maison préfabriquée de la cité des Piafs à peine construite, au n° 22 de la rue Léon Blum, située dans le quartier nord de Troulbled. René travaille dorénavant comme tourneur de fraises dans l’exploitation du père Mathurin, située à 5 km de Troulbled. Chaque jour, il part sur son vélo vert en sifflotant pour aller aux champs gagner durement sa vie et celle de ses proches. En plus d’être le parrain de leur fils, le facteur Emile Pertuis est devenu le meilleur ami des jeunes mariés, et Gaston profite ce jour-là des nombreux Carambars qu’Emile lui donne gentiment pour le faire patienter, pendant qu’il discute dans la chambre avec sa maman. Gaston a hérité des traits généreux du postier, de ses yeux pétillants et sa bouille généreuse, mais il n’a pour l’instant qu’un an. Le reste du bonbon qu’il a ingurgité lui glisse donc des doigts et sa mère alertée par ses cris le retrouve en train d’étouffer dans son berceau envahi par les longs caramels, nouvellement inventés. Bien sûr, toute frayeur passée, Gaston continu de saliver sur les friandises qu‘on lui refuse à présent, mais il vient d’accomplir un cheminement passionnant, plus amusant qu’une salle de jeux. Il est sorti de son petit corps, puis il a été happé dans un long tunnel lumineux tapissé de carambars, au bout duquel dans un halo éblouissant l’appelait sa mère et Emile avec bienveillance. Surtout sa mère. Il aurait bien aimé ne jamais revenir de ce parcours initiatique et chaleureux. Il est indéniable, comme on peut le supposer, que la découverte de cette expérience scintillante aura une influence profonde et durable sur le reste de sa vie.

 

René est encore loin de pouvoir s’acheter une décapotable américaine, hélas pour lui, c’est pour le moment une aventure imaginaire, comme de croire qu’il peut pédaler dans deux mètres de neige. Surtout quand on est manchot. Il l’échappe d’ailleurs très belle en dérapant brusquement sur l’épais verglas qui recouvre la route mal bitumée. Toute la surface de l’étang de Cybrine est entièrement gelée sur de nombreux centimètres. Dix exactement, puisque le cycliste prend le temps de mesurer. Alors qu’il ignore encore le drame en train de se jouer chez lui, il renonce à se rendre au travail et décide de retourner à la maison. Pris de fous rires en voyant autour de lui les rares voitures s’empaler sur les nombreux platanes, et leurs passagers sans ceinture en mauvaise posture, il traverse à la force de ses mollets le monde ordinaire des rues de Troulbled si bien connu de lui. Un clochard gelé aux habits déformés par le givre transforme le parvis de l’église en thriller sentimental, mais le vélocipédiste n’ignore pas que le dallage invisible sous la neige est tout juste rénové par l’action généreuse d’un donateur privé. Un jour, se dit René en faisant la danseuse, il pourra peut-être monter sa propre coopérative pour financer la scolarité de ses enfants et offrir un petit quelque chose au curé afin de réparer le clocher. Pluie et neige alternent à présent sur la route et faire du vélo reste osé, mais le père de Gaston excelle dans cet art appris au Tibet auprès des meilleurs. En peu de temps, il est de retour chez lui. Il embrasse Caroline et serre la main d’Emile, qui le mettent au courant de l’événement dramatique qui vient de se jouer, puisqu’il a bien failli déplorer le deuil précoce de son fils. Caroline va remettre ses bas dans la cuisine d’où elle ramène une bouteille de Guignolet pour servir l’apéro. Tout en remplissant avec la liqueur les biberons de Gaston et d’Angèle, elle demande à son mari s‘il a trouvé une idée pour les cadeaux de Noël destinés aux bébés. C’est là, enfoncé paisiblement dans le canapé moelleux en face de sa femme et de son meilleur ami, que René Boudiou se demande tout à coup s’il n’est pas en train de devenir alcoolique.

 

https://zupimages.net/up/18/04/d488.jpg

 


Revue de presse.

 

Aujourd'hui : le trafiquant d'étiquettes.

 

https://zupimages.net/up/18/04/9p7p.jpg

   

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/04/mede.jpg


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 06:38:12
n°44523622
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 17-01-2016 à 14:34:57  profilanswer
 

je sais, j'ai déjà dit bon dimanche, mais je m'emmerde, alors j'écris.

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle la vie. Extrait numéro 72.

 

https://zupimages.net/up/18/04/6jq3.jpg

 

Babette, Cassandra, et Gwendoline se rendaient bien compte qu’elles ne désiraient pas quitter trop vite leur chambre de la clinique. Si Cassie et Gwen avaient sans doute les mêmes raisons, qui étaient de s’assurer un maximum de proximité auprès du beau Jason, Babette en revanche se faisait de plus en plus entreprenante envers Adam Gründ, et comptait bien l’attirer un soir par un stratagème subtile dans la 288. Passionnée de ballets russes, quand bien même elle n’avait jamais pratiqué la danse classique, elle avait accroché un tutu blanc sur sa porte et posé une paire de ballerines sous son lit, certaine que son colosse blond en éprouverait comme elle une touchante admiration. Puisque ce qu’elle voulait par dessus-tout, c’était qu’il la touche vraiment. L’attirer dans cette chambre neutre se montrait sans doute moins effrayant que de l’emporter comme un trophée de chasse dans le coquet studio qu’elle possédait en ville. Elle ne se posait plus jamais la question de savoir ce qui avait pu lui plaire chez le docteur Halrequin, qu’elle trouvait à présent suffisant, trop bronzé et physiquement quelconque, en dépit de sa belle bagnole. Elle lui préférait à présent nettement la bonhommie barbue d’Adam et vénérait son allure de trappeur viril des salles de soins. Tragique et délicate, du moins le pensait-elle, elle incarnait du mieux possible son petit castor blanc pris cruellement au piège du désir, avec beaucoup de consentement. L’amour de leurs toubibs était bien la lourde croix rouge que chacune des trois femmes portait sur le dos en parcourant sur le linoléum ripoliné la voie douloureuse de leur passion innassouvie. Plongées au cœur d’un étouffant huis-clos et de leurs suspicions réciproques exacerbées, elles prenaient leur repas séparément dans la cafétéria et occupaient donc toujours la 286 pour la rousse Cassandra, la 287 pour la blonde Gwendoline et la 288 pour Babette, la brune surveillante générale. Et ce, quand bien même la menace de Danielo Filipacchi n’existait plus, selon le commissaire Mensinq. Seul sur son lit de convalescent, Jason Halrequin réfléchissait quand à lui en rêvant à un nouveau projet d’immobilisation des membres fracturés, par un enduis de béton armé.

 

Au-dehors, une pluie continuelle trempait les suisses et faisait reluire les trottoirs clairsemés de passants rapides. Bien à l’abri des intempéries sur la scène bruyante et théâtrale des salles d’accouchement, les loupiots naissaient de quelques malheureuses fautives parfumées à l’éther et pitoyablement torturées, qui gémissaient ou tombaient malheureusement amoureuses de la sage-femme, avant d’être soulagées par l’arrivée du petit dernier. En s’agitant comme un prince au milieu des odeurs de chlorophorme, le docteur Marabout attrapait par les pieds le marmot hoquetant pour lui réciter un long poème de bienvenue, tout en regrettant un peu de ne pouvoir téter voracement les volumineux seins de la mère, surtout si elle était jolie. Même les moches pouvaient cependant faire de beaux bébés, et tout le monde applaudissait de les voir sourire en couches en cramponnant leur tétard hurlant. Par prudence, le docteur Marabout plaisantait constamment avec les papas émus pour endormir leur méfiance. Chaque jour, la routine cédait la place à l’innatendu dans la clinique Saint Bernard, les liquides se décoloraient dans les éprouvettes, certaines opérations de malades qui faisaient moins le mariole se terminaient en atroce massacre, père Albin Michel glissait comme une ombre silencieuse d’un WC à l’autre, puisque, penché avec bienveillance sur ses trous dans le mur et l’immense famille humaine, il n’hésitait jamais à passer par-dessus l’autorité des médecins pour s’adresser directement aux fidèles, lui-même entièrement dévoué à son goût des incontinentes et son magistère spirituel. La main qui bénit est souvent celle qui frappe, c’est ce qu’il avait dit par allusion voilée à la petite Véronique pour lui foutre une  trouille salutaire et qu’elle arrête de se faire du mal. La stagiaire continuait en revanche invariablement de s’exiler dans son âpre souffrance, afin d’obéir à ses pulsions au caractère sacrificiel indéniable, en faisant jaillir sans retenue ses plaintes éternelles sur la cuvette solennelle. Fragile spécimen de l’immense faillite humaine, elle se demandait si ce foutu curé omniprésent n’était pas tout de même en train de se douter de quelque chose. Une interrogation dangereuse qui la rendait profondément troublée au fond de son cœur de stagiaire. Dans ses jeunes veines émues courait la chaleur empoisonnée de son sang impur, qu’elle laissait se répandre sur ses cuisses maltraitées en tristes sillons, mais ils avaient bien du mal à chasser les larmes dues aux bataillons de ses amères souvenirs inconscients, aussi brûlants que des charbons de barbecue attisés par le vent de l‘été. Sa manie du cutter et du cocon de cigare la plongeait presque sans sommations dans l’asservissement d’une satisfaction étrange et d’une absurde griserie.

 

Un jour, le père Albin atteint de gravité moqueuse décida de la sauver d’elle-même, en fouillant dans son sac. Il fallait bien qu’elle renonce à ses caresses diaboliques, pour regarder en face ce qu’il y avait de plus beau et de plus agréable en Suisse, mais aussi sur la terre. Puisqu’un chiotte ne sera jamais le lieu le plus raffiné pour se livrer à la plus profitable et luxueuse des introspections. « Que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace, et que celui qui n’en a pas vende son manteau pour acheter un glaive », un glaive peut-être, mais certainement pas un cutter de bureau, c’est pourquoi il subtilisa le sien à Véronique Bayard, en plus de son étui à cigare, ce petit tuyau métallique en acier satiné avec un intérieur en placage de cèdre. Lorsque l’aumônier ouvrit ce mince tube de stockage qu‘utilisait pour atteindre l‘orgasme sa propriétaire, il trouva dedans une vieille moitié de Cohiba à moitié fumé par le grand-père de la petite secrétaire lorsqu‘elle avait quatre ans, puis il colla au fond de sa poche ce fourreau luisant estampillé au passage Habana-Cuba. Père Albin Michel reposa ensuite discrètement le sac à main derrière le bureau, après l’avoir consciencieusement inspecté. Véronique ne prenait pas la pilule. Allons, pensa-t-il, avant que la petite timbrée ne revienne d’avoir cette fois utilisé les toilettes correctement, « La parole est tout près de toi, sur tes lèvres et dans ton coeur ». Quelle chierie, parfois, la petite enfance. Aucune institution scolaire, même la plus vigilante, ne pourra jamais hélas empêcher aucune jeune fille d’entrer un jour dans une vie plus adulte, pour le meilleur, mais aussi à l’évidence pour le pire. Et ses petits larcins bien au chaud dans son pantalon, il grimpa quatre à quatre au deuxième étage, où une certaine urgence l‘appelait.

 

Gwendoline ne sut jamais vraiment ce qui l’avait conduit ce jour-là dans le couloir Charlie Chaplin, direction les urgences en gynécologie et en obstétrique, mais elle trouva Babette occupée à seconder son amoureux au bloc opératoire, afin d’effectuer une mariusienne sur une montagnarde d’âge moyen éleveuse de brebis. L’opération venait de se terminer avec succès et tout le monde avait dégagé, la patiente y compris, sauf précisément Babette et le docteur Gründ. Gwen les trouva en train de se donner du bon temps sur le lit médical souillé, Babette prise en levrette avait largement relevé sa blouse, et Adam le pantalon baissé s’activait dans son dos à pratiquer sur elle un exercice sans équivoque. Sur le coup, la raison manqua à Gwendoline lorsqu’elle prit la mesure de l’événement, sa bouche ouverte avalait du pâté de châtaigne car la réalité qu‘elle apercevait dépassait une certaine fiction, mais le côté burlesque de la situation lui échappa totalement. Ce qui ne l’empêcha guère de sortir son téléphone et de prendre plusieurs photos du couple en furie, en train de se besogner et de se chauffer le sang tout en l’ignorant, mais avec une ardeur réciproque. La vache, passe-moi ta liane, Eliane ! Adam Gründ culbutait sans relâche une Babette Gallimard saccagée de plaisir devant leur spectatrice aussi involontaire qu’ébahie. Puis, le docteur finalement cuisiné à point, il sembla qu’une grenade offensive éclatait avec une puissance dévastatrice dans sa grosse paire de burnes.

 

https://zupimages.net/up/18/04/d78v.jpg

 

Et donc, bon dimanche aux autres.

 

https://zupimages.net/up/18/04/3tai.png


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 06:41:41
n°44590392
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-01-2016 à 16:41:55  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 19.

 

https://zupimages.net/up/18/04/nkju.jpg

 

En dehors des pincements de tétons amicaux pour se souhaiter le bonjour, Jhon Piol garde ensuite prudemment ses distances avec le joli cul découvert d’Emeline, et tout va plus ou moins pour le mieux pendant quelque temps. Jusqu’à ce que la Marie-Jeanne soit percutée par l’impressionnant jet d’une vague de super-neutrons de stella brune. Le violent sursaut de gamma brille comme une centaine de millions de milliards de Soleils, ce qui oblige les passagers en alerte à chausser prudemment des lunettes photonrépulsives. En dépit du ridicule bouclier actif de la fusée, l’onde de choc la propulse à une vitesse terrifiante à travers l’espace, pour finalement projeter l’astronef dans la banlieue de 8495SK-Rolling Stones, en plein dans sa stratosphère. Les algorithmes gloutons mis en œuvre pour stabiliser le vaisseau pompent toute l’énergie disponible, alors que, sanglés en urgence sur leurs sièges, tous se mettent à vibrer à l’unisson. Les fronts de chacun deviennent visqueux d’inquiétude. Arnold Montburg manipule des données complexes, mais en accord avec Emeline, sa solution logiciel l’amène à constater une effarante perte de poussée zionnique. Avec tout de même une rentrée obligée dans les hautes couches de la petite planète non colonisée, au système particulier d’étoile triplette, sur une effarante vitesse d’orbe à plus de 156.000 fulgurances de zions. Marie-Jeanne n’est plus qu’un petit radeau gris en perdition fonçant malgré elle dans l’étonnant ciel d’un beau vert turquoisé de K-RS.  

 

– Merde, jure Jhon Piol, après mon cher cargo et ce fichu trou noir, c’est maintenant notre fusée prise dans le maelström d’une éruption stellaire, on dirait que l’histoire repasse ses pilules de plats faisandés rien que pour nous !

 

– On est scotchés, lui répond Basile en jetant un coup d‘œil aux hublots environnés de flammes immenses, et on demande trop aux rétro-fusées, à un moment on va finir par se planter dans la jungle. D’ailleurs on n’a pas trop le choix, vaut mieux tenter d’atterrir ici par nous-mêmes quand la poussée va se calmer, ça limitera les dégâts.

 

– Ouais, approuve Emeline en lançant aux autres un touchant regard visible de petite fille, puisqu’ils n’ont plus besoin de protéger leurs yeux de l’ultra luminance, notre monde est en train de sérieusement rétrécir.

 

Il faut tout de même trois jours pour parvenir à freiner la fusée, en employant une quantité d’énergie colossale. Sous eux, défile en continu le tableau invariable d’une immense forêt tropicale humide, une sylve épaisse qui recouvre comme une peau moutonnante l’ensemble de la planète verte inconnue. Un formidable tapis végétal à la densité extraordinaire, qui n’est cependant placé sous la juridiction d’aucune défédération. On distingue, surtout près des pôles, de vastes cours d’eau rougeâtres, mais aucune mer n’existe, 8495SK-Rolling Stones est absolument dépourvue de tout océan. Tout en continuant leur course effrénée, ils sont néanmoins descendus doucement et de manière heureusement régulière. L’émission de béta-particules diminue progressivement, l’amplitude des fluctuations devient nettement plus raisonnable, au grand soulagement de tous. Arnold vérifie le plan de corrélation angulaire et annonce que la fusée devrait enfin pouvoir se poser, même s’il tait aux autres un risque de casse toujours possible. Propulsée par un prodigieux lance-pierre cosmique au sein de l’énigmatique corps céleste, Marie-Jeanne reprend le contrôle, rétrograde et bascule avec grâce dans l’éther son long fuseau de carbonacier. L’observation des paramètres de viabilité se montre excellente, atmosphère respirable, température moyenne permanente de 23-25 °C, une météo exceptionnellement clémente, des pluies sporadiques mais qui procurent une humidité relative agréable, un vent doux qui souffle sur une nature vierge désormais très proche, laquelle explose dans une charmante profusion de verts tendres. Avec malheureusement des millions d’arbres gigantesques entre lesquels il faut trouver maintenant à se poser. Les détecteurs finissent par indiquer aux pilotes une zone idéale moins arborée mesurant la dizaine de kilomètres carrés. Une fois l’endroit de l’impact précisément déterminé, la masse d’énergie zionnique est alors sévèrement comprimée, puis la fusée descend d’une manière impeccable sur son axe et tout le monde se tait au moment de heurter le sol. On se congratule à l’arrêt moteur, Charlie retrouve toute sa verve et semble même s’amuser ferme. Tous se pincent gentiment les tétons pour exprimer leur joie d’avoir évité le crash. Même Emeline laisse Jhon Piol s’attarder pour une fois un peu trop sur ses seins. On se partage ensuite de nécessaires pilules alimentaires, suivies pour le plaisir par une minuscule canette de Cagnoc chambré. Emeline jette avec ravissement un œil par l’un des hublots, car de gigantesques fleurs rouge-vif d’un diamètre invraisemblable enchantent les environs. Lorsqu’elle a consulté dans son implant l’encyclopédie galactique du professeur Razablat, elle leur donne le nom de Succubus, des plantes végétariennes qui se nourrissent des végétaux voisins par un empoisonnement progressif de leur terreau. Une heure plus tard cependant, la forêt semble s’engourdir dans un épais brouillard bleuté, au milieu duquel personne n’est tenté de s’aventurer.

 

Pour s’occuper, Charlie Badelaire vérifie les batteries à zithium de l’atomic pistol de Lesney, ce très fameux Space Outlaw Atomic Pistol qu’il est si content d’avoir en sa possession. Il fait de même avec celles du redoutable lasergun Rogers-XZ-31 Rocket Pistol, en craignant d’affronter le danger inconnu qui l’obligerait à devoir s’en servir. Kishi Kikurséwawa s’occupe de quelque maintenance, notamment en réparant au mieux les buses de décharge à photon unique et deux ou trois chandelles quantiques qui ont toutes l’air d’avoir salement morflé. Emeline essaye d’holocaster au petit bonheur, sans succès, pendant que Basile alerte les autres sur le fait que la chemise de l’écran thermique semble dangereusement fissurée, Arnold et Jhon Piol vérifient de leur côté le reste des commandes. Leur conclusion fait froid dans le dos, le gravitomètre s’est légèrement désolidarisé du générateur cyclotronique, mais cette panne lourde nécessiterait l’intervention avisée d’un véritable astroragiste, ce que n‘est en réalité aucun d‘entre eux. Emeline soupire de dépit.

 

– Vacherie, on est pas prêts de s’envoler d’ici, si même on y parvient un jour. Je vend des encarts de pub, moi les gars, je ne suis pas du genre pionnière de l’extrême avec le goût des ballades mortelles !

 

– En gros, tu expérimentes simplement la petite différence entre voyager normalement et s’enfuir, lui répond Jhon Piol. Dans le deuxième cas, le terminus est toujours moins évident, c’est certain, on a pas toujours les références à l’avance concernant l’arrivée.

 

– En attendant, les coupe Charlie en essayant de transmettre par sa voix une énergie communicative, ce brouillard bleu peut cacher n’importe quoi, attendons qu’il se lève complètement pour sortir. Là-dessus, il part s’allonger avec une tranquille nonchalance sur la couchette qu‘il s‘est attribué, située juste en dessous du carter biscornu de l’énorme pointeur à particules clonées.

 

Immobilisée et posée sagement sur sa base, Marie-Jeanne pointe son nez vers le fameux ciel bleu pâle tirant sur le vert. Le soir arrive au bout de longues heures, sans que la brume n’ait seulement diminué, mais les passagers vont découvrir que la nuit n’est pas totalement obscure, comme sur terre, puisque le firmament de la planète qui les accueille devient seulement d’un bleu de cobalt turquoisé très foncé, et que la vision humaine de l’environnement s’en trouve à peine contrariée. Les énormes Succubus écarlates se sont peu à peu doucement refermées. Trois soleils aux couleurs intenses sont visibles en même temps, l’astre principal orangé de type solaire tombe progressivement très bas sur l’horizon, puis il disparaît complètement, alors que le doublet d’étoiles presque accolées, l’une rouge et l’autre mauve, se déplacent à peine et restent visibles pendant toute cette drôle de nuit. Très différents de ceux plus feutrés déjà entendus en journée, d’inquiétants et puissants cris gutturaux fusent de l‘énorme biomasse, où s’enchevêtrent en abondance un foisonnement de lianes imbriquées. Ils se mettent longuement à faire résonner la jungle sur de grandes distances, prouvant à l’évidence que l’immense forêt de 8495SK-Rolling Stones ne s‘endort jamais vraiment.

 


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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 06:42:55
n°44596127
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 24-01-2016 à 14:29:49  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 77.

 
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Chevalier Gauviens se réveilla sur la vieille paille humide du cachot, mirant tous ses amis encore endormis, et tous portaient comme lui un lourd collier de fer au cou. Sa tête cognait de gueule de bois et ses membres faisaient mal, mais il avait surtout colère d’avoir été trahis par le Saigneur des agneaux, ce pisse en lit de monseigneur Robert Laygros. Dans la cellule hideuse fermée par une grosse grille en arc de cercle, il se mit à héler ses compagnons pour qu’ils puissent comme lui-même se rendre compte de leur triste infortune. Un brasero de mauvais suif lâchait dans ses narines des relents âcres qui vinrent gratter dans sa poitrine et le firent violemment toussoter, le bruit réveilla finalement les autres enchaînés. Robin resta un moment hébété, tant la cuite continuait de brouiller sa cervelle, puis il vit comme tout le monde qu’ils étaient fâcheusement prisonniers de l’évêque. Ils n’avaient guère bonne mine et devinaient que bientôt, ils seraient violemment tourmentés. Le dallage de la prison planté de grosses herses rouillées déversait, provenant d’une lucarne invisible, une maigre lumière de tombeau et l’on ne pouvait dire s’il faisait jour ou nuit. Un rat brun et pressé passa à toute allure contre le mur en les narguant de sa liberté, puis il fila dans quelque trou. Messire Percevalve aux seins grêles battit rageusement la paille du pied :
 
– Par Kramouille, voilà bien dure journée qui s’annonce à nous, mes amis. Ce pisse en chausse d’ecclésiastique nous a bien couillonné.  
 
– Cela pue comme il faut, fit Jeanne-Mireille d’Arc, mais elle parlait des choses qu’elle voyait sur la tunique souillée de Chevalier Yvan de Ladaupe, qu’il avait par mégarde perdu sur lui pendant la nuit.  
 
– En attendant, ajouta Braillard, point ne devons songer à nous échapper. Mais croyez-m’en, amis, je saurais bien donner à ce vilain curé le goût de mon épée. Puis il émit un rot consécutif aux pintes avalées.  
 
– Ce rustre va sans nul doute nous torturer, jugea Robin, mais il ne nous tuera pas tant qu’il n’aura pas gagné les secrets de l’Œil de dinde, là-dessus nous pouvons croire et être rassurés.
 
 Au bout d’une heure, alors qu’ils reprenaient esprit et chassaient dans les têtes les conséquences brumeuses de leur beuverie, tous firent tinter leurs chaînes pour attirer le bourreau, car ils avaient grand soif de flotte, à présent. Après grand tapage, un rustre de bourrel vint les voir, avec sur la figure un masque de gros con sadique n‘ayant pas fait d’autre étude que celle d‘apprendre un jour son nom par cœur. Avec une grosse clef il ouvrit la cellule et leur colla à tous grandes baffes sur la nuque pour les calmer. Il eut pour Jeanne-Mireille d’autres gestes lubriques et Robin protesta méchamment, l’autre le modéra tout net d’un grand coup de botte dans les parties. Jeanne-Mireille se contenta d’exprimer sa pensée avec les yeux. Pour ce qui est du cruchon d’eau, le poing fermé des juges n’était pas trop d’accord et ricana, en adjoignant qu’ils avaient déjà bu largement leur compte, pour au moins une semaine.
 
– Si j’en sors, mortecouille, hurla Gauviens à son encontre, je vais raser par le fil aiguisé de ma dague tes génitales pourries, et ensuite ma bonne épée passera tout droit par ton croupion crasseux pour aller chatouiller ton nez rempli de morve, enfant de salaud.
 
 Lui aussi reçut sur le champ le bonjour du sale type en plein milieu des coilles. Voilà un geste qui promettait sans nul doute de belles heures à venir en compagnie de ce rustaud. Puis le vilain les laissa seuls à méditer sur leur malheur, dont il faisait pleinement partie. Après midi, Robert Laygros les envoya chercher pour les conduire en procédure. Attachés sévèrement l’un à l’autre, ils furent trainés sans ménagement dans la salle à manger de monseigneur, qui prenait son repas. Un serviteur mort de trouille et tout raide patientait devant son maître pour lui passer son plat.
 
– Ah vous voici, mes bons amis, avez-vous bien dormi ? Je n’ai nulle crainte que le réveil ne vous soit profitable. Par notre Sainte Kramouille, messieurs, vous sentez fort le faisandé, voilà qui risque fort de gâcher mon dîner !
 
– Si vous croyez nous faire jaser sur Œil de dinde, ruffiant, je le dis tout net, autant chercher à décrocher la lune du ciel, lui répondit fièrement Robin en allant droit au but.  
 
 Robert Laygros poussa de la main le riche boulier qu’il avait devant lui, car il avait tout en mangeant à calculer quelque rentrée d’argent.  
 
– Avec une petite scéance d’estrapade, d’entonnoir, de chevalet et de roue, mes bons saints moines, je suis certain que vous saurez trouver les mots et la mesure. Il cracha dans sa main le noyau de quelque chose qu’il venait de mâcher. Mes petits traitements ne sont pas indolores, mais rassurez-vous, ça ne saigne pas toujours. Bon, chevalier Robin qui boit, chef de la Commanderie d’Aufesse, bénie seigneurie de l'Ordure des Hospitalisés de Sainte Kramouille, Chevalier Guy Bouyave amateur de bœuf Bourguignon, Chevalier Percevalve aux seins grêles, Chevalier Yvan de Ladaupe à l’épée vigoureuse, Chevalier Gauviens à l’écu blanc, Chevalier Braillard sans beurre et qui se rapproche et Jeanne-Mireille d’Arc, danseuse public de nombril, forcément dangereuse et tentatrice, pour la dernière fois, consentez-vous à me livrer les secrets inhérents à ma sainte relique ? Pour le cas du non, je vous accuse d’abominable rétention. J’acte ici qu’il sera fait de vous punition collective, et puis qu‘ensuite un chien s‘arrachera vos cœurs pour les manger, encore tout palpitants de vos pauvres vies. Mais je serais tout de même frappé de votre extrême médiocrité. Mon sacerdoce juge en fonction de ce qu’il connaît, voyez-vous, mais plus encore en fonction de ce qu’il ne sait pas. Il y grand danger sur vos corps par la peine extraordinaire, messires, songez-y.
 
– Pourriez-vous répéter, monseigneur, nargua Braillard, car je n’ai pas suivi ?
 
 Par cohérence juridique, Robert ordonna aussitôt à un de ses soldats de lui tirer les cheveux, tout en marmonnant pour les autres :
 
– C’est bien regrettable, pourquoi briser ainsi les beaux liens d’amitié et de paix que nos avons certainement tissé jusqu’à présent ? tenez-vous donc tant que ça à voir au plus tôt la divine face de notre Sainte Kramouille se pencher avec amour sur vos linceuls sanglants ? Au douzième coup de la minuit, messires, vous serez tous morts, je le jure, si vous n’avez rien dit.  
 
– Je l’ai déjà dit à ton bourreau de sinistre justice, mais pour toi c’est pareil, répondit seulement Gauviens dont le caractère commençait à s‘emporter, ma pieuse et douce épée à fond dans ton gros cul, elle t’ira certainement comme un gant.
 
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bon dimanche à tous.
 
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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 06:47:40
n°44613458
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 26-01-2016 à 07:15:15  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 12.

 

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Il eut tout de suite l’intuition qu’il n’était pas seul. Tout était en vrac et sévèrement fouillé, mais il savait pertinemment qu’il ne pouvait s’agir d’un anodin cambriolage. La chose y ressemblait fortement, tous les tiroirs avaient été vidés et les affaires qu’ils avaient contenues trainaient partout par terre. Martin eut surtout le sentiment pressant que celui qui venait de mettre tout ce bordel se trouvait toujours là. Une impression qui l’avait envahi dès qu’il avait poussé la porte laissée entrouverte. Il sortit son pétard de sa poche, l’arma et marcha lentement le bras tendu au milieu des fringues et des débris, les yeux intensément rivés sur chaque recoins et planques que pouvaient offrir les éléments de mobilier. Rien dans le salon. Rien dans la salle de bain, mais dans la chambre, bingo, Le Baron caché derrière l’armoire lui sauta dessus en le bousculant par surprise d’un violent coup d’épaule sur le lit défait au matelas éventré. Malgré toute vigilance, le 11 mm s’échappa stupidement des mains de Martin pour glisser par terre. Du coup, le détective projeta sa jambe en avant en la collant sur l’estomac de l’autre et par effet de levier, il l’envoya valser rudement sur le parquet. A cette occasion, une petite bague tomba de la poche de l‘intrus. A peine relevé, le bandit qui n’avait heureusement pas l’air armé se prit quelques pains dans la gueule, puis il chercha immédiatement à riposter en balançant son poing pour coller deux ou trois méchants gnons dans la figure du privé. Le Baron possédait de la poigne et son adversaire contra plutôt mal. Martin se projeta sur le sol près du lit pour essayer de retrouver son gun, sans malheureusement l’apercevoir. L’autre en profita pour lui balancer un solide coup de pied dans le bide et s’échapper dans la foulée à toute vitesse de l’appartement. Le souffle coupé, pissant du sang par les narines, Smith retrouva enfin son foutu gun, mais il était sans doute trop tard pour plomber le salopard ou le cuisiner. Il essaya quand même, en fonçant inutilement sur ses traces, elle avait de grandes ailes, cette ordure. Martin resta un bon moment à scruter la rue dans les deux sens, tu parles, l’oiseau s’était bel et bien envolé. Une petite vieille devant laquelle il resta planté le regarda avec un air apeuré, il saignait beaucoup du pif, ce qui avait pas mal taché sa chemise et il avait toujours son flingue à la main. Avant que la mémé terrorisée ne fasse un scandale sur le trottoir, il retourna dans l’appartement se refaire une beauté. Il ramassa la bague perdue par ce salaud, un beau rubis d’importance serti d’une ravissante couronne de diamants, un bijou de grand prix qu’il fit miroiter longtemps dans la lumière. Si cet objet de haute valeur appartenait à Vaya, elle avait de sacrés moyens, sa petite poulette ! Martin colla sa trouvaille dans le fond de sa poche, puis encore un peu sonné, l’épaule démolie, il alla se servir un scotch qu’il avala presque cul-sec. Gros Bill et ses amis voulaient le carnet de Van Degaffe, évidemment, mais ils sauraient maintenant aussi que Vaya possédait un chaperon bien trempé, il faudrait redoubler de prudence, parce que ces hyènes ne lâcheraient pas leur os. Il quitta donc les lieux avec la plus grande crainte d’être suivi.

 

Le retour chez lui bouleversa Vaya et elle fit de son mieux pour soigner le nez éclaté de son homme malmené. Elle fut touchée de sa charmante attention, puisqu’il avait tout de même pensé à lui ramener quelques habits. Il joua de quelques fines nuisettes en affirmant qu’il la préférait sans. En revanche, lorsque Guy Ness se fendit d’un ou deux commentaires déplacés en jugeant que Martin s‘était fait clouer le bec, ce dernier menaça en retour de le plumer avant de le rôtir dans le four comme un vulgaire poulet. La rencontre amicale qui venait d’avoir lieu avec Le Baron posait un grave problème sur leur sécurité, Gros Bill saurait désormais que ses trois potes n’étaient sans doute pas mort d’une vulgaire hypothermie océanique, mais avec certitude d’une certaine relation entourant Vaya. Trois hommes cela faisait beaucoup trop, ils chercheraient désormais à en savoir plus sur ce maitre-nageur d’un nouveau style qui faisait des trous aussi réguliers dans leur organisation. Et ils ne tarderaient pas à se pointer dans le charmant sweet home de Martin Smith, avec armes et sans bagages. Même si le colt de celui-ci ne demandait qu’à servir, il risquait de trouver un peu trop de monde d’un coup devant son canon si toute la bande s’invitait au petit matin et pas forcément pour partager le café et les tartines, mais plutôt les pruneaux. Ce qui fait que la proie en est une, c’est en général qu’elle en sait moins que son prédateur, une cause génétique que le privé se devait de contrarier au plus vite, surtout qu‘il n‘avait aucun incertitude sur l‘audace dont ils étaient capables. Parce qu’à la vérité, il ne savait pas grand chose concernant cette affaire plus que louche, dont Vaya avait été malgré-elle la victime. Il sortit la jolie bagouze de sa poche et la colla sous le nez de sa brune :

 

– Est ce que cette petite fortune t’appartient ?

 

– Oh, non, mais je la reconnais, fit Vaya, tout en faisant avec une admiration non dénuée d’une certaine convoitise miroiter le gros rubis dans la lumière, elle est à ma patronne, Blanche Pearl, du moins, elle ressemble fortement à celle que je lui ai toujours vue au doigt. C’est vrai qu’elle ne la porte plus depuis un certain temps.

 

– Eh bien on va aller lui rendre. Le Baron lui a sans doute volé. Elle ne manque pas de moyens, dis-donc, ta vieille taupe.

 

– Tu parles, le Tripoli marche comme il faut, et les filles ne sont pas feignantes.

 

– Et pourtant, fit Martin en l’enlaçant tendrement, les femmes succombent rarement aux hommes sans surprises !

 

– Qui a parlé de se faire draguer, mon chou ? il s’agit seulement de gagner son beefsteak ! Et pour ce qui est de jouer les étonnées, crois-moi, les filles du Tripoli, elles connaissent leurs clients par cœur. Elle l’embrassa sans réfléchir et lui fit mal au nez.

 

Martin alla chercher les pauvres documents récupérés dans la caisse de Carlos Glaçon. Il  posa sur la table basse un fatras anodin. Il déplia un vieil article de presse froissé qui faisait l’éloge de Cheebe Surger, un champion de Monopoly mort depuis longtemps, une ancienne gloire californienne que le monde entier avait complètement oubliée. Pas de quoi en déduire grand chose, sauf un certain intérêt pour l’un des deux zouaves concernant ce jeu. Martin examina également une petite carte de visite au nom explicite des « Flocons d’argent », une maison de retraite située dans les Alpes. Les deux cons qu’ils avait envoyé par le fond préparaient leurs vieux jours ? Martin en doutait fort, et ce petit carton avait sans doute plus de valeur que l’extrait délavé du magazine sur le vétéran Américain. Et c’était tout, le reste n’était que de la paperasserie administrative désormais inutile à leurs propriétaires.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 06:49:40
n°44639224
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 28-01-2016 à 07:21:10  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 48.

 
 
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Bien qu’il soit PDG et maître tout puissant de l’« Organza et Nylon à Sion », dont le sigle O.N.S figurant un scarabée rouge stylisé se trouvait brodé sur tous les fringues et pièces de tissu qu’il vendait, Valisansoùth vit bien qu’Amétatla ne semblait pas ravie de voyager et d’héberger sous sa tente le patron de son mari. Il décida d’amadouer cette pécore un tant soit peu :
 
– Ma chère madame, je vous ai ramené un âne à bouffer. Peut-être un animal un peu coriace, mais excellent avec des oignons frits.
 
– Eh quoi, monsieur le directeur, vous me prenez pour une romaine soumise et coincée dans sa cuisine ? moi je suis égyptienne, je cuisinerai votre bestiole seulement si vous et mon mari faites la vaisselle. Je reste maître en mon foyer, voyez-vous.
 
– Excuse là, patron, ma femme est en mauvaise période.
 
 L’arrivée de leur fille Aménorée coupa court au débat malheureux, au grand soulagement de son père qui craignait un peu pour son avancement et une possible augmentation. La petite avait les traits fins, de vrais cheveux remplis de perles, de beaux yeux noirs et des nichons menus. Elle marchait pied nus en marquant à peine le sable, tellement elle pesait peu.
 
– Laisse-moi te présenter notre cadette Aménorée, qui vient d’être acceptée par les ressources du Nil comme stagiaire dans ta remarquable entreprise. Elle tente pour la cinquième fois de décrocher son diplôme de secrétaire à l’école des scribes de Memphis. Elle échoue toujours à l’oral de grec.  
 
– Approche par Isis, Aménorée, je le dis à toi, tout comme d’ailleurs à ta mère, tu peux naturellement me tutoyer.
 
– Oui, monsieur le directeur, une telle faveur serait so corporate. Mais en tant que stagiaire alternante, je préférerais toucher comme tes autres employés une petite participation.
 
– On ne te paye pas ?
 
– Si, un peu, quand quelqu’un y pense, mais mon salaire équivaut au taux horaire nubien, c‘est pour ça que j‘habite toujours chez mes parents. Comme elle avait l’habitude de donner des coups de mains, elle aida sa mère à installer un pare-feu autour du foyer installé au milieu de la tente.
 
– Tu t’entends bien avec les autres employés ?
 
– Oh, à part quelques prises de bec avec la vieille comptable Katikèlsalop, ça ne se passe pas trop mal. Et j’ai choppé des ampoules aux mains à force de manier le calame pour écrire les documents des autres, mais rien de grave. Par contre, je mange toujours toute seule à la pause déjeuner et c’est toujours ma pomme qui sert le kawa. Mais bon, je suis là pour apprendre les ficelles du métier.  
 
– Bon, si tu n’es pas syndiquée, je verrais ce que je peux faire pour tes dernières notes de frais. Pendant qu’il lui parlait, Valisansoùth laissa trainer son regard sur ses petites fesses adorables que soulignait sa robe plissée, alors que la jeune fille essayait d’éteindre les braises qui venaient de mettre le feu au tapis de jonc. Mais attention, il aimait également plutôt pas mal son visage juvénile.  
 
– Merci, monsieur le directeur.
 
– A propos, Tépénib, comment vont mes affaires ? Il jeta un œil négligent vers l’entrée de la tente, pour apercevoir Amétatla en train d’abattre l’âne avec une massue. Elle jurait à l’ouvrage comme un maquignon Assyrien.
 
– Oh pas trop bien, d’abord il faut compter avec la concurrence des tisseurs Amorittes qui fouettent les prix, autant en emporte les ventes, et puis comme on est esclave des cours, la crise du coton me file le blues, sans parler du travail au noir sur les chaines de trame. Je ne serais pas étonné que les ouvriers fassent sécession dans le sud un de ces jours. Aménorée te pondra un rapport de stagiaire, sans le signer évidemment, si tu veux. Hein ma fille, tu veux bien ? En quarante exemplaires sur papyrus identiques et reliés, n’oublie pas, on l’enverra à toutes les caravanes, tant qu’à faire.
 
 Aménorée bougonna un truc inaudible sur l‘abus des stagiaires, puis elle alla aider sa mère. Puisque après avoir demandé de l’aide à quinze bédouins pour abattre l’âne récalcitrant, celle-ci commençait enfin à le dépecer.
 
– Tu mettras de côté les oreilles et la queue pour Valisansoùth, Aménorée, c’est le patron, tout de même.  
 
 Avec autant de ressources humaines la bédouine aurait certainement pu finir chef de projet à l’O.N.S, si elle ne s’était contentée d’être la femme d’un chef caravanier. Il fallut faire bouillir la viande du baudet toute l’après-midi pour en tirer quelque chose de comestible. Le soir on passa à table, alors que le couchant incendiait l’horizon du désert égyptien. Peu à peu, un voile sombre drapa l’oasis de Patatra devenue soudain très calme, en contraste avec l’activité débordante de la journée. Les chameaux assoupis près des tentes ressemblaient à des statues de chair alignées, au milieu desquels les hommes assis en tailleurs devisaient tranquillement. Tout en faisant la vaisselle, Tépénib et Valisansoùth discutèrent longtemps des troubles et des grèves qui agitaient le pays, mais le patron de l’O.N.S se garda bien de raconter à son subalterne ce qu’il savait précisément à ce sujet.
 
– Toi qui vis à Thèbes, Valisansoùth, c’est vrai ce qu’on raconte, que la belle-sœur de la pharaonne couche avec son frère ?
 
– Ben je ne suis pas dans son lit.  
 
– En tout cas c’est sympa de la part du big boss d’avoir choisi ma caravane pour descendre dans le sud. On va se diriger vers Halopolis, puis on diffusera sur les marchés d’El-Amarné, avant de remonter.  
 
 Sur la natte d’à côté, Aménorée commençait avec une nouvelle application d’écrire son rapport préliminaire à la lumière d‘une lampe à huile, pendant que sa mère lui donnait quelques conseils pour apprendre à se méfier des hommes, en essayant tant bien que mal  de digérer son âne.  
 
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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 06:51:17
n°44662643
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-01-2016 à 17:07:52  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 03.

 

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Le Noël de décembre 1954 est au départ très joyeux. Aux alentours de vingt heures cinquante trois, fière de sa nouvelle blondeur platine, Caroline a enfilé pour l’occasion sur sa gaine Scandale une affriolante et transparente nuisette rouge et blanche de Mamie Noël et Emile une tenue de Père Noël, auquel il a rajouté un oreiller pour s’affubler d’un gros ventre et faire marrer les gosses. René reste tel qu’il est, ravi de faire des économies puisque les enfants sont, d’après sa femme et lui, encore trop petits pour apprécier le moindre cadeau. En revanche, Emile déballe d’une jolie boite dorée un magnifique martinet en bois et cuir pour donner la fessée aux gamins par le fouet quand ils seront plus grands ; il est chaleureusement remercié par le couple qui s’attaque ensuite au diner en sa compagnie, après une virulente partie de Nain Jaune. En raison de la neige qui tombe en effet toujours abondamment, le postier ne peut utiliser sa 4cv grise toute neuve et Caroline lui a proposé aimablement de dormir chez eux. Ils font donc la surpatte tous ensemble dans une très bonne humeur, puisque la maitresse de maison leur a cuisiné quelques huitres. A la radio, on écoute Edith Piaf chanter « la fille de joie est belle ». Il n’y a pas d’appareil photo pour immortaliser la soirée, dommage.

 

– Alors, fait René, tout en essayant de remplir de mousseux le verre de son ami avec sa main valide, c’est quand que tu vas te trouver une fiancée de chez nous ?

 

Emile renverse brusquement son verre et regarde à la dérobée Caroline l’observer avec une drôle de tronche ; elle se tripote nerveusement le sein gauche, puis elle se précipite dans la cuisine chercher un chiffon pour nettoyer les dégâts, l’ambiance se fait un tantinet flottante. Mamie Noël n’a tout à coup plus l’air d’être à la fête. En écoutant la réponse d’Emile, la femme du foyer manque de tomber à la renverse.

 

– C’est pas demain la veille, mon pauvre René, je viens d’être appelé pour partir en Algérie.

 

– L’Algérie c’est la France, fait René Boudiou en agitant le crochet qui pend à son bras gauche, comme le font encore certains vieux poilus de 14. Ce qui n’est pas le cas du grand-père Alcyme Boudiou, qui lui a simplement été gazé au chemin des dames et en a gardé depuis le teint écarlate d’un homard cuit. Quand à René, il tient toujours précieusement dans son portefeuille la photo jaunie d’une statue équestre du Maréchal Pétain. Quand tu reviendras de là-bas, Emile, oublie pas de nous ramener des oranges de Constantine.

 

– Si c’est pas des prunes !

 

– Non merci, c’est un fruit qui fait trop travailler le colon et ça fini par donner la chiasse. On se marre sur la sortie de René comme des dératés.

 

– Bon les gars, c’est Noël, tant qu’Emile est encore avec nous, on laisse tomber la politique. Et elle leur ressert beaucoup de verres de « Crin d’Or » et de « Père Benoit » à boire, en leur demandant de pas casser les bouteilles consignées, pendant que la radio cause dans le poste sa réclame sans que personne ne l‘écoute. Tiens, fait-Caroline à brûle pourpoint, au lavoir municipal, les autres m’ont dit qu’il paraît que l’instituteur de l’école publique de Troulbled traquait les jeunes filles à la sortie de la messe en ouvrant son perimper pour leur montrer son bazar.

 

– Pff, la peine de mort, je vois que ça, proclame René, qui commence à voir double. M’étonne pas de l’école du diable, un truc pareil.

 

– Tu parles, déjà qu’on a libéré l’empoisonneuse de Loudun.

 

– Ah ouais, mais on va raccourcir Dominici, quand même. Bon, à la vôtre, conclut Emile, si tu bois tu meurs, si tu ne bois pas, tu meurs aussi, allez hop, joyeux Noël !

 

Une ambiance enivrée s’installe petit à petit dans le foyer où Caroline a allumé plein de bougies. Dehors, le froid tue les mésanges par dizaines. Les gars contemplent leur Caro comme si c’était une véritable icône, non pour son corps, non pour sa chair, mais pour son mystérieux sens à faire naître devant eux une véritable ambiance de Noël. Et tous les deux ont bien envie de l’embrasser. Emile fait preuve d’une retenue miraculeuse, fondée sur un surprenant mélange de réserve et de raison, bien que le mousseux soit à présent terminé. On attaque alors l’incroyable eau de vie du grand-père maternel qui a fait Verdun. Dans la cuisine, Caroline récompense Emile en lui offrant sa bouche, avec une certaine impatience de se donner bientôt toute à lui, quand le mari va finir par forcément sombrer dans le canapé. Mais le père de Gaston tient bon et il ouvre désormais ses bières avec un plaisir renouvelé, tout en charriant de sa voix gouailleuse son bon copain sur les beautés à peine pubères de la Kabylie. Il en désire même quelques unes en cartes postales, ce qui serait une attention somme toute normale pour un facteur, même sous les drapeaux. Emile goûte cependant moins cet accès de poésie et lui répond qu’il aurait préféré lui en envoyer une ou deux du Mont Saint Michel. Bref, tout le monde passe une bonne soirée, même si la pensée de voir partir Emile à la guerre ne quitte plus Caroline.

 

Vers trois heures du matin, lorsque René décide enfin de s’écrouler et commence à ronfler, plusieurs baisers jaillissent des lèvres de sa femme pour embrasser Emile, puis elle veut passer dans la chambre afin de se dévêtir rapidement ; mais la nuisette en nylon approche une bougie de trop près et la flamme amorce immédiatement une véritable catastrophe. En guise de la caresse velue de son facteur, la peau de Caroline se met à grésiller sous la terrible morsure du feu, et le long tête à tête attendu se mue en terrifiante tentative d’Emile pour sauver sa maîtresse des flammes. Trop saoul lui-même pour avoir la conscience de ce qu’il fait, il essaye d’éteindre le feu à grands coups d’eau de vie, ce qui provoque instantanément la combustion du canapé sur lequel dort à poing fermé René Boudiou. Alors qu’elle meure brûlée vive, Caro crie sans artifice que sa loyauté d’honnête épouse aurait du l‘obliger à ne plus se plier aux exigences charnelles, et qu‘elle aurait dû depuis longtemps révéler à son mari que ses enfants n‘étaient pas de lui. Puis, incapable de se dérober à son malheureux destin, elle finit par décéder aux milieu de souffrances insoutenables, avec une expression pathétique sur son visage aux lèvres carmines, d‘un rouge corail très à la mode. Dans une tragique inconscience alcoolisée, hypnotisé par le drame horrible en train de se jouer devant ses yeux, Emile se met à maudire tout haut son orgueil de coquette et s’agace en jurant fort de ces mille détails énervants qui viennent gâcher sa soirée, lui qui a toujours désiré vivre sur l’eau dans une péniche, où l‘on risque sans doute moins de mourir cramé. Puis il tombe tout d’un coup raide et sans prévenir sur le tapis, vaincu d’un coup par l’eau-de-vie du grand-père Léon Cocominute de Givenchy, survivant de Verdun. Rapidement, le salon est la proie du feu intense qui carbonise au passage les occupants, avant d’en faire des cendres, puis de hautes flammes gagnent ensuite la chambre des parents, et une épaisse fumée blanche monte à l’étage pour glisser sous la porte de la pièce où dorment Gaston et sa sœur Angèle. L’horrible issue semble alors pour les bébés fatale, logique, avec une sentence atrocement prévisible. Intacte et insensible au carnage, la radio aux piles Wonder toutes neuves chante encore dans la cuisine, avec une ironie glaçante, l’« Only you » des Platters.

 

Deux agents de police qui passent à vélo devant la maison pour aller surveiller la sortie de la guinguette de Troulbled viennent contrarier toutefois le destin de Gaston Boudiou, en s’apercevant à temps du désastre qui touche la maison de ses parents. Ils pénètrent au péril de leur vie dans l’habitation en train d’être consumée, mais s’ils constatent qu’il est trop tard pour les adultes, ils grimpent à l’étage encore épargné pour sauver les enfants in-extrémis d’une mort inéluctable, en les sortant vivement de leur berceau. Parvenus dehors avec les petits anges miraculés, les policiers expriment entre eux la satisfaction professionnelle et citoyenne d’avoir bien fait le boulot, mais ils ridiculisent également au passage les pompiers dépités qui viennent seulement d‘arriver. En brandissant devant les journalistes les pauvres bébés rescapés hurlants dans leurs langes trempées par les flocons qui se remettent abondamment à tomber, les deux fonctionnaires sont droits dans leur bottes, bien qu’en leur absence forcée, on compta ce soir-là trois morts par arme blanche à la sortie du bal municipal sur terre battue. Même si le 9 décembre, le gouvernement a solennellement pris des mesures pour combattre l’alcoolisme, c’est hélas ainsi que, plongé dans le triste déboire de cette nuit de Noël 1954 sans aucun cadeau, Gaston Boudiou perdit sa maman, son papa, mais aussi le bon tonton Emile qui n‘était pas son oncle. Dans la ferme de sa grand-mère Ernestine Boudiou et de son grand-père Alcyme, où il fut élevé ensuite avec Angèle jusqu‘à ses vingt et un ans, la brave femme lui révéla bien plus tard, la larme aux yeux, qu’Emile Pertuis était en réalité son vrai père, le meilleur ami de son père non-biologique dont il porte le nom, mais qu’également, le gentil facteur de Troulbled incarnait probablement le meilleur amant de sa mère, selon les lettres à moitié enflammées de sa belle-fille qu‘elle a religieusement conservées dans une boite à gâteaux en fer blanc.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 06:52:38
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Posté le 31-01-2016 à 14:34:14  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Moins belle la vie. Extrait numéro 73.

 

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Heureuse, Cassandra L’Harmattan glissait dans son rêve avec grâce sur des patins à glace, au bras expert de Jean Flammarion. Le couple tourbillonnant virevoltait d’une manière voluptueuse, dérapait sur le tapis blanc avec une envolée d’un lyrisme éclatant, qui gonflait le cœur de l’aide-soignante d’une joie absolue et la grisait comme l’abus de bon vin. Sa courte jupette rouge soulevée par le vent de sa course éblouissante lui léchait les hanches en faisant miroiter les strass qui l‘illuminaient. Des violons et des cœurs célestes donnaient avec une extraordinaire ampleur la mesure de cette échappée magnifique sur la piste gelée. Radieux et maître du moindre geste, Jean, tout en patinant avec talent lui prit fermement la taille pour la faire tournoyer à toute allure sur elle-même, mais frappé d’une incompréhensible impuissance, il la lâcha soudain brusquement en ouvrant une bouche horrifiée, puis, lancé à pleine vitesse sur ses lames d’acier, il fila seul vers l’un des côtés de la patinoire, pour s’y écraser comme une tomate trop mûre dans un affreux flot de sang. Cassie se releva brusquement sur son lit, les tempes en sueur, haletante et toute fébrile de l’atroce vision qui venait d’envahir sa nuit. Elle jeta un œil à son réveil, il était une heure du matin et aucun bruit ne venait troubler la clinique Saint Bernard. L’esprit déchiré encore inondé d‘un rouge atroce, la jeune femme se leva pour aller se servir un verre d’eau, toujours choquée par le cauchemar qui venait de la réveiller brutalement. Lorsqu’elle tenta finalement de se recoucher, une étrange excitation vint se mélanger à l’amertume paniquée qui continuait d’accélérer les battements de son cœur. Pleinement consciente, elle eut cette fois une irrationnelle bouffée de désir qui alluma brutalement son sexe et ses reins, pour flouter tout à coup sa raison. Une puissante envie de faire l’amour la domina totalement. C’était pour elle l’unique solution organique pour effacer toute trace de ce maudit rêve. Sans même qu’elle se mette à réfléchir à l’incongruité de réveiller Jason à cette heure tardive, alors qu’il devait sans doute dormir profondément, elle se dirigea d’un pas résolu vers la chambre du chirurgien-chef. Il dormait effectivement, sa pauvre tête enrubannée posée sagement au centre de son oreiller. Mue par une unique obsession, Cassandra se déshabilla complètement du seul t-shirt qu’elle portait pour s’engager dans le lit étroit. Contre toute attente, la proximité attendue du corps viril et chaud du docteur lui fit un bien fou et calma au début bizarrement ses ardeurs au lieu de les exacerber. Lovée contre lui avec délice, elle caressa longuement le torse velu innocemment offert, à la fois excitée et encouragée par son audace. Elle l’embrassa sur un carré de joue qui n‘était pas couvert de bandage, pour jouir simplement de ce contact muet, et même la présence du carcan solide que portait le blessé sur les reins avait quelque chose de puissamment érotique. Son corps à elle chauffait de plus en plus. Comme si elle brisait quelque chaîne étouffante, avec un délire de bête assoiffée elle passa une jambe sur l’homme et se caressa avec frénésie le clitoris pour atteindre rapidement cet orgasme bienvenu, en lâchant enfin un petit cri sauvage qui réveilla un Jason héberlué.

 

Il était sept heures du matin, Gwendoline avait hâte de partager avec le patron son petit shooting photo de la veille, car elle n‘avait pas eu le temps de le faire avant. Elle savourait déjà cette conversation, avec un Jason face à elle qui la regarderait dans les yeux d’une manière incrédule. Preuve à l’appui et cheveux sous le calot, Babette Gallimard se faisait sauter par le docteur Gründ dans les blocs opératoires. Une étonnante relecture de la surveillante générale et de son collaborateur le plus proche qui devrait bien s’imposer à Jason. Une mise en abyme qui couterait au minimum son grade trop vite gagné à la brune aux gros seins. C’était tellement pratique ces photos, ils n’auraient même pas besoin de se parler pour se comprendre, les images suffiraient. Il n’y avait pas de raison que Babette puisse s’éclater aussi ouvertement sur son lieu de travail, alors que Gwen avalait sans compter ses poignées de Lamitabonnemine Santadoz Générique pour simplement parvenir à respirer tout juste plus librement. Après-tout, cette salope n’avait rien à faire du burn-out qui rongeait depuis longtemps sa collègue blonde et frustrée. Babette lâchait peut-être l’affaire avec Jason pour préférer se faire choquer les fesses par l’autre barbu, d’accord, mais ce n’était somme toute qu’une consolation relative pour Gwendoline, car elle ne voulait surtout pas s’avouer qu’elle était en fait salement jalouse du bonheur que l’autre avait immortalisé sans aucune pudeur sous l’objectif du portable. Elle était résolue à lui massacrer son confort optimal à cette chienne en chaleur du service obstétrique. Dévoiler le petit secret inavouable de celle-ci à Jason donnait à Gwendoline une façon idéale de chasser quelque peu les vilaines toxines psychiques qui l’infectaient elle-même et la hantaient cruellement nuit et jour.

 

Portée par l’enthousiasme, elle ne cogna pas la porte de la 265. Un vertige périlleux la frappa en plein front devant l’abominable vision de Cassandra à poil qui engouffrait le pénis de Jason entre ses deux joues. Gwendoline en lâcha son portable qui chuta pour aller s’éclater sur le lino. L’autre putain rousse ne l’aperçut pas immédiatement, mais la goulue souriante lâcha le phallus tendu du docteur comme on crache une olive, elle murmura juste pour lui un truc douteux sur un goût d’asperge sauvage, puis elle leva enfin sa tête dépeignée sur sa collègue interloquée. Même si le téléphone avait été opérationnel, Gwendo n’aurait jamais eu le courage de prendre la moindre photo de la Bérézina obscène qu’elle avait sous les yeux. Elle était vide, sa raison ne répondait plus. La gueule béate de Jason prouvait que cette trainée était en train de faire sur lui du bon boulot. Elle ne semblait pourtant pas avoir une si grande bouche que ça, la rouquine. L’infirmière anéantie sentait dans cette chambre affreuse et impersonnelle l’odeur mêlée aigre-douce de ce couple visiblement épuisé qui la tuait. Une catastrophe absolue dont Gwen ne pourrait probablement jamais se remettre, et qui fabriquait sans doute pour elle le pire souvenir de ses jours. Une exécution publique en bonne et due forme de ses sentiments les plus chers et les plus intimes, elle, la gentille infirmière aux yeux magnifiques, si concentrée, si totalement dévouée à son travail, et si totalement amoureuse de Jason. Elle regarda leurs visages même pas coupables, puis elle frissonna d’angoisse et de dépit devant une réalité qu’elle ne parvenait guère à digérer. Toutefois, la vision de Cassandra grimpée sans fringue sur le corps de Jason ébahi peignait son cœur de noir et la laissa sans volonté de lutte, ni l‘envie de prononcer un mot. Pour Gwendoline, cette abomination clamait son chant du cygne, une extinction totale de ses illusions qui la plongeait sans aucune pitié dans le plus affreux marasme sentimental. Elle ne dit rien, elle se pencha pour s’accroupir en retenant son envie de pleurer et ramasser les pièces éparpillées de son téléphone, puis, prête à démissionner de sa fonction pour aller à la place gaver les otaries du zoo, elle quitta le couloir Walt Disney en laissant la porte grande ouverte sur le spectacle navrant de ces deux imbéciles cruellement heureux. Comme zombifiée, elle traina ses godasses désoeuvrées dans le couloir Magellan. Le brouhaha du réveil des services n’entama en rien sa résolution de mettre un terme à cette mascarade qui lui servait de vie, devenue indifférente à tous ces cons alités qui comprenaient enfin que la maladie ne descendrait jamais pour manifester dans la rue afin de réclamer pour eux l’égalité des chances. Elle se planta dans l’encadrement d’une chambre, afin de regarder s’affairer Florence Calmann-Lévy autour d’un patient plutôt maigre. Elle interpella sa collègue d’une voix extrêmement lasse :

 

– Il est là pourquoi, celui-là ?

 

– Monsieur Pondutel est un cycliste souffrant d’une maladie vélo-immune.

 

– Ah merde, c’est bien dommage pour la famille, s’il en a une, j‘espère qu‘il a pris ses dispositions. Te gênes pas pour l’étreindre fougueusement avant la fin, hein, ça lui fera plus de bien que les médocs, c'est la nouvelle mode, ici. Et puis elle tourna les talons sans s’inquiéter de la réaction de l’autre cruche.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 06:55:17
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Posté le 04-02-2016 à 21:20:21  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 20.

 

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Même la météo martienne semble s’en mêler, puisqu’une violente tempête de sable pierreux gifle en continu la base du dôme où vient de se réunir en urgence le gouvernement défédéré, sur lequel un vent de panique souffle depuis la perte de contrôle de Flash Gourdin. Nikos Sirkisi écoute avec nervosité le Général Diguoule exposer d’un ton laconique le bulletin de guerre n°2 au congrès. Il est néanmoins heureux que Jolie Goyette soit restée sagement dans leur dômus, puisqu’il aperçoit Suzanne au premier rang des sièges administrants, et qui n’arrête pas de lui faire de petits signes encourageants. Il lui fera l’amour dans le  XZ-7 Space Ship Force One en rentrant, mais il trouve tout de même que la petite bourgeoise en prend un peu trop à son aise, ces temps-ci. Surtout que son père, riche propriétaire du transbordeur Granny on pot, est assis à côté d‘elle. L’armateur galactique n’est sans doute pas le dernier à vouloir sa peau, et Nikos se demande s’il ne devrait pas mettre un terme à cette relation orageuse. Chez les administrants, on ne décolère pas d’avoir perdu du fric dans le plan foireux mis en place par les militaires, des eullars misés en pure perte sur l’audacieuse combine de l’ex-bagnard. Une magouille que Digoule éjectera probablement en deux mots lorsqu’il enregistrera ses mémoires de guerre, à la veille de ses vieux jours. Le calme de la salle est simplement terrifiant et Sirkisi sait qu’il va sans doute passer un mauvais quart d’heure en se justifiant mal. Le jeune cénazteur de Pavonis Mons le regarde en coin avec l’air de se foutre de sa gueule, fier d’avoir le premier suggéré à tous que l’emploi de Gourdin était sans doute une monumentale connerie. Pourtant, c’est Jack Giriaque, un ancien administrant sélénite qui interpelle avec force l’Oberleutnant Yak Azmov, que le Général Digoule a invité à s’asseoir à ses côtés pour répondre aux questions. L’officier est dans ses petites bottes, puisqu’il sait devoir bientôt passer en cour martiale pour avoir perdu le contact avec ce salopard de missionné extraordinaire.

 

– Nous laissons à l’heure actuelle, fait donc Giriaque, et faute d’éléments nouveaux, un Sharsherman en parfait état aux mains de l’ennemi, c’est le genre de cadeau que Fanch Yoland et sa clique doivent naturellement beaucoup apprécier. On nous avait présenté Flash Gourdin comme un élément extrêmement docile, il a pourtant dézingué deux Panzigs, pourquoi ces derniers ne sont-ils pas intervenus pour mettre un terme à cette fâcheuse expérience ?

 

– Les Panzigoberkanonieren qui pilotaient ces vaisseaux n’étaient là que pour donner le change, ils n’avaient pas l’ordre de tirer, mais devaient préserver la vie de l’envoyé. Une initiative malheureuse, ajoute Azmov, nous a subitement fait perdre le contrôle de ce dernier et, à notre grande surprise, l’a retourné contre nous avant que nous puissions réagir.

 

– Une initiative ! Selon vous, Flash Gourdin ne devait-il pas être à l’abri de ce genre de clownerie ?

 

– Il fallait qu’il s’introduise en confiance chez l’ennemi avant de l‘abattre, il a donc bien fallu lui redonner un peu de conscience et d’autonomie pour effectuer sa mission.

 

– Il n’est donc pas entièrement téléguidé par l‘armée, comme on nous l‘avait béatement précisé ?

 

– Non.

 

L’aveu de ce mensonge provoque un affreux brouhaha indigné qui bouscule un instant la sérénité du dôme gouvernemental, sur lequel la tempête martienne redouble à présent d’intensité. Les hautes vagues de sable rouge charriées sur son bulbe ajoutent un crissement continu à l’ambiance houleuse et agace Sirkisi. La seule chose qu’il regrette à présent est de ne pas avoir obligé les militaires à faire en sorte que Flash soit induit en obsolescence programmée. Une auto-destruction bien pratique qui viendrait clore le pénible débat actuel. Au lieu de ça, le Gourdin se balade tranquillement dans la nature armé jusqu’aux dents, avec quelques idées bien à lui. Nikos prend la parole pour venir en aide à l’Oberleutnant mal barré :

 

– Allons mes amis, nous allons envoyer de nouveaux Panzigs sur la zone pour nettoyer le secteur et faire taire la menace de Flash Gourdin.

 

– Ah non, fait en se levant brusquement le père de Suzanne rouge de colère, quatre panzigs éliminés par les rebelles en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ça ne vous suffit pas ? Vous en connaissez le prix faramineux ? N’oubliez jamais que c’est nous, les administrants, qui finançons la guerre.

 

– Très bien, comme vous voudrez, nous enverrons donc une escadre de Scootkijets Stratosniff Powerjet XT, en donnant mission aux Kradoberschützen qui les piloterons de mettre un terme le plus rapidement possible à l’existence de Flash Gourdin. Je vous rappelle néanmoins qu’ils seront en territoire contrôlé par l’ennemi.

 

– Vous avez intérêt de réussir ce coup-là, l’interpelle sur une menace à peine voilée Jilouc Mélenchouille, le jeune cénazteur aussi ambitieux que prétentieux de Pavonis Mons.

 

Le échanges implantaires sont généralement malvenus sous la coupole du dômus gouvernemental, mais Sirkisi observe néanmoins Alan Joubé, le très riche armateur propriétaire du No cunts no glory, en conversation silencieuse avec l’un de ses collègues administrants. Sans que ça loupe, il se lève finalement pour poser sa question :

 

– Quand est-il du transbordeur minier So long sucker chargé de nous ramener les anciens otages ?

 

– Les Trois Shaleclairs Thunder Flash X-40 envoyés vers lui poussent à présent vers l’Eperon d’Orion, mais ils font état d’un énorme trou noir dans la zone où devrait se trouver le cargo. Les émissions ont pour l’instant cessé, nous attendons d’autres nouvelles, mais il est à craindre que le transbordeur essuie quelques difficultés dans ce secteur. Aux dernières nouvelles, le capitaine Merval a récupéré la Marie-Jeanne et les otages vont bien.

 

Des robots Liliput N.P. 5357 passent en sustentation entre les rangs pour distribuer quelques canettes rafraîchissantes et provoquent une diversion bienvenue. A l’extérieur du dôme, la température est de - 80°C, mais dans les veines du président, on dirait qu’il fait encore plus froid et comme cette merde de planète, sa gorge est affreusement sèche. Si jamais le Flash Gourdin refait des siennes, lui devra forcément s’exiler et se démettre de sa fonction. Les cénazteurs et les administrants se disputent entre eux avec différentes hypothèses, et s’interrogent vivement sur le fait que les indés savent aussi bien se planquer. Il est vrai qu’ils apparaissent et disparaissent à leur gré, sans qu’on ait encore jamais pu mettre la main sur leur QG. Digoule a en urgence lâché les Scootkijets, la guerre continue et tous doivent à présent attendre la fin de la tempête pour quitter le dôme. Sirkisi n‘a soudainement pas hâte de partir, soudain peu pressé de prendre les jambes de Suzanne à son cou.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 06:58:34
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Posté le 04-02-2016 à 21:20:21  profilanswer
 

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morte la bête, mort le venin
Posté le 06-02-2016 à 18:55:03  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 78.

 

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Les cloches d’airain de la cathédrale de Mouyse sonnaient prime lorsque le bourreau se présenta aux prisonniers. Jeanne-Mireille voyait bien démentie son idée de tenir un jour un bel ouvroir de ceintures à Kiess, vu qu’elle était fillote d’un corroyer et qu’elle savait bien le métier. Bien perdu pour toujours son rêve de courir foires et marchés, pour éviter aux hommes la perte de leurs caleçons ! C’était bien la malchance qui l’avait un mauvais jour conduite en ribauderie pour finalement échouer dans la prison de Robert Laygros. Elle en chiola doucement des larmes cristallines, voyant que le bourrel cagoulé s’emparait à présent de messire Braillard, pour lui faire subir la torture du pet de vérité, en le gavant d’air comprimé par un gros soufflet collé en son gosier.

 

– Angelus Kramouilli, mon pote, je péterai bien si je le veux ! En voyant l’autre le défroquer d‘autorité, le chevalier Braillard laissa cependant éclater un rire par trop nerveux.

 

– Par Notre Dame de Kramouille, tu lâcheras bientôt comme une cornemuse plus de vent par ton cul que n’en contiendra jamais mon instrument.
 
 Une pâle lumière éclaira les ténèbres lorsqu‘une porte s‘ouvrit, puisque marchant à travers narthex et transepts de sa cité dans la cité, l’évêque avait tenu à assister en personne au vil questionnement.

 

– Vous allez voir, messieurs, ma relique magique ne restera pas longtemps enfermée dans son coffre, et vous allez bientôt parler. Allons-y donc présentement : messire chevalier Braillard, bon doux saint prestre de la milice de la commanderie etc, etc, consentez-vous à me livrer les secrets magiques de l’Œil de dinde, ci-présent en ma légitime possession ?

 

– Mais que nenni, mon gros pot à merde.

 

Le bourreau venait juste d’écarter les mâchoires du supplicié avec des pincettes pour y enfourner l‘embout de son soufflet, lorsqu’un grand bruit de cor fit résonner les vestibules. Il n’y avait pas de doute, ce son-là bien spécifique indiquait la venue dans le palais épiscopal de l’Ovoïde Vazy Métoian LXIX, très honoré empaleur de Kiess, accompagné de sa jeune et jolie sorceresse Gisèle de Lècheku coiffée de son hénin. Merde, pensa Robert en faisant signe au bourreau de suspendre son geste, ça n’est certainement pas pour me porter sa dîme que le roi vient ici. Puisque la garde avait signalé que l’évêque de Mouyse visitait ses geôles, le couple royal y vint directement, en passant sous les piliers et les innombrables arcades de la gigantesque basilique. Une suite de moines tonsurés trainèrent à sa suite leurs robes cintrées de corde, pour s’aplatir à l’arrivée devant Robert Laygros, portant mitre et crosse du berger. On débarra les grilles et Vazy se planta devant l’archevêque, qui cacha prestement l’Œil de dinde dans un coin.

 

Jubé, Kramouille, benedicere etc, etc, Bienvenu sous mes coupoles, majesté, que me vaut ?

 

– Qui sont donc là les pauvres moines que tu martyrises, Robert ?

 

– Des gens de méchant esprit, votre seigneurie, qui manquent à tout respect.

 

– Voilà bien une étonnante liturgie, Monseigneur, car je sais tout. Le tyran tapa dans ses mains et ses gardes se mirent à fouiller chaque recoin. On lui apporta finalement le sceptre convoité dans son coffret d‘argent.

 

– Ainsi tu reçois des présents sans m’en parler ? Je te laisse certes la plénitude des sacrements, mais pour le reste, j’exige prédominance. Je sais qui sont tes prisonniers, mais je peux déjà dire que ta relique est fausseté, tu t’apprêtais à les faire souffrir pour rien, crois-m’en, mon cher thuriféraire. Hélas, j’ai pour ta punition le programme impérial de t’empaler dès demain sur la grande place de Mouyse.

 

Déjà, Gisèle avait empoigné le bijou et ne s’occupait pas des protestions outrées de Monseigneur. Clercs et aristocrates se reculèrent d’un pas, craignant les sortilèges qui pouvaient sortir de la chose. Enchâssé dans un tube de verre enfoncé dans le manche qu’elle dévissa, elle vit bien ce qu’elle cherchait, en montrant à tous un poil roussi du pubis de sainte martyre Elise Emoun morte brûlée, lequel pouvait à lui seul certifier l’authenticité de l’objet. Robin et ses amis toujours entravés firent des mines ahuries, tous ébaudis de ce prodige.

 

– Ah ça, murmura Gauviens dans l‘oreille de son chef, je me suis trompé, j’ai apporté ici la vraie relique au lieu de m’emparer de la fausse, voilà qui est fâcheux.

 

– Fort bien, fit Gisèle avec une certaine gourmandise dangereuse, voyons-ça, car je connais les rituels qu’il faut pour faire agir les procédés de ce trésor. Elle pointa le sceptre vers Robert en marmonnant de bouche des paroles de magie. Abracadabrax, Xarbadacarba, venez à moi démons qui glapissez aux enfers enfumés et fusez de ce glaive pour porter à ce con le message de lui faire pousser sur le champ une barbe de trois mètres.

 

Mais l’acte sulfureux n’eut pas l’effet escompté, car par odieux feed-back, c’est la sorcière qui reçut de plein fouet le coup de sa magie. Elle lâcha l’Œil de dinde qui tomba sur le sol en produisant de multiples étincelles, puis les bandelettes qui entouraient les jambes de la vilaine se délacèrent piteusement. Sur commande de la force démoniaque jaillie par la relique sacrée, elle devint aveugle comme une taupe et atteinte de méchant glaucome ou de cataracte, elle perdit ses muscles et l’audition, essaya d’hurler sans le pouvoir, car elle fut instantanément frappée d’aphasie, de graves problèmes d’arthrite restreignirent ses mouvements, et comme elle prenait devant lui une posture grotesque, le roi Vazy observa sa mie devenir vieille et décrépite, accusant tout à coup son âge réel qui dépassait largement les cent ans. Elle sentait comme un bouc et agitait devant son visage parcheminé des doigts crochus et déformés, elle se tassa soudain sur les carreaux du sol d’une manière pitoyable, et rien de ses pouvoirs ne vinrent la rajeunir, car elle payait le prix de ses cachoteries. Elle n’était plus qu’une pauvre ancêtre blanchie ignominieusement, tristement dépouillée de sa fausse jeunesse et de tous ses pouvoirs. Alors qu’elle se trainait sur le sol en implorant pitié, Vazy saisi de rage défourra son épée et lui décolla la tête sans pitié. Les moines présents chantèrent les psaumes pour invoquer miséricorde de Kramouille, tant ils étaient effrayés par l’horrible prodige qui venait d’avoir lieu dans la prison. L’Ovoïde ordonna ensuite aux soldats de sa garde personnelle qu’on se saisisse de Robert, qu’il démettait à partir de ce jour de tous ses biens et de sa fonction, avant de lui promettre le pal pour le lendemain, en dépit des pitoyables protestations de l‘intéressé. Puisque quiconque manquera à la fidélité qu’il doit à son roi sera mis à mort, puisque telle était l’unique loi du royaume de Mouyse. Vazy fit également précieusement empaqueté l’Œil de dinde pour qu’on l’emporte en son château, malgré la répugnance de tous à le manipuler. Puis le tyran s’adressa solennellement aux prisonniers :

 

– Voyons ça messires, vous voici libres, et bienvenus en mon castel, où j’aurais bien besoin de vos prières, car j’entre en guerre ouverte avec le Fion. Rendez-vous donc en paix sur mes terrasses, pendant que l’on réduit en cendres les os de cette femme ennemie de Kramouille qui m‘a si vilainement berné, car elle était vouée corps et âme au culte des démons. J’en ai encore la vive exécration d’avoir folleyé dans l’entrejambe d’une telle abomination, puisque j’ai eu sur cette fieffée un bien cruel mécompte.

 

– Sainte Kramouille a certes exigé de vous plus qu’aucun service que nous autres bons moines lui avons rendus. Et cette sorcière a bien payé le prix de vous avoir déshonoré, mais nous prenons bien note, et nous acceptons volontiers de résider en votre château, si l’on veut bien nous rendre nos épées. Car avant de retourner chez nous, nous nous recommandons entre vos mains, et nous préférons nettement baiser votre anneau, plutôt que celui de l‘autre pourceau qui se disait évêque et voulait faire chanter nos culs. Surtout que ne s’enraye pas la mécanique qui mènera à sa juste démission et ne revenez surtout pas sur votre sage décision. Nul doute que vous aurez dans votre guerre, grâce a notre précieuse relique, succès de vraie valeur, car nous savons aussi bien que votre Gisèle la commander.

 

Ainsi, tous les chevaliers du temple approuvèrent la ruse que portait en réalité la décision de leur chef, car ils soutenaient encore l’esprit de leur mission qui était de libérer Marie Stetarte et de trahir au plus tôt l’Ovoïde. Une fois que le bourreau l’eut décordé sans plus vouloir le torturer, tout en minaudant pour remercier le roi de sa largesse, Robin tendit tout long son bras, battant son poignet comme l’aile d’un oiseau, puis il secoua les hanches en rond comme baratte à beurre, avant de grimper l‘escalier pour remonter vers un plaisant chemin de liberté.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:15:38
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talbazar
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Posté le 07-02-2016 à 11:10:29  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 13.

 

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Il était certes un poil dangereux de retourner au Tripoli pour aller rendre sa bague à la vioque. Fallait parier sur le fait que Gros Bill faisait peut-être surveiller le boxon, mais il était hors de question d’inviter mémé au domicile de Martin Smith. On aurait pu opter pour le terrain neutre d’un bar ou le hall d’un grand hôtel, mais bon, Vaya voulait aller dire bonjour aux filles en passant. Martin céda finalement à son désir, parce qu’il ne pouvait rien lui refuser. Lui avait plutôt hâte de se rendre à l’asile de fous qui avait hébergé Van Degaffe, puisqu‘il était certain qu‘une organisation criminelle puissante dirigée par Gros Bill l‘en avait libéré prématurément. Conduisant prudemment dans la rue, le détective gara la Ford exactement devant la boîte encore fermée. Guy Ness était resté à la maison avec un bon stock de pistaches, assez fier de son rôle d’alarme domestique emplumée. Au téléphone, Vaya avait déjà prévenu sa patronne de leur arrivée. Il attrapa le bras de sa compagne puis la laissa ouvrir avec sa clef la porte de service, où ils s’engouffrèrent sans attendre. Aucun vigile ne vint à leur rencontre cette fois-ci. Même en l’absence de ses clients qui laissaient sur le trottoir leurs bons sentiments, le Tripoli sentait la testostérone et les jolies filles qui faisaient régner dans les salons trop kitchs une omniprésente tension sexuelle. Il était également peu probable que Blanche Pearl utilise ses petits financements opaques pour reverser généreusement quelques-uns de ses bénéfices au Haut Commissariat pour les réfugiés. Reste que dans les alcôves aux lumières tamisées, tous les goûts des bonhommes étaient probablement permis, puisque la santé des cerveaux de ces messieurs ne dépendait pas seulement de ce qu‘il mangeaient ou buvaient, mais aussi du travail des gagneuses qu‘ils venaient tripoter comme des porcs contre une onéreuse contrepartie. Vaya croisa d’ailleurs l’une de ces dames qu‘elle embrassa cordialement sur les joues. Une petite brune bouclée vêtue à cette heure de repos d’un sobre survêtement et que toute la maison surnommait la Mouche, parce qu’elle suçait bien. Elle portait dans sa main une petite assiette où trônaient les restes du Cheesecake qu’elle était en train de manger debout. Martin ne se fia pas à son sourire généreux, il était certain que la jolie gamine avait certainement dû un jour dépecer son ourson à l’âge des doudous. Vaya lui caressa amicalement l’épaule :

 

– Blanche est là ?

 

– Elle est au bar, elle m’a dit qu’elle t’attendait. La Mouche observait au passage le compagnon de sa collègue, avec un souci méfiant de l’analyse qui devait être chez elle devenu, en face de chaque homme, une seconde nature. Il se sentit proprement disséquer par des yeux impitoyables.

 

Ils trouvèrent la patronne du club assise à une table en train d’enfiler un peu de tarte Tatin accompagnée d’une tasse de thé. Indéniablement, la rouée touillait son eau chaude avec une certaine classe. Blanche Pearl offrait cependant la vision d’une ancienne maquerelle outrageusement fardée et un peu fatiguée, une vieille cocotte couturée sur le menton par un chirurgien esthétique sans style, et plutôt trois fois qu’une. Un pli malvenu tirait tragiquement ses lèvres vers le bas en l’affublant d’une vilaine grimace permanente. Impossible de dire à présent si elle avait été vraiment belle un jour. Cette agrafée du derme était de toute évidence une nostalgique de ses lointaines années perdues, où les hommes devaient sans doute se retourner sur son passage. Le genre à débarquer dans un atelier de fondeurs en mini-jupe pour multiplier les accidents de travail et les brûlures au troisième degré. Les longues jambes impeccables qu’elle avait malgré-tout conservées étaient là pour en témoigner. Hélas, tout son fric gagné sur le dos des call-girls ne l’avait pas sauvé du naufrage des ans. La boss du Tripoli avait laissé s’échapper sa jeunesse vers une galaxie très lointaine, où les visions de son passé de jolie poule disparu devait se déployer sans fin sur l’écran noir de ses nuits. Blanche n’était pas pour autant un vieux dragon de glace, juste la résultante d’une triste quête obsessionnelle qu’elle savait ne jamais pouvoir résoudre, et qui s’éloignait même sans pitié jour après jour. Avec une science inégalée, elle démontra une intuition infaillible en regardant Martin :

 

– Alors Vaya, tu manges du poulet ? J’espère que tu n’as pas affaire à un de ces cons gelés, même si c‘est mieux qu‘il soit dur pour avaler. Ton agent miracle qui lave plus blanc a retrouvé mon rubis dans la poche d‘un voyou, il paraît ? Va nous servir des cocktails, s’il te plait.

 

Elle semblait prendre la perte de sa bague comme un événement sans importance, mais Martin sentit bien qu’elle chantait faux. Il posa le bijou sur la table et Vaya s’éclipsa pour aller farfouiller un moment derrière le bar. Blanche tourna un instant la pierre entre les doigts desséchés de ses mains tavelées et l’inspecta soigneusement, comme on retrouve un objet très personnel avec lequel on nouerait une relation très intime, puis elle la passa sans plus de façon à son annulaire, Martin observa que le pli d’amertume de sa bouche s’accentua brièvement. Elle ne faisait jamais preuve de chaleur, cette mamie décatie. Blanche Pearl nourrissait peut-être une face cachée, mais il aurait été très difficile de la cerner à ce moment là. Elle ne dévoilait qu’une certaine méfiance, et la retrouvaille avec sa bague ne semblait pas la rendre plus heureuse que ça. Elle était peut-être snob à mourir, il était tout de même assez stupéfiant de la deviner aussi blasée. Bof, se dit Martin, cette précieuse bague n’était peut-être que le fruit d’un obscur cambriolage qu’un des clients avait peut-être négocié en contrepartie de quelque dette.  

 

– Oui, c’est bien la mienne, voyez, j‘y ai même fait graver mes initiales, merci, monsieur ?

 

– Smith, Martin Smith.

 

– Vous êtes le petit ami de la petite, n’est-ce pas ?

 

– On va dire ça.

 

– J’ai appris la mort tragique de son ex, mais Perry ne vous ressemblait pas. C’était un mauvais gars contre lequel je l’avais bien prévenue, mais vous, vous êtes flic n‘est-ce-pas ?

 

– Un ancien de la grande maison, certes, mais plus maintenant.

 

Blanche restait sur ses gardes en face de lui, elle plissa les yeux comme si elle essayait de lire dans les pensées de son vis à vis. Vaya posa devant eux ses Cosmopolitan d’un rouge orangé et revint s’asseoir. La vieille chouette lui lança un regard neutre, puis se détendit un peu avant de s’adresser à nouveau au privé :

 

– Vaya dispose d’un savoir-faire précieux. J’ai connu des années difficiles après la mort de mon mari, mais le Tripoli a retrouvé sa rentabilité et ma jolie barmaid apporte une éthique bienvenue au service de ma petite économie. Je n’apprécie pas qu’un de mes clients puisse lui faire du mal. J’abreuve et je distrais chez moi des bataillons de marginaux qui viennent ici tromper leur femme à la sauvette, vous savez, mais vous avez bon goût, monsieur Smith, Vaya n’a rien d’une putain aux ailes déployées qui pratique sans répit les vols de nuit. Même si je suis mal barrée pour me retrouver sainte un jour, j’ai d’ailleurs été bien désolée de la savoir acoquinée avec cet ivrogne de Gorret.

 

Martin fut surpris de la sentir tout à coup sincère en lui vantant son employée, elle avait pris en parlant, d’une façon cette fois toute naturelle, un charmant accent de vieille dame luxueuse. Fugacement amollie en plein cœur. C’est étrange, se dit-il, on dirait qu’elle avait quelque chose concernant Vaya à se faire pardonner. Reste que la michetonne délustrée respirait par tout son être une visible détestation de sa propre vieillesse et de la mort.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:17:55
n°44752497
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 09-02-2016 à 09:50:36  profilanswer
 

Acitivités ludiques.

 

J'apprend à dessiner avec le pro-fesseur Talbazar.

 

Aujourd'hui : Je dessine un cheval.

 

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Géographie du comptoir.

 

Aujourd'hui : La Lamagonie.

 

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La Lamagonie, baignée par l’Amerzone, doit son existence au goût immodéré du conquistador Ernesto Rodrigo Antonio Dos Santos De Samadremarialaputa pour le poireau. Le vice-roi de la Nouvelle Estrémadure, renvoyé par l’Empereur Charles Quint pour avoir lutiné son frère, réalise hélas que ce légume qu’il adore ne figure pas au menu des indigènes du Nouveau Monde, qui captent, selon les premiers observateurs, leurs nutriments dans l‘air ambiant. L’envahisseur européen fait alors défricher par trois millions d’indiens un endroit prometteur, dans une jungle luxuriante envahie par les eaux croupies. Un nouveau million de natifs prennent la relève des morts de la dysenterie et de la malaria deux mois plus tard, pour dégager le terrain, puis deux-cent mille autres terminent de démoustiquer le coin et plantent avec un certain succès les premiers poireaux dans une terre finalement asséchée. Le fumier dispensé par les chevaux des colons fait en effet des merveilles. Enfin satisfait, Ernesto installe les fondations aux angles arrondis d’une première capitale de la Lamagonie et lui donne le nom de Riolé. Bien que bêtes de sommeil vivant à l‘âge de pierre, les Lamagonards ne connaissent alors pas les bêtes de somme ni les véhicules à chenilles (Codex Sancho-Panza - traduction Abbé Julio - 1529). Les colonisateurs vont cependant leur apprendre à donner des noms aux objets, mais en espagnol. Il reste encore quelques anciens rituels d’autrefois, notamment celui que lui consacrent chaque année les villes de Rioné et de Riogag, le fameux « Tocar el Puerro », au cours duquel les jeunes filles en fleur doivent absolument toucher un poireau la nuit venue. Lorsque son fondateur meurt d’avoir avalé un bol de cacao empoisonné par sa bonne, la Lamagonie s’étend sur un territoire immense et encore aujourd’hui largement méconnu par la chaîne de télé LCP. L’ancienne culture se mélange peu à peu à celle du poireau pour faire naître la Lamagonie moderne, où les filles et les garçons apprennent toujours le nom des objets et le trafic des espèces en danger.

 

Terre d’exception à la culture fascinante, les anthropologues pensent que l’écriture est apparue en Lamagonie avec l’importation des premiers ordinateurs, mais les dernières fouilles réalisées dans les égouts de Riotgun et de Riolé battent en brèches cette idée, surtout avec la mise au jour de glyphes non déchiffrés datant de 1975, sur les murs des toilettes Publiques de ces villes. La richesse d’une rencontre avec un Lamagonard tient toujours de la chance et c’est une occasion qu’il faut saisir, surtout si on se destine à des études de guide naturaliste. La Lamagonie est un pays contrasté à la population épicée, qui se partage entre la grande forêt Amerzonienne et des mégalopoles comme Riolé, Rioné, Riogag et Riotgun, avec une frontière commune qui la sépare du Nicarasile voisin. Contradictions et enjeux transforment petit à petit ce pays émergent en dunes de sable et la vie qu’on y trouve encore force l’admiration, mais il est toutefois toujours possible d’y passer en couple des vacances éducatives. Les Lamagonards inspirent de moins en moins de crainte, bien que les Churrascos géants ne soient en réalité que d’habiles messages destinés à attirer leurs proies. Les bouleversements contemporains, la déforestation et la surexploitation minière les obligent en effet à vous voler vos biens dès votre arrivée à l’hôtel, ce qui génère six millions d‘emplois directs. La culture de la glisse sur les trottoirs offerts aux chiens errants dynamise cependant avec bonheur les marchés, toujours très animés. Les limites des nouveaux quartiers de Rioné se tracent à coups d’incendies qui ne font toutefois reculer personne, mais aucun village n‘a de fait une existence légale. Les voyages au LSD concurrencent encore à l’heure actuelle le trafic fluviale sur l’Amerzone où la flore locale est réputée pour procurer des médicaments naturels et sympathiques contre la gueule de bois. Le départ de l’électricité constitue toujours un événement important, mais la population éclectique n’a rien à envier à celle de New-York, puisque les Lamagonards des quartiers branchés vivent en général dans des maisons. Si tout le pays sent le caoutchouc brûlé, on note un important contraste nord/sud, car dans la jungle des mégalopoles de Riolé et de Rioné, où depuis longtemps les millionnaires ont squatté les favelas, on vit presque nu et on se nourrit de bananes, alors que dans les forêts tropicales foisonnantes qu‘ils ne cessent de dévorer, les habitants du poumon vert aux poumons noircis par le cigare tissent des trench-coats et des blazers très colorés, tous en cuisinant une gastronomie sans gluten. Au milieu des terres désertiques du nord-est, de vastes troupeaux de chevaux sont gardés par des militants gauchos montés sur des bœufs, au cœur de la pampa riche en mines de diamants en provenance d’Afrique. Dans la plupart des grandes villes aux reflets de plomb et aux flics corrompus, les Lamagonasses qui possèdent les plus belles chutes du monde adorent pincer les fesses des footballeurs dans le métro et les siffler dans la rue, et celles-là prennent immédiatement leur numéro de téléphone. La religion officielle au culte compliqué qui s’exprime au creux des hamacs indispensables, dans des cabanes polychromes au fond des bois, mêle foi catholique et astrologie chinoise. Ce patrimoine spirituel original clame sa vérité en rendant obligatoire l’apprentissage du saxophone pour tous ses fidèles, aux richesses encore largement inexploitées par le clergé.

 

Chaque année, au mois de novembre, a lieu dans la capitale un carnaval folklorique extraordinaire, mais si subtil que le touriste ne constate aucune différence dans l’apparence et le comportement des Lamagonards avec les jours ordinaires, puisque chacun vit toute son existence déguisé en travesti, au rythme syncopé de la samba et fume sans relâche des pétards dans les fumigènes. En revanche, dans la ville de Rioné, mosaïque bouillonnante qui possède la plus grande réserve de CO2 (Masse molaire : 44,01 g/mol) de la planète, et qui est passée capitale économique grâce au boom des contraventions, s’organise au mois de juillet la célèbre course aux escargots. La masse mollassonne envahit alors rues et places, et les jeunes gens intrépides s’élancent dans une cohue indescriptible sur le tapis ainsi formé par les imprévisibles bêtes à cornes, lesquelles forment alors un itinéraire grisant. Ce challenge sur lequel souffle l’esprit pionnier des cow-boys rend le terrain très glissant et n’est donc pas sans danger, il s’agit à l’évidence d’une coutume ancestrale réservée aux plus jeunes. Pour comprendre la Lamagonie et ses habitants, il s’agit tout simplement de s’allonger sur la plage polluée au mercure en compagnie des femmes des artisans locaux aux shorts moulants, ou l’inverse, et ce dès quatre heures du matin. Sous les ampoules suspendues à l’air libre d’un véritable décor de mail, on y sera douché sous d’abondantes cascades naturelles. La malnutrition des enfants aux nattes rastas témoigne encore des fastes de l’époque coloniale et beaucoup jouent joyeusement encore du tambour sur leurs bidons. Sexe, poireau, musique et illusion.

 



Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:21:24
n°44768616
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 10-02-2016 à 15:19:51  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 49.

 

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Avec toutes les grandes pompes d’un plein rêve oriental, Phimosis qui chaussait grand fut nommé officiellement grand vizir de l’Egypte. Par un temps radieux qui cuisait les terrasses et les œufs sur le plat, il monta d’abord triomphalement sur les épaules d’un jeune chiare de dix ans avec 120 000 km au compteur, puis l’échangea lorsqu’il devint capricieux contre un char tiré avec deux chevaux pomponnés par deux mille parfumeurs. Ensuite, eut lieu le déjeuner intime de grosses endives braisées au jus safrané servis pour trois mille couverts, donné sur la rive gauche du Nil près du chantier des navires pharaoniques en construction. On salua en levant le bras les petits gars de la marine à la peine, puis on quitta ensuite le restaurant panoramique pour franchir l’accès coupe-file et accéder dans le vaste temple de Thot bas de plafond ; là se massaient déjà toutes les autorités, les corps constitués, les corps de leurs amants et maîtresses, les représentants du commerce et de l’industrie de Tépafou et d’Halopolis, auxquels Néefièretarée souhaita la bienvenue. Bâton de berger dans la droite et fléau dans la gauche, assise sur un beau trône en bois de ronce aux coussins de velours, elle prononça son discours et Phimosis parla le dernier. Partout se distribuaient les souvenirs d’importation et les papyrus fraichement écrits sur l’événement, où les scribes louaient en particulier la reine pour ses rondeurs et son éclat. Bien entendu, sur les toits des habitations, tous les archers et les lanceurs de pierres de Merdenkorinnanâr protégeaient sévèrement les environs en position de tireurs couchés. La pharaonne estimait qu’avoir promu Phimosis grand vizir était une pétillante idée qu’elle partagea en saluant debout, sur l’esplanade de son palais entouré de jardins bien entretenus, avec beaucoup de pauvres malades venus expirer à ses pieds. Plutôt que de leur offrir du vin et des baisers, elle leur fit distribuer généreusement des guimauves, des berlingots et des réglisses ; puis elle marcha longtemps au bras de son nouveau scribe dans le beau couloir extérieur, ce large corridor du troisième étage qui offrait une vue magnifique sur le Nil. L’ambiance de cette journée était géniale, notamment en raison du programme musicale spécialement concocté par les flûtistes et les joueurs de castagnettes, mais également  à cause de la présence enjouée de Trêmouatoli, laquelle n’en finissait plus de jouer la vedette maison dans sa belle robe rouge, en promettant à plusieurs serviteurs de faire rimer pour eux rêve et réalité, dans la simplicité suave de la nuit bientôt venue.

 

Après la nécessaire conférence de presse et lorsque furent partis les couples et les familles, puis à la nuit les couche-tard branchés, la réputation honorable et la nomination de Phimosis avaient déjà remonté le Nil pour parvenir jusqu’à Thèbes. Surtout parce que ceux qui traitèrent sournoisement le Kouchite d’apatride furent réduits à leur honte silencieuse, avant d’être conduits plus prudemment dans les clapoirs des crocodiles. Les paysans Tépafins, à l’unanimité, louèrent la première décision de politique agricole du vizir, puisqu’il déclara la culture du kif officiellement protégée par l’état, histoire de conserver une certaine paix sociale dans ce coin-ci de l’Egypte, surtout en cette période de crise économique. Il enraya tout de même dans la foulée quelques revendications estudiantines qui voulaient remplacer le kif par la culture des oliviers. Il commanda un rapport sur la pyramide des âges afin de veiller sur la sécurité des vieux et reçut la promesses de la reine de réaliser deux-trois mandats s’il arrêtait d’arpenter son palais avec les cheveux ébouriffés. Pour son nouvel élu, elle avait déjà commandé à l’architecte Salvashar la construction d’une imposante permanence à hautes colonnades pour y placer son bureau, même si Néefièretarée  considérait le rôle de son vizir quand même forcément limité. Elle se donnait un peu de temps pour changer de mec et préparer l’alternance, mais Phimosis comprendrait bien vite, en attendant, que son pouvoir était somme toute uniquement circonscrit à la bonne volonté de la reine. Il ne serait que la simple courroie de transmission chargée d’étudier les dossiers qui la faisaient chier. La construction de ses bateaux en constituait d’ailleurs un sérieux, car elle n’avançait guère, vu que son chef de chantier Pubi Senfouyî était tout le temps bourré.

 

Néefièretarée ordonna donc à son nouveau vizir de lui coller aux basques. Le débarquement des troupes commandées par le général Merdenkorinnanâr s’opéra donc à toute vitesse, et Phimosis trouva les ponts des navires inachevés dans un tel encombrement que l’idée même de planter un mât dessus semblait parfaitement illusoire. Sur toutes les coques étaient tagués des trucs comme « l’Egypte aux égyptiens », ce qui ne voulait rien dire ; quelques esclaves embarquaient bien au fond des soutes des bateaux terminés des vaches, des chevaux et des tonneaux gaulois, mais partout se fumait plutôt dans les coins le nouveau kif protégé par l’état, d’une qualité stupéfiante. A ce train-là, ce n’était pas demain la veille que Néefièretarée naviguerait pour rejoindre Halopolis. A l’arrière-plan des fumées dégagées par ses ouvriers, Phimosis trouva enfin Pubi Senfouyî en train de terminer sa bière. Il joua les héros calme et déterminé, mais le grand vizir lui fit très vite comprendre que sa propre nomination n’était pas du pipeau :

 

– A mon avis, monsieur l’architecte naval, tu sembles aujourd’hui rétabli de tes blessures, mais si la pharaonne n’est pas sur l’eau dans une semaine, je pense que les médecins seront cette-fois impuissants à te guérir de tes plaies.

 

– Hé grand vizir Phimosis, mon atelier est de type familial, mes plans sont solides, mes tracés ésotériques, mais j’abandonne toujours les finitions à mes élèves. Construire des bateaux prend du temps, on fait ce qu’on peut. Sans compter les éternelles querelles de préséance entre ouvriers, et puis faut les comprendre, on traine souvent d’un bord à l’autre pour faire connaissance. Y’a l’ardeur du soleil, aussi, les mouches et les punaises nous dévorent et puis je manque de crayons.

 

– Et moi je te donnes une semaine, pas un jour de plus, ou j’ordonne à Merdenkorinnanâr de faire un carnage, en commençant par te faire clouer vif sur le navire amiral. Finir tes projets ne présentera pour toi que des avantages. Autrement… En attendant, tu picoles plus, j’y veillerais.

 

C’était là un puissant et ultime argument choc. Phimosis savait bien que les deux cent quatre vingt douze navires de toutes tailles rassemblés sur la grève seraient évidemment prêt à prendre le Nil sous huit jours pour longer sa vallée fertile, toute baignée de fraîcheur féconde. En particulier l’excellent trois-ponts de la reine équipé de soixante dix-huit danseuses super canons.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:23:48
n°44778222
talbazar
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Posté le 11-02-2016 à 12:40:46  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 04.

 

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On voit qu’en cette triste fin d’année 1954, Gaston Boudiou a bien failli mourir deux fois en bas-âge, une première par étouffement de Carambar et une deuxième brûlé vif. Sans doute héritée de son père, une véritable chance de cocu est certainement le trait de caractère qui caractérise cet homme au mieux. Un seul champ sépare les fermes des grands-parents Boudiou et celle de son autre ancêtre Léon Cocominute de Givenchy, veuf de la grand-mère Louison, morte cinq ans auparavant de la tuberculose, mais c’est dans la première et sous la garde des premiers que vivent désormais les petits orphelins Gaston et Angèle. Ainsi, en 1957, pour Gaston qui a trois ans et ne va pas encore à l’école communale de Troulbled, c’est l’heure de la traite des deux vaches de l’exploitation. Angèle et Gaston ne vêtent que de simples blouses de coton grises et se baladent la plupart du temps le cul nu, quelle que soit la météo. Certes, la vie à la ferme est rude, mais les longues promenades dans les bois profonds en compagnie du Grand-père Alcyme n’est pas déplaisante, car les deux orphelins s’enrichissent constamment en lisant le grand livre de la nature, aux pages constamment ouvertes devant leurs yeux innocents et ébahis. C’est ainsi qu’après de longues veilles cachés sous les ramures des frênes, ils peuvent apercevoir l’épicière sur le talus en compagnie du garagiste, ou bien encore la mère Michu, qui s’en va tranquillement au printemps nouveau avec son panier pour noyer ses chatons et ses chiots dans la rivière de Chyprine, laquelle coule non loin de chez leurs pépé et mémé. De la cour envahie de purin où s’ébattent des poules blanches librement, le clocher de la vieille église est visible à l’horizon et sa cloche tranquille rythme sans faillir les heures des messes et la journée des paysans. La ferme ne compte que cinq hectares de terres, sans comparaison avec les deux cent exploitées par Mr le Baron de la Tronchedecon sur lequel s’activent de nombreux ouvriers payés à la journée. La maison elle-même qui héberge les gamins est construite en belle pierre de taille grise et son toit est en chaume, comme toutes celles des deux hameaux les plus proches, Pleurotte-les-bois et Peaumé le coin. Le samedi, mémé Ernestine astique longuement les pieds de la grande table unique qui trône dans la cuisine près de la cheminée, où cuit la sempiternelle bouillie pour les porcs, et Angèle s’efforce de lui donner un coup de main de son mieux, malgré sa petite taille. Pépé Alcyme se cache pendant ce temps-là derrière le tas de fumier pour tirer au fusil sur les mendiants qui s’approchent trop près de la barrière de l’entrée. Comme au Chemin des Dames, où il a bien failli mourir gazé. Il regarde ensuite son petit Gaston avec toute la sagesse qu’il peut lui donner et lui raconte que ces gars-là étaient bien trop maigres, et qu’on ferait mieux de les tuer avant qu’ils ne tombent vraiment malades. Le dimanche, l’abbé Julio quitte son grand presbytère de Troulbled et monte sur sa moto Anglaise pour faire la tournée des fermes et se nourrir à l’œil. Gaston sait que celui-ci lui servira d’instituteur exigeant quand sera venu le temps d’aller à l’école. Certains étés pluvieux, on craint plus que tout la mauvaise récolte, et Ernestine abandonne alors son éternel  tricot pour prier dans sa chambre avec Mr l’abbé.

 

Souvent, Gaston et Angèle demandent la permission pour aller rendre visite au papi Léon Cocominute de Givenchy et l’ancien de Verdun se fait toujours une joie de les accueillir. Ils n’y a qu’un seul champ couvert d’oseille et de plantains sauvages à traverser pour retrouver le vieil homme, parfois en train de voler des traverses de chemin de fer pour se chauffer l’hiver, vu qu’il n’a pas toujours envie de fendre des bûches ou d’abattre ses arbres. Léon leur apprend à dénicher sans se faire voir les œufs des poules de sa voisine. Gaston va souvent l’aider à arroser le fond du jardin en allant en sa compagnie pisser un coup sur les tomates. Déjà, le gamin lit tout ce qui lui tombe sous la main, mais cela ne l’empêche pas de grimper sur les genoux de Léon, pour qu’il lui raconte pendant des heures comment c’était Verdun, quand on recevait des têtes de boches sur la nuque ou qu’on marchait dans les ventres ouverts qui puaient la diarrhée. Et ça rigole, et ça rigole, surtout quand Léon mime les égorgements et les tirs à bout portant dans les tranchées, avant les finitions au couteau. Quand arrive minuit et quart, tout le monde est bien crevé, les enfants partent alors se coucher sous l’énorme édredon à plumes, après un dernier verre de vin. Avant de fermer les yeux, après la bataille de polochon, les enfants rêvent encore un peu aux valeureux poilus qui s’agitent alors dans leurs esprits, en barbouillant d’un sang pur leur mémoire innocente. Léon reste encore un peu à boire son coup près de la lampe à pétrole pour écouter Tino Rossi chanter dans la radio, en songeant plutôt à sa pauvre Louison que la tuberculose a emportée, sa brave épouse qui était femme de chambre chez Mr le Baron quand il avait autrefois osé l’épouser. Aux aurores, Gaston se lève tôt, va nourrir les chèvres et puis réveille papi Léon qui dort encore sous la table. Ils laissent ensuite Angèle à la maison faire la vaisselle et la lessive, pendant qu’ils vont poser quelques collets pour essayer de chopper des lapins. Ils font en passant leur toilette en plongeant dans l’eau froide de la Chyprine, et quand ils reviennent tout joyeux, Léon se plante au milieu de sa cour, les bretelles sur le pantalon, pour leur jouer du clairon. Chez le papi Cocominute de Givenchy, chacun possède son assiette propre et pour Gaston, c’est toujours la jaune ébréchée.

 

Grand-père Alcyme Boudiou lui, il fait un peu peur quand on ne le connait pas, parce que les gaz des tranchées lui ont rougis méchamment sa figure, ou trônent d’énigmatiques yeux bleus et perçants. De temps à autres, pendant que mémé Ernestine plume son poulet devant la porte, le pépé prend ses petits enfants sur ses genoux pour leur montrer comment qu’on enlevait l’œil d’un fridolin ou qu’avec son Lebel, on visait soigneusement les couilles du boche à cinquante mètres, et ça rigole, et ça rigole, jusqu’à ce que la pendule sonne l’heure du bon Banania, que sert mémé encore tout brûlant dans des bols joliment gravés du nom des enfants. Un soir, alors que mémé enroule sa pelote de laine après leur avoir servis un verre de Pschitt citron, elle leur a dit que des gangsters étaient un jour venus en 1948 dans la ferme, pendant qu’elle et son mari étaient aux champs. Les vilains types avaient fouillés tout les meubles, renversé les bibelots et mis dans leur sac la vieille argenterie. Mais Alcyme leur était tombé dessus et les avaient coincé dans le cellier. Depuis, pépé avait rangé les deux bonhommes au fond du puits. C’est pour ça que l’eau de la ferme avait gardé un goût. En 43 également, un avion venu d’Angleterre s’était écrasé dans la forêt et les grands-parents Boudiou avaient recueilli le pilote horriblement brûlé, avant de l’enterrer près du hangar. Les Allemands étaient venus chercher l’argent que l’appareil transportait et destiné aux maquisards, mais Alcyme les avait collé en vrac au fond du puits, puis il avait refait la toiture qui prenait l’eau et acheté peu après le tracteur et la remorque, pour remplacer le cheval et la vieille charrette.

 

A la ferme, on vit dignement, même si de temps à autre, Alcyme prend des coups de fer à repasser de la part de mémé quand il est trop saoul et mémé a quand à elle un peu peur de recevoir un chien sur la tête, depuis que les russes ont envoyés Laïka dans l‘espace. Pour le coup, Ernestine a bien failli un jour mourir après avoir été attaquée par un cerf en rut, elle n’a eut la vie sauve qu’en sautant la barrière, c’est pour ça que depuis, Angèle a toujours peur des cerfs en rut. Mémé la console en lui disant que depuis maintenant deux ans, ça ne fait plus mal d’accoucher. La rumeur du monde n’a que peu d’emprise sur la ferme, et seul l’écho de Troulbled permet de connaître le prix des canards, mais Gaston sait déjà qu’avec un peu d’argent, on peut acheter tout le monde, comme Mr le Baron, pratiquement tout le monde. Léon rend parfois visite à ses voisins, on met la belle nappe et on sort pour lui la meilleure eau-de-vie. On évite toujours soigneusement de parler de sa fille Caroline ou du papa des gosses, et encore moins du tonton Emile, mais en revanche, les deux grands-pères s’installent toujours des chaises devant la porte au bout d’un moment. Gaston s’assoie alors sagement par terre à leurs pieds pour les écouter, en levant le nez pour regarder passer haut dans le ciel une des nouvelles caravelles « Super Constellation » qui le font tant rêver. Parce qu’invariablement, les deux anciens finissent par se raconter comment que c’était quand on marchait sur les tripes des copains plongés dans la boue, avant de se faire chatouiller le nez par un bras qui pendouillait accroché aux barbelés, et en levant bien haut son verre de gnôle à la santé des verts de gris, ça rigole, et ça rigole encore.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:24:48
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Posté le 12-02-2016 à 14:16:32  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 21.

 

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Dans le hangar secret des indépendantistes, Fanch Yoland enfile avec précautions son scaphandre de combat en polyproéthymétallocène dont il active la programmation du bouclier, tout en faisant le point avec Cathy Denews, la pilote du Draxel Space Tank qui va les conduire vers le Sharsherman convoité. Karela Borounie, Jorg Glooniais, Vick Tory, Yull Werne et Siguiline Oryal sont déjà à bord de l’appareil, pointant entre eux le fait qu’il croiseront sur leur route dix dômes privés à 47,02 lomètres de leur trajectoire. Ces constructions civiles dodues et regroupées en cercle autour d’un noyau central peuvent être négligées, rassure cependant Cathy, y compris avec le risque que leurs habitants puissent renseigner l’ennemi sur leur passage. Car même en atmosphère diffuse, le Draxel va générer beaucoup de poussières. Le tank beige au dos bombé capable de hautes performances cinétiques ressemble à une sorte de gros scarabée terrestre, mais sa propulsion électronodulaire à un mètre au-dessus du sol lui assure en revanche un déplacement très rapide. Des cristaux ont été mélangés à l’alliage de sa coque ultra-résistante et il est armé en queue d’un efficace canon Atomic Freeze Ray à grande profondeur et d’une tourelle mobile équipée de deux Wee Gee Ray Gun Gun modifiés anti-Panzig. Cathy s’installe aux commandes, allume le moteur à sous-zions et actionne en dernier l’absorbeur de sons à vingt millions de volts. La colonne de l’engin s’ébranle doucement vers la sortie du hangar en s’élevant doucement. La jolie blonde souriante se tourne alors vers ses coéquipiers :

 

– Bon les amis, il semble qu’on n’aille pas faire du tourisme dans un coin codifié par agence. Tenez-vous sur vos gardes à chaque instant.

 

– Pas besoin de le dire, chérie. Il est vrai que Yull Werne sort notoirement avec elle et que dans leur quartier privé, on sait comment qu‘il la fait plutôt bien glousser.

 

Elle lui lance un baiser amoureux derrière la visière en mode visible de son casque et se concentre à nouveau sur ses commandes dès l’ouverture du hangar. La machine s’élève à sa hauteur maximum et se propulse en une fraction de secondes pour filer vers son but. Le gant de Karela pianote sur celui de Fanch assis à son côté et l’homme lui rend son clin d’œil, mais une tension véritable ne quitte cependant pas le cockpit. Cathy Denews contrôle à merveille l’énorme puissance de la mégaturbine tengifuge à sous-zions pour propulsion sur coussin de flux et le glisseur se joue de la mince atmosphère martienne en frôlant les dunes, sans craindre les mines traçantes qui on été prudemment désactivées sur le trajet prévu.

 

– Trop de soleil, trop de poussières, et j’en ai marre de me bagarrer, lance d’un coup Vick Tory de sa petite voix grêle. Et puis il éclate de rire en faisant marrer les autres.

 

– Tangage, roulis, lacet, ok, je passe en automatique fait distraitement Cathy avec un beau sourire aux lèvres. Pas une raison pour se désangler, hein les gars !

 

Le Draxel traçe sa route en épousant au mieux la courbe des dunes ocrées et diffuse sous lui un important nuage de sable rouge, c’est là certainement son défaut principal que ne peut compenser sa vitesse extrême. Parfaitement visibles de l’espace par le Shaleclair le moins attentif, ces doryphores martiens constituent en général les proies privilégiées des Panzigs, il est donc toujours salutaire d’anticiper l’irruption de ces rapaces, et le tireur Vick assure en conséquence une grande vigilance à son poste de la tourelle. La rencontre d’un champ de roches les secoue comme un prunier garni et Jorg Glooniais se met à jurer en cramponnant son accoudoir: « pitch, roll and yaw, ok ok, mais Cathy, mon cul ouais ! ». Toutefois, la vibration désagréable s’éclipse aussitôt lorsque le tank se rééquilibre de lui-même, une fois digéré ses milliards de décimales de pi. Au-dessus de l’engin flottant, le ciel martien joue d’une composante de bleus pâles qui donne aux rétines humaines, derrière le vitrage des hublots opaques aux infrarouges, une agréable sensation de lumière blanche. Dans le confort thermique de leurs scaphandres, tous se laissent un moment distraire par la luminescence de cet air raréfié, et puis chacun se désaltère d’un peu d’eau vitaminée. L’ubiquité des informations codées inaccessibles aux défédérés rassurent la base, et Cathy lui signale leur passage au large des dômes civils. Les petites cloches sont cependant à peine visibles à l’horizon et sont rapidement dépassées. L’épave du Sharsherman est proche à présent et la pilote reprend la main. Fanch est particulièrement tendu, ce que ressent d’une manière fusionnelle Karela, mais elle-même l’est tout autant, comme à chaque fois qu’elle pressent un combat. Le chuintement régulier du moteur ne la berce en rien, car si le Draxel vole extérieurement sans bruit grâce à son système d‘opposition de phase, à l’intérieur, l’équipement anti-bruit à été désactivé pour pouvoir se parler de libre voix, puisque les indés n’ont plus d’implants.

 

 Des caméras tournoient à 360° à l’avant de la machine en sustentation, et leur vision circulaire offre enfin à bâbord la masse imposante, mais immobile, du fameux Sharsherman Flash Space Patrol AK-740 équipés de missiles HFR 412 à désintégration moléculaire. L’astronef guerrier git sur son ventre, avec clairement dessiné sur ses flancs le logo de la planète pénitentiaire HM ; scruté aussitôt par un scan atome par atome, sa position inerte indique de toute façon grossièrement un visible atterrissage forcé. Une énorme quantité de fluide s’est échappée sur le sable en provenance d’un caloduc perforé et forme une tache vert sombre sur le côté de l’engin. Une légère fumée s’élève doucement, sans doute issue d’une pile au dixyde-carbure endommagée. Du Draxel, Jorg lance à l’intention d’un possible ennemi à l’écoute un redoutable virus réseau oxtrolityque pour bousiller le résonneur quantique de la bête et faire le ménage sur les ondes, avec en prime une bonne stridence balladeuse comme petit cadeau aux unités de propagande de la SLG Corporation, histoire de rendre son connard de Bauobersoldat irrémédiablement sourd. Ensuite, Cathy récupère le drone microcospique qui voletait toujours dans le coin, par l’ouverture d’une minuscule trappe dédiée, et puis Fanch lui conseille de tourner lentement plusieurs fois autour de l’épave. Ils aperçoivent comme prévu sur le sol les flexibles abandonnés par Flash Gourdin. Furetant des yeux partout, ils délaissent à regret le Sharsherman tentateur pour prendre rapidement la direction du dôme abandonné.

 

Flash Gourdin les a vu. Il actionne l’anti-transpirant de sa combi car son nez s’encombre d’une odeur désagréable, sans compter que Mars la Rouge n’empêche pas de péter. La figure ronde d’Erwin Tongzhang-qi Yin, un gars qu’il avait démembré pour un simple regard de travers, vient bêtement lui sourire en souvenir. S’il contrôle parfaitement les cellules de ses muscles, ses neurones lui téléphonent tout un tas de conneries incompréhensibles, au sein desquelles il a beaucoup de mal à faire le tri. Un leitmotiv le taraude pourtant, bien qu’il arme prudemment son TZ-24 Sanitizor Tinkerbots en position rayon court ( 3grammes/20 puissance 06 ) et fasse prudemment descendre de ses puissantes épaules le lourd Wee Gee Ray Gun Gun. Ne pas tirer sur ce Draxel et ceux qu’il contient. Les attendre calmement et leur faire un signe amical. C’est l’instruction de sa volonté, bien entendu. Une boule se forme tout de même dans le fond de sa gorge asséchée, il se fait tout d’un coup avec fébrilité gros consommateur d’infos visuelles et tactiles, mais il range au final sagement son arme de poing dans son étui. Ne pas montrer de signes vindicatifs aux étrangers et se faire accepter par eux. La coque du dôme qui l’abrite à présent a subi les attaques corrosives de l’environnement et se trouve fortement délabrée. Ses alliages se délitent lamentablement, mais l’ancienne structure reste dans ce désert un repère aussi évident qu’un bouton d’herpès sur le coin de la gueule. Flash se positionne en évidence devant l’entrée principale et lève un bras, puisque le Draxel vient de lui envoyer un bref flash lumineux. J’aurais pu déjà leur dire bonjour, constate simplement l’ancien bagnard, si seulement mon implant n’avait pas cramé.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:26:21
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Posté le 13-02-2016 à 16:57:41  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Moins belle la vie. Extrait numéro 74.

 

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Dans l’intimité de la chambre 288, Babette jouait les rats d’opéra et s’habillait de soie rose et de tulle transparente pour plaire au docteur Gründ, afin de lui danser le Lac des Cygnes au pied de son lit. La ballerine amatrice s’offrait ensuite en tutu sans aucune pudeur, surtout depuis qu’il lui avait fait la promesse de divorcer de sa femme, et son amant barbu trouvait à sa petite étoile des mensurations idéales. Même dans leurs désaccords, ils se trouvaient des points communs, y compris après les six orgasmes de Babette par nuit, puisqu‘ils formaient à présent tous les deux un partenariat sexuel éprouvant. Juste à côté, dans le paradis douillet de la 265, Jason était aux anges et se laissait bercer par la suavité suprême de la voix de Cassandra, dont il émaillait toujours le discours de quelque plaisanterie toute personnelle, puisque son rêve avait enfin pris chair. Le sage ne cherche plus, puisqu’il a trouvé. Par timidité sans doute excessive, elle n’osait cependant pas lui avouer qu’il la caressait d’une manière fort insatisfaisante, car il n’égalerait jamais là-dessus son pauvre Jean. Mais comment reprocher quoi que ce soit à quelqu’un qui dirige une clinique, même s’il avait un peu tendance à la saouler quand ils faisaient l’amour, en lui demandant son avis sur la possibilité d’instaurer une carte de fidélité pour les patients de Saint Bernard ? Quand à la pauvre Gwendoline, elle filait à présent au gré de son service comme un vaisseau fantôme hantée par ses désirs fossiles. Hélas, le vin merveilleux avait viré vinaigre, mais il était tiré et désormais, il fallait bien l‘avaler, histoire de faire passer les antidépresseurs qu‘elle prenait par poignées. L’esprit englué de bitume, l’infirmière blonde n’était plus qu’un meuble silencieux aux tiroirs vidés, qui faisait simplement partie du décor austère de la clinique, puisque son rêve avait pris cher. En faisant face aux stratégies de prise en charge des examens cliniques, en assistant les arthrodèses et les trapézectomies des croulants Suisses, son petit cœur vaincu saignait d’une triste hémorragie, puisqu’il venait de s’écorcher douloureusement aux épines acérées de la rose. Les crèmes solaires protégeaient du soleil, mais aucun baume n’existait pour se garantir d’un échec amoureux. Jason trottinait à présent sur le petit vélo que Cassandra lui avait collé dans la tête, pour ne pas dire ailleurs, mais la réalité de la déconvenue de Gwendoline n’était réductible à aucun diagnostic. Elle était retournée vivre chez elle pour fuir cette clinique tragique et le chassé-croisé de ses couloirs maudits, mais elle n’avait même plus la force de laver son linge. La nuit, elle frappait son matelas à coups de poings désespérés, inconsolable, pour constater chez elle à son réveil qu’elle faisait un début d’eczéma. Sa tête se séparait d’un corps dont elle ne voulait plus. Les organes se mettaient peu à peu en place après la conception d’un enfant, certes, mais le cœur ne se finalisait jamais vraiment chez les adultes, surtout chez les infirmières déçues, et ça n’était même pas la peine d’aller faire son strip tease chez un échographiste pour en avoir la preuve. Elle avait des douleurs dans la nuque et perdait de la masse corporelle, puisqu’il n’y aurait pas pour l’éplorée Gwendo de jouissance dans le manque. Le petite chrysalide blonde aux yeux bleus ne deviendrait jamais un splendide papillon aux bras de son fier médecin. Ainsi plongée dans une ère glaciaire toute personnelle, elle devenait en plus bougrement dangereuse au volant.

 

– C’est bizarre, fit Florence Calmann-Lévy à sa collègue Jacqueline De Minuit, alors qu’elles se baladaient toutes les deux en Réa histoire de déclamper l’un ou l’autre, dans toutes les toilettes, le plâtre se barre des murs. La clinique est ultramoderne, pourtant.

 

– Tu veux dire qu’il y a des trous ? j’ai pas remarqué.

 

– Ben si, viens voir.

 

Flo entraina l’infirmière vers les toilettes pour dames de l’étage, où la femme de ménage y avait diffusé préventivement du parfum Chanel sur ordre du directeur, pour masquer une éventuelle odeur de selles. Effectivement, Jacqueline constata l’existence d’un petit opercule minuscule percé dans le mur,  auquel elle colla son œil, masqué en permanence par d’élégantes lunettes bleues.

 

– Ah ben merde, c’est le boulot d’un voyeur, ça. Viens avec moi, on va voir au troisième et on ensuite on va prévenir le docteur Halrequin, c’est inadmissible, une chose pareille !

 

Elles croisèrent Gwendoline Nathan à laquelle elles voulurent faire part de leur infâme découverte, mais la jeune femme ne leur opposa qu’un triste visage délabré et silencieux, avant de poursuivre son chemin somnambulique vers un but indéfini.

 

– Faut qu’elle arrête les cachets, celle-là.

 

– Je suis bien d’accord. Elle bafouille constamment en parlant, elle se cogne aux murs et elle se pique les doigts en prenant ses seringues à l’envers, t’imagines ! Je me demande d’ailleurs toujours si ce n’est pas une ancienne boulimique.

 

Elle n’eurent guère le temps d’épiloguer là-dessus, car en pénétrant dans les toilettes du dernier niveau, une large coulée de sang qui s’échappait sous une des portes pour former une impressionnante rigole les alerta aussitôt. Elles se précipitèrent pour l’ouvrir et heureusement, elle n’était pas verrouillée de l’intérieur. Pâle et pathétique, Véronique Bayard était couchée par terre dans un flot sanguinolent qui s’échappait de ses veines coupées, mais elle vivait encore. Le choc de cette vision apporta aussitôt chez les deux infirmières une réponse authentique et elles alertèrent aussitôt les urgences. Elles dépassèrent sans lui répondre le père Albin Michel qui trainait par là et s’inquiétait, puis Véronique fut envoyée précipitamment au bloc 03 où le docteur Gründ maitrisa l’horrible épanchement de sang, avant de procéder aux transfusions impératives. Dans son malheur, la petite secrétaire stagiaire avait bien de la chance d’avoir été découverte juste à temps et de se trouver dans une clinique. Elle sortait de son ombre bien sage sur un violent coup de tonnerre et lorsqu’on fut certain qu’elle pourrait à nouveau respirer la vie à plein poumons, on la plaça en sommeil forcé dans la chambre 72, sur un compatissant murmure de TS. Ensuite, le docteur en psychiatrie Edouard Grasset ne quitta plus son chevet. A tout hasard, Florence Calmann-Lévy lui avait également fait part de l’émergence spontanée de trous dans les murs des WC, ce qui signait de toute évidence le boulot d’un cinglé. Selon le praticien qui fouillait les inconscients comme Jason le faisait des entrailles, le problème de Véro ne se règlerait pas rien qu’en soufflant dessus. Aucun élément dans le passé de la petite qu’il avait consulté ne semblait lui offrir le moindre signe de piste, si ce n’est qu’à son âge, elle ne semblait pas avoir beaucoup d’amis. Les seuls courriers électroniques privés disponibles montraient tout juste une correspondance privilégiée avec France Loisirs, l’agent d’accueil qui l’avait précédée à son poste, et qui était partie vivre à New-York. Grasset fit cependant prévenir ses parents divorcés, mais seul son père, David Bayard, exerçant la profession de Monteur en chauffage périphérique à Zurich, daigna se déplacer. Le psychiatre lui serra la main froidement, après avoir laissé l’homme un bon moment regarder sa fille endormie. Un pauvre petit vampire femelle exsangue, une petite poupée désespérée aux joues devenues très blanches, enfermée à présent par prudence thérapeutique dans la solitude de ses rêves plus noirs que blancs.

 

– Vous savez, monsieur Bayard, quand un chaton s’oublie sur un tapis, on lui met le nez dedans avec une tape sur le museau, c’est une question d’hygiène et d’éducation.

 

Et il découvrit largement le drap qui recouvrait Véronique pour montrer à l’auteur de ses jours les cruelles scarifications qui balayaient les cuisses de sa fille. L’arrivée impromptue et peut-être un peu curieuse du père Albin Michel dans la chambre empêcha le père d’avoir à répondre. Bayard signala juste au psy qu’il n’était pas au courant d‘un tel masochisme chez son enfant, tout en lui rappelant comme pour se justifier qu‘elle était majeure depuis un bon moment. L’aumônier regarda la gamine avec certainement le même regard utilisé par la vierge lorsqu’elle assista fiévreusement son fils au pied de la croix.

 

– Hélas, tout homme qui commet le péché est un esclave, au lieu d’être à l’image du nouveau-né qui désire le lait non frelaté de la parole afin de croitre dans le salut, de Lausanne à Neuchâtel, en passant par Genève.

 

– Allez vous faire foutre, le railla Grasset, ce n’est pas le moment de nous servir vos plats, vous êtes ici dans une chambre de malade et vous n‘êtes pas en chaire. Je vous serai assez reconnaissant d’arrêter, quand je suis en train de travailler, de me casser les couilles avec votre péplum.

 

Père Albin se redressa et eut un geste vif, car il détestait ce psychiatre qu’il considérait comme la plus complète incarnation de Satan qu‘il avait jamais eu le loisir de rencontrer. Dans ce mouvement réflexe quasi involontaire, l’étui à cigare tomba de sa poche et roula sur le sol, où l’aumônier soudain rouge de figure s’empressa vivement de le ramasser. David Bayard avait toutefois eut le temps de visionner l’objet.

 

– Ah, vous fumez le Cohiba ? c’était précisément le cigare préféré de mon père, vous savez. D’aussi loin que je me souvienne, j’en ai toujours eu l’odeur dans le nez.

 

Mais le père Michel quitta la chambre assez vite, sans jeter un nouveau regard pour la jeune fille, et sans rappeler aux autres qu’il n’y a pas de crainte dans l’amour et qu’au contraire, le parfait amour bannit toute crainte, car la crainte suppose un châtiment. Personne dans cette clinique, ni même dans toute cette foutue Suisse où l’on vote sans respect tous les jours du seigneur, personne, au grand jamais, ne l’avait certainement jamais vu fumer quoi ce soit.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:28:09
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Posté le 14-02-2016 à 14:18:33  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 79.

 

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Lorsque la communauté regagna le logis de Brakmar à la braguette velue après avoir quitté celui du roi Karbone XIV, l’enfançon de dame Helga avait grandi si rapidement qu’il était en train de dessiner de beaux vélins par terre. Aucun des grimoires de Mirlen ne pouvait luminer sur ce fait, mais le gosse à peine né faisait déjà cinq ans, sur la foi de la seule apparence. Sa mère encore bien las se trouvait toujours clouficher d’enfantement sur son lit, mais elle semblait très fiérote des progrès de son fils. On s’attroupa autour du gosse pour en laisser sa mère en faire l’article :

 

– Par Kramouille, savez-vous que mon mioche jacte avec aisance la langue de ces Onkulés dont je fus reine, mais aussi très parfaitement la nôtre ? Point ne veut mon fillot du nom que je lui ai donné. Il ne veut plus que je le nomme Jacky Kenedi, dit le vaillant hardi, mais il déclare s’appeler en vérité Aygot Zeblouse, du nom de son aïeul chéri.

 

Mirlen se pencha sur le môme avec bienveillance, comme le font les pêcheurs à la foëne courbés sur leur filet, tout en faisant risette à son menton :

 

– Je vois monsieur que vous touchez à la peinture de genre, qui donnera au salon plus grande gaité. Ainsi, vous êtes dites-vous Aygot Zeblouse bien né d’un Onkulé ?

 

– Loutic à laifem lommequé vous litedems, vous qui lentéssuche le lieuvic lanciras, mais j'ai ma losedem de vos liberombems, et louhaiteraisattes lonneboque bidoche, car mon letipem lorcoques à des lesoimbems que ne leuventpem latisfairessoque à lésentpric les lancblés létontics de ma lamanmé.

 

Tout le monde eut un moment de recul en l’écoutant jacter, car ce mutant jasait, sans avoir eu le temps de l’apprendre, la langue des cannibales honnis. Alignore se jeta en arrière et chercha réconfort au bras de son mari.

 

– Watch ben ça mon chum, mais watch ben ! ostie de ciboire de crisse, la magie des sorciers nous pète en plein dans face, et pi chez moi en plus ! Cré-moé, faut larguer sur un maudit glacier dès qu’on pourra ce jeune qu‘a l‘air de s‘en faire accraire, pour s’en débarrasser.

 

– Eh toi la vieille toquée, fit le petit Aygot en lâchant son crayon et le pouce qu‘il suçait, je ne te conseille même pas de m‘approcher.

 

– Allons Jacky-Aygot, mon brave hardi, cesse-donc d’importuner tous ces braves gens qui nous hébergent et viens donc près de moi pour câliner maman.

 

Helga ayant gentiment tapoté sur la peau de bique qui recouvrait son lit, le gamin délaissa ses couleurs pour aller docilement se lover dans les bras maternels. Il grandissait si vite qu’on nota sur les traits de sa figure quelque progrès nouveau, mais il portait sur l‘assemblée un regard d‘une indicible expression. Brakemar ne semblait point follichon d’une telle aventure, et s’occupait à rassurer sa mie au corps encore tendu par l’épouvante, en lui couvrant les yeux pour ne plus qu‘elle assiste à une ordure de si grande portée. Le corps tout bien dressé, le Bozobi décidait à part lui que ce mioche terrifiant ne saurait trépasser de maladie, mais que sa brave épée déferlerait bientôt sur l’anormale caboche de ce mangeur des autres. Il creuserait ensuite dans la falaise, pour remercier Kramouille, une grande chapelle ruisselante de lumière et de joyaux, car c‘était bien le prix d‘un tel occis vilainement né. On délaissa finalement en silence la chambre, pour aller deviser au salon et Monoïsurmékos prit congé d’eux, lui s’en allait pour partir en secret rêver de la fille du roi Karbone, qui chatouillait si brillamment ses chausses.

 

– Maudit gamin de cul à marde, fit Brakemar pour tout le monde, j’y apporterai son remède ben à moi, à ct’animal qu’a rin de normal en rin. Quand même, ct’une engeance cannibale, cte niaiseux de mongole. J’rappelle à vous autres que c’est pas trop le moment de fignoler à ct‘heure, alors que Raklur de Bidet a décidé de nous attaquer ! Déjà ya les fumées de son armée qui montent partout dans la vallée.

 

– Soyez fort prudent, mon ami, lui répondit Mirlen, car vous ne sauriez l’étrangler facilement, avez-vous vu comme son corps se refait à chaque instant ? il est à peine venu au monde et pourtant, bientôt, il aura barbe noire ! Je vous conseille de vous calmer, que l’on y voit plus clair dans l’informe et étonnant brouillon que dame Helga nous a livré.

 

– Ouais, fit Alignore, pogne pas tes nerfs et mange pas tes bas, mon doux mari, on sait pas de quoi au juste ce maringouin est capable, tsé. Mais je m’en va barrer cte maudite chambre à double-clef, en attendant de mieux vouére. Mais ça m’empêchera pas de chioler dessus mes confitures, en sachant ça chez moué.

 

Le lendemain de ce jour désastreux, on chemina vers la grotte où s’alitait Hivalanoué, après avoir laissé Brakemar et Alignore dans l’angoisse qui s’était abattue au sein de leur maisonnée. Le grand guerrier se remettait de sa blessure qu’on avait recousue proprement, et William et Erald lui tombèrent dans les bras en le voyant sauvé. Belbit sauta au pied du lit en souriant, et Mirlen jetait l’œil sur les baumes et les onguents qu’on avait conseillé.

 

– Tiens, tiens, ces gars d’ici sont fous des champignons, mais j’approuve la pratique, car sans tous ces remèdes vous seriez par malchance mortellement infecté. Mais par Kramouille, grâce à vos bons médecins, vous serez bientôt vaillamment sur vos pieds.

 

– Tant mieux, lui répondit Hivalanoué, on m’a dit qu’une guerre menaçait la contrée, je veux en être, car mon épée sera bientôt rouillée.

 

– Le roi Karbone à ses problèmes, fit Erald en s’asseyant sur une chaise pliante, mais je me demande s’il serait bon pour nous de servir sous le drapeau des Bozobis, qui ne sont point de nos familles.

 

– Certes, il est vrai messire Erald, mais voyez, ils m’ont sauvé la vie et pour tout dire, j’ai contracté une dette éternelle envers eux.

 

– Toute cette affaire nous éloigne un peu trop de la fleur de pinette, ajouta Mirlen, mais le gamin d’Helga, dont la capacité de vieillissement dépasse celle d’un bon vin, nous pose très gros problème, et tous les Troglobites se sont montrés des gens forts généreux. Il me semble que nous devons bien faire pour les aider.

 

– La brillante reine Naphtaline Dumuzdorsay m’a dit se régaler du son de ma flûte, je pense qu’il serait malséant de trop tôt l’en priver. Belbit leur jeta un regard mutin, mais tous le monde s’étonna de le voir aussi prompt à bien vouloir se rendre utile, une habitude dont on savait qu‘il n‘était pas trop coutumier.

 

Deux jours plus tard, alors qu’un fin duvet commençait à pousser sur les joues d’Aygot Zeblouse autour de son acné, Alignore poussa un cri d’effroi, car Monoïsurmékos venait par une échelle de fuguer de la ville en compagnie d’Agrippepine, en laissant dans sa chambre d’ado une lettre qui expliquait son geste, sur laquelle était dit qu’il partait rechercher son vrai père, pour le convaincre d’abandonner toutes visées guerrières sur les grottes de Bozob.

 

– Tabarnak ! Hurla Brakemar en prenant connaissance de ce mot, vlà mon épais de con de flô qui va courir au milieu du danger des fardoches avec la fille du roi qu’a le scrotum slack, pour y faire son muguet. J’men va lui garocher sa fiole, si jamais je le retrouve, mais par Kramouille, faut-y d’abord que j’aille en chemin pour le chercher ! A va y apprendre à coup de câlisse dans la gueule, à mon pouilleux de bâtard, à se faire tailler des pipes dans la bruyère par cte ciboire de plote de jument d’achalée de princesse.

 

– Hors de question pour nous de ne point vous aider, messire Brakemar, prenez donc vos guerriers, mais nous irons aussi et fouillerons avec vous toutes les pierres du Poingé, afin de vous redonner fils, fut-il conçu par l‘œuvre de Raklur. Allons, plaça donc Mirlen en causant aux amis, prenons sans attendre armes et balluchons, puis mettons-nous également sur la route, avant que nos deux tourtereaux n’aient trop d’avance sur nous.

 

Sans plus faire attention aux pleurs d’Alignore et ses cris éplorés, Brakmar à la braguette velue rallia une vingtaine de bons guerriers, et quitta donc Bozob avec les invités pour descendre dans la plaine au milieu d‘un panier. Puisque les Troglobites avaient, pour se rendre au fond du gouffre, construit un appareillage compliqué, tiré par contrepoids de six cent douze lamas fortement musclés.

 

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Bon dimanche à tous

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:31:09
n°44818998
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-02-2016 à 14:29:04  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 14.

 

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Deux cantonniers qui curaient un fossé indiquèrent le chemin de la maison pour dingos, parce qu’il fallait la trouver, vu qu’elle se situait à l’écart de tout. Un infirmier vint ouvrir la haute grille du domaine pour laisser entrer la Ford qui traversa à vitesse réduite un vaste parc, où s’agitait tout un peuple au cerveau démoli à des degrés différents. Smith essuya de la part de types en bonnets à dentelles des coups d’œil malveillants, des sourires blessants, des paroles ridicules. Dans l’opulente propriété, certains haïssaient plus leur voisin que le monde et parlaient des langues inventées, d’autres se labouraient la figure avec des feintes violentes, entonnaient des chants solennels en empêchant les autres de manger debout. Une tricotait en bavant un pull d‘un kilomètre, en attendant l’heure de la soupe ou de ses cachets. Quelque uns portaient des masques étranges et des bottes en caoutchouc, récitaient l’évangile, collaient aux infirmiers, chargés entre autre de surveiller le vol plané des nains de jardin, des taloches puis des caresses ; mais certaines scènes éloignées présentaient moins de lisibilité, sans que l’on puisse en nier le caractère sexuel, y compris à l’égard des oiseaux du ciel et des poissons rouges des bassins. Smith et Vaya se gardaient bien, assis en silence dans la voiture, de regarder dans l’œil l’un ou l’autre de ces énergumènes, comme de détailler plus avant la manière dont ils agrémentaient leur promenade. Il se garèrent dans le parking de l’institut spécialisé, sur le grand perron duquel le docteur Anette-Zoé Vonbrune les attendait sans hâte, en tripotant sa poire d‘alerte au fond de sa poche. Smith lui avait téléphoné de manière succincte.

 

Une mosaïque passive de deux Gallos-Romains, un astronaute, trois Louis XIV et quelques Pompadours vint s’agglutiner autour d’eux, rapidement chassés au pistolet à eau par des hommes en blanc très véloces. Un flot continu de patients bigarrés persista néanmoins à venir aux nouvelles, derrière les fenêtres de la directrice situées au rez-de-chaussée, lorsque Martin et Vaya prirent place devant son bureau. Elle se montra d’emblée fort gênée d’avoir à parler du fameux Hubert Van Degaffe, puisqu’il avait réussi à s’enfuir de chez elle au cours d’une chasse au trésor dans le parc, en brouillant depuis toute trace de sa disparition. Une dernière allusion de l’Associated Tabloïd, déjà très ancienne, le disait aperçu du côté d’Hawaï, à la recherche de venin de méduse auprès d’un laboratoire spécialisé. Anette-Zoé Vonbrune serra la main de ses visiteurs sur un geste d’une convulsion exagérée. Smith posa devant elle l’énigmatique carnet tant recherché par la bande à Gros Bill :

 

– Reconnaissez-vous cet objet, docteur Vonbrune ?

 

Elle imita le miaulement d’un chat avant de ployer les épaules comme un légionnaire sous son lourd barda. Elle passa une longue minute à se gratter le mollet avant de répondre. Cette grande blonde bouclée aurait pu facilement jouer la vedette d’un soap-opéra amerloque.

 

– Ah oui, ce machin est complètement dingue, n’est-ce-pas ? Mais elle échoua totalement à éclater de rire. Van Degaffe n’arrêtait pas d’y porter des notes, il l’a d’ailleurs écrit ici. Comment cette chose est-elle en votre possession ?

 

– Peu importe, voyez-vous, la police et moi-même sommes certains qu’en dépit des apparences, ce calepin contient quelque chose de précieux, pour son auteur, au moins.

 

– C’est ridicule. Ce  docteur  est en réalité un monsieur très perturbé, qui peut passer de l’apathie la plus profonde pour se mettre d’un coup à crier et gesticuler. Il m’a foulé le poignet, une fois, j’ai dû garder le plâtre trois semaines. Ses expériences ont déjà tué, c’est un fait avéré. Son internement l’a rendu encore plus grincheux, surtout lorsque Interpole a dit le soupçonner de plusieurs rapts d’enfants jamais retrouvés.

 

– Comment s’est-il échappé ?

 

– Grâce à une complicité. Il a utilisé une arme de poing cachée dans un fourré du parc. L’équipe de nos employés s’est inclinée devant sa détermination, lorsqu’elle a compris que le pistolet était un vrai, puisqu’il a blessé l’un d’eux. Il s’est enfui à bord d’une voiture qui l’attendait, l’un de nos chiens lancé à ses trousses est mort écrasé sous les roues de ce bolide. Personne n’a jamais pu gagner la confiance de ce malade, il essayait toujours de récolter, souvent brutalement, des touffes de cheveux de tous ceux qui se laissaient surprendre. Il avait depuis longtemps passé le stade de l’observation, mais pour les scientifiques qui se sont penchés sur ses travaux, son imposture n’est cependant pas dénuée d’un brin de génie. Il est visiblement atteint du syndrome Ophélie Gable. Elle ferma la bouche, embarrassée.

 

– Des sources m’ont confirmé ses dons, reste qu’il a donné une orientation bien fumeuse à ses visions.

 

Un pensionnaire déguisé en ogive de SS-20 percuta violemment la fenêtre en faisant sursauter Vaya sur sa chaise. Anette-Zoé Vonbrune appuya sur sa poire, qu’elle avait posé sur ses dossiers désordonnés. Le missile humain dégagea promptement.

 

– Excusez-moi, ce n’est pas grave, j’ai l’habitude, c’est mon métier. J’en ai un qui se prend pour un ventilateur et qui éternue presque un million de fois par après-midi. Pas une fleur ne résiste dans le vase de sa chambre. Van Degaffe, lui, il est obsédé par l’idée de fournir au monde une jeunesse éternelle. Pour lui, si le monde est en grand désordre, c’est parce qu’il vieillit. Il nous disait que les pouvoirs publics étaient impuissants ou complices et dénonçait constamment cet état de fait. C’était un type assez taciturne, mais sur la question de mettre au point un jour une procédure scientifique visant la jeunesse éternelle, par programmation d’un ADN synthétique, cette fameuse adénopathie planifiable dont il nous rebattait les oreilles, son discours semblait intarissable. Le fait est que sa rhétorique n’a jamais donné lieu à la moindre situation comique dans cette maison. Mais j’ai déjà longuement débattu de son cas avec la police, avez-vous du nouveau sur son compte, monsieur le commissaire ?

 

– Oh, je ne suis pas commissaire, docteur, mais détective privé, j‘ai sans doute oublié de vous le préciser en vous parlant d‘enquête.

 

– Alors foutez-moi le camp ! Lâcha soudain très en colère Anette-Zoé Vonbrune, qui voyait qu’elle venait de faire une méprise regrettable, et elle se leva brusquement en ouvrant la porte pour chasser le couple sans ménagement. Elle interpella même un infirmier pour être certaine que Smith et Vaya grimperaient sans délai dans leur voiture.

 

– Ah ben merde, elle est bonne celle-là. Cette bonne femme ne nous a rien appris, laissa échapper Vaya, et en plus, elle est bien mal élevée ! Elle évita de son côté de porter attention à Caïus Julius en toge blanche, qui arrosait au passage le pare-brise avec un tube de mayonnaise.

 

En se refermant sur leur faune historique, les grilles venaient clore, en effet, un débat avec la directrice qui n‘avait pas été très utile.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:32:48
n°44830440
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 16-02-2016 à 13:35:07  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 50.

 

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Si la petite chatte de Néefièretarée s’ennuyait un peu, ça n’était désormais  plus le cas des ouvriers du chantier naval qui redoublaient d’ardeur, puisque leur chef n’était plus autorisé à picoler ses bières. Aton dieu de lumière transformait les baraquements en fournaise, mais l’on ne devait plus boire que de l’eau infestée par les microbes fécaux. En un temps record, les charpentiers jouèrent de l’herminette et du rabot, le fil à plomb vérifia les verticales et fouetta les cervicales, le bâton de trois coudées servit non seulement d’échelle mais à cogner sur la gueule des plus lents, et une noria de petites barques en papyrus apportèrent divers matériaux nécessaires venus des rivages voisins. La plus grande ferveur patriotique s’accompagna pour les uns et les autres d’une multitude de coups de fouets sur les miches. En les tirant avec des cordes, de nombreux ouvriers moins motivés furent lubrifiés et trainés sur le sol, en un laps de temps bref. Alors que le chantier n’accusait plus aucune scène coutumière de son ébriété, l’armada royale prit finalement sa forme définitive et le bateau de la pharaonne en constituait indiscutablement le précieux joyau. Bien que sa réalisation fut fort coûteuse, la qualité de sa création vint démontrer admirablement l’originalité de sa maquette, avec une poupe et une proue clairement identifiées. A Tépafou on commençait à s’impatienter, compte tenu du fait que plusieurs maisons avaient été rasées pour établir l’espace nécessaire au chantier, et qu’une école avait été fermée pour servir de dortoir aux ouvriers. Les déboires judiciaires des associations déboutées de leur demande d’indemnisation des territoires perdus chauffaient encore bien des esprits. Beaucoup mâchouillaient d’ailleurs encore les particules abrasives provenant du meulage de leurs dents, ordonné par l’armée. Quelques manifestations de tailleurs de pierre, qui vinrent s’indigner parce qu’ils ne servaient à rien dans ce projet, furent rapidement réprimées par les soldats de Merdenkorinnanâr, en dépit d’une oreille attentive du grand vizir Phimosis, lequel organisa un splendide festin réservé aux délégations. Sur les chaussées pentues des aires d’embarquement, les navires s’alignèrent enfin et les contremaîtres cessèrent de frapper des mains sur leurs équipiers. Ceux-là repartirent jouer avec les filles et cédèrent la place aux marins, dont pas mal de pirates de la méditerranée qui trouvèrent là un refuge bienvenu, sous l‘œil suspicieux des services de recrutement. La Compagnie de Suez prit des parts importantes dans l’armement des bateaux, notamment en prenant le contrôle des entreprises chargées de tisser les voiles en coton, et notoirement un obscur fournisseur de l’« Organza et Nylon à Sion ». Vint le moment de la mise à l’eau, après une cérémonie présidée par le grand prêtre Jérijône et ses petits assistants masqués, palmes aux pieds et jarres dans le dos. Le splendide vaisseau de la pharaonne fut ensuite confié à Khnoum, le fameux dieu à tête de bélier, gardien compris dans les charges locatives des sources du Nil. Quelques chameaux qui s’abreuvaient plus loin moururent noyés dès que les étraves plongèrent dans les flots. Autour de l’artère vitale constituée par le grand fleuve envahi par les barques, une multitude de gens de tous les âges et horizons se bousculèrent pour assister joyeusement à l’événement, et de nombreux pêcheurs à l’épervier munis de leurs filets lestés moururent noyés.

 

Néefièretarée était présente sur la rive, juchée sur un beau trône en or. Elle avait grandement hâte de longer enfin le chaud et profond désert de Nubie, et elle avait dans cette prévision demandé d’embarquer un bon stock de crème solaire, sur les conseils éclairés de Trêmouatoli, puisque le jolie esclave embarquait avec elle. Très sensible à l’humidité, la belle vêtue d’une ceinture et d’un cache-sexe rouge appréhendait un peu ce voyage, mais sa copine lui avait fait la promesse de faire creuser une tombe pour elle à ses côtés, enfin pas trop loin, dans son grand mausolée de Larnak. Son splendide torse sculpté par le bonheur, la jeune fille accepta finalement d’embarquer sans plus rechigner. Alors que deux bateaux venaient déjà de s’écraser sur les brise-lames qu’on avait posés pour faire de Tépafou un port accueillant, Néefièretarée admirait le sien, d’une envergure exceptionnelle. Les gens du show-business avaient plus que jamais besoin d’être rassurés, et elle reconnaissait à Pubi Senfouyî la force et la vision spirituelle de son talent de constructeur. Sur les hauteurs de la ville, sa somptueuse villa allait être mise en location vente, en évitant de mentionner son architecte enseveli dans les fondations, opération immobilière juteuse, comme elle le précisa aux nombreux scribes des journaux présents. De simple bourgade isolée par sa modestie, la simple venue de la reine avait fait passer Tépafou à un demi-million d’habitants, provoquant la jalousie des hameaux alentours, mais ils n‘avaient pas cette chance d‘être baignés par le Nil. Dynamique, stimulante et remplie d’optimisme, la reine voyait dans cette expédition l’occasion d’un épanouissement personnel, en dépit des malaises qu’occasionnerait le mal de mer. Elle laisserait cependant aux marins le soin de faire le chemin et de trouver leurs propres réponses. Des fois qu’un imbécile aurait collé quelque part, du côté de quelque cataracte, un pont trop bas sur l’eau. Avec une écriture vigoureuse, Phimosis loua sur ses papyrus l’audace de la pharaonne qui allait vers elle-même, vers les autres, vers le monde et vers ces enfoirés de grévistes qui avaient scandaleusement laissé tomber le chantier de son tombeau. Oui, on allait accomplir un voyage extraordinaire, un périple fleuvographique comme l’humanité n’en avait jamais connu de semblable, guidé par la reine qui en serait l’étoile lumineuse et fardée.  Seuls les bûcherons au chômage qui avaient rasé toute la forêt nécessaire au bois des bateaux pouvaient encore se permettre de râler. Un seul échappa d’ailleurs aux tueries de la répression organisée par le général, et la fin de cette corporation locale fut sanglante. Néefièretarée embarquait avec elle une large compagnie savante, des géographes, des maquilleurs, des danseuses, des astrologues, des musiciens et des voyants. Le plus gênant dans cette croisière, en dehors de la menace des Hittites ou des Hyksos, serait sans doute de faire ses prières à Amon « le caché » dans la promiscuité des cabines, sans parler naturellement de ses besoins, ni d‘une toujours possible transmission de la grippe des poulets enfermés dans leurs paniers d‘osier.
 
 Bien dans son domaine de compétence, le capitaine amiral Sésoscristop était l’expert chargé de conduire l’escadre des navires vers leur but lointain. Sympathique et motivant, le gars plus trop jeune fut présenté à la reine, en promettant qu’il s’assurerait personnellement que ses pêcheurs rejetteraient à l’eau les poissons non munis de taille légale. Il fit état d’un catastrophisme tranquille, en faisant bailler la pharaonne sur des questions de Nil pollué, de biotope des rives appauvries par les troupeaux d‘hippopotames, de l’énergie des esclaves dilapidées par toutes ces merdes de pyramides inutiles, et Néefièretarée le congédia pour lui dire qu’elle arrivait dans une heure et qu’il se dépêche plutôt dans le plus bref délai d’aller préparer sa cabine. Il la quitta en apesanteur d’avoir la charge de piloter la reine d’Egypte sur le Nil, et celle-ci s’en débarrassa par la promesse que Phimosis établirait bien entendu sur les craintes du marin un rapport préliminaire. Mais elle médita la leçon, en se disant que plus ce gars-là serait occupé, moins il aurait à l’avenir l’occasion de la saouler. Puis vint le moment de présenter à la douane son papyrus sauf-conduit écrit en arabe, et franchir symboliquement une fausse porte sculptée, en laissant passer une charrette qui transportait un obélisque destiné à être embarqué, mais dont l’encombrant chargement s’avéra être en réalité une regrettable erreur de livraison. Long de 60 mètres, large de 25, son bateau somptueusement effilé avait de la tronche, car il témoignait admirablement par son apparence du prestige de sa glorieuse passagère.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:34:03
n°44846227
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 17-02-2016 à 15:54:30  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 05.

 

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En cette fin d‘années 1957, Gaston qui a quatre ans se débarrasse enfin de ses pénibles chiasses chroniques, grâce aux remèdes de cheval du docteur vétérinaire Pastiot venu assister la naissance d’un veau bizarre ; alors qu’à la ferme, arrive la modernité. En effet, un type bien habillé vient un jour de la ville dans son fourgon Renault Goélette, pour vanter à Ernestine la beauté des tables en Formica. Un brin méfiante mais impressionnée par la belle prestance de l’inconnu, mémé s’essuie finalement les mains sur son tablier bleu pour le saluer, alors que son visiteur se met d’emblée à lui vanter les mérites de l’agrarisme, tout en bottant le cul d’une poule errante pour exalter le noble travail de la terre. Voyant Ernestine toujours sur ses gardes, il change de tactique et se fait plus cordial :

 

– Il est pas là votre mari ?

 

– Ben non, Alcyme est à la foire de Troulbled avec les gamins pour essayer de vendre notre veau, une bête pas facile qui est née avec cinq pattes, et même pas un cuissot de plus, en fait.

 

– On peut rentrer causer ?

 

– Si vous voulez.

 

Toujours un peu soupçonneuse, elle introduit le beau parleur de taille moyenne, un certain Philippe Ainpet, jeune entrepreneur en mobilier de Troulbled, comme il se présente lui-même, avant de jeter un rapide coup d’œil intéressé sur la grande pièce centrale. Il admire d’emblée l’obus posé sur la grande commode, un souvenir ancien qu’Alcyme a ramené du front en 1918. Ernestine fait sa fiérote, comme à chaque fois que quelqu‘un s‘intéresse à son décor, bourré de cuivres et de dentelles.

 

– Il est beau, hein ? Ça vient de l’Allemagne, et s’il brille comme ça, c’est que je lui met un bon coup de torchon tous les samedis. Ho, mais faites attention tout de même à ne pas le laisser tomber, il n’est pas désamorcé ! Alcyme, il aime que le vrai. On aura plus besoin de ces choses là, maintenant que la France va avoir sa bombe atomique.

 

Ainpet repose doucement, avec un zeste de crainte, la lourde relique guerrière qu’il a négligemment prise en main, puis il va s‘asseoir à la grande table monumentale, sur l‘invitation de la grand-mère. Ernestine pose en face de lui la casserole en aluminium remplie de café bouillant, où se réchauffe en permanence au bain-marie, sur la cuisinière à bois, un reste de ce noir breuvage.
 
– Vous n’êtes pas envoyé par Mr le Baron de la Tronchedecon, j’espère ?

 

–  Mais non, pourquoi vous dites ça ?

 

– Parce que ça ne lui suffit pas d’être le plus important fermier de la région, il veut en plus racheter nos terres, mais nous, on bougera jamais de là.

 

– Vous avez bien raison. Non, voyez-vous, je suis venu vous proposer une offre qui va vous changer la vie. Il désigne du doigt la lourde table en chêne aux pieds sculptés, installée au sein de la famille Boudiou depuis quatre générations. C’est du boulot l’encaustique, là-dessus, hein ?

 

– Ho m’en parlez-pas, c’est bien vrai ça.

 

Il fait la grimace en avalant son café dégueulasse, puis il se lève d‘un coup avec une soudaine énergie très perceptive.

 

– Bougez pas, je vais vous montrer quelque chose qui devrait vous épater.

 

Une fois dans la cour, un jeune commis qui n’a pas été appelé pour l’Algérie est resté dans la camionnette ; il en descend pour aider son patron à sortir par l’arrière une table en Formica flambant neuve. Après en avoir rapidement vissé les pieds, ils l’apportent sans effort dans la cuisine, puis Ainpet renverse dessus sans façon un peu de son café. Ensuite il s’empare d’une éponge pas fraîche qui traine sur le lavabo ébréché et le miracle a aussitôt lieu, puisque la petite flaque brune s’efface comme par enchantement, sans laisser aucune trace. Ernestine est pour le coup impressionnée par ce qu‘elle vient de voir ; avec une table pareille qu’on a plus besoin de cirer, et un seul coup d’éponge pour la nettoyer, c’est surement bien de la corvée en moins. Et puis, elle admire en douce les deux tiroirs et les rallonges pratiques qui font gagner de la place.

 

– Alors ? Vous avez vu ma table du vingtième siècle qui nous vient du marché commun ? Un unique coup d’éponge magique et hop, terminé, c’est propre, comme en Amérique ! Et vous pouvez y aller, c’est du solide, ça résiste au feu et aux produits chimiques. Et bien, moi, je vous échange cette merveille contre votre vieille table démodée et moche qui pèse une tonne, pas besoin de payer. Pas besoin d’argent, hein !

 

Ernestine est vraiment séduite, c’est vrai qu’elle est belle, sa table en Formica gris plaqué sur du novopan, comme ce Philippe le précise, une belle table moderne qui brille chez elle comme un joyau poli. Et on peut même la plier si on veut ! Et puis avec ça, ce serait bien fini de passer les samedis à cirer et astiquer, elle se voit déjà profiter du temps gagné pour finir au plus vite la manche du tricot à rayures qu‘elle destine à Gaston.

 

– Ben je dis pas non, mais mon mari n’est pas là. Faudrait revenir.

 

– Impossible, fait l’autre avec emphase, je vais de suite chez Mr le Baron, lui va me la prendre à coup sûr, mes meubles sont stratifiés à la haute pression, vous savez, c‘est de l‘inusable. Ils apprécient bougrement le progrès, les aristos du manoir, même leur fille Marie-Charlotte se coiffe comme BB et fait ses courses au supermarché. J’ai entendu dire que Madame la Baronne va se rendre à l’enterrement du couturier Dior avec sa nouvelle Simca.

 

C’est évidemment la chose qu’il faut dire pour gagner le troc. Il remporte donc le droit d’embarquer le vieux meuble, en laissant l’autre prodige du future sur place. Tant qu’à faire, le jeune commis qui ressemble à Marlon Brando et son patron chic échangent également l’armoire en merisier qu’Enerstine a héritée de sa tante, pour une espèce de buffet rouge longiligne à pieds chromés, et avec ça, on se retrouve en plein XXème siècle chez pépé et mémé Boudiou. Les nouveaux meubles font bien propres et brillent comme des miroirs, Ernestine est ravie. En sortant, le gars endimanché reluque un bon moment les belles auges en pierre qui viennent du moyen-âge et assure qu’un de ces jours, il reviendrait bien aussi pour les échanger avec des cuves en plastique, quand même plus propres et plus pratiques à trimballer. Ce coup-ci, Ernestine l’envoie quand-même chier, parce que ses auges en pierre taillée, elle compte bien y mettre un jour des géraniums, comme a fait la bonne de l‘abbé Julio pour celle qui trône dans le jardin du presbytère.

 

Quand Alcyme revient de la foire avec les gosses grimpés sur le tracteur rouge, il a vendu le veau à l’association des anciens combattants, laquelle veut exhiber le monstre lors de la prochaine kermesse. En fait, il ne l’a pas vendu, mais échangé avec vingt litres d’eau de vie frauduleuse. Mais Ernestine n’a pas le temps de dire grand-chose, car pépé gueule plus fort qu’elle, quand il voit que les meubles ont disparus.

 

– Mais nom de dieu, tu t’es fait avoir avec ce type, la table et l’armoire des aïeux, tu sais combien ça vaut chez l’antiquaire ? Pour des saloperies qui vont pas durer. Merde alors !

 

– On est quitte, fait néanmoins Ernestine fièrement, en prenant un ton farouchement résolu, toi t’as pas vendu le veau. Si la police trouve tes litrons, t’es foutu. Et puis c’est pas toi qui la cirait, l’autre vieillerie. Je te signale que le Baron en a aussi chez lui, des meubles en Formica, comme dans toutes les bonnes familles, mais toi t‘es pas moderne. Va plutôt rentrer le foin, je sens venir la pluie pour bientôt.

 

– Oui, pt’et, fait pépé en tournant casaque, mais tu ne mettras pas de ces trucs dans la chambre des gosses !

 

Et c’est comme ça que le Banania ou la soupe aux herbes, maintenant, Gaston et Angèle s’en fichent pas mal de les renverser. Ernestine leur pardonne toujours, parce qu’elle n’a jamais reconnu franchement s’être fait scandaleusement voler. Dans ce face à face qu’il livre chaque jour avec la nature grandiose, Gaston colle des pailles enflammées dans le cul des crapauds pour les faire fumer, fait tournoyer des scarabées au bout d’une ficelle, mais il lit aussi tout seul le journal, au grand étonnement de mémé. D’ailleurs, il vient de terminer la lecture de « Sans famille », d’Hector Malot, un livre que lui a gentiment donné l’épicière, mais les grands-parents Boudiou ont bien vu qu’il ne se contentait pas de regarder les images. Et puis, grâce aux tables imprimées sur le verso du petit cahier rose que mémé lui a acheté pour dessiner dessus, il a appris tout seul à compter. Sans faute. Ils se disent qu’il faudrait sans tarder en parler à l’abbé Julio. Les trilles féminines du petit rire d’Angèle égayent la maison, Gaston l’aide à grimper aux arbres et cède volontiers à ses incessantes taquineries. Un soir, alors qu’ils dorment dans la même chambre au papier-peint outrageusement fleuri, la petite fille réveille brusquement son frère, car une grande lumière blanche vient d’éclairer la cour, et elle a soudain très peur. La lueur mobile et étrange semble tomber tout droit du ciel, mais les gamins sont trop éblouis pour en voir la provenance. Il fait clair dans la pièce comme en plein jour. Le vieux chien Nestor se met à aboyer comme un beau diable, sans pour autant réveiller les anciens. Et puis la clarté phénoménale s’éteint aussi vite qu’elle est apparue. A demi-aveuglés par cet étrange soleil, les enfants quittent la fenêtre à regret, mais la nuit se fait tout à coup plus chaude. Il leur semble entendre encore un dernier sifflement ténu, et puis il fait totalement noir à nouveau ; ils retournent ensuite se coucher tous les deux dans le lit de Gaston, parce que Angèle est vraiment terrifiée.

 

– C’était le Père-Noël, tu crois ?

 

– Mais non, c’est trop tôt.

 

– Alors c’est les anges du paradis qui sont venus nous dire bonne nuit.

 

Le lendemain, Nestor est mort près de sa niche et Léon Cocominute de Givenchy arrive chez eux très tôt dans la matinée. Il a l’air proprement bouleversé. Mémé lui sert la nouvelle gnôle gagnée sur le veau tordu, mais le verre de tord-boyau qu’il boit cul-sec le calme tout juste. Il étreint bêtement ses petits-enfants l’un après l’autre, comme s’il cherchait auprès d’eux quelque protection occulte, et il semble avoir beaucoup de mal à se remettre de ses émotions.

 

– Sacré bon dieu Alcyme, hier soir, dans mon jardin, j’ai vu une soucoupe volante !

 


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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:35:03
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Posté le 18-02-2016 à 15:31:20  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 22.

 

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Les tuyères sous-zionniques giclent une énorme poussée de sable oxydé sous les coussins de guidage du tank lorsqu’il s'arrête, puis il reste en portance immobile sur les coussins de sustentation qui prennent le relais, à quelques mètres seulement de Flash Gourdin. Fanch sait bien que ce gars-là aurait pu les attendre dans l’abri du dôme et les viser avec son WGRGG, une machine qui se joue souvent des mantelets électromagnétiques, ce qui aurait peut-être instantanément provoqué le massacre de son équipage. Ce genre d’arme apte au dégommage des Panzigs représente nettement plus qu’un simple lasergun d’assaut, et nécessite pour son maniement des individus bien entrainés. C’est d'ailleurs l’arme privilégiée par certains pilleurs de transbordeurs marchands, qui peuvent sur cette simple menace se rendre maîtres d’un cargo en quelques minutes. L’abordage du Big titty par cinq gars seulement équipés d’un tel armement est particulièrement restée célèbre dans l’histoire galactique. Le colosse que les indépendantistes ont en face d’eux représente peut-être au passage un de ces pirates qui trafiquent dans l‘espace, et peut-être condamné pour cette raison. Le meilleur moyen de l’apprendre est encore de l’approcher. Fanch a vu ce gars-là trinquer sans broncher avec la mort, ce n’est visiblement pas un soldat, mais la couleur rouge de sa combi de bagnard ne lui dit pas pour autant grand chose qui vaille. Sur un signe de son chef, Cathy neutralise le bouclier électromag, abaisse les patins de freinage largement relevés et pose doucement le Draxel sur le sol. Un pénible chuchotement résonne sans arrêt aux oreilles de Flash et il s’avance malgré tout à la rencontre des autres, les jambes comme montées sur des ressorts, ses yeux invisibles sous sa visière brillent comme deux billes de verre bleues dans son large visage mal rasé. Karela se montre impressionnée par sa taille hors-norme, alors qu’elle s’est déjà rendue compte à l’évidence de sa force, de son indéniable courage, sans compter la rapidité de ses réflexes. Cathy et Siguiline s’absorbent un moment dans la même contemplation de ce mâle édifiant, puisqu’il possède somme toute pas mal d’atouts pour accaparer une imagination féminine. On coulisse la porte d’étrave et Flash lève le bras vers Fanch à sa sortie, concluant par ce geste théâtral un mouvement de bienvenue. Mais l’évadé voit bien le rapide repositionnement de la tourelle, qui pointe à tout hasard un canon sur sa tronche, en poursuivant chacun de ses pas pesants. Gourdin s’adresse à Fanch d’une voix rauque, son élocution exclue toute notion d’un argot de pirate, mais les marques de son oralité cafouilleuse bousculent suffisamment la syntaxe pour venir démontrer une certaine confusion de pensée. Il se nomme enfin. Normal ces bafouillements, se dit Yoland, pour un gars dont les juges ont certainement tripoté le cerveau. Rassuré d’un coup par la dissymétrie des forces qui mettent après-tout à présent ce héros en position dangereuse, le chef indé lui pose la seule question qui puisse importer :

 

– Que faisiez-vous tout seul dans ce Sharsherman Flash Space Patrol AK-740 échoué là-bas ?

 

– Je l’ai volé pour m’échapper du pénitencier stellaire de la planète 4887BN-Henrico Macias. Le vaisseau a fait état d’un interdit de rentrer sur Mars, mais j’ignorais qu’on avait voté ici une loi martiale. J’ai tout de même réussi à contourner Phobos par le large et tromper les défenses pour arriver ici. Je ne suis qu’un évadé, mais il est hors de question que je sois repris par les défédérés qui sont, si je comprend bien la situation, également vos ennemis. Sa voix monte dans l’aigüe d’un coup au milieu de sa narration, parce qu’il a soudain l’impression de réciter un texte scrupuleusement appris par cœur.

 

– Voler un Sharsherman, l’emmener d’aussi loin pour faire la nique aux patrouilleurs de Phobos et Deimos, rien que ça. Jorg Glooniais s’est approché lui aussi, mais contrairement à Fanch, il ne baisse pas la garde de son lasergun.

 

– Je suis là pourtant. Flash a du mal à faire taire une certaine impulsivité, il n’a jamais aimé servir de cible. Baisse ton gun, toi.

 

De près, Karela et Cathy trouvent à présent ce personnage plus inquiétant, il n’a rien pour mettre qui que soit en confiance. Le rouge de sa combi de paria vient là comme pour éclairer quelque danger. Posé verticalement contre sa hanche, le grand WGRGG le rend encore plus menaçant. Pas le genre de type qu’une petite fille rêverait d’avoir pour gentil papa, afin de se jeter à son cou. En revanche, une détermination sans faille semble suppléer à toutes ses autres facultés. Venant du Draxel, un signal d’alerte met tout à coup tout le monde d’accord. Vick Tory retransmet aussitôt les infos dans les micros des casques :

 

– Un essaim de Stratosniffs Powerjets XT en approche, on se casse ?

 

 Flash a lui aussi entendu, et la proximité du danger anime son cerveau d’une heureuse clarté.  

 

– Trop tard, faut courir vers le dôme, sa carcasse en plastacier vaut mieux que la coque de votre suce-cailloux, même équipée d’un bouclier. En tir groupé, les Kradoberschützen qui chevauchent ces sales petites guêpes arriveront à le percer, j‘en suis sûr.

 

Si ce tordu n’est pas un soldat, il en a les réflexes, se dit Fanch, mais il sait qu’il a raison, car même avec le solide armement de tourelle et de queue du Draxel, l’extrême mobilité et la légèreté des Scootkijets leur donnent un certain avantage qui rend l‘hypothèse probable. On quitte donc précipitamment le vaisseau pour aller se réfugier sous l’abri du dôme abandonné. Juste au moment où Yull Werne va s’engager le dernier vers la pente ensablée qui mène au sas démantelé, il est touché dans le dos par le tir précis d’un Kradoberschütze. Vingt engins compte Karela, de sale petites merdes ronflantes comptant chacun deux passagers, qui les chevauchent vêtus de leur combis de guerre. Yull est mort, Vick encore dehors l’a vu tomber, à chaque passage en rase-motte des Scoots défédérés, ils ressent une impression de chaleur qui vient lécher son scaphandre et puis, n’y tenant plus, il plonge dans cette ambiance empoussiérée et tire à son tour quelques jets en rafales de sa Metralletta Nuetronica bien réglée. Il en a touché un, qui en percute un autre en plein vol, ce qui provoque l’admiration enthousiaste des autres devant ce coup-double inespéré. Les Stratos s’acharnent au passage sur le Draxel, comme l’avaient effectivement prévu Flash Gourdin. Plusieurs Kradoberschützen perdent ainsi une certaine vigilance ; les indés se massent derrière les hublots qui percent la solide base circulaire du dôme, mais Karela et Cathy veulent profiter de l’aubaine. Elles s’élancent contre l’avis de Fanch et jaillissent, puis tirent à jet continu sur les Scoots qui les surplombent. Elles en atteignent deux et font chuter leurs pilotes déjà morts. Fanch les a rejoint, il sait que l’ennemi va lancer sur elles une contre-attaque immédiate. Pourtant, Flash Gourdin le devance, bousculant même en passant un Jorg Glooniais qu’il fait presque tomber. Décidé à prendre en main cette bataille, le bagnard se sent animé d’une chaleur nouvelle, il lui faut provoquer le désastre chez ceux-d’en face. Avec une rage maximale, le redoutable WGRGG entre en action, en envoyant dans l’air carbonique son colossal rayon bleuté, et celui-ci éclate sur la dizaine de Scoots qui ont fait l’erreur de se rapprocher. Sept en moins, d‘un seul rayon.

 

Le Draxel explose tout de même en une sphère qui prend une fulgurante expansion, ce qui dégage un tel souffle que les filles sont balayées et trainées sur le sol sur plusieurs mètres. La présence de leurs boucliers venus amortir la glissade brutale les sauve sans doute de périr sur le champ d’un tel traitement. Vick, Jorg et Fanch se précipitent vers elles, tout en tirant dans l’air carboné en essayant d‘ajuster leurs cibles fuyantes. Un ennemi malchanceux se fait descendre et son engin en combustion entraine ses Kradoberschützen tués vers une errance lointaine. Flash lance alors devant eux un assaut épique, il se redresse et tire, deux nouveaux Scoots sont abattus par ses tirs et s’écrasent. Vick est touché mortellement, Jorg manque de l’être de justesse, Flash lâche désormais des cataractes de lumière en feu par le TZ-24 Sanitizor Tinkerbots, il se roule au sol, lorsqu’un éclair l’encage dans un éblouissant cercle luminescent qui vient lécher son scaphandre, il manque soudain d’oxygène et sait que quelque chose déconne, mais ça ne l’empêche pas de répondre à sa manière, un Kradoberschütze en fait immédiatement les frais. Pourtant, eux font des cibles trop faciles, même s’ils courent dans tous les sens pour échapper aux rayons qui cherchent à les brûler. Cathy Denews est happé par l’un de ces derniers et c‘est la fin pour elle, il faut retrouver l’abri du Dôme en vitesse. Fanch ne fait plus le compte des ennemis qui restent, mais il hurle dans son casque pour rameuter tout le monde vers l’abri. Même Flash Gourdin a compris qu’ils ne sont que des morts en sursis. On retrouve le dôme par miracle, mais le ballet des Scoots qui fusent au-dessus d’eux est incessant. Ils semblent se concerter à présent, bien que leurs implants soient désactivés par l’action des brouilleurs indés.

 

Flash pourtant n’a pas suivi. L’apparente domination du ciel, tout à coup il semble s’en foutre. Le talon d’achille des Scootkijets, c’est leur stabilisateur, il veut les contraindre à un ballet d’enfer, en les balayant d’un tir continu du WGRGG. Jouer sur l’effet secondaire de son tir, en quelque sorte ; sur cette pensée folle, il se protège sous la voûte provoquée par l’ignition éjectée par le canon de son arme puissante. Elle n’a pas été conçue pour servir de cette façon mais pour des tirs uniques. Flash lance cependant vers le ciel un flot déchainé et ininterrompu d’énergie pure, à l’approche duquel viennent heurter quelques ennemis, qui ne peuvent plus ajuster correctement à cause de leurs engins tremblants. Son arme cependant ventile mal, et les gants de Flash commencent à fondre à son contact, la vision dantesque fait halluciner les indés retranchés, puisque chaque tir des autres vient ensuite ricocher sur l’arc vibrant que déchaine Gourdin en hauteur. D’une manière proprement incroyable, ces cons se tirent de cette façon eux-mêmes dessus en voulant l‘atteindre, avec autant de pertes providentielles. Trois disparaissent de cette façon, il n’en reste que deux. Pour Flash, la victoire est proche, mais la puissance démentielle déchainée par l’arme lourde qu’il maitrise à peine va également se retourner contre lui, c’est presque une question de secondes. Siguiline ne peut s’empêcher d’admirer la détermination de ce mec, faite au mépris de sa propre sécurité.

 

– Incroyable, il est incroyable, ce type est vraiment cinglé.

 

Flash n’en peut plus, s’il s’arrête d‘agiter rapidement son gun de droite à gauche, il va se faire dégommer d’un instant à l’autre par l’un des deux Scoots restants, mais il continue jusqu’à la limite de ses forces son étonnant balayage éprouvant. Plusieurs rayons le frôlent encore de près, mais la visée des Kradoberschützen est très perturbée par les continuelles corrections d‘assiette. Fanch, Karela, Siguiline et Jorg quittent alors précipitamment le dôme, galvanisés d’un coup par la riposte suicidaire de l’évadé, ils tirent sans discontinuer pour le couvrir, puis volatilisent au final les deux Stratos. Ils ont profité pleinement de leur souci à s’échapper du filet invisible tendu autour d’eux par le tir permanent de Gourdin. Puisque l’échauffement de l’atmosphère a fait dangereusement vaciller leur monture en plastacier, aux gré d‘aspirations aussi incontrôlables que dangereuses. D’une manière à peine croyable, grâce au stoïcisme et l’entêtement téméraire de cet athlète providentiel, ils ont vaincus vingt Scootkijets Stratosniffs Powerjets XT guerriers. L’attitude de Flash Gourdin, qui leur a presque à lui seul donné la victoire, a cependant de quoi inquiéter. A présent, il est à genoux et son scaphandre se macule d’une noirceur inquiétante. La couche externe de ses gants est partie en lambeaux. Le canon lui-même du Ray Gun Gun enfin muet brille d’une vive incandescence. Sans entendre Jorg Glooniais qui l’interpelle à tout rompre dans son casque, le géant épuisé tombe évanoui sur le sable ferreux, la visière en avant. N’empêche, Yull, Cathy et Vick son morts et le Draxel est totalement foutu, ce taulard évadé leur a couté bien cher.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:36:30
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Posté le 19-02-2016 à 12:46:12  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 80.

 

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En son beau Fion, la reine Amanda Blair écoutait le bruyant babil de ses Ducs et Barons, prêtant une attention particulière aux dires du capitaine-chevalier Franquette de Labonne, général en chef des troupes de Fion, et nouveau vizir de son royaume. Dans la pièce d’à côté, les femmes de ces messieurs cousaient, lisaient et quenouillaient, tout en mirant par les fenêtres du château l’immense armée qu’on avait réunie. Messire Franquette, fort bien sapé d’une courte tunique jaune losangée de carrés vermillons, portait justement à la main le parchemin enroulé qui en établissait les détails et les coûts. Il baguenaudait de long en large sur le pavage coloré afin de répondre au mieux à toutes les questions. Un prêtre de Kramouille poussait devant lui chacun son tour les enfants d’une école qui tenaient leur papier où s’inscrivait la leur, puisqu’il auraient plus tard à en débattre en cours. La plupart des nobles qui tenaient leur épée au côté se dressaient debout, mais d’autres avaient pris place sur des bancs ou des tabourets, et les grands chandeliers du plafond lâchaient de la cire fondue sur à peu près tout le monde. Dans l’ambiance solennelle de cette salle embrumée de fumées, chacun avait baisé en arrivant les pieds de la reine, puisque c’était tout ce qu’on pouvait lui baiser sans forcément la décevoir. Franquette repris sa place à la droite d’Amanda sur son trône surélevé, alors qu’elle regrettait qu’on ait viré la large table ronde d’antan, avec sa haute flamme sacrée posée en son milieu, mais Franquette avait trouvé qu’elle prenait trop de place et l’avait fait scier pour la brûler. Ce dernier en était avec sa majesté à son 120 ème jour d’émission nocturne sans l’avoir jamais fait jouir, bien qu’il passa comme un timbré le plus clair de ses heures dans le lit royal. Le reste du temps, le grand homme maigre à la large moustache brune étudiait sa stratégie au milieu du fatras de sa modeste chambre, encombrée d’ouvrages guerriers et de cartes plus ou moins réalistes du Minouland. Bien que son avant-bras soit désormais célèbre et serve de mesure aux négociants de Fion, il avait tellement mal au gland à force de bandouiller que ses yeux se posaient souvent sur cette région mystérieuse du gouffre du Poingé, où des vaillants étaient partis pour ramener de la Pinette et faire un élixir qui l’aurait bien sauvé. Hélas, sans plus de nouvelles d’eux, on pensait bien que cette bande courageuse ne reviendrait jamais de sa course audacieuse. Dans les hauteurs de la salle où se tenaient à présent les débats, couraient de belles mezzanines aux balcons ouvragés, et là se massait la cohorte des Fionnais à qui on ne demandait rien, vu qu’ils n’avaient pas le droit de prendre la parole. De belles dames et pucelles trainaient là également leurs robes dernier-cri, mais c’était juste pour crâner un peu et faire ses minauderies de bourgeoise. Messire Franquette gratta son collant mauve à la dérobée, car une armée de puces venait de l’envahir, en provenance du coussin sur lequel il s‘asseyait. Le vizir engueula sèchement un fauconnier qui venait de laisser échapper son oiseau, lequel chiait à présent sur la grande carte qu’il avait épinglé. Amanda retenait son voile blanc par la couronne de Fion, et balança derrière son dos ses lourdes tresses agrémentée de brins de laine, puis elle fit taire un ménestrel qui lâchait sa chanson sans pouvoir s’arrêter. Surtout que son air racontait comment la reine, hélas, ne pouvait dégourdir sa petite chatte depuis qu’un odieux sortilège l’en privait. Franquette de Labonne demanda le silence à tous, en jetant l’œil mauvais sur un molosse au collier pointu, car dans son coin la bestiole dévorait bruyamment son poulet.

 

– My Lady, voici venu le temps de mettre en branle autre chose que le glorieux vit de vos sujets, car notre armée est enfin prête pour engager sa guerre à Mouyse, et peut-être délivrer Marie Stetarte, pour peu qu’elle soit encore en vie. Ses épaulières de bronze luisaient de beau métal à chacun de ses gestes.

 

– Je suis allé dans le port, messire, et j’ai bien vu tous ces clinquarts, galères et gabannes qui embarquent à présent de l’eau douce et qu’on s’apprête à faire naviguer, avec dessus plus de la moitié de mon armée. Le seigneur amiral Gaëtan Maldemer de Posegalettabord en prendra direction. Elle désigna celui qu’elle nommait, en lui faisant clin d’œil pour qu’il la retrouve le lendemain dans sa chambrée.

 

L’homme était grand gaillard de marin, dont la fesse droite avait été atrocement brulée par sa soeurette par une casserole de lait bouillant, quand il était enfant. C’est pourquoi il avait tant de mal à s’asseoir depuis, et que justement, l’amiral de la flotte se tenait à présent debout. Mais bien entendu, se disait la reine dans le silence de sa pensée, son avanie ancienne ne l’empêchait nullement de se tenir couché, et c’était tout ce qui comptait.

 

– Je ferais naviguer vos vaisseaux sur la mer de Cybrine, majesté, pendant que votre armée terrestre cheminera par la contrée d’Hyperbourrée. Ainsi Mouyse sera prise en étau et périra par la bonne œuvre de vos coustilliers. Et puis, vivante ou morte, Marie Stetarte sera ainsi vengée.

 

– Fort aise, seigneur Gaëtan, et je compte beaucoup sur vos marins pour mener ça à bien. Mais avant de partir guerroyer, il nous faudra poser banquet et faire les cœurs joyeux. Et ça tombe comme il faut, j’ai, voyez-vous, quelques beaux lévriers à nourrir.

 

– En dépit de quelques dépassements de frais de campagne que pointe la cour des comptes, my Lady, nous sommes donc fins prêts à combattre l’Ovoïde, bien qu’on le dise acoquiné avec une sorceresse, mais qui ne saurait guère, bien entendu, vouloir nous effrayer. Cependant chacun vit bien Franquette tripoter à son cou sa médaille de kramouille, histoire sans doute de se rassurer.

 

Amanda se leva et quinze de ses dames la suivirent pour relever sa robe à traine. Au grand dam des valets, qui voyaient là plutôt l’astuce rêvée pour nettoyer le carrelage polychrome. Les beaux sires s’écartèrent pour la laisser passer, bien qu’à son habitude, c’est elle qui s’écartait pour les laisser passer, lorsqu’on avait mouché les grandes bougies de son chevet. Chacun savait pourtant qu’aucun d’eux ne saurait la marier, tant que personne n’aurait réussi à la faire sauvagement hululer comme chouette de grenier. Ceci dit, Franquette de Labonne lui prit la main pour cheminer, et le violet de son collant s’accordait à merveille avec la blancheur éclatante du plastron en hermine de la reine. De ces deux là qui marchaient côte à côte, quelque peintre de cour en ferait certainement un tableau raffiné. On traversa la salle des dames toujours occupées à broder, pour se rendre au logis jouer aux échecs et boire du vin, car le couple désirait prendre un bain bouillonnant au plus vite, avant de se vautrer au milieu de la paille en compagnie des lévriers. Amanda avait commandé au ménestrel de les suivre, pour leur jouer sur sa Fithile quelques morceaux de son concert privé. Il jouerait certainement  pour sa reine de bien autre chose, lorsque messire Franquette serait dans le matin vaincu et fatigué. Pour l’heure, ils s’installèrent à la grande table, dans la lumière des vitraux colorés, en observant sans déplaisir l’un des pages qui tentait de calmer, en pissant dessus, l’incendie foudroyant d’un rideau en train de prendre feu. Le troubadour gratouillait son violon, les beaux lévriers blancs s’enculaient dans un coin, et même un gars en bleu et jaune joua des boules sans jamais, même une seule fois, les faire tomber. On rajouta du bois dans la flambée, Amanda commanda au barbier de prévoir pour le lendemain aisselles et maillot sur sa peau claire aux poils foncés, puis on dressa la table afin de s’empiffrer de thon morcelé, mariné dans le thym sur du beurre à gros grains, et de sucrine juste égouttée, avec du raisin blanc. La reine confia à son vizir qu’elle espérait maintenant qu’un bon vent puisse pousser ses navires sur les eaux turquoises de la mer de Cybrine, sans qu’ils ne fassent naufrage, car il y avait parfois dans le sud de terribles tempêtes. Mais Franquette l’apaisa et puis, quand les portes du rempart de la cité où flottait fièrement la bannière du royaume de Fion se refermèrent ; quand les gueux de la ville glissèrent dans les ruelles piétonnes et fleuries, quand la foule dévala le dédale des escaliers pour aller se coucher, Amanda se fit plus douce et s’aspergea de jasmin. Trois secondes à peine lui suffirent pour atteindre l’extrémité de son vizir, laquelle avait la forme d’une petite presqu’île ; mais sa joie s’envola, à vrai dire, bien avant que la grande statue de bronze ne vienne frapper la grosse cloche du temple de Kramouille, pour annoncer la nuit.

 

Fin du Tome 1

 


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Tome 2 à suivre : Sus au sein royal.

 


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:40:07
n°44883746
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 21-02-2016 à 14:12:15  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle la vie. Extrait numéro 75.

 

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Il est des jours où le temps se présente à l’image de nos pensées, où notre colère se lit dans le ciel sombre et orageux chargé de menace, où la pluie nocturne se conjugue avec nos pleurs, où les nuages de plomb se groupent en basse masse grise pour écraser sous eux nos corps fatigués. Pétrie de lassitude, mais aussi passablement défoncée par ses médocs, Gwendoline avait terminé sa laborieuse journée de travail et conduisait sa voiture au milieu des flaques d’eau, traîtres résultats de la puissante averse qui venait de tomber. Elle quitta la ville détrempée par les trombes, son beau visage maussade envahie par des larmes impossibles à contenir plus longtemps. Un triste sort emportait la conductrice amère sous un vent mouillé, le corps affaissé sur son volant, la poitrine en avant, comme si cette position pouvait lui permettre d’arriver plus vite vers son néant. Sa voiture roulait trop rapidement, fendait tel un vaisseau inconsidérément voilé les mares éparses étalées sous ses roues imprudentes. L’infirmière droguée de cachets tombait du bastingage dans une mer houleuse, mais aucun bienveillant ne criait pour son salut par-dessus les vagues déchainées et lui lâcher sa bouée. Heart broken, pour le dire à l’anglaise. Le cœur brisé. Les essuies-glaces balayaient à nouveau en gifles incessantes son regard aveuglé par les trombes revenues, puisque les larmoiement déchirants de ses sanglots n‘avaient jamais cessé. Elle n’avait pas ses phares allumés. Lancée à toute allure, elle s’efforçait avec de plus en plus de mal à garder ses beaux yeux bleus ouverts ; le pauvre petit capitaine assommé par les tranquillisants glissait doucement au fond sa barque endiablée sous les bourrasques, et roulait de plus en plus à gauche sur la petite route de campagne transformée en torrent. Avec des bruits de canon, une série d’éclairs déchargeait son coup de grâce à ses oreilles, les automobilistes la croisaient en d'irréels scintillements pour descendre la colline et s’éloignaient sur un glas rapide de plus en plus lointain. Notre Jason qui êtes aux cieux, qui êtes au pieu avec n‘importe qui, voulez-vous consentir sur ce grand livre à la tranche dorée à prendre pour épouse Mlle Gwendoline Nathan, ci-présente, et lui faire de charmants enfants ? La photo du docteur posée près du volant restait muette et souriante, un pauvre et dérisoire morceau de papier privé de tout mental, juste coincé devant la conductrice pour venir illustrer cyniquement une plus grande solitude. Il n’y aura pas, sur l’expérience amoureuse, avec son beau directeur de clinique, d’apprentissage vicariant, d’apprentissage coactif en compagnie de sa douce infirmière ; et l’on ne saurait apprendre à conduire une bagnole aux chiens, aux poissons, aux rats, quand bien même on aurait pour idée de les faire avec science s’épauler mutuellement. L’orage à nouveau trompetait dans son âme avec un bruit de forge. Elle plissait l’œil mi-clos sur des panneaux appelant aux prudences, pauvre petite bestiole conduite à l’abattoir fonçant comme un nageur de crawl au milieu de la piscine remplie d‘une eau glacée. Le brûlant soleil de Jason Halrequin n’évaporait plus rien et laissait sa Gwendo se noyer tranquillement sur le chemin de chez elle, sans lui dire d’arrêter de poser lourdement son pied sur l’accélérateur. C’était vraiment plein d’ironie, toute cette flotte qui tenait avec force à gonfler les veines d’un cœur à présent désséché, pour le laver des souvenirs cruels. Ce n’était plus une simple averse saisonnière qui martelait à présent l’avant de son capot, mais un abominable bombardement qui fusait à pleine balle sur son chagrin.  

 

En famine d’amour, elle fonçait dans le vent sur la route sinueuse. De chaque côté de la voie, des discours péremptoires l’invitaient à débattre sur des choses inutiles en grosses lettres rouges, et les affiches buvaient jusqu’à plus soif l’eau du ciel qui essorait sans trêve leurs menteuses promesses de prospérités. Peut-être pas si perfides, en définitif, puisque pour obtenir les choses, il suffisait de pouvoir les payer. L’amour de Jason, elle n’avait plus les moyens de se l’offrir, et Cassandra poussait en vraie salope sur le plat de son coffre pour qu’elle aille encore plus vite. Encore un quart d’heure et elle glisserait sans manger dans son lit trop petit, qui tarderait vraiment longtemps avant de se réchauffer. Elle n’était pas du genre à se couper les veines comme la petite Véro, n’empêche que la Saint Valentin connaissait l’hypercrise. Elle força encore son allure. Sur un geste affectueux, elle quitta l’une des mains de son volant pour glisser juste un doigt sur la joue en couleur de Jason. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Que ce type en photo au visage bien rasé allait cesser de sourire pour lui rendre un baiser enfiévré ? La voiture embarda brusquement, mangea le bas-côté et revint au milieu de la chaussée où le camion la rencontra de plein fouet pour l’envoyer valser dans un champ, après plusieurs tonneaux. Pendant les quelques secondes de son survol, conscience éveillée et conscience onirique s’entremêlèrent, un dernier rêve que la raison de Gwendoline s’offrit avant de mourir, en effaçant un peu la douleur d’un corps brutalisé. Et dans la brume de son cerveau qui s’éteignait, c’était maintenant à son tour de voir le merveilleux Jason sangloter. Une ultime et brève odeur de sang se mélangea à celle de l’essence dans ses narines éclatées, une dernière sensation qui s’éteignit bien avant l’arrivée de l’ambulance venue pour l‘embarquer.

 

Le décès de Gwendoline résonna en coup de gong tragique au sein du personnel de la clinique Saint Bernard. Dans la 265, le docteur Halrequin était en train de converser avec le commissaire Mensinq, afin de mettre au point une stratégie permettant de coincer le pervers des toilettes. Jacqueline De Minuit lui apporta la nouvelle avec un regard triste, en précisant d’un rapide commentaire les circonstances de l’accident. Emue, Cassandra vint le voir peu-après, sans s’asseoir sur le lit comme à son habitude. Sur le visage du flic, il n’y avait rien à lire, mais sur celui de Jason, quelques ombres fugaces tiraillèrent ses mâchoires. Elle s’inquiéta peut-être de constater quelques regrets, mais il montrait simplement de la peine d’avoir perdu son employée. La triste information faisait du coup passer l’histoire des chiottes trouées pour un peu moins urgente et Jason demanda au commissaire de revenir un peu plus tard. Lorsqu’il les quitta, Cassandra s’approcha pour rehausser un peu les oreillers de son chéri. Elle se sentait en revanche bien vivante et se voyait joyeuse de rendre Jason heureux, du simple fait de sa présence.

 

– Ses parents se sont montrés tellement soucieux de sa réussite, constatait Jason, rien de ce que faisait Gwendoline n’était jamais assez bien pour eux. Je me demande jusqu’à quel point elle dessinait elle-même le scénario de sa propre vie. Son père tenait tellement à ce qu’elle épouse un grand médecin. Elle va beaucoup me manquer dans notre aventure collective.
 
– Elle était complètement bourrée aux médocs, d‘après ce qu‘on dit. C’est moche.

 

Jason balaya cette réflexion de Cassandra comme si il ne l’avait pas entendue. La longue blouse blanche de l’aide-soignante ne brisait pas sa merveilleuse silhouette, et Jason savait que cet habit de service cachait le délicat froissé d’un jupon transparent, un secret qui adorait se montrer à lui dans l’intimité de leur désir. Jamais Cassie n’aurait le bas du dos tatoué ni le string qui dépasse d‘un jean. Tout juste admet-elle à l’occasion, les jours de canicule, que la fine bretelle de son soutien-gorge aux nuances d’abricot ne puisse apparaitre à des yeux inconnus, au gré de son travail. Elle ferma la fenêtre contre laquelle un vent glacial soufflait depuis deux jours. Il farfouilla un peu ses couvertures et lui colla sous le nez la luxueuse plaquette d’une entreprise spécialisée dans les services aéronautiques. Il pointa pour elle du doigt sur une photo en particulier :

 

– Regarde, c’est mon nouvel hélicoptère. Le contrat de location est prêt et les clés sont à ma disposition.

 

– Comment ça, fit Cassandra en s’écartant un peu de lui, tout en prenant un air affreusement dépité, tu ne comptes pas l’acheter ?

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:44:09
n°44903787
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-02-2016 à 13:28:07  profilanswer
 

Salon des inventions.
 
Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar.

 

Aujourd'hui : Le spray anti-ronflements.

 

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Tu ronfles, il ronfle, elles ronflent et vous nous faites chier. Voilà bien une habitude de vieux qui ne parviendra jamais à jeter un pont fraternel ou intelligent entre les générations. La plupart des ronfleurs s’acharnent à leur rituel et essayer de dormir à leur côté tourne sans faillir à la crise. Celle des nerfs pour nous autres, et de rire pour eux, puisqu’ils s’en foutent en général éperdument, n’étant pas conscients des dégâts sonores qu’ils provoquent sur nos nuits. Le pro-fesseur Talbazar possède cependant en lui les moyens de résoudre tous les problèmes, puisque vous n’êtes pas là pour le faire à sa place. Les ronflements des autres sont énervants et n‘inspirent guère le poète, certes, mais grâce à l’invention salutaire du spray anti-ronflements, ils ne sont plus une fatalité. Il est incompréhensible et angoissant de se retrouver au lit avec une locomotive humaine, alors que votre conjoint ne travaille même pas à la SNCF. Après avoir longuement réfléchi sur la nécessité de sa place dans la famille, après vous êtes interrogés sur les regards que votre mère porte sur votre partenaire, vous n’êtes plus d’accord pour vous surinvestir auprès de lui, et nous vous comprenons. Vous avez l’âme aimante, mais il ne faut pas déconner, l’autre vous fait passer des nuits blanches, en raison d’un complot nocturne fomenté par ses fosses nasales. Votre partenaire si timide, voir honteux, l’amour de votre vie d’habitude si souvent craintif de vous déplaire, se transforme tout à coup par ses ronflements incessants en despote odieux, pour entretenir chez vous, bien calé au creux de votre lit, un véritable délire de la persécution. Vitam impendere vero. Comprendre sa vie, mais pas forcément accepter les vrombissements de Véro, surtout pas ; toutefois il ne saurait pas non plus exister de l’honneur ou de la vertu dans l’assassinat, quand bien même ce n’est pas la forte envie qui manque. Vous pouvez devenir bouddhiste, évidemment. Vous pouvez transporter votre ronfleur pour l’éloigner en bordure d’allée, sur le balcon du voisin ou une terrasse isolée, mais il serait regrettable de vouloir l’inhumer dans votre jardin. Inutile également de jouer toute la nuit à faire varier la lumière de la lampe de chevet, ça ne sert à rien. Sortez donc à présent des toilettes où vous-mêmes avez trouvé refuge, et prenez enfin vos nuits dévastées à bras le corps.

 

Le spray anti-ronflement est une idée formidable et lumineuse, grâce à laquelle vos doigts vigoureux n’essayeront plus de briser la carotide des endormis à 130 décibels. Un essorage brutal qui, on vous le dit, ne règlera rien. Qui vous dit que vous n’allez pas partager le cellule d’un ronfleur invétéré après avoir été condamné aux assises pour vingt ans ? Chaque petit coup de trompette de la part d’un ronfleur est une petite madeleine qui emporte tranquillement votre mémoire vers le chemin du divorce. Désormais, vous pouvez déchirer ce journal de souffrance écrit en pleurant au cours de vos insomnies. Munissez-vous de notre bombe qui contient la fameuse solution médicamenteuse, un brevet à la formulation bien gardée par le pro-fesseur Talbazar. Emparez-vous de votre bombardier de ronfleur et levez lui haut les bras de chaque côtés, montez son genoux gauche à la hauteur de sa hanche, repliez votre bras gauche à la hauteur de sa poitrine, puis levez le talon contre ses fesses, inspirez fortement, appuyez et aspergez le pendant cinq minutes avec le spray maintenu au niveau de sa tête. Avec souplesse et équilibre, maintenez notre invention et maniez la devant le pif honni comme une véritable épée. Vous arrêterez en apercevant la formation de bulles d’air sortant des narines. Attention, le surdosage est dangereux pour les animaux de compagnie et survient vite. Quelques tranches de poumon peuvent apparaître aux commissures des lèvres, notre ronfleur risque d’imprégner un peu son linge par ses liquides et produire un peu de déchets, le spray anti-ronflements n’agit pas forcément en douceur. Mais à présent, observez ce qui se passe entre vos deux oreilles : vous n’entendez plus rien, et votre sommeil retrouve sa qualité. L’efficacité de notre produit est fondée sur d’innombrables observations cliniques, pour vous faire enfin renouer avec un repos réparateur. A l’intérieur des bouches de chaque ronfleur, la substance contenue dans l’aérosol va tout simplement venir tripler le volume de la glande parotide accessoire, tout en rigidifiant comme de l’acier le muscle masséter, il fallait juste y penser. D’une faible empreinte écologique, ce spray va reconnecter les ronfleurs impunis avec une certaine réalité, en l’occurrence la vôtre, en éliminant leur odieuse et éprouvante couverture sonore, aussi désagréable qu‘un déchargement continuel de palettes évacuées d‘un semi-remorque. Soigner le moral c’est primordial, nous a déclaré un caporal de la Bundeswehr qui vient de passer commande de notre merveilleux spray anti-ronflements, pour en équiper toute sa caserne et veiller au silence buccal et nasal de ses troupes.

 

Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : Adam et Eve - Van Eick.

 

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Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : Vieille femme lisant la Bible - Gérard Dou - vers 1630

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:47:24
n°44906572
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-02-2016 à 16:52:02  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 15.

 

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Martin obtenait de la Ford de bonnes accélérations, sans secousses, et le capot de la boîte à gant à peine retenu par un papier adhésif ne s’ouvrit pas comme à son habitude. Vaya buvait au goulot la bouteille de soda qu’elle avait emportée. Ils ne s’étaient guère éloignés de l’hôpital psychiatrique et le paysage leur proposait une forêt parsemée de grands domaines avec de beaux châteaux, sans doute idéaux pour y établir de prestigieux séminaires d’entreprises. Quelques uns de ces repaires aristos s’ornaient de serres orgueilleuses jouxtant de beaux potagers et lorsqu’elle détaillait le luxe de ces demeures, le rire de Vaya avait la légèreté d’un champagne rosé. Banquets et bals renaissance, alors qu’en compagnie de cette fille, la vie s’offrait pour Martin simplement comme il l’aimait, elle éteignait pour lui toute grandiloquence. Peut-être cherchait-il le meilleur endroit pour s’arrêter, peut-être ses pensées turbinaient encore à la pensée du docteur Van Degaffe, il ne vit pas tout de suite qu’on le suivait. Une action savamment calculée par une bagnole obstinée qui hypnotisa soudainement le privé quand il comprit la manœuvre en observant son rétro. Il dégagea aussitôt son revolver et le tint fermement, en étreignant le volant de l’autre. Vaya le regarda puis se tassa dans son siège, comme si la menace était pour elle. Des manoirs isolés flanqués de belles tours, l’alignement de ces palais tranquilles aux caves voûtées contrastaient pourtant avec l’approche d’un danger imminent. Il avait vu le geste et l’arme du type seul derrière lui, qui allait probablement le doubler et lui tirer dessus à la volée. Une question de secondes critiques, mais ce connard ne pouvait plus compter sur l’effet de surprise. Martin ralentit un poil, à peine, la boîte à gants s’ouvrit brusquement sur la route soudain cabossée. Il fallait à Martin d’être d’une précision exceptionnelle, il ordonna à Vaya de se coucher sur lui. Elle se montra surprise et angoissée, mais elle s’exécuta et allongea son buste sur les genoux de son homme.

 

L’autre chasseur se la joua sportif et se déporta vivement pour doubler la voiture du couple, porté sans doute par une trop grande confiance. Martin relevait chacun des gestes de son pisteur avec une énorme attention. Son arme remonta le long de la portière sans pouvoir être vue. Au moment où l’autre arrivait à sa hauteur, son propre  revolver levé et prêt à faire feu, Martin freina brusquement, puis il tira juste. Le coup de l’autre avait frôlé le pare-brise sans faire de dégât, avant d‘aller se perdre dans la nature. En revanche, le privé venait de faire mouche, la voiture continua sa route un moment, puis elle fonça dans le talus pour s’arrêter en plein contre un arbre. Prudent, Martin attendit un bon moment en garant la Ford à bonne distance du crash. Vaya encore apeurée ne trouvait pas du tout l’instant magique, elle craignait par-dessus tout que l’autre con ne se mette à bondir de son véhicule écrabouillé. Mais Martin avait une longue habitude des écoles de tir. Comme un petit lapin en peluche, la brune se serra contre son cœur, pourtant, ce petit pigeon fragile dardait résolument sur cette bagnole pliée contre son tronc un regard fixe de panthère affamée. Ce type n’avait sans doute pas froid aux yeux d’avoir attaqué seul, mais il avait pêché par excès d’audace, et maintenant il avait un trou sanglant dans la tempe. Martin croisa son regard figé qui n’exprimait rien d’autre que l’idée d’une sordide finitude.

 

– Je l’ai déjà vu au Tripoli, c’est un pote à Perry, il était sur le bateau également.

 

– Je sais, ses petits copains l’appelaient le Baron. C’est lui qui a failli me casser le nez chez toi, l’autre jour. La bague de ta taulière était dans sa poche. Quand les flics vont le trouver, il va certainement prendre quelques vacances dans leur congélateur.

 

– Tu savais qu’il allait nous tirer dessus en doublant, hein ? C’était moins une, hein ?

 

– Je l’avais deviné à temps, en effet, heureusement. Ben mon vieux, je ne voudrais pas avoir à payer le temps de travail facturé par le garagiste. Il en aura du boulot, là-dessus !

 

Le moteur avait en effet reculé d’un bon mètre pour aller écraser les genoux du Baron. Pas de feu, pas de fumée, dommage. Derrière la vitre éclatée, le Baron avait la tête penchée sur le côté, la gueule pleine de sang. La balle avait traversé sa vilaine caboche pour aller dieu sait où, mais elle avait probablement transformé le cerveau du gangster en bouillie. Un petit avion de tourisme passa haut dans le ciel, c’était vraiment un coin paumé.

 

– C’est ça, tu vois Vaya, une pompe à injection mal montée et on ne peut plus démarrer à froid, mais là, c’est le conducteur qu’il faudra changer, si on veut que cette caisse roule à nouveau. En tout cas, lui il est arrivé à son port d’arrivée. Vaya, ce gars nous suivait, il savait que j’étais avec toi et où on allait. Quelqu’un l’a renseigné, je vois pas autrement.

 

– La dernière à savoir, pour toi et moi, c’est Blanche Pearl, hein. J’espère qu’ils ne l’ont pas torturée. Elle est vieille, tout de même.

 

– Bon, ce qui est chiant, c’est qu’ils savent sans doute maintenant où j’habite. Il va falloir déménager, nous deux. Un petit tour dans les Alpes, ça te dirait ?

 

– Pourquoi dans les Alpes ?

 

– A cause du fromage.

 

Avant de reprendre le volant, Martin incendia complètement l’autre pomme cadavéré. Ils s’éloignèrent sur la vision du Baron les yeux toujours ouverts sur son utopie d’assassinat, hélas loupé ; son buste affaissé cramant pourtant fièrement assis sur son bûcher, un feu de joie qui allait une nouvelle fois attiser le déballage médiatique et sans doute un bon coup de gueule de Barracuda N’Dyé. Pour Martin et Vaya cependant, la cruauté relative de ce moment se faisait suave, parce qu’ils savaient parfaitement l’avoir échappé belle, et leur long baiser échangé dans la voiture  chanta en guise de paroles la puissante épopée de leur glorieuse survie. Au bout d’un moment, sans lâcher le volant, Martin se fit plus joueur, plus sexuel, alla fouiller un peu sous la jupe. Mais Vaya avait l’esprit encore envahi par la vision sinistre du Baron dégommé, elle ne s’accordait pas à cet instant-là de laisser son corps à ces jeux. Elle le repoussa gentiment. Non, décidément, se disait Martin subjugué, en la regardant relever les épaules pour se tenir plus droite, cette beauté-là, ce n’était certainement pas la petite fleur à tout le monde.

 

– Ne prend pas cette mine chiffonnée, mon petit cœur, je te promet qu’arrivés dans les montagnes, on y fera certainement de belles randonnées, tous les deux.

 

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J'apprends à dessiner avec le pro-fesseur Talbazar.

 

Aujourd'hui : j'apprends à dessiner un monstre.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:50:32
n°44953137
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 28-02-2016 à 10:03:04  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 51.

 

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Pubi Senfouyî était allé prendre sa cuite pour ensuite lézarder à l’ombre d’un parasol et n’assista pas au départ des bateaux qu’il avait construit. Sur l’invitation empressée de Sésoscristop, plié en deux avec une servile déférence, l’épilée du Nil monta à bord après qu‘on eut débarrassé la passerelle des grenouilles et des crapauds morts qui l‘encombraient. La larme gratuite, elle fit un petit geste de la main pour faire un ultime auxdieux à ses porteurs de litière Jèpéess et Masérati-fé-vroum, qu‘elle gratifia pour cette occasion de belles jantes à vie, puis elle demanda qu’on aille changer la litière de sa petite chatte en train de miauler, pour s’apprêter à  visiter plus avant son fabuleux vaisseau. Encore du bol qu’on autorisât les petits animaux de compagnie sur ces rafiots. Sans parler des morpions. Son esquif était grand, il était beau et il sentait encore bon le sable chaud. Tout en dégoisant un truc sur le principe du grec Archimède, l’amiral lui vanta malgré tout l’arôme de sueur des nombreux rameurs, une odeur synonyme selon ses dires d’exotisme et de voyage. Si seulement, lui répondit la reine, alors qu’elle déambulait sur le pont en cèdre de Phénicie, on pouvait y déceler un parfum de reprise économique pour l’Egypte ! Avant de pénétrer dans la cale immense aménagée avec un luxe inouï, son attention fut captée par un quidam isolé sur la berge, en train de dessiner au charbon de bois des graffitis sur le mur d’une maison. Après un temps d’observation libre, la pharaonne plissa un peu les yeux sous le soleil, puis elle s’aperçut que les hiéroglyphes qu’il traçait signifiaient « bon débarras ». Néefièretarée crocha le bras nu du général Merdenkorinnanâr en train de la suivre.

 

– Tu peux l’avoir ?

 

– Aucun problème.

 

Le chef des armées de l’Egypte s’empara d’un arc et envoya une flèche entre les yeux du crayonneur impudent. En s’aidant d’une corne d’éléphant en guise de porte-voix, Merdenkorinnanâr ordonna ensuite aux habitants de nettoyer l’inscription et de rendre le coin aussi plaisant qu’à l’origine du monde. Du coup, il resta encore pas mal de poubelles après le passage de l’âne des éboueurs. Il les invita ensuite à dire au-revoir à leur reine plus poliment. Une bédouine cousine du décédé lui montra alors son cul, en ironisant qu’ « ici » ne veut pas dire « bon », que ces deux hiéroglyphes n’avaient rien à voir, mais elle, il la loupa de peu et elle en profita pour s‘enfuir en courant. Quelques cigognes prudentes traversèrent le ciel très bleu pour fuir les flèches de ce pays et essayer d’aller trouver la gaule en échappant aux lances romaines. L’incident clos, l’événement nautique de Tépafou retrouva son caractère grandiose, bien qu’autour du slipway, les promoteurs immobiliers soient déjà en train de raser à coup de pioches et de gros dromadaires de chantier les cabanes ayant servies aux ouvriers. Une aubaine de vingt cinq hectares couverts de palmiers et de massifs fleuris. La filière florissante dirigée par l’architecte Salvashar relogeait évidemment beaucoup des expropriés dans les ventres des crocodiles sacrés. Attroupée sur les pilotis du port, la foule en liesse jeta finalement dans l’eau boueuse des pétales de lotus fanées en agitant les bras, alors que les nombreux bateaux qui entouraient celui de la reine se disputaient quelques délicats problèmes de priorité ; les archers apprirent donc à quelques-uns de ces marins énervés les secrets de la danse antique contemporaine. Il régnait en vérité un beau bordel sur le Nil au départ de la pharaonne et cette dernière avait grand hâte que l’on puisse enfin se mettre à naviguer. Excédée, elle pria rudement son guide conférencier d’aller se faire voir, secoua ses sandales remplies de sable doré, enfila le peignoir de lin mis à sa disposition par un personnel très professionnel et descendit trouver un salutaire refuge dans sa cabine, spécialement aménagée pour des personnes d’une clientèle internationale prestigieuse et à mobilité augmentée. Comme les dimensions de la pièce au style kasbah occupaient presque la moitié du navire, elle ne fut pas surprise d’y retrouver Trêmouatoli, Sésoscristop, Phimosis et Merdenkorinnanâr, lascivement couchés dans leurs hamacs. Hyradote le Grec est formel là-dessus, les Egyptiens connaissaient et utilisaient le hamac. Surtout à bord des navires royaux. Surtout à bord de celui la pharaonne Néefièretarée (la belle est velue). Tout comme les serviettes, la location des hamacs et les frais de baby-sitting se réglaient à la compagnie maritime en fin de séjour. Les matelas de paille étaient en supplément, mais les transats pliants pour bronzer sur le pont étaient en revanche gratuits.

 

– Donc, à partir de maintenant, notez bien que c’est à bord de ce navire que vont s’ordonner les affaires de l’empire. Elle régla la climatisation en ordonnant à ses serviteurs de secouer plus rapidement leurs éventails en plumes d‘autruches. Son petit nègre le plus proche lui répondit « ok toubab » et fit de l’air pour descendre la température de la pièce à 23°.

 

– Ben, tant que ton gouvernement ne part pas à vau-l’eau, railla Phimosis sans faire rire personne. Personnellement, je crois que je vais adorer cette croisière et j‘espère bien qu‘on fera de temps à autre quelques arrêts baignades au cours des journées libres.

 

Néefièretarée avalait une bouchée de son beignet au miel, ce qui la dispensa de lui répondre. Depuis qu’il a été nommé vizir, Phimosis prend la grosse tête, se dit-elle, ce qui obligerait peut-être à procéder sous peu à un nécessaire remaniement ministériel et un possible changement d’amant. Même si ce petit scribe parvenu jouait aussi bien de sa langue que du reste pour la satisfaire. Alors que Merdenkorinnanâr  était en train de demander si on verrait des baleines, Sésoscristop enjamba les nombreuses valises sans répondre et demanda plutôt aux autres s’ils étaient enfin prêts à voguer vers l’aventure. Il balança au passage un commentaire acide sur l’excédent de bagages emportés par la pharaonne, lequel l’obligeait à se débarrasser de plusieurs rameurs, puis il les quitta pour remonter sur le pont et procéder aux manœuvres du départ. Il avisa le type chargé de larguer la grande voile, et comme il avait une dégaine de travelo Marseillais, il lui balança l’ordre de faire son boulot :

 

– Hey, machine, en avant toute !

 

On largua les amarres, la grande folle lâcha son gros bout et son voisin fixa une autre corde à l’arrière du voilier, pour que les rameurs éjectés en raison de l’excédent de bagages puissent s’y accrocher et se laisser trainer. On leur jeta ensuite de petites jarres fermées à la cire contenant un message d’espoir, puis Sésoscristop alla s’enfermer avec un scribe dans sa cabine pour entamer la rédaction de son papyrus de bord. La foule agglutinée sur la rive redoubla sa joie et ses injures en traitant le cortège royal d’être en réalité un convoi négrier, puis l’association des colombophiles de Memphis lâcha dans le ciel quelques pigeons pour faire joli. Les petits oiseaux blancs percutèrent en plein vol les cigognes qui revenaient d’Italie lardées de lances romaines, puis les majestueux bateaux de la pharaonne s‘élancèrent sur le Nil, ce bienfait des dieux. Cent quarante moussaillons affamés discutaient du montant de leur bakchich et s’apprêtaient déjà à plonger dans l’eau pour guider le navire de tête et l’aider à passer la première écluse de Oêdi Sebonlâ Tumessoul, ce qui prendrait facile une bonne journée. Et puis les bateaux dépassèrent tranquillement le nouveau temple d’Horus que Jérijône venait de faire construire, grâce aux excellentes recettes du dernier Heb Sed.

 

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Bon dimanche à tous

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:53:06
n°44955533
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 28-02-2016 à 15:50:09  profilanswer
 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:54:36
n°44979311
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 01-03-2016 à 17:35:22  profilanswer
 

Le congélateur muséographique

 

Aujourd'hui : Harry Anderson - kiss 1950

 

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Bonne affaire, avec un jeu de mot.

 

Aujourd'hui : Le masque d'hypnotiseur.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:57:43
n°45011908
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-03-2016 à 17:02:32  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 06.

 

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Devant le trouble extrême que manifeste papi Léon, Enerstine comprend qu’elle ne va pas s’en sortir avec un seul petit verre de goutte, elle pose donc le litron en face de lui pour le mettre à son entière disposition. Après une nouvelle lampée, Léon reprend son récit, qu’il a bien du mal à dégoiser. Le coude sur la table, il se tourne vers ses voisins en posant l‘un de ses sabots plein de paille sur le barreau de sa chaise, pour mieux imager son histoire avec ses deux mains noueuses, soudainement affolées :

 

– Il devait être 11h du soir, je revenais du hangar à Jules, où j’étais allé siphonner en douce un peu d’essence dans son tracteur. Juste un peu hein, de quoi tenir la semaine, et puis quand je suis revenu dans ma cour, il y avait un engin bizarre et rond posé près du puits. Ho pas trop grand, cinq, six mètres, en métal et bien usiné ; ça venait pas de chez nous, et ça brillait de partout ! Mais quand je me suis approché, il a décollé à la verticale et foutu le camp dans le ciel à une vitesse vertigineuse, et puis il s’est perdu dans le ciel. Il s’est dirigé au nord vers Pleurotte-les-bois. Moi j’étais tout ankylosé. Bon dieu de bon dieu, je vous le dis, j’ai jamais vu un truc pareil de ma vie.

 

Ernestine le regarde en coin, mais elle voit bien dans le regard du papi qu’il a vraiment l’esprit troublé. Ouais, pense-t-elle, en voilà un qui perpétue joliment la tradition des visions de pochetrons noctambules. A vrai-dire, mémé n’est pas franchement douée pour les approches psychologiques.

 

– Ben mon Léon, t’aurais pas choppé le croup, dis-voir ?

 

– Ouais, fait pépé à son tour, en prenant son air soupçonneux qui le fait devenir encore plus rouge de figure, tu vas pas me dire à moi que t’en a pas vu d’autres, quand même, t’as de l’entrailles, Léon. Toi qui as fait Verdun, viens pas me dire que ce bazar te colle plus la trouille que les gars du Kaiser ? Tu me ferais de la peine, hein, copain de tranchée ! T’es médaillé, quand même ! T’aurais pas un peu forcé sur le rouquin, hier-soir ?

 

– Mais non Alcyme, je te dis. J’ai ramené mes bras et mes jambes de Verdun, et j’ai pas encore perdu la tête. J’ai vu ce que j’ai vu et pour moi, c’était une machine de martiens qui venait des étoiles,  mais je les ai pas vu, eux, encore heureux. Il retire son béret pour se gratter les cheveux avec nervosité.

 

Force est de constater que Léon semble toujours pris dans les turbulences de sa curieuse révélation. Ernestine propose d’appeler la gendarmerie, Alcyme est contre, lui verrait mieux l’abbé Julio s‘occuper de cette affaire, mais Léon s’oppose à toute divulgation aux uns comme à l’autre et met au final ses voisins d’accord là-dessus. On gardera la chose secrète dans le brouillard bien opaque des choses à ne jamais révéler. Il ne manquerait plus que des gars aux études poussées viennent renifler dans leurs fermes, ça serait au juste bien pire que les martiens. Le rire de Léon est encore loin à l’horizon et il a bien transpiré dans sa chemise à carreaux, puisqu’il avoue ne pas s’être couché ni avoir fermé l’œil de la nuit. Ernestine et Alcyme se veulent d’une franche empathie et picolent de bon cœur avec lui, mais peut-être n’arrivent-ils pas à être totalement convaincus par la vision du grand-père. Il est quand même étrange de voir l’héroïque poilu aussi vulnérable d’impuissance. Une atmosphère étrange règne dans la cuisine, et Gaston et Angèle ne perdent quand à eux pas une seule miette de la conversation de leurs grands-parents. Ils n’oublient pas l’ambiance effrayante et angoissante provoquée par la vive et étrange lueur qui est venue éclairer leur chambre la nuit dernière, mais ils n’en ont rien dit aux anciens, de peur de se faire gronder et traiter de vilains menteurs. Le témoignage de Papi fait néanmoins sortir le fait-divers du lot des cachoteries soigneusement gardées par le frère et la sœur. La chose a de toute évidence plus de gravité que l’élevage secret d’escargots entrepris dans le grenier. Navrée de voir son papi aussi sévèrement troublé, Angèle fait sa mine de la plus délicieuse chipie, puis elle essaye un air plus sérieux,  puisqu’elle n’y tient plus :

 

– Nous aussi, avec Gaston, on a vu les martiens.

 

Gaston redoute trente secondes le tonnerre de baffes, puisque sa sœur semble se moquer de Léon, mais les vieux se rendent soudain compte qu’ils n’auraient jamais dû parler de ça devant les enfants. On fait comme si on a rien entendu, Angèle heureusement n’insiste pas et Ernestine les envoie d’autorité nourrir les lapins. Elle sait pertinemment que cette activité va les combler de joie.

 

– Quand tu penses que notre petite-fille, elle va ressembler à une couverture de Ciné-Revue et va vouloir se maquiller un jour, fait Léon, après avoir bien rigolé de l’innocente sortie faite par la sœur de Gaston. Bon, je ne veux plus vous ennuyer avec mon histoire, mais Alcyme, tu devrais tenir ton fusil chargé, on ne sait jamais, des fois qu’ils reviendraient. Ils sont peut-être toujours là pendant qu‘on cause, au-dessus de nous. Je vois toujours cet engin dans ma tête, je ne peux pas faire autrement, il m‘a vraiment collé une peur bleue. Tu viendras voir cet après-midi, Alcyme, parce qu’il a laissé des traces près du puits. Tu verras que je ne mens pas.

 

Ernestine et Alcyme Boudiou s’enchantent de constater que le phrasé de Léon s’améliore après cinq ou six verres de plus, et tout le monde se quitte en se promettant d’être vigilant. Il ne faut cependant jamais insister sur les affaires qui ne donnent pas de plaisir. En partant, Léon se retourne à la porte et toise la cuisine comme s’il assistait à un spectacle des plus prétentieux.

 

–  Ah bon, alors comme ça, vous avez acheté du formica, comme les meubles de chez Mr le Baron. C’est pas bien beau, tout de même, ces choses-là.

 

Pendant qu’il s’éloigne en emportant avec lui son énigmatique vision, Gaston a débarré la vieille planche qui ferme l’enclos où se réunissent les rangées de clapiers, à l’ombre du grand marronnier. Le petit se réjouit vaguement que les grands-parents n’aient pas crus Angèle, mais sa cervelle enfantine est prodigieusement hantée par toute cette aventure. Il sent bien qu’un bon secret là-dessus arrange tout le monde, mais il profitera quand même du marché du dimanche pour questionner mémé en douce sur les martiens, même s’il sait bien qu’elle ne va pas lui donner toutes les informations souhaitées. Le seul martien qu’il a déjà vu, c’est un portrait de petit bonhomme vert rigolo dessiné sur le stand du chamboule-tout de la foire. Il tend son lapin roux à Angèle pour qu’elle le caresse et sa sœur s’empare de la bête avec ravissement et bonne humeur. Sans rien dire, ils savourent tous les deux leur complicité qui donne un certain poids à l’aventure de papi Léon, car les enfants sont assez fiers de détenir un secret véritable. Parce que Anges ou Martiens, eux ils ont bien vus quelque chose dans la nuit, quand même.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 07:58:49
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talbazar
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Posté le 10-03-2016 à 14:03:39  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 23.

 

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Après la formation d’un éphémère arc très lumineux à l’horizon, le ciel passe d’une nuance de pastel rose sale à un gris nuageux, les collines rocheuses environnantes se plombent durablement d’un brun sombre et une fine brume diaphane se met à glisser lentement dans la vallée, pour éteindre finalement les lointains sommets à la vue. De grandes langues sableuses recouvrent les verrières transparentes des anciennes serres crevées qui ont quasiment disparues sous les dunes avides, et seules les entrées du dôme se trouvent encore accessibles aux humains ; mais le cœur de l’énorme abri bombé ne peut désormais préserver aucune vie. C’est pourtant à l’intérieur de cette antique structure que tous se réfugient et transportent un Flash Gourdin toujours inconscient. On le traine à grande peine sur un sol où se sont figées les traces de pas des derniers visiteurs de ces lieux venus là bien après l‘abandon de l‘installation, il y a certainement fort longtemps. Dans l’abri précaire du dômus ruiné, les quatre survivants valides font à présent le bilan de l‘attaque qui vient d‘avoir lieu, non sans redouter la prochaine, laquelle mettrait probablement en jeu des Panzigs Space Rocket SR-1007. Penché sur le colosse au visage carré qu‘elle entrevoit après avoir débarrassé la visière d‘une fine pellicule de givre, Siguiline Oryal prend un air soucieux, lorsqu’elle examine le scaphandre en Nylar et l’état général du blessé. Si la pauvre Cathy Denews fut une spécialiste émérite du pilotage d’un Draxel, Siguiline est en revanche une experte médicale. Bien que l’intégrité de la combi rouge soit très malmenée, la ventilation est bonne et elle semble heureusement toujours fonctionnelle, même si quelques courroies de pression ont beaucoup morflées. Sa purge dorsale de mélange oxygéné est bousillée et le fugitif respire dorénavant sur sa bonbonne  de secours ; plus grave encore, le dosimètre sanglé sur sa cuisse clignote sans arrêt pour indiquer un taux de radiations très alarmant. Probablement sévèrement irradié par le zithium des piles déréglées de son gun, Flash a besoin d’une décontamination urgente. Surtout, ayant terminé son check-up par une lecture attentive de l‘écran de contrôle bio-médic attaché au scaphandre, Siguiline arrive à la conclusion déplorable que le bras droit de ce type-là est sans doute complètement perdu. irrémédiablement, c’est désormais un infirme qui vient de payer d’un membre précieux son formidable exploit. Le propre cœur de la jeune femme bat un peu la chamade, car sans vouloir se l’avouer concrètement, Siguiline est touchée plus qu’elle ne le voudrait par cet étonnant personnage, qu’elle désire dorénavant à tout prix sauver. Quand bien même il serait un ancien prisonnier. Après un dernier regard presque attendri sur le dormeur aux mâchoires solides et closes, elle apporte ses conclusions alarmistes à Fanch, lequel est en train de s’engueuler violemment avec Jorg Glooniais, dans ce qui a probablement été un vaste et ancien laboratoire. Irradié, bras mort, bonbonne de survie, pas folichon, même si jauge pression et redistribution des fluides restent heureusement correctes. Bien qu’elle écoute ces dires préoccupants avec une grande attention, Karela Borounie garde un silence soucieux, alors qu’en s‘adressant à Fanch, Jorg pointe au contraire du doigt les restes calcinés du Draxel, visibles derrière la baie transparente, une large ouverture sur l’extérieur qui offre à présent un paysage tourmenté par de longs écoulements de sables laminaires :

 

– Bordel, Fanch, mais pourquoi ne pas avoir utilisé le Draxel ? On a eu du pot de s’en tirer. A présent notre engin est bousillé et je ne vois pas comment on va rentrer à la base. Les copains vont mettre un temps fou pour venir ici nous chercher.

 

– On va rejoindre le Sharsherman en attendant, il n’est pas si éloigné.

 

– Oui, intervient Karela, il aura d’ailleurs ce qu’il faut à bord pour retaper notre héros, et il ne s’agit pas de traîner.

 

– Mais on s’en fout de ce mec ! la coupe Jorg, au comble de l‘énervement. Il reconnait pourtant que l’épave de ce vaisseau muni des commodités d’un voyage spatiale et affublé d’un fort bouclier électromagnétique représente une opportunité incontournable.

 

– De plus, si on le remet d’aplomb, n'oubliez pas que Flash est capable de le piloter, même avec un seul bras, ce n‘est pas un problème.

 

Tous s’observent un moment à la ronde, car l’analyse de cette question est absolument prodigieuse. Refaire décoller le monstre écrasé les anime d’un espoir audacieux qui viole certes toute loi de la guerre, mais ils n’ont guère le choix, car les défédérés vont revenir en force, ils le savent très bien. Sans se donner le mot, ils perdent silencieusement leurs regards sur le monde de brouillard jaunâtre qui les environne complètement. En se mettant en route immédiatement, le trajet vers l’énorme véhicule peut se faire d’une manière invisible pour l’ennemi. On fouille et Siguiline retourne au labo en poussant un cri de joie, après sa découverte d’une civière sustentatrice en état de marche, sur laquelle on pose le corps de Flash. Il semble flotter dans le vide, mais il est en réalité porté en toute sécurité sur ce lit invisible.

 

– On y va, fait Fanch en prenant les devants.

 

Ils quittent alors le champ de bataille en laissant derrière eux leurs amis défunts et les cadavres brûlés des quarante Kradoberschützen tués, éparpillés parmi leurs engins détruits, parfois avec des positions grotesques. Se retrouver au pied d’un Sharsherman venu des étoiles, il n’y a pas à dire, ça en bouche un coin. Son étrave imposante renifle toujours la haute protubérance sableuse qu’elle a formé en atterrissant. Ainsi planté après sa longue glissade contre le sol martien, le mastodonte git en porte-à-faux sur son lit de roches malmenées. Un vent continu chasse sur son flanc monstrueux une pluie de grains minuscules, qui fouette également les petites silhouettes humaines lorsqu’elles s’approchent du vaisseau. Ce dernier n’est peut-être plus capable de revoir l’espace, mais il peut sans doute encore parfaitement se déplacer dans le ciel de Mars. Il constitue de toute façon un espace vitale providentiel, équipé d’une manne technologique inespérée. Sachant que les minutes sont comptées, on se glisse hâtivement à bord de la bête, dans laquelle il est désormais possible de respirer librement. Tous dévissent ainsi leurs casques et se libèrent de la tension engendrée par leur marche sous des conditions climatiques quelque peu oppressantes. En revanche, Siguiline évite de libérer pour le moment la tête de Flash et demande de l’aide à Jorg pour le glisser dans un sas décontaminant. Le taux de radiation s’abaisse rapidement, alors que s’active en synchronisation le programme régénérant. De ce côté là, tout se passe bien. Reste ce bras mort, qu’une nouvelle analyse poussée vient hélas confirmer. Fanch et Karela se sont longuement embrassés, puis ils se mettent de concert à inspecter soigneusement le grand vaisseau, après avoir rendu actif son bouclier, ce qui permet d‘offrir une parade éventuelle à l‘irruption inopportune de Panzigs. A l’évidence, chacun se sent mieux dans l’ordre rassurant proposé par les entrailles de ce nouvel abri. Puisqu’il obéit à des impératifs guerriers, le véhicule leur donne avec son armement colossal un puissant avantage, et s’il ne peut piloter l’engin, Jorg affirme pouvoir au cas où mettre en œuvre le déclenchement des missiles HFR 412, grâce à une procédure extrêmement simplifiée. Le Sharsherman offre même un équipement médical sommaire, destiné à satisfaire aux opérations d’urgence, et c’est là que Siguiline s’efforce de redonner pleinement conscience à l’invalide. Si Fanch a trouvé un scaphandre de rechange pour remplacer la combi abimée, Karela met également la main sur un exobras, qu’elle montre triomphalement à son amie. Cette prothèse unique, destinée à l’origine au décuplement de la force nécessaire au transport de charges lourdes, peut tout à fait rendre à Flash un usage formidablement augmenté de son membre perdu. La trouvaille rend tout à coup Siguiline très heureuse, ce qu’elle ne peut cacher aux autres en dévoilant un visage réjoui. Surtout qu’après avoir reçu ses soins, Flash est à présent tout à fait réveillé. L’évadé est conscient, oui, mais il n’arrive plus à penser en dehors du présent immédiat et n‘a même aucun souvenir du récent combat au cours duquel il s‘est montré si brillant.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:00:16
n°45091200
talbazar
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Posté le 12-03-2016 à 10:34:45  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 01.

 

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Tome 2 : Sus au sein royal.

 

Résumé : La reine du royaume de fion, Amanda Blair, est frigide. Mirlen le mage et ses amis cheminent dans le Minouland pour quérir la fleur de Pinette qui peut seule la sauver des froidures de sa cheminée. Robin qui boit chemine avec ses amis, bien décidés à combattre les forces obscures et sauver une veuve.
 Celle-ci ne peut plus cheminer, car elle est prisonnière de l’Ovoïde Vazy Métoian LXIX, l’empaleur de Kiess.
 Le royaume de Fion est en ébullition, bien que ses usines soient réputées pour ses épées et ses couteaux de cuisine. On s’achemine donc vers la guerre.

 


 Dans son armure de fer, c’est le cœur gonflé d’une allégresse inoxydable et galvanisé par la joie que messire capitaine-chevalier Franquette de Labonne, général en chef pen bagad des troupes et nouveau vizir de la reine Amanda Blair, arpentait les quais de son beau port de Fion, où il passait ses dernières heures à terre. Avec lui s’apprêtait à embarquer la moitié de l’armée, sur les nombreux bateaux qu’allait diriger vers la Mouyse l’amiral Gaëtan Maldemer de Posegalettabord. Au milieu des débarcadères bondés, il régnait une telle activité qu’on se serait imaginé en jour de foire permanent. Là se trouvaient réunis tous les plaisirs et les biens désirables, et mêmes ceux qu’on ne désiraient pas, comme un affreux coup de fauchard dans les tripes au coin d’une ruelle sombre. Sur les quais s’accumulaient donc d’abondantes marchandises avariées ou variées et dans toutes les venelles des bonhommes dépouillés. Ainsi, derrière la vaste enceinte aux échauguettes multiples de la ville fortifiée régnait la nature sauvage et les champs cultivés, alors que dans le port dominait la nature sauvage des moins cultivés. Puisqu’en vérité, le royaume Fionnais subissait en ces temps de déplorable frigidité royale une terrible crise économique, mais également un grave déficit de confiance dans le trône, très préjudiciable aux peu diplômés. Cœur battant de la ville autrefois construit par le sénéchal Robert de Mayburne, le port s’enrichissait d’un sol bien pavé et démontrait un admirable plan régulier, avec des rues en pentes tellement droites qu’un bon nombre de charrettes finissaient leur course effrénée directement dans la mer de Cybrine. C’est à cet endroit que venaient se concentrer tous les bateaux longeant les côtes déchirées de l’Hyperbourrée, voir en provenance de la ville de Mouyse, avant que ne s’enveniment les relations de cette dernière avec celle de Fion. C’est ainsi que le grand commerce international apportait dans le port toutes les conditions de la plus belle pollution des eaux. Franquette de Labonne longea la rue Pipi en sautillant par-dessus le caniveau central, puis il déboucha sur le quai proprement dit, encombré d’une mosaïque d’auvents colorés. Lorsque les citadins le reconnurent, il eut droit à moult hommages et glorieuses ovations, mais aussi à de nombreuses demandes de logement, puisqu’il était vizir. La reine Amanda avait eut le nez fin de déclarer la guerre, ce qui allait purger le royaume par charité individuelle pour coller dans la tombe sans indemnités un grand nombre des nécessiteux affamés gracieusement enrôlés. Une fois l’armée en route, le bon bourgeois ne craindrait plus l’émeute, il retrouverait le chemin des tavernes et des filles à bâtards, et les gras clercs de Kramouille referaient pour eux leur délicieux fromage et leur vin gouleyant. Pour l’heure, manœuvres, hommes de peine, tanneurs ou paysans sans terre se transformaient en soldats, et l’on en voyait déjà beaucoup s’amasser à bord des grands cogues et autres caravelles amarrés contre les appontements. L’ambiance était plus à la fête qu’aux combats et chacun des gueux, la fleur à l’épée, se montrait bien fier d’endosser la fonction militaire, puisque la vertu de leur sacrifice allait racheter le poids de leurs fautes antérieures. Chaque maison se trouvait joliment pavoisée de la cave au toit, et sous les belles bannières qui fouettaient dans le vent et le contenu gras des gouttières remplies de choses immondes provenant des aisements, Franquette se fraya à grand peine son chemin au milieu des danseurs et des buveurs secoués de hoquets, parce qu’ils déversaient leur trop plein de vin dans les fontaines. La sonnerie des cloches du temple de Kramouille résonnait d’une manière formidable et tous les badauds continuaient d’acclamer sur leur passage le vizir et son précieux cortège de hauts barons. Dans un vaste entrepôt de grains, de 25 pieds drusiens carrés, transformé pour l’occasion en cellule de crise, le vizir retrouva enfin le seigneur amiral Gaëtan, qui vint d’ailleurs lui-même à sa rencontre.

 

– Ainsi donc, messire Delabonne, nous voici fin parés pour porter défi de guerre à Mouyse. Voyez vous-même combien sont fiers nos vaillants coustilliers.

 

– Si fait, amiral, et pour ne rien gâcher, nous avons vents portants. Je suis toutefois bien inquiet de laisser notre reine isolée dans la ville, car pour ne rien vous cacher, si l’on ma donné gloire en venant ici, on m’a aussi jeté de la merde dans la rue. Foutre Kramouille, il n’y a pas que le vent qui fouette dans cette ville !

 

Gaëtan se mit à rougir un peu, car il avait coquinement titillé la reine en dernière nuitée, sans avoir d’ailleurs plus de succès à faire glapir cette dernière comme goupil en piège que tous les autres avant lui. Ne pouvant pas s’asseoir en raison de sa fesse anciennement brulée, il se tenait tout droit debout en face du vizir, lequel avait en revanche pris place sur un fauteuil en cuir. C’est pourquoi le marin eut le premier la vision d’Amanda qui s’approchait, en compagnie d’un gentilhomme lourdement équipé qui n‘avait guère besoin de leur être présenté, puisqu‘il s’agissait du seigneur Gaultier Quilamolle, comte de Septizémie, margrave de la Sianusite et général en chef de l’armée par la prise de terre. Il était celui que la reine avait choisi pour conduire le reste des troupes le long de la côte, afin d’attaquer Mouyse par le nord, pendant que Gaëtan débarquerait au sud avec sa flotte.
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– Nos vertueux hommages, lâcha Gaëtan, penchant sa révérence en dépit de quelques lombaires défaillantes, votre grâce, phare lumineux du Minouland, fière tête du monde couronnée par Kramouille, grande et chaude bouillante reine du Fion. Comme vous savez, nous allons en ce jour embarquer. Voyez que s’animent pour vous servir nos bras vengeurs dans votre Fion.

 

– Sans compter, ajouta Franquette en dégustant son vin, que la prise de Mouyse abandonnera pour nous de nombreux surplus commercialisables. Fer, vin, sel, épices, étoffes et des filles de douze ans, tout y sera.

 

– En effet, pointa Gaultier en s’installant dans son siège avec difficulté, car son corps gros et grand était de plus fortement engoncé dans son armure plaquée d‘or raffiné. Amanda règnera ensuite, par propriété personnelle de la reine, sur un immense territoire qui englobera tout le sud-Minouland.

 

– N’oublions pas, messires, ajouta justement la reine, que ce projet est également la visée de notre ennemi l’Ovoïde Vazy Métoian LXIX. La rapide prise de Kiess et l’état actuel du royaume de Mouyse nous prouvent qu’il est aussi dangereux que sans aucune miséricorde.

 

– Allons donc ! fit Gaultier en levant sa corne bien haut, buvons pour l’heure à la victoire, nous chasserons pour toujours le tyran coléreux et cruel de son exubérante maisonnée. Trinquons fort, car comme vous le savez, chaque verre de bon vin soutire un écu à nos médecins.

 

Franquette n’osa lui rétorquer le danger des pièges de la dépendance et ne sut lui-même résister au plaisir immédiat. Après tout, on était en compagnie honorable et le bonnet et la coiffe d’Amanda, très beaux et très notables, étaient bien arrangés. Les cloches urbaines sonnaient toujours à pleine volée, et personne dans la foule ne songeait à retourner sur son ouvrage, puisque beaucoup avaient des pères, des maris, des amants, des oncles ou des frères parmi les soldats en partance.

 

– Bon, on part à sixte ou à none, Gaëtan ?

 

– Tout dépendra de la marée. Le tout c’est qu’on soit déjà loin à vêpres.

 

– Vazy va recevoir de notre part un fameux coup de boutoir. Mais vous irez par la terre plus lentement que nos navires, seigneur Gaultier.

 

– Eh bien, messire Franquette, vous n’aurez qu’à faire des ronds dans l’eau en m’attendant. Vous aurez certainement à combattre les vaisseaux de Mouyse en approchant, vous-savez. Il chassa du pied un rat qui jouait avec les bandelettes enroulées autour de ses jambes.

 

– Si mon épée croise l’Ovoïde, fit Franquette en frisant sa moustache, croyez bien qu’elle le fendra en deux. Ma reine, vostre sui e serai, del vostre servizi garnitz.

 

Amanda se fit un instant rêveuse à cette idée d’être fendue en deux. Elle ramena sur ses épaules son grand manteau bleu. Après tout, l’issue de cette guerre ne soignerait en rien la sécheresse de son bouton joyeux. Elle portait la couronne, elle allait commander par la force, munie de son autorité sacrée, mais devant tous les hommes qui devant elle mettaient saucisses à terre, elle en soupait parfois de toutes ces marques d’amitié, de respect et d’estime. Elle avait beaux cheveux et languissait de se voir prise en bouc au fond d’une porcherie. La plaisante lumière des combats à venir n’éclairait guère son intérieur, et son brave petit cul ne s’inondait pour son malheur que d’une rosée glaciale, puisqu’à l’instar d’une méchante serrure, un terrible sortilège lui barrait ses entrées. Pendant encore quelques bonnes heures, on picola bière, cidre et poiré, on mangea quelques poules et l’on charria les filles des boulangers. Puis, vint finalement l’heure solennelle où tous décidèrent d’embarquer. Amanda triomphale fut portée sur sa belle haquenée, et puis Franquette et Gaëtan grimpèrent la haute passerelle de la Tatie nique, la nef amirale dont le sieur Gaëtan Maldamour, ancien capitaine de la Rondelle, se trouvait à présent chargé de commander. Les soldats collés en masse aux bastingages des bateaux voisins agitèrent bruyamment leurs lances et boucliers. La foule en liesse lâcha des éperviers, de chagrin quelques tristes jouvencelles prirent le voile pour aller s‘enfermer en couvent de Kramouille, les troubadours chantèrent de belles ritournelles pour la croisade et les vaisseaux en ligne lâchèrent leurs voiles blanches, avant de quitter lentement les eaux calmes du Fion.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:02:48
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Posté le 13-03-2016 à 09:47:57  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Moins belle la vie. Extrait numéro 76.

 

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Bien que sa famille désirât plutôt pour Gwendoline une inhumation, afin d’encourager les affaires d’un oncle marbrier, l’infirmière fut finalement incinérée dans l’incendie accidentel du funérarium où on l’avait fait patienter. En venant fouiller les cendres après avoir accepté les plates excuses du directeur, le père de la morte serra en revanche froidement celle du docteur Jason, lorsqu‘il le rencontra pour la première fois.  Parce qu’il avait découvert au domicile de sa fille une pièce secrète à la gloire de Jason. Entre les murs recouverts de posters géants du directeur de la clinique, s’entreposait en effet le fatras des mugs, casquettes, tee-shirts, livres-photos et une multitude d’objets que Gwendoline avait fait imprimer à l’effigie de son idole. Les parents effarés découvrirent aussi les enregistrements soigneusement gardés de la voix du toubib, que leur malheureuse fille avait religieusement conservés en provenance de sa propre messagerie téléphonique. Elles en avait d’ailleurs fait graver la copie sur un disque doré, ensuite soigneusement encadré. Bref, un véritable dépotoir de fan-club, le temple intime d’un incroyable culte rendu au chirurgien par la blonde reine de la seringue. Avec dégoût, ils jetèrent également aux ordures une petite poupée de cire percée d’épingles, laquelle possédait la photo souriante du portrait de Cassandra en guise de visage. La camionnette d’une association spécialisée dans le recyclage des médicaments périmés à destination de pays cobayes vint les débarrasser des tonnes de boîtes de barbituriques que Gwen n’avait pas encore avalées. Plus tard, le chauffeur du camion qui l’avait percutée fut exempté de toute responsabilité dans l’accident et le garagiste ne fit aucune bonne affaire avec la carcasse de la voiture, complètement écrasée. En dépit de leurs différents passés, c’est peut-être Babette Gallimard qui se montra la plus affectée par le décès tragique de sa collègue. Elle récupéra d’ailleurs soigneusement toutes ses tenues de travail, malgré l’agaçant problème d’un tour de poitrine évidemment incompatible. Chaque matin, en sirotant sa tasse de café dans la cafétéria, la maîtresse du docteur Gründ collait une pichenette à la drôle de petite figurine de chirurgien en plastique, pour lui faire balancer la tête sur son ressort pendant dix minutes, car Gwendoline avait ramené ce jouet chinois un jour, parce qu’elle lui trouvait une vague ressemblance avec Jason. C’était là une manière tristement plaisante d’envoyer un coucou posthume à sa collègue. Quelques jours après le décès de cette dernière, un dénommé David de la Martinière fut embauché sur le poste vacant, et personne dans le service ne vint se plaindre de lui, surtout pas Babette, qui le trouvait charmant, très professionnel et d’heureuse compagnie. Même s’il ne refusait jamais les pourboires rondelets que lui laissaient à chaque soin les vieilles dames qui perdaient la tête et s’imaginaient se trouver, non pas dans une clinique, mais à l’hôtel. Gründ promettait toujours à Babette de divorcer de sa femme, mais trouvait mille raisons pour ne pas le faire, et leur relation secrète continuait d’exulter dans la garçonnière privée du toubib qu‘il possédait en ville, au sein de la 288, ou dans le propre studio de l’infirmière, dans un équilibre fortement sexué qui finissait par rendre la brune aux gros seins légèrement agacée, impatiente et un tantinet morose.

 

Le commissaire Mensinq adorait la clinique Saint Bernard. Après avoir soupçonné dans l’accident de Gwendoline un possible sabotage issu d’une tentative de meurtre avec préméditation, Edith Plon avait fini par le convaincre qu’il fallait n’y voir qu’un banal drame de la route. En revanche, la présence coupable d’un pervers dans l’établissement semblait avérée, il fallait donc à Mensinq déployer le grand jeu d’une arrestation en flagrant délit, ce qui le mettait bien évidemment aux anges. Il envisageait  déjà pour ce type quelques belles douleurs traumatiques et de sévères ruptures étendues. Dans le souci d’établir sa propre stratégie diagnostique, il avait visité tous les chiottes de l’établissement et effectivement, on constatait de petits trous dans les murs. Son plan était assez simple, il allait installer des caméras, avant d’attirer le tigre affamé par un lot de jolies infirmières qui serviraient de chèvres innocentes. Jason se remettait lentement. Délivré de ses bandages, il pouvait désormais déambuler lentement en s’aidant de béquilles, et Cassandra se réjouissait de le voir en bonne voie de guérison. Le patron savourait les retombées économiques du papy-boom sur son chiffre d’affaire, puisque le vieillissement de la population Suisse allait inévitablement entrainer la modernisation de son établissement, en prenant exemple sur le modèle des études ergonomiques des abattoirs de porcs, puisque ces bêtes sont notoirement cardiaques. Ce qui allait éviter que les vieux meurent de stress avant même d’être opérés. Il s’apprêtait donc en ce sens à se lancer auprès de tout son personnel dans une stratégie de pédagogie par objectifs.

 

La petite Véronique Bayard était très entourée, et le psy Grasset ne quittait guère la 72. Les sentiments de la malheureuse suicidée changeaient à chaque seconde, comme les vagues qui se mouvaient sur le lac visible par la fenêtre de sa chambre. La jeune fille passait de l’enthousiasme le plus rassurant à des périodes dépressives au cours desquelles il fallait constamment lui rappeler que la vie était un miracle précieux, ce que le psychiatre tentait de lui démontrer à l’aide d’une calculatrice double-écran. Il lui rappelait son rôle de future maman et qu’un bébé adoptif l’attendait certainement à l’étranger, mais il voyait cependant clairement dans le regard de sa patiente que se cachait une blessure secrète, qu’il se devait à tout prix d’exorciser. Au-delà de la simple gêne, elle était prise de réactions violentes à l’évocation de son grand-père, mais Grasset ne voyait pas le rapport. Il était pourtant primordial de lui faire renouer avec sa propre histoire et trouver de nouveaux débouchés à son imagination. Nécessité de se dire, besoin d’être écoutée, reconnue, valorisée, tous ces impératifs que Véronique devait apprendre à reconnaître et accepter en elle pour que le psychiatre puisse enfin la soumettre à son influence. Confiant dans la médecine moderne, David Bayard, le père de la petite, était reparti à Zurich et ne donnait plus de ses nouvelles. Il est vrai que puisque l’on constatait chez sa fille une certaine fatigue, une visite chez l’ophtamologiste pouvait sans doute, selon Jason, être parfaitement recommandée.

 

Le jour J, le commissaire s’attaqua au tournage de ses films et plaça dans tous les WC ses petites caméras, joyaux de technologie qui se déclenchaient au moindre mouvement, ce qui promettait quelque performance fascinante en donnant un visage au satyre. Ce qu’allait proposer ces minuscules yeux impartiaux se montrerait forcément indiscutable et objectif. Réussir ou mourir, telle était la devise du policier, ce qui devait également inspirer la mission des petites proies fragiles qu’il avait réquisitionnées pour mener l’aventure. Babette déclina l’offre en pointant son statut de surveillante générale, ce qu’il n’apprécia guère et la rendait même quelque peu suspecte à ses yeux. Qui en effet pouvait à ce jour prouver que le voyeur fut un homme ? En revanche, à la suite d’un casting très personnel, Mensinq enrôla les infirmières Cassandra L’Harmattan, Jacqueline De Minuit, Florence Calmann-Lévy et Justine Pol en raison de leur apparence physique susceptible de coincer à coup certain n’importe quel mateur de petite pisseuse. Chacune devait se relayer pour l’utilisation synchronisée de chacun des étages de la clinique, alors que Mensinq plaçait ses hommes armés en position de surveillance camouflée dans les couloirs. Des flics déguisés en aide-soignants qui commençaient doucement à en avoir leur claque de cet endroit malsain, après l’histoire du mafieux Danielo Filipacchi et l’attentat sur l’hélicoptère de Jason. Bref, ce matin-là, le commissaire s’apprêtait à se battre comme un dingue avec le karma de ce putain de pervers.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:04:50
n°45107836
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 14-03-2016 à 10:07:57  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 16.

 

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Perry Gorret, Bonno Landru, Carlos Glaçon et maintenant Le Baron, ça commençait à faire du monde. Un peu trop pour s’imaginer rester tranquille. En tout cas, Martin pouvait se féliciter d’avoir piégé sa salle de bain. Lorsqu’il rentra chez lui avec Vaya, Guy Ness était dans tous ses états. Le perroquet raconta qu’un type était parvenu à crocheter la serrure et qu’il était rentré, un revolver à la main, ce qui avait dissuadé l’oiseau de faire le malin. Guy s’était donc contenté docilement de jouer les animaux de compagnie sur son perchoir, à bouffer ses pistaches en roucoulant, mais il tremblait sévèrement sous ses plumes, car il n‘avait aucune envie d‘être plombé comme un vulgaire canard de l‘automne. L’autre se déplaçait d’une pièce à l’autre, mais après avoir essayé d’ouvrir la porte de la salle d’eau, il s’était pris une méchante prune dans l’épaule. Piégé par le stratagème de Martin, qui avait synchronisé le déclenchement de la gâchette de son 9mm sur la poignée de la porte. Pour ne pas être feinté à son retour, le détective avait prévu que Guy passe par la fenêtre pour neutraliser le dispositif. En attendant, l’astuce venait d’admirablement fonctionner, à l’exception près que le visiteur était seulement blessé, mais c’était déjà pas si mal. Il y avait du sang partout dans l’appartement, ainsi qu‘un beau bordel partout là où le gars avait commencé à fouiller ; mais aussitôt après le shoot et sans doute bien dégouté par ce dangereux tour de con, le visiteur avait rapidement déguerpi. Ce qui valait bien mieux pour le couple que de rentrer chez soi avec le bonjour d’un comité d’accueil, même si ce n‘était sans doute que partie remise. Comme il possédait le matériel adéquat, Martin releva soigneusement les empreintes sur la poignée, ainsi qu’un peu de sang. Il chargerait Barracuda N’Dyé de mettre si possible un nom sur le livreur de plomb si bien couillonné. Mais à présent, il fallait partir du loft au plus vite, ce que le privé expliqua à Guy et Vaya sans avoir le besoin d’argumenter plus avant. Il était grandement temps d’aller prendre l’air du côté des sommets, sans oublier d’emporter ce maudit carnet, puisque Martin ne doutait pas qu’il fut l’objet de la mise à sac de son cocon d’amour. Ils se montraient pugnaces mais drôlement cons, les gars de la bande à Gros Bill. Après tout, il leur aurait simplement suffi de faire tranquillement le guet en attendant le retour du propriétaire. Enfin, quatre quidams envoyés en enfer, c’est vrai, ça peut demander de préférer son absence.

 

Vaya colla ses affaires dans un sac, Martin fit pareil. Sur le pas de la porte, elle ramena le col de l’imperméable de son chéri pour l’embrasser, rien dans son regard ne venait prouver la moindre trouille. Peut-être qu’après toutes ces morts brutales, elle se blindait vraiment. Ils passèrent chez les flics et Barracuda leur fit même un café. C’était surtout qu’il voulait en savoir plus sur le pédigrée de la môme à Martin. Ce dernier ne le prit pas pour autant pour une injonction de faire, mais il s’inclina devant cette curiosité et laissa Vaya démontrer qu’elle n’était pas une pute mais simple barmaid au Tripoli, et qu’elle couchait bien avec Smith, d’une manière amoureusement exclusive. Avec un souci de bienveillance, l’inspecteur la complimenta sur ses beaux yeux bruns et la richesse parfaite du mélange des fragrances de son parfum qui lui allait drôlement bien. Il affirma aussi moitié dans l’humour qu’elle était la bien-aimée d’un type assez discutable. Puis il confia à Martin que le service venait juste de trouver sur le bord de la route un rôti beaucoup trop cuit nommé Le Baron, mais bien entendu, le détective joua l’étonné.

 

– Faudrait que t’évites de tirer en l’air, quand tu te ballades à la campagne, juste pour éviter qu’un semblant d’aristo ne se prenne une balle perdue, si tu vois ce que je veux dire. Il colla sous le nez de son interlocuteur une petite bastos légèrement écrasée. Que s'est-il passé, Martin ?

 

– Ho comme tu dis, sans doute une balle perdue ! Lui tu ne pourras plus l’entendre, mais ce Baron a un copain amateur de désordres domestiques qui s‘est autorisé une petite perquisition illégale chez moi, sans me laisser son nom, je suis sûr que tu vas bien retrouver sa carte de visite dans tes archives. Jusque-là, j’avais pourtant la chance d’habiter un endroit paisible ! Il fourra sa collecte d’empreintes sur le bureau. Notre fouineur a une balle dans l’épaule, j’aurais sans doute préféré qu’elle termine sa course en plein dans son paquet sacré.

 

– J’en ai marre de ton micmac, Martin. Fais-voir. Il s’éclipsa néanmoins avec le sachet enveloppé de cellophane pour revenir quelque-temps après. Bon, je l’ai, Bob Oldson, c’est le frère de Triple Shot. Toujours dans l’orbite de Gros Bill. Déballe ton sac, Martin, ou tu files à l’ombre, et ta copine aussi.

 

Du point de vue de Martin, cette histoire était sans doute en train de lui glisser des doigts, alors il raconta tout ce qu’il savait au flic, du début à la fin, en allant le plus possible à fond de son sujet. L’affreuse expérience sur Vaya, l’omniprésence de Gros Bill, le docteur Van Degaffe, l’importance du fameux carnet qui faisait tant saliver ces ordures toujours équipés de leurs mécaniques à bonbons. La seule chose sur laquelle il se montra évasif, ce fut au sujet de la mort de Perry, il fallait protéger Vaya.

 

– Ben tu vois, quand tu veux. Files-moi ta lecture, je vais la mettre en lieu sûr.

 

Smith confia sagement le calepin tant convoité à Baraccuda, qui le feuilleta attentivement. Comme il fallait s’y attendre, il ne pigea que dalle dans le fouillis des notes et des formules qui remplissaient les pages à profusion. Puis il le rangea dans l’un des tiroirs de son bureau, en poussant juste un long sifflement pour saluer la densité du catalogue scientifique.

 

– Tu te promènes dans une drôle de salle de Jeu, je vois. Qu’est-ce que tu comptes faire ?

 

– Nous partons prendre un peu l’air à la montagne, si tu n’y vois pas d’inconvénient. Je te dirais où on sera, quand on aura posé nos valises.

 

– T’es qu’un foutu romantique, mais je n’aime pas tellement les projets parallèles, tu sais. Et moi, je n’ai pas la tronche d’un naïf compagnon d’armes, et encore moins d‘un mélancolique. Tu sais t’y prendre, mais tu l’as sans doute échappé belle, alors tiens moi au courant de tout ce que tu manigances. En t’obstinant à l’avant-garde, tu vas vraiment finir par y laisser tes plumes. Je suis pour l’instant tout en patience, mais tu pourrais bien rapidement déplorer mon obsession de comprendre. Qu’est-ce que tu vas foutre dans les Alpes ?

 

– Nous allons rendre une visite à une vieille tante de Vaya, dans une maison de retraite qui s’appelle les « Flocons d’argent », tu vois, je ne te cache plus rien.

 

– J’ai bien envie de faire le caustique, n’empêche. Bon, je lance les chiens sur les traces de Gros Bill et Van Degaffe, ok. Toi, je te laisse aller avec ta poulette, mais une fois rendu, évite de cueillir les édelweiss pour plaire à madame, elles sont protégées.

 

– Ho, ne vous inquiétez pas, lança Vaya sur un ton légèrement persifleur, les seuls cadeaux que j’accepte de la part de Martin, ce sont les nuits blanches !

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:06:47
n°45146782
talbazar
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Posté le 17-03-2016 à 11:17:26  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 52.

 

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En raison de son côté momie, Ramassidkouch-Tahosétlafer n’accusait pas la grande forme. S’il avait visité le royaume des morts, il s’accordait à présent plutôt mal avec celui des vivants. Il souffrait d’otites à répétition et d’angoisses diurnes, de rougeurs diffuses sur ses grandes oreilles et de taches pigmentaires moins marquées sur le haut du ventre ; bref, il avait bien du mal à se faire à son nouveau corps. Ces effets secondaires à gravité variable ne décourageaient cependant guère sa sœur de l‘entreprendre, puisque Schrèptètnuptèt continuait de pousser à marche forcée les spermatozoïdes de l’incarné dans l’ovule qu’elle s’acharnait à mettre constamment à sa disposition. Elle se voulait de son côté ambassadrice de toutes les beautés et contraignait chaque jour ses médecins à faire avec elle un bilan qui lui signalerait une grossesse positive, puisque son étonnante vie de couple devait, selon ses vœux, la rendre rapidement grosse afin d‘engendrer au plus vite l‘erpatrès, l’héritier légitime du trône. Seulement, ce fameux gamin tardait à venir, malgré les efforts acharnés de la belle-sœur royale. On collectait en attendant à Thèbes pour l’usage exclusif du couple toutes sortes d’impôts inéquitables et injustifiés, ce qui entrainait mécaniquement une forte augmentation des bas-fonctionnaires et le peuple s’impatientait ouvertement d’un rapide retour de la reine Néefièretarée, la seule après tout à être réellement divinisée. Si Ramassidkouch-Tahosétlafer n’arrivait plus à être étrange et maléfique, il n’était toutefois pas dupe de la rumeur et craignait un complot fatal sur sa tête et celle de sa sœur. C’est pourquoi la milice privée du palais patrouillait sans arrêt dans les rues de la capitale, avec ordre d’arrêter sur le champ les lanceurs d’alerte et autres fauteurs de troubles. Afin de trouver protection dans un cadre magique, l’ex-momie portait autour du cou une belle amulette en faïence représentant Hâpy et faisait constamment des dons dans les temples de la ville. Dans ce climat incertain, Schrèptètnuptèt et lui décidèrent d’aller trouver leur espion Valisansoùth pour prendre des nouvelles récentes de la pharaonne, car ils avaient appris la toute nouvelle nomination officielle de Phimosis au poste de vizir. Précédés par l’esclave taciturne Mer-Amen Tesmich, ils trouvèrent porte close au domicile du vendeur de tissu. Après avoir fouillé partout dans la maison vide, une prostituée trop parfumée qu’ils interrogèrent, parce qu’elle habitait à côté, les informa que le propriétaire avait mis les voiles sur un bourricot complètement con.

 

– Comment ça, il est sans doute parti dans le sud ?

 

– En tout cas, il a dit au marchand de l’âne, un de mes clients, qu’il partait rejoindre l’une de ses caravanes à Patatra, qui n’est pas dans le nord, jusqu’à preuve du contraire. Puisqu’elle causait à la sœur du roi en personne, elle fit sa coquette et sa rusée en plissant ses yeux fardés de malachite, tout en jouant avec ses nattes en vrais cheveux.

 

– Ah mais qu’est-ce qu’il fout ce salaud ? s’écria Schrèptètnuptèt, malmenant quelque peu sa couronne en granit rose, en montrant qu’elle avait bien du mal à calmer son agitation. Elle ne pouvait s’empêcher de flairer la trahison. Elle fila pour son prix deux piécettes de cuivre à l’autre pestilence hyper maquillée, puisque même Rê récompense qui le sert, y compris cette nana à la raie peu serrée.

 

– Hey, je me verrais plutôt néméhyt, une citoyenne libre, comme ça j’arrêterai le tapin.

 

Schrèptètnuptèt ordonna à Mer-Amen Tesmich de reprendre la monnaie, puis lui fit renvoyer l’autre cafteuse à coup de pied dans les miches, histoire qu’elle aille comparer un plus loin le prix des amphores. Toute sagesse doit s’apprendre dans l’infime, comme le dit toujours avec raison la vache Hathor. Au moment de grimper dans sa nouvelle litière, Ramassidkouch-Tahosétlafer eut une fois de plus beaucoup de mal à rester humain. Son orteil le chatouillait désagréablement, il se gratta une tuméfaction au niveau de l’aine qui vint lui rappeler qu’il appartenait avant tout au monde glauque des morts-vivants. Il avait le sentiment qu’une vilaine boule de poils prenait dorénavant la place de son cœur. Osiris, dieu des dieux, le faisait vaciller et trembler dans un équilibre plus que fragile, au risque de faire exploser d’un instant à l’autre tous ses organes, mais en s’installant sur les riches coussins du break dix porteurs, il s’efforça de n’en rien montrer à sa frangine. Mer-Amen Tesmich fouetta durement à de nombreuses reprises Sasenlpot, le chef des porteurs de cette merveille technologique, pour qu’on arrive plus vite au palais, afin d’aviser. Les autres esclaves, réglés plus souples, talonnèrent et la litière dérapa brutalement, avant de reprendre sa course tambour battant, sous les hués des commerçants aux étals ravagés. Même si la réalité particulière vécue par l’ancien devin l’empêchait de penser en couleurs, il fut bien obligé, une fois revenu dans leur appartement, d’écouter sa sœur pester contre la défaillance de son réseau d’informateur privé. Une chose paraissait cependant très évidente, c’est qu’elle abandonnait pour l’occasion la poésie des mots.

 

– Bon, je vais envoyer Mer-Amen Tesmich galoper sur les traces de ce traître, avant qu’il n’aille chialer dans les jupes de ta femme. C’est évident que notre suce-boules de marchand de fringues tente de nous la faire à l‘envers. J’ai mis ma vie dans la tienne, moi, mais ce n’est pas pour rendre mon futur dangereusement incertain !

 

– Tu fais ce que tu veux, fit son frère en remuant sur son siège, afin de trouver pour son cul décharné un point d’ancrage plus solide.

 

Sa colère ouvertement exprimée à l’encontre de Valisansoùth faisait que jamais Schrèptètnuptèt n’avait été aussi désirable, en tout cas du point de vue d’une momie. Tout en pensant que la haine de sa sœur lui allait pas trop mal, il gratta la tête d’une esclave en minijupe blanche docilement assise à ses pieds endoloris, puis il l’envoya lui chercher une menthe à l’eau. Coupe en pâte de verre colorée en main, tout en savourant le déhanchement des jolies danseuses qui se trémoussaient devant lui, il constatait qu’il avait de nombreuses heures mortelles à rattraper, et ça n’était pas pour contrarier son amante de sœurette dans son désir de vengeance. Par-dessus tout, il voyait enfin l’opportunité de se débarrasser momentanément de Mer-Amen Tesmich, ce qui rafraîchirait sans doute un peu l’air du palais. Provisoirement en tout cas, puisque ce type musculeux était tellement professionnel qu’il ramènerait sans doute sous peu la tête de l’espion véreux à sa maîtresse. Avec le souci de provoquer un éblouissement dans son nouveau spectacle, une flamboyante chanteuse défroquée du culte d’Isis donna un nouveau rythme aux danseuses nues, en entamant sa ballade à succès fraîchement écrite intitulée « Hannibal est mon ennemi », ce qui galvanisa physiquement les spectateurs de la délégation Libyque et chauffa durablement le pagne du roi par intérim. Quand vint le temps des chorales mixtes, le couple se montra moins subjugué, et après avoir ordonné à son esclave personnel de se lancer sans plus attendre à la poursuite de Valisansoùth, Schrèptètnuptèt monta à califourchon sur son frère avec une fougue même pas maîtrisée, pour lui rendre le quotidien nettement moins banal. En voyant qu’on se désintéressait d’eux, les chanteurs entamèrent à tue-tête quelques jolies chants de la Gaule pleins de contrepèteries, histoire d‘imager par le son les images débridées qu‘ils avaient devant les yeux. Propulsée en pleine démesure spatiale, robe en lin relevée, Schrèptètnuptèt se lança à coups de saccades cadencées dans une accélération époustouflante, avec un mélange d’urgence qui fondit le couple dans une expérience musculaire inédite. Encouragée par la mélopée triviale, les sections de cuivres, les flûtes et les chants polyphoniques, la sœur du roi ignorait cependant encore que cette fois-ci, elle était bel et bien en train de fabriquer un fils, une merveille encore tapie au fond de son utérus, dont la naissance prochaine claquerait leurs bouches aux chipoteurs, une fois Néefièretarée enfin assassinée. Elle allait mettre en route un héritier du trône issu sans contestation possible du couple royal, un pharaon propre à changer la face du monde et en particulier la puissance de sa mère, un erpatrès finalement né qu’elle affublerait du nom sacré de Moisi.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:08:03
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Posté le 18-03-2016 à 20:57:33  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 06.

 

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Sous un temps radieux, le mardi 1er Avril 1958 vers 9 h 03’42’’ du matin, Gaston Boudiou joue tout seul près du vieux lavoir situé dans le champ de papi Léon. Il fait naviguer sur l’eau savonneuse le petit bateau qu’il s’est fabriqué avec un bout de tissu provenant de la robe d’Angèle et une simple coquille de noix évidée. Si mémé Ernestine le voyait là, il prendrait certainement sa trempe, parce qu’elle ne veut pas qu’il rôde près du lavoir, de peur qu’il se noie. Mais elle écoute à cet instant le président Coty discourir sur l’Algérie dans la radio, puisque ça barde, là-bas. Le gamin est donc tranquille et ce n’est pas Léon qui va trouver à redire, puisque son petit-fils surveille du coin de l’œil, tout en jouant, ses cinq chèvres dans la pâture fleurie. L’abbé Julio est venu hier avec sa moto pour prêter au gosse le livre de Quentin Durward, de Walter Scott, mais Gaston sait très bien qu’il s’agit d’un test du curé, et que la lecture intégrale du lourd volume vert illustré lui ouvrira tout droit les portes de l’école communale, en sautant plusieurs classes. Alors qu’il vient juste de déterminer une trajectoire imaginaire pour son esquif minuscule, en lui faisant passer le canal de Suez ré-ouvert l’année dernière, le nouveau chien blanc des Boudiou se met à aboyer furieusement dans la cour éloignée. Il n’arrêtera pas de hurler pendant toute la durée du phénomène. Un vent chaud semble parcourir le pré pour coucher d’un coup les chardons bleus et Gaston lève le nez à l’instinct. Une sorte de pression invisible joue sur sa nuque et ses cuisses, au moment où il voit descendre un petit engin ovale en aluminium, ou du moins d’un métal identique aux casseroles de sa grand-mère, dans lesquelles elle fait cuire son lapin. D’ailleurs cet objet volant mystérieux produit aussi pendant sa chute un léger cliquetis de machine à coudre, exactement comme celle à pédale de mémé. La taille de la chose est d’environ la moitié de celle que possède l’autobus de Troulbled. Mis en alerte, Gaston se réfugie aussitôt dans l’abri en bois du lavoir, mais il espionne tout de même entre les planches disjointes le bazar qui oscille et se stabilise à un mètre du sol, puis atterrit doucement non loin de lui. L’enfant ne doute pas un seul instant qu’il s’agit de la fusée des martiens déjà vue par papi Léon et sans la moindre crainte, il en savoure la vision. Surtout qu’il vient de sortir son lance-pierre de sa poche, et que le premier petit bonhomme vert qui sort de là va se prendre une méchante caillasse au travers de la gueule. Une bien dure, ramassée sur le chemin de terre qui conduit à la maison de la Paulette Guenillon, et dont il a fait une bonne provision. Il faut juste qu’il puisse tirer le premier, comme Gary Cooper.  

 

Seulement voilà, si la chose de l’espace reste immobile, ce n’est pas le cas des chèvres affolées qui se barrent en courant, l’une d’elle a même sauté vaillamment la clôture et si Gaston la perd, pour sûr, Léon ne va pas le louper. L’étrange sphère aplatie est toujours à sa place, mais Gaston s’élance pour rattraper sa bête et lorsqu’il passe à proximité, une force terrible le plaque au sol, sans qu’il puisse se relever. Le pire est qu’il vient de lâcher sa fronde et qu’il est à présent désarmé. Alors que les pauvres chèvres viennent de se regrouper à l’autre bout du champ en bêlant désespérément, une courte échelle se déploie et une porte s’ouvre comme par magie de l’engin, dont sortent deux petits gars avec des têtes immenses, mais pas plus grands que lui. Deux nains anormaux munis de grands yeux globuleux gros comme des œufs de canards, avec d’horribles figures de grenouilles débiles, et vêtues de brillantes combinaison argentées. Du coup, lorsque les martiens se penchent sur lui, Gaston se choppe un peu la trouille, puisqu’il ne peut plus du tout bouger. Les envahisseurs poussent quelques grognements et le décollent de l’herbe haute, humide et touffue, avant de le transporter à l’intérieur de leur étrange machine. Là, ils posent le petit Boudiou terrifié sur une sorte de table, aussi brillante que celle en formica de mémé. Les monstres à quatre doigts lui débarbouillent la figure avec une lingette rafraîchissante qui pue autant que la chemise de papi en soirée, mais Gaston ne peut toujours pas se débattre ; alors qu’un des Martien lui enfonce une sorte de grosse seringue dans le nombril, pendant que l’autre lui tripote impudiquement la nouille. Ensuite, les deux moches hochent leurs têtes volumineuses avant d’inspecter consciencieusement ses oreilles avec une étrange et mince baguette métallique, sans arrêter de baragouiner leurs sons de crécelle. S’il le pouvait, Gaston fuirait cette soucoupe infernale de toute la force de ses mollets, mais il ne parvient même pas à remuer un doigt. La situation est nettement plus inquiétante qu’une séance de vaccination chez le docteur Bastiavecchio qui l’a pourtant bien fait chialer, alors qu‘Angèle, pas du tout.

 

Gaston balise tellement qu’il va certainement pisser dans son froc, mais l’examen médical semble enfin terminé. Il regarde ces figures rondes de tarés d’un gris intense qui essayent à présent de lui sourire avec bienveillance en plissant un nez absent et puis l’un des deux va embrasser l’autre comme un amoureux qui bécote sa belle un quatorze juillet. Sur que s’il en a une, il a mis la langue. Cette fois, Gaston peut enfin se redresser péniblement, mais il est tout engourdi, et ne peut empêcher l’un des batraciens croassant de lui poser une sorte de casque léger sur la tête, relié par un câble à une boite ronde minuscule. C’est peut-être à cet instant-là, comme il l’affirmera beaucoup plus tard dans les livres qui raconteront en détails son exceptionnelle aventure, que Gaston Boudiou se met à maîtriser cinq langues et assimiler les principes inaliénables de la thermodynamique. Quand les autres lui enlèvent le couvre-chef bizarre, ils produisent avec leur bouche mince un boucan assourdissant, peut-être même qu’ils s’engueulent, mais du coup, Gaston en profite pour regarder un peu mieux leur machine. Il n’y a pas de meubles en dehors de la table et tout cet environnement circulaire et vide est d’un gris métal uniforme, les parois sont lisses et couvertes par quelques rares inscriptions étranges de couleur rouge vif. Il n’en verra pas plus, les satanés bestiaux humanoïdes à la peau de poisson lui bottent vivement le cul pour l’éjecter hors de leur soucoupe. Alors qu’il tombe à plat ventre sur le sol, la porte coulisse pour se refermer sans aucun bruit et une violente clarté bleue illumine aussitôt l’étonnant véhicule. Gaston court mais récupère son lance-pierre au passage, se retourne, place une pierre et la tire de toutes ses forces sur ses ravisseurs de l’espace, de la part de la mère Guenillon.

 

– Tenez, bande de salauds, ça vous apprendra à me toucher la bite ! Ce n’est évidemment pas cette arme vaine qu’il lui aurait fallu, pense notre jeune Gaston dépité, mais au moins la vieille pétoire à sanglier de pépé Alcyme.

 

Alors que son cailloux ne produit qu’un choc insignifiant sur la coque en métal, l’engin étincelant s’élève quasiment à la verticale, puis disparaît en quelques secondes à une vitesse fulgurante derrière la cime des arbres, en volant dans les plumes d‘une malchanceuse compagnie de hérons cendrés. Il est 9 h 25’17’’. Dans la trace ronde formée par l’herbe desséchée aplatie, ne resteront de toute cette histoire que quatre trous triangulaires de 12 centimètres, inclinés à 55°. Gaston Boudiou est tout de même très en colère et jure en Albanais, parce que maintenant, à cause de ces foutus martiens, il va falloir qu’il courre dans les chemins un bon moment pour retrouver sa chèvre perdue. En plus, ce soir-là, il va falloir qu’il commence la lecture de Quentin Durward pour faire plaisir à monsieur l‘abbé ; alors que franchement, les histoires de chevaliers, après ce qu’il vient de vivre, ça le fait chier.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:09:10
n°45175653
talbazar
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Posté le 20-03-2016 à 08:44:31  profilanswer
 

tout frais tout chaud du matin, comme les croissants  [:necris]

 

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Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 24.

 

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Comme Siguiline vient de mettre Flash à nu pendant son examen, elle a non seulement jeté un œil gourmand et rêveur sur ses génitaux, mais également constaté sur l’épaule un tatouage de taulard signalant son matricule et le logo du pénitencier planétaire. Il est peu probable qu’un type se fasse graver une telle marque d’infamie sur la peau juste pour faire le mariole. Ce signe officiel indélébile tracé sur son derme donne une grande crédibilité à son histoire personnelle. Après en avoir discuté avec Jorg et Karela, Fanch Yoland désire cependant qu’elle puisse l’opérer pour récupérer son implant, d’une part pour que le gouvernement ne puisse affiner sa localisation et surtout parce qu’ils auraient sans doute là une mine de renseignements sur cet individu. Siguiline leur avoue alors avoir anticipé cette demande, puisqu’elle a aussi pensé que l’implant pouvait les trahir. Aussitôt examinée dans l‘un des décodeurs du vaisseau, la chose ne révèle aucune donnée, ni aucune archive, une transparence totale qui la rend suspecte d’un soupçon de cryptage, mais la nanopuce peut aussi avoir été effacée par les chocs reçus au combat. Même les paramètres de localisation sont apparemment détruits, l‘implant de Flash est totalement vide et inutile. Jorg se montre le plus inquiet de cette découverte, puisque l’opacité de ce silence extraordinairement anormal rend cette altération exceptionnelle très inhabituelle pour une bio-implantation de bagnard.

 

– Il faudra que nos gars planchent là-dessus, ça sent trop la magouille. Heureusement que sa décontamination a annihilé de possibles scannotraceurs injectés. On aurait quand même dû s’assurer de leur présence avant, mais maintenant c‘est trop tard.

 

En attendant, le Sharsherman leur offre à tous une relative tranquilité. Grâce à l’utilisation de leur fréquence secrète indéchiffrable, ils ont prévenus la base de leur situation et de nombreux renforts auraient normalement été chargés de les récupérer, mais Fanch compte refaire voler le véhicule échoué, il ordonne donc aux hommes de son QG de ne pas bouger, mais seulement de maintenir un aveuglement satellitaire de l‘ennemi par pointage laser. Toutefois, tous ne tardent pourtant pas à s’apercevoir que Flash leur pose un sérieux problème, puisqu‘il vient de leur demander en prenant un air méfiant qui ils sont et ce que lui fait là. La seule chose dont il se rappelle encore et toujours est d’avoir été prisonnier sur 4887BN-Henrico Macias, dont il s’est évadé, il ne sait plus comment. Il a encore la connaissance précise d’avoir possédé un Wee Gee Ray Gun Gun et un TZ-24 Sanitizor Tinkerbots, qu‘il réclame maintenant à sa portée, ce qui rend Jorg plus que nerveux. Par souci de rassurer le combattant, Fanch accède à la dangereuse demande. Visiblement satisfait de retrouver ses armes, Flash Gourdin avale sans broncher les explications de Karela sur son dernier combat, mais toujours sérieusement sonné, la perte de son bras droit le met hors de lui, même si Siguiline essaye de le convaincre que l’exobras lui rendra des facultés de préhension décuplées. La prothèse n’a pas l’air de lui faire plaisir pour autant, il ne propose même pas de l’essayer. La main droite inutile et pendante, il avoue avoir mal aux coronaires et respire difficilement, quelque chose fonctionne mal dans les aires du langage de son cerveau et le fait affreusement bafouiller, il est vide de toute émotion. Par ses yeux aux capillaires éclatés, il regarde fixement Fanch lui demander de prendre les commandes du navire interstellaire.

 

– C’est pas possible, je ne peux pas. Il ne sait d’ailleurs pas lui-même que son atterrissage sur Mars n’était que l’œuvre d’une manœuvre automatisée par le soin des défédérés.

 

– Tu ne peux plus ? interroge avec anxiété Karela, alors qu’un Jorg soupçonneux serre machinalement mais fermement la poignée de son lasergun.

 

– C’est ça. Mes neurones ont l’air d’avoir pris un sacré jeton, hein ? Si jamais, comme vous le dites, j’ai su conduire un engin pareil jusqu’ici, j’ai tout oublié des manœuvres qui ont rendues une telle chose possible. Là-dessus, il était sincère, mais il n’était pas la victime d’un simple phénomène amnésique, en réalité, il ne l‘avait jamais su.

 

– C’est vrai, intervient Siguiline, j’ai examiné attentivement ses sillons corticaux, la surface de son cerveau offre de nombreuses anomalies, on pourrait s’accorder une biopsie pour y voir plus clair et affiner ce que je peux en dire, mais la simple angiographie me prouve que ses vaisseaux sanguins ont à présent une géométrie incohérente. Je trouve miraculeux qu’il puisse encore penser correctement, sans parler d’une quelconque capacité à pouvoir piloter un Sharsherman, ses souvenirs récents sont de toute évidence obturés. Son éminence seule peut dire si la chose va durer. Elle était très croyante et prenait une pilule de coïne tous les dimanches.

 

– C’est ça, avec un implant complètement muet par-dessus le marché, c’est pas de chance ! s’écrie Jorg. Pensez ce que vous-voulez, je trouve ça plus que louche, en ce qui me concerne. En tout cas, nous voilà dans la merde. Fanch, appelle la base, qu’ils nous ramènent rapidement notre Cragstan Space Tank chenillé, bourré de renforts. Il ne faut vraiment  plus trainer pour rentrer, à présent. On a un peu saigné les défédérés, certes, mais on est loin de l’hémorragie, ils vont réagir rapidement et rappliquer en force. Ce vaisseau n’est qu’un piège.

 

Face au ton employé par Jorg et son allusion vaguement menaçante, Flash ne reconnaît avoir pour ce type qu’une seule et unique envie, celle de le tuer sur le champ. Mais Siguiline provoque sans qu’elle s’en doute une salutaire diversion en revenant vers lui, afin d’insister gentiment pour qu’il enfile la prothèse. Comme ce bras artificiel a été conçu pour être auto-adaptable, il colle parfaitement au membre perdu de l’infirme et ne lui provoque aucune gène. Gourdin constate même au contraire qu’elle lui procure une préhension hypersensible et une force incroyablement multipliée. Cent fois mieux que son vrai bras, pour tout dire, un outil si pratique que le Wee Gee Ray Gun Gun en devient dans sa main d’une ahurissante légèreté. Il est heureux que son fonctionnement soit indépendant de toute implantation cervicale. Fanch a enlacé la taille de Karela dans le vaste cokpit, derrière les vitres en Shellglass duquel ils observent en silence s’approcher un phénoménal vortex de sable en suspension, dont le puissant tourbillon de poussières vient hacher puissamment la coque de l‘appareil, avant de se reformer aussitôt et s’éloigner rapidement en colonne furibonde vers les monts éloignés. Un tel déchainement des éléments aurait sans nul doute malmené le Draxel, mais le Sharsherman à moitié enfoui reste impassible sous les coups répétés de ces hautes gifles sableuses. La tornade leur cache la vue un bon moment, le couple se contente donc d’observer à présent les clignotement de la jauge d’érosion de la coque qui fait tranquillement son boulot. Ainsi que le purificateur d’air. Si Fanch décode l’emplacement de quelques commandes, comme probablement celles du fonctionnement des rotules directionnelles, ou bien encore les manettes d’ascension des foils à double plate-forme variable, communes à de nombreux vaisseau, le reste du tableau de bord lui est absolument hermétique. Il faut une certaine science et acquérir de bonnes connaissances pour maitriser un tel monstre de guerre spatial et procéder au contrôle parfait de sa colossale puissance zionnique. Ce modeste évadé qu’une destinée tonitruante vient de mettre sur leur chemin l’aurait eu, cette constatation n‘en fini pas de les interpeller. Ils se doivent de reconnaître en toute objectivité qu’un aura de mystère terrible et son lot de questions insondables entourent cet énigmatique Flash Gourdin. Au bout d’un moment, lassé par la voracité du paysage tempétueux qui maltraite sporadiquement le vaisseau et affole les écrans, Fanch avoue même à Karela qu’il espère ne pas commettre une terrible erreur en ramenant ce guerrier fantastique à la base. Il dit comprendre même parfaitement les réticences de Jorg devant autant de mystères.

 

– On verra bien, Fanch, au point où on en est, on n’a plus guère le choix. Mais je vais te dire un truc certain en tout cas, Siguiline, elle est en train de craquer pour lui.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:11:30
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Posté le 21-03-2016 à 11:22:09  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 02.

 

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A la vue de l’horrible précipice au-dessus duquel il devait s‘engager dans son petit panier, le coeur de Belbit le Huelabit s’apprêtait à défaillir. Il refusa tout net de subir pareille épreuve, tant l’altitude de la muraille avait de quoi l’effrayer. Déjà parvenu au sol, Mirlen lui commanda de faire une prière à notre Douce Kramouille la miséricordieuse, puis de chercher courage au fond de ses chausses, d’embarquer sans plus réfléchir, mais le nain semblait tout bonnement paralysé. Brakemar cogna rudement son bouclier, car les atermoiements de ce petit poilu d’huelabitbourg commençaient sérieusement à l’échauffer, vu qu’il était fort pressé de retrouver son fils. La voix grave du guerrier Bozobi résonna dans l’éther en échos puissants, ce qui ne fit rien d’autre que d’effrayer encore plus un Belbit totalement paniqué. En d’autres circonstances, on aurait pu trouver magnifiques les sonorités de la dure injonction, tant l’impressionnant site était grandiose.

 

– Arrête de capoter et de jouer ton agace avec nous autres, mon gars, hurla donc Brakemar, parce que ça fait pas autre chose que de nous retarder. La trouille des gars frileux comme toué, je connais ça en masse, ok ? Alors maintenant, faut que tu viennes en dedans. Sinon les gars de mon gang, on va remonter te câliner pour te touiller l’épée ben creux dans l’batteux.

 

Mais malgré les menaces, Belbit était saisi d’un effroi terrifiant et ne pouvait se décider à glisser dans la fragile nacelle, en dépit des encouragements plus bienveillants de Mirlen et de ses amis. Or, la reine Naphtaline Dumuzdorsay se trouvait sur la haute falaise afin d’être présente aux adieux. Elle portait une longue robe à fleurs de mousseline, d’un vaporeux qui lui allait très bien, nimbée en plus de quelque chose d‘indicible, car elle semblait habillée d‘un certain désir. Ses yeux pétillèrent de malice à la vue du petit homme mal en point, sans la moindre évidence de bonté, mais sa main se posa toutefois sur le bras du nain. Il sentit en lui une force le traverser, alors qu’elle l’enjoignait de retrouver courage pour lui ramener son cher fillot. Hypnotisé par le contact inattendu, mais plus encore par la cuisse que dévoila Naphtaline en repoussant sa robe par un subtil jeu d‘aération, Belbit n’osa dans un premier temps plus faire un seul geste. Uniquement pour ses yeux, sa majesté des Bozobis se montrait tout à coup devant lui très salace fille de claque. L’information joua dans tous ses organes sensoriels, car la reine lui offrait à présent discrètement vision de paradis intime, jouant sur une promesse dont il aurait grandement la connaissance, s’il parvenait enfin à se décider. Elle joua sans faiblir d’une grande sensualité à l’endroit de ses seins, car on voyait très bien à travers son corsage. L’orientation dans l’espace du Huelabit en fut toute chamboulée, puisque l’analyse logique de cet encouragement nouveau avait de quoi lui procurer la force de combattre, mais également de pouvoir dorénavant sourire à la douleur. La quadragénaire s’employa à faire durer la scène, et s’amusa à dégager plus amplement son argument aux bruns frisotis. Elle chuchota sa phrase pour qu’elle soit ignorée des sujets qui assistaient eux-aussi au départ.

 

– Décaliss, t’en va t’y donc ? Je te dis, tu me vois là, j’ai le style ben straight, ok, mais si tu sautes dans le bas, j’men va te gâter au retour. Parce que, à te voir depuis ton arrivée, avec ta taille de nain, j’en suis toute mélangée, j’men check les boules rien qu’à l’idée qu’on se pogne tout partout et qu‘on puisse s’embratsser frenchie dans les coins, nous deux ! Allez va-y donc, chui méga frue de t’attendre, si tu veux savoir. Fais pas lambiner Brakemar, ça fera djuste de la chicane, faut qu’à présent tsen ais du guts, va-y donc pour moué. Par Kramouille, tsu verras que ma criss de gentille bizoune a belle saveur en bouche ponctuée d’une tabernak de maudite note bouaisée. C'est tu assez clair pour toué c‘t’affaire là ? Elle détacha un lien flottant de sa longue chevelure tressée et lui fila ruban.

 

Par grande intelligence émotionnelle et tout émoustillé par l’idée des beaux jours à venir dans la literie de l’épouse du roi Karbone XIV, Belbit banda fort par dépassement de soi, puis se faisant tout raide, il sauta enfin. Aussitôt, les lamas firent l’ouvrage en tirant sur les cordes, la machinerie se mit en branle et rapidement, le nain parvint au sol sous les acclamations des autres. Personne cependant ne songea à le louer un seul instant pour le courage dont il venait de faire preuve. Pendant leur interminable chute vers la vallée de Bogland, laquelle se présentait comme le sésame de leur nouveau voyage, puisque c’est ainsi que la nomma Brakemar à la braguette velue, celui-ci avait présenté aux autres quelques uns des fiers guerriers qui les accompagnaient. Parmi la bande se tenaient quatre femmes, d’allure aussi farouche que celle de leurs compagnons. Descendirent donc tour à tour dans la nef étroite les dénommés Trakenar Sonfrok, Katrakat au fier baston, Atulsan tout en long, Wallala forte fesse, Popol le borgne, Bébertlatrik côtes de porc, Kilav le blanc, Iva le démonté, Gudfrid Jidaire fils d’Olglason, Atéred le grand poivré, Vélan Dansonku, Osgard la belle anguille, Knut drague baleine et par conséquent les charmantes Isolde le bas blanc, Aragne reine des joutes, l’archère Ursuline grande ciguë et la vaillante Doucine suce clairon. La hache sur l’épaule, les Bozobis s’engagèrent sur une piste tracée un demi-millénaire avant eux. Le chevalier Erald de Bavevieux s’entretint un instant avec William de Bochibre pour dire qu’il regrettait de n’avoir point monture, histoire de  mieux mener à bien cette ballade mortelle dans le froid des montagnes qui les surplombaient. Le chien qu’ils avaient emporté trouva de suite la trace de Monoïsurmékos et de son amoureuse Agrippepine. Ils avaient pris la direction d’un endroit que Brakemar appela le lac de Blanche Perte. Cette découverte rapide plaçait donc leur recherche sous les meilleurs auspices, mais chacun se doutait du danger de tomber en chemin sur quelques patrouilleurs de la bande à Raklur. Les hautes gorges du gouffre du Poingé traçaient, mine de rien, un panorama inquiétant. Brakemar relâchait la bride à sa colère et se montrait à présent, en tapant sur l’épaule d’Atéred le poivré, une sorte d’ogre gentil. Ils traversaient les bois noirs de Tamerlaput à grandes foulées, conscient des grands dangers qui menaçaient ces lieux. Les Bozobites qui les accompagnaient n’étaient point frêles jeunes filles timides et tout portait à croire qu’elle pouvait engendrer beaucoup de féminin dans le mot d’assassin. A la fois sensibles et résolues, elles se montraient bien loin d’être inaptes au service. Ursuline grande ciguë fermait d’ailleurs la marche, une flèche encochée dans son arc puissant, que même un homme aurait eu bien du mal à bander. De son côté, tout en cherchant à éviter le piège des trouées boueuses, Belbit hâtait le pas, car il avait à nouveau la tête bien portée sur les épaules. Il toucherait bientôt le corps de Naphtaline, le roi Karbone serait cocu, il aurait dans sa joie, pour cette reine austère et fière, quelques audaces inattendues. Notre petit bouffon lubrique armé d’un lourd bâton s’efforçait donc d’offrir aux autres la brave image d’un nouveau nain, ni fanfaron, ni couard. Quand à Mirlen, il avait emporté tire-bouchon et camembert et ses pensées allaient plutôt vers l’étrange fils mutant d’Helga, car ce drôle de fillot constituait pour la réflexion d’un magicien, un vrai sujet en or. Le vieillard se demandait quel âge aurait ce monstre lorsqu’il le reverrait, puisque selon la vraisemblance, l’étonnant mioche grandissait à vue d’œil. Erald et William se laissaient simplement happés par l’histoire de cette entreprise périlleuse, laquelle promettait peut-être son lot de scènes dures et sanglantes, s’il fallait batailler. Une chose semblait certaine, les chevalier bastonneraient par le fer leur ennemi sans s’attarder à questionner, car point ne seraient pour eux ce lac de Blanche Perte et cette sombre futaie de Tamerlaput les chemins d’une honte exécrée.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:12:53
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Posté le 22-03-2016 à 10:45:10  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Moins belle la vie. Extrait numéro 77.

 

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Opération Overlord à la clinique Saint-Bernard. Du moins pour le commissaire Mensinq, qui avait exigé de la part des protagonistes engagés le secret le plus absolu ; seuls le docteur Jason, ses hommes et les infirmières concernées étaient dans la confidence de son action. Père Albin Michel n’avait donc pas connaissance de la stratégie militaire mise en place autour des toilettes pour dames, même s’il s’étonnait de voir une recrudescence d’infirmiers mâles dans l’établissement, qu’il savait pourtant être des policiers. Mais il associait toujours leur présence à l’affaire Filipacchi et ne s’en souciait pas. Il s’était prudemment débarrassé de l’étui à cigare de la petite Véronique, en ayant collé cet outil du diable au fond d’une poubelle. Ah, se disait-il, si les hommes pouvaient aussi facilement en faire autant de leurs péchés, le monde entier ne serait plus qu’une vaste déchetterie ouverte sous un ciel radieux. Assis dans le vaste hall d’accueil qui ouvrait par une large baie sur un parking décoré de plantes alpines, l’aumônier habillait déjà son cerveau en costume de chasse. Il écoutait pourtant avec une certaine impatience une vieille bique équipée d’un plâtre brachio-antebrachio-palmaire lui raconter quelques banalités sur la météo, en balançant son membre haubané vers de gros nuages aux teintes métalliques annonciateurs de pluie. Pas de doute, cette bigote était un véritable baromètre, ce qui semblait logique pour une grenouille de bénitier. Albin l’écoutait distraitement jacasser, tout en observant cette tête plissée par les rides, dans les yeux de laquelle luisait sans doute l’éclat de l’auréole de Sainte Blandine épargnée par les lions. A tout hasard, il mit sa main en abat-jour au-dessus de ses yeux pour les protéger. Il essuiera toute larmes, la mort ne sera plus, plus de deuil, de pleur, ni douleur. La mémé continuait sans faiblir son discours sur les conditions météorologiques du jour, résultat du choc des masses d’air et accessoirement œuvres du bon dieu :

 

– Ces nuages sont encore petits, mais ils annoncent un violent orage pour ce soir.

 

Quelque chose dans cette prémonition alerta inconsciemment l’aumônier, qui se leva brusquement pour mettre fin à l’échange ennuyeux. Ce vieux pilier de chapelle était flippant, on ne pouvait pas non plus remplacer toutes les fenêtres des chambres de la clinique par de pieux vitraux. Tout sourire, il salua avec une bonhommie placide Babette Gallimard, qui passait désormais beaucoup de temps au bureau de l’accueil pour remplacer la jeune dépressive miraculée, toujours placée en stand-by dans le lit de la 72. Quelque chose disait au père Albin que cette jolie Babette, avec ses grosses mamelles et son air de ne pas y toucher, devait probablement renifler dans l’intime la cravache et l’éperon. Cette fille du démon sortait d’ailleurs d’une manière illégitime avec un homme marié, le docteur Gründ, à ce qu’on racontait. L’usure d’un couple, est-ce que ça ne signerait pas surtout un simple défaut de vigilance ? En tout cas, heureusement qu’on ne mariait pas les prêtres, eux ne seraient jamais trompés. On  prêtait même à Babette des fornications coupables avec son barbu impie dans les salles d’opération. Elle pissait dru, la maîtresse du futur divorcé, ça il savait l’avoir déjà vu. Il quitta le hall à vive allure et s’enfonça dans les couloirs en adressant mentalement une prière à Saint Jean, et tant qu’à faire une autre à Notre-Dame de Miséricorde. Il importait de gagner les passagères des toilettes de vitesse, d’arriver avant elles dans l’observatoire étroit, avant que la voûte de leur vessie trop pleine ne crève en lâchant rien que pour lui ses trombes admirables. Et c’était beau, oui, beau, superbement beau, et rien qu’à cette idée, il ressentait déjà une certaine augmentation de l’épaisseur de ses parties molles. Il collerait son œil en suçoir, en gobant dans la fente du mur la vision de toutes ces petites moules perchées au-dessus des tubulures, d’où jailliraient pour la plus grande gloire de la création les fulgurances érotiques de leur jet haute-pression. Alors son doux trépan personnel percerait son pantalon, propulsé par de multiples forces d’expansion et de compression, en route vers l’inéluctable éruption organique. Les gens prudents ne sont jamais coupables, se disait-il en abordant le couloir Kennedy. Par l’une des fenêtres, il vit la mémé qui l’avait bassiné assise sur un banc pour méditer aux rayons d’un soleil plus rare, peut-être déjà en route vers une longue maladie et des membres paralysés. Il n’y a que les évêques pour mourir en plein orgasme.

 

Séparation du premier étage, comme dirait la Nasa, il pénétra dans l’ascenseur pour rejoindre le deuxième. L’infirmière Justine Pol sortait de la 125, Florence Calmann-Lévy entrait dans la 132, aucune ne trépignait sous le coup d’une envie pressante. Contrôle accru des toilettes au fond du couloir désormais vide, quelque chose en lui se levait déjà à la verticale lorsqu’il se dirigea tranquillement vers celles-ci. En plus, ce jour-là était celui de son anniversaire. Porte verrouillée, certain d’être ignoré, il installa dans une obscurité relative sa permanence obscène et Jacqueline De Minuit arriva peu-après dans le chiotte d’à côté, pour jouer la victime, selon le plan conçu par le commissaire. Non, ce WC dans lequel père Albin se tapissait ne ressemblait en rien à de l’architecture gothique, mais il imageait malgré tout sa propre cathédrale, où il figurait d’ailleurs, en collant sa prunelle contre le trou dans le mur, l‘unique badaud de la visite guidée, dont il était à la fois le spectateur ébahi et l’accompagnateur avisé. L’Alpha et l’Omega, le premier et le dernier, le Principe et la Fin.  Jacqueline était un grand cheval et promettait une belle performance. Toutefois, selon le plan de prévention du risque établi par Mensinq, elle se déboutonna, mais ne baissa pas son froc. Par contre, l’œil de l’homme ne peut pas soupçonner, son oreille ne peut deviner ce que Dieu réserve à ses élus, comme l’affirme saint Paul. Car si l’œil exorbité de père Albin ne vit nullement dégouliner la petite chatte de l’infirmière, alors que lui avait bel et bien le pantalon descendu sur les chevilles, il entendit parfaitement les coups redoublés portés avec une certaine violence contre la porte de son étroit confessionnal. Evidemment, c’était la police. Loin de moi maudits ! Allez tous vous faire cramer par le feu éternel, avec Satan et ses anges ! N’empêche que Mensinq en personne cognait vraiment dur, et qu’il allait bien finir par l’enfoncer, cette porte. Cieux, prêtez l’oreille, et je parlerai. Terre, écoute les paroles qui tombent de mes lèvres. Il ouvrit à regret la porte de son cabinet de curiosité après s’être rajusté, en espérant qu’Il allait prendre soin de lui et le conduire, comme l’aigle conduit et soutient ses petits. Il fut malgré-tout condamné au silence. Micro et casque sur la tête, le commissaire Mensinq l’attendait derrière, une arme de poing de gros calibre pointée sur lui, avec trois collègues faux-infirmiers cachés derrière leur bouclier en Kevlar.

 

– Monsieur Albin Michel, je vous arrête pour acte de voyeurisme abject, immoral, sordide et contraire à la loi mais aussi, accessoirement, à l’honneur. En attendant pour bientôt ma main sur la gueule en catimini dans mon bureau, la réparation publique pour préjudice morale de ces dames et le franc suisse pour préjudice d’image subi par la clinique. Te fatigue pas à nier, on t’a filmé. Le visage du policier rayonnait d’une harmonie intégrale. Le micro accroché à son col crachotait des paroles à peine compréhensibles qui enchainaient les C comme Charlie et les R comme Roger.

 

– Je peux y aller maintenant ? demanda timidement Jacqueline De Minuit, avant de sortir finalement à son tour pour découvrir, avec un air de stupéfaction inouïe, l’aumônier menotté qu‘on s‘apprêtait à embarquer. Il offrait le visage dévasté et très renfrogné d‘un martyr de Rome du premier siècle, atrocement torturé en témoignage de sa foi.

 

A l‘extérieur, le vent soufflait à présent par rafales de plus en plus fortes, avec des pointes dépassant 90 km/h. La mémé de tout à l’heure, fière de ses prévisions, était prudemment rentrée dans sa chambre.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:14:43
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Posté le 23-03-2016 à 10:46:28  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 17.

 

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Ils avaient décidé de mettre leurs économies en commun pour payer la location d’un chalet luxueux de bois blond, construit sur le flanc d’une montagne à l’altitude modérée, mais qui offrait une vue merveilleuse sur la vallée. Cet emménagement les plaçait provisoirement à l’écart du monde, ne recevant au mitan des journées que les visites épisodiques de quelques gros bouquetins agiles, parfois très intrusifs, puisque ces animaux n’hésitaient pas à s’introduire dans le proche périmètre de la propriété. Guy Ness se montrait outré par leur culot et leur fonçait dessus en jurant, ce qui effrayait tout de même un peu les bêtes à longues cornes en leur faisant gagner un peu de hauteur. Vaya se révélait encore plus belle dans ce décor idyllique et Martin n’était pas loin de se dire qu’il goûtait ici, avec elle, les plus beaux jours de sa vie. On se trouvait en plein été et la piste olympique qui faisait la fierté de la station prenait l’aspect d’une triste pelouse pentue et desséchée, hérissée de pylônes en acier désaffectés. Les abords du chalet s’enrichissaient en revanche pour la même raison d’une véritable féerie fleurie et souvent, les heures du soir doraient spectaculairement les sommets avant d’allumer dans le ciel de magnifiques incendies. Quand il avait fini de colorer l‘immensité par ses feux, le soleil s’éteignait enfin et les étoiles prenaient la relève, pour faire plaisamment scintiller les nuits d‘une douceur tranquille. Alors, le couple trainait souvent très tard sur le grand balcon pour se rassasier conjointement du calme et de l’air purifié, en dégustant du bout des lèvres un vieux whisky savoureux. Ils tournaient le dos au petit lac dont les eaux calmes baignaient l’autre versant, mais la splendeur de la vallée encaissée était inouïe, et comme il l’avait promis à Vaya, Martin et elle s’occupaient à se perdre dans de longues randonnées. Même après une rude journée passée à crapahuter vaillamment sur les pentes abruptes, Vaya Condios présentait toujours son image de femme exquise et élégante. Elle se débarrassait au retour de ses vêtements, mais l’affaire se terminait invariablement en strip tease et Martin ne lui laissait jamais le temps de prendre sa douche ; il l’embarquait d’autorité en riant pour lui faire à la place longuement l’amour sur le lit imposant. Il se lavaient ensuite, d’accord, mais toujours ensemble. Elle se laissait pousser les cheveux. Oui, certainement, ils auraient pu vivre de telles heures aussi sereines et joyeuses pendant plus d’un millier d’années.

 

La vieille Ford avait plus de mal à s‘adapter à cet environnement. Elle refoula son huile en voulant prendre un peu d’élan et le moteur déclara forfait une minute plus tard. Martin appela la dépanneuse et la guimbarde fut emportée dans un garage du centre-ville. C’est là, alors que le privé rédigeait avec le mécano le faire-part de deuil de sa bagnole que Vaya, qui faisait les cent pas en fumant une clope sur le trottoir, aperçut furtivement sa patronne. Blanche Pearl, assise à l’arrière d’une grosse Mercedes la vit également, mais la vioque prit trente secondes un air ébahi, puis elle tourna la tête vivement en collant une main sur sa joue, croyant ainsi ne pas être reconnue. Trop surprise par la coïncidence, Vaya ne prit pas garde à la tronche du type en chapeau qui conduisait. Cette rencontre agita les réflexions de Martin en le laissant perplexe. Il fit même la tournée des hôtels du coin, mais aucune réservation ne semblait avoir été prise au nom de la patronne du Tripoli. Puisqu’il avait signalé son adresse à l’inspecteur Baraccuda, ils reçurent une rapide visite de courtoisie de la part des flics locaux, mais ils assurèrent qu’ils avaient bien autre chose à foutre que d’épier ses faits et gestes. Ils parlèrent de choses et d’autres, et notamment de l’affaire criminelle inquiétante sur laquelle ils planchaient actuellement, et qui consistait en la disparition la même semaine de cinq gamins des environs. Bien bavards pour de simples policiers, ils avouèrent ne posséder pour l’instant aucune piste à s’offrir pour résoudre ces affreux enlèvements, les gosses étant certainement trop jeunes pour avoir fugué. Martin ne savait pas trop s’il devait les croire sur parole quand ils promettaient de lui foutre la paix, il retarda tout de même le plus longtemps possible sa visite à la maison de retraite des « Flocons d’argent ». Puis vint le moment où il se décida enfin, inaugurant par ce projet sa nouvelle voiture, une petite sportive qui, à l’inverse de la Ford, adorait manger les côtes. Heureusement d’ailleurs, parce que l’endroit où ils allaient offrait l’aspect d’un vrai nid d’aigle.

 

La bâtisse imposante était un ancien monastère reconverti en paradis luxueux à l’usage exclusif des anciens, en tout cas ceux avec les moyens de se l’offrir. Pas le genre d’endroit que pourrait imaginer, pour y couler ses vieux jours, un pauvre prolo privé de boulot depuis trop longtemps. Vêtus de blouses blanches impeccables, une armée de serviteurs des deux sexes parcourait la vaste esplanade située devant le bâtiment, afin de veiller sur une cohorte encore plus nombreuse de vieillards dans toutes les conditions physiques. Il y en avait de très alertes qui cheminaient bras-dessus, bras-dessous, mais aussi de tristes grabataires perfusés, allongés dans ce cas sur de confortables chaises longues. Seul le chant des oiseaux venait rompre un silence quelque peu pesant. La haute façade de briques rouges témoignait sans doute d’une récente rénovation et les grandes fenêtres à petits carreaux, dont chaque sommet se terminait par un harmonieux arc de cercle, lui donnaient un charme désuet, mais très reposant. De plaisantes briques brunes dessinaient par endroit sur les murs quelques figures géométriques simples qui rajoutaient au style suranné, d’un choix bien étonnant tout de même pour des moines du XIXème siècle. Seul la présence d’un imposant escalier de secours à vis apportait là un peu de sa brutalité moderne, en venant casser les lignes de l’architecture harmonieuse. Le grand parc, semé d’espèces rares acclimatées à cette altitude élevée et soigneusement entretenues par des jardiniers attentifs, se présentait en revanche comme l’antithèse de la friche à chiendent. Sur les pelouses soignées circulaient lentement de petites voitures électriques capotées de couleurs vives, conduites adroitement par des cheveux blancs très dignes. L’institut des Flocons d’argent traçait au regard un univers très particulier qui faisait de façon remarquable l‘éloge d‘une certaine lenteur, mais il n’y avait ici personne pour songer à faire la fête avec des invités. Il est vrai que personne n’avait demandé à Martin de venir trainer ses guêtres ici, en compagnie de sa ravissante déesse du zinc adorée.

 

En dépit de son aspect quelque peu austère, le directeur de la maison de retraite, un certain F. Gordon Strazdinovsky, adopta une attitude plus enjouée que celle de la patronne de l’asile, cette garce d’Anette-Zoé Vonbrune qui les avait refoulé si brusquement. Le patron possédait un visage anguleux aux cheveux de jais coupés court ; il n’était pas beau, mais il affichait dans ses traits la trace indélébile d’un événement ancien et dur qui rendait sa physionomie intéressante. Une amertume qui se lisait encore dans son regard ombrageux, en dépit des années passées. Ce qui ne l’empêcha pas de sourire poliment au couple qui réclamait sa présence. Il ne les emmena pas dans son bureau, mais les convia plutôt à faire quelques pas dans son parc. Oublié dans la voiture, Guy Ness joua comme un fou du klaxon pour être libéré, à la plus grande joie des résidents charmés par l’oiseau exotique. Lui goûtait moins d’être la cible de tous ces débris, il échappa d’un coup d’aile à cette curiosité insistante et se posa prudemment sur l’épaule de Vaya, histoire de profiter également de la promenade sans subir de gratouilles déplaisantes et débiles.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:16:17
n°45230169
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Posté le 25-03-2016 à 07:45:14  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 53.

 

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La caravane de Valisansoùth se mit en branle à l’aube, alors que les chameaux dormaient encore, ce qui n’aida pas au départ. D’après les observations effectuées par Hyradote le Grec, pour réveiller ces bêtes irascibles à l’égyptienne et les faire démarrer dans la foulée, la procédure se montrait on ne peut plus simple. Il suffisait de s’armer d’une forte badine d’acacia et taper d’un coup sec les mâles là où je pense. Il s’élançaient alors immédiatement en avant, tout en poussant des blatèrements déchirants, ce qui réveillaient du même coup les femelles, lesquelles préféraient s‘enfuir à leur suite sans essayer de comprendre le danger. La seule difficulté consistait ensuite à freiner leur course endiablée. Huit mille paysans s’égayèrent dans les champs au passage des bolides, puisque beaucoup de ces fellahs provenaient de tribus archaïques et ignoraient tout du démarrage d’une caravane de chameaux à l’égyptienne. Lorsque les eaux tièdes de l’oasis de Patatra eurent enfin refroidi, le convoi était déjà très loin. Amétatla embrassa son mari dans le cou et lui sourit amoureusement, car elle démontrait parfois un humour très froid et nettement plus de capacité dans les jurons que dans les sourires. Quand à Tépénib, en bon voyageur de commerce, il s’était tellement déplacé au cours des dernières années pour le compte de l’O.N.S qu’il ne sentait plus ses pieds. C’était le prix à payer pour avoir voulu payer à sa fille Aménorée les services d’un scribe privé et financer ainsi ses études commerciales. Elle le récompensait avec brio, puisque le PDG Valisansoùth venait de la promouvoir Analyste-Responsable-Stagiaire de l’« Organza et Nylon à Sion». So corporate. Chaque chameau portait 1500 kg à des températures pouvant atteindre 45° à l’ombre des tentes, on ne pouvait donc parcourir qu’une dizaine de kilomètres dans la journée, au milieu des dunes qui se déplaçaient sans cesse au gré du vent. En revanche, les réserves de graisse des bédouins les protégeaient du jeûne et celles des bédouines des jeunes, même s’ils regrettaient parfois de travailler dans le tissu plutôt que dans les produits surgelés, et ces aventuriers soigneusement choisis par Tépènib n’avaient pas froid aux yeux. Ce qui n’empêcha pas l’ingénieur logistique de jeter à son chef un regard glacé, car il venait de prendre une bûche en tombant dans le sable. Au milieu des serpents et des scorpions, le temps n’était pas compté pour arriver aux comptoirs d’Halopolis, mais il fallait néanmoins ne pas trop s’attarder si Valisansoùth voulait boucler son budget, grâce à la vente des kilts écossais.

 

La caravane emportait donc son petit monde au petit trot, largement ouverte sur la pluralité des mondes qui bordaient le Nil et notoirement vulnérable aux pirates, tels ces chiens galeux de l’oasis de Foufoune. Leur récente rébellion contre la reine et leur présomptueux désir d’indépendance étaient encore dans toutes les têtes. Mais on se déplaçait sur une trajectoire heureusement très éloignée de leur fief. Il y avait des règles strictes à respecter dans l‘univers des marchands ambulants, largement apprises par tout le monde : ne jamais draguer la fille du chef ni répondre à ses œillades, et ne jamais tenter de capter le regard d’un chameau mâle, même par inadvertance, car ce sont des bêtes rancunières, surtout au réveil. Entre les hautes pattes de ces derniers, de gros chiens jaunes dandinaient de la queue et malgré leurs aboiements, la caravane leur passait souvent dessus. Bien qu’elle soient motivée par une unique performance économique, rendue possible par la décision de la pharaonne de faire circuler librement les marchandises, les hommes, les services et les capitaux sur tout le territoire de l’Egypte, une réelle fraternité sensible unissait la communauté à chaque étape. Même si quelques sources d’instabilité naissaient parfois du vol de quelques piquets de tente, ou lorsqu‘on découvrait qu‘un petit malin s‘était servi dans le stock des belles étoffes à vendre pour les remplacer par ses vieilles fringues, dont même à l‘œil, personne n‘aurait voulu. En dehors de ces regrettables anicroches, chacun assurait son service, motivé par un esprit d’équipe inébranlable et une conscience de l’entreprise indéniable. Les nomades des sables suçaient leurs piments macérés déduits de leurs impôts et accéléraient le pas en cognant sur les couilles de leurs chameaux, encore plus fiers que ces bêtes de participer pleinement au développement des compagnies bancaires et des caisses du royaume. Alors qu’il matait le splendide petit cul d’Aménorée qui marchait devant lui, Valisensoùth se demandait si, lorsqu’elle aurait terminé son stage, il n’allait pas la bombarder vice-présidente directrice générale chargée de la communication et des relations extérieures de l’O.N.S. Il hâta le pas pour lui faire part de l’idée qu‘il avait, entre autre, derrière la tête.

 

– Alors, ça te dirait ?

 

– Ben, je comptais plutôt m’orienter vers l’épicerie sociale, ou la récupération d’invendus, le commerce équitable et l’œuvre charitable. D’ailleurs pensez-donc à donner vos surplus, vous aussi, l’avantage fiscal compense le manque à gagner.

 

Donc avec celle-là, pensa le boss, la promotion canapé n’avait rien d’évidente. Mais après-tout, il était célibataire et pouvait toujours lui proposer le mariage. Après une longue pérégrination,  ils campèrent en plein désert loin de tout village. Puisqu’ils évoluaient toujours dans la sphère d’influence Thébaine et que la loi anti-squatters et campements illégaux édictée par Ramassidkouch s’appliquait encore à eux. Amétatla alluma son feu, secondée par sa fille qui délaissa pour l‘occasion sa palette à fard, pendant que Valisensoùth et Tépénib montaient la tente avec des cordages en écorce de papyrus. On laissa tranquillement les gosses jouer aux quilles, et puis tous s’installèrent pour dîner, au milieu des nattes et des paniers.

 

– Il reste de l’âne ?

 

Tépénib observait sa fille souffler dans un long roseau pour attiser les braises, ce qui constituait un progrès scientifique indéniable. La fille du bédouin attisait également la convoitise de tous les hommes de la caravane, mais ça, c’était moins planant. Si j’étais seul, pensait-il, je me moquerai du fric et j‘arrêterai le métier, mais je dois veiller aux intérêts de la petite.

 

– C’est dommage qu’on soit pressés, fit Amétatla en buvant son bol de bière, il y a un village pas loin où c’est jour de fête, la statue sacrée d’Athor va sortir du temple en procession, et tous les ploucs vont se presser dans les rues pour l‘acclamer. Déjà qu’on a loupé le grand Heb Sed de Tépafou, il paraît que la reine y a fait sensation.

 

– On dit qu’elle se ballade en ce moment sur le Nil avec le nouveau vizir.

 

– Tu parles, pendant que nous on se tue à trimer en parcourant des patelins pourris.

 

– Son mec à Thèbes, là, le Ramassidkouch, c’est une calamité. Des gens comme nous-autres, il s’en bat les mollets.

 

– Non seulement il est en train de ruiner l’Egypte, mais en plus, il couche avec sa sœur. D’ici à ce qu’ils nous fassent un petit. Des fois, le monde civilisé me sort par les yeux.

 

– Le pharaon est d’origine Hittite il parait, en attendant, ceux-là nous foutent la paix. C’est bon pour les affaires. Les guerres ne profitent vraiment qu’à ceux qui reconstruisent.

 

– T’es sûr ? Je trouvais qu’il avait plutôt une gueule de Chaldéen.

 

– Moi je vous le dis, un Phénicien aurait été cent fois mieux pour le business.

 

Pendant que Tépénib se décrochait les mandibules en essayant de mâchouiller ses côtelettes d’âne, sa fille hurla, parce qu’au lieu de souffler, elle venait d’aspirer par inadvertance dans son roseau la chaleur des braises. Toute science contient sa part de danger.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:17:36
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