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Auteur Sujet :

La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar.

n°42939183
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 19-08-2015 à 14:09:45  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Fiche métier

 

Aujourd'hui : Etageur.

 

https://zupimages.net/up/18/04/nzul.jpg

 

Selon une étude personnelle du pro-fesseur Talbazar le chômage a ceci de nocif qu’il augmente, mais aussi qu'il décuple le risque de s’adonner journellement à la masturbation par un facteur 10. Un homme soucieux de son audition, et plus généralement de sa santé, une femme qui craint que les sex-toys modernes ne la détournent des vrais mecs, autant de raisons nécessaires pour retrouver au plus vite un emploi. C’est alors qu’il convient de consulter les utiles et intéressantes fiches métiers de la Moyenne Encyclopédie.

 

Ses missions

 

Etageur, voilà un job parfait qui vient s’insérer à merveille dans une époque de mobilité exacerbée. Le meuble n’a plus la cote, il faut le remplacer par un dispositif plus souple. Impliquant dans sa pratique de savoureux tableaux vivants, il est bien entendu indiqué pour la reconversion du personnel d’encadrement. Sous la conduite d’un chef étageur qui supervise la construction du décor utile structuré par ses collaborateurs, l’équipe va s’employer à une fusion physique pour servir d’étagères, mais également de tout mobilier dont on lui passera commande. N’importe quelle pièce de la maison peut donc leur être confiée, sachant qu’une clause particulière de confidentialité s’attache à la salle de bain, aux toilettes et à la chambre à coucher. L’étageur a une triple mission : servir de meuble, meubler les conversation, offrir au mobilier qu’il incarne son propre design exceptionnel. C’est toujours un travail très humain qui pousse à l’étroit contact avec ses collègues, selon la place qui lui est réservée. Il faut souvent du temps pour trouver la bonne position. Le reste, c’est à dire l’essentiel, s’apprend sur le terrain. Un bon étageur organisé, efficace, rapide puis très patient accroche l’œil et fait plaisir à regarder, au-delà de son aspect utile. L’intérêt du métier d’étageur réside tout autant dans sa technique personnelle d’ameublement que dans sa relation avec les objets du client qu‘il sert. Porte-manteau (déjà illustré dans un article précédent) et table de salon sont proches de ses compétences, mais s’exercent le plus souvent en solitaire. L’étagement à domicile est par contre presque toujours un travail collectif.

 

Formation

 

CAP d’agent d’accueil, bac pro aménagement et petites finitions, avec un minimum d’expérience en installations rapides. Avoir été sous-officier dans la gendarmerie est un plus.

 

Rémunération

Son salaire est généralement proportionné à la taille de ses bras, mais comme lui, le salaire peut grimper, surtout en libéral. La paye tourne environs autour de 30 euros, pour finir.


Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 12:54:47
mood
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Posté le 19-08-2015 à 14:09:45  profilanswer
 

n°42950166
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 20-08-2015 à 13:25:17  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 36.

 

https://zupimages.net/up/18/04/qv1t.jpg

 

Le vent provenant du désert soufflait sur le palais des bourrasques sableuses qui glissaient entre les colonnes peintes leurs longues écharpes abrasives. Cette météo tout à coup exécrable contrariait Néefiertarée ; mais par science égyptienne, Jérijône affublé d’un masque d’oiseau consulta les tripes d’un mort-né et assura que la tempête n’allait pas durer, puisqu’il ferait beau en fin de matinée. Des esclaves remplissaient peu à peu le grand bassin de l’arène d’une eau fangeuse, au milieu de laquelle la pharaonne devait combattre son hippopotame avec un petit glaive d’argent décoré à l‘image d‘Horus, ravissant et très féminin. De belles jeunes filles vaquaient à leur service, frôlant avec grâce les murs dorés en ployant sous les vases de cinquante kilos qu’elles portaient sur l’épaule. Alors qu’une de ces femmes s’employait à faire couler un truc gluant dans la belle chevelure de sa reine, celle-ci empoigna un miroir de bronze qui lui révéla une tête fatiguée. On apporta une bassine de lait d’ânesse tiède remplie de fleurs odorantes pour qu’elle s’y délasse ses pieds sales, non sans éclabousser les riches tapis aux motifs compliquées. Les hauts piliers rouges qui s’élançaient en ajourant le dernier étage de la bâtisse continuaient de recevoir l’injure des éléments, mais effectivement, leur assaut devenait sensiblement moins vigoureux. Sans doute énervé par le climat orageux, le nouveau guépard royal attrapa un ibis sacré qui trainait par là pour le déchiqueter proprement, sous le regard affolé des autres volatiles collés à grands coups d’ailes au niveau du plafond. Des gardes fouettèrent copieusement le félin en émettant des cris rageurs, avant de se faire virer pour abandon de poste.

 

Une petite môme avec un cul solide sous sa longue robe blanche, conséquence de la mal-bouffe d’une Egypte appauvrie, le cou orné de belles rangées de pierres rouges et de grosse boucles d’oreilles en argent, s’approcha pour s’installer aux pieds de la reine dans le but de lui jouer un air de tambourah. Heureusement pour les autres, il n’y avait que trois cordes. Ses bracelets scintillaient à chaque fois que la minette caressait son instrument. Enivrée au début par la douce musique, avant de comprendre assez vite que la gamine avait des efforts à faire, Néefiertarée laissa perdre sa vue sur les voiles brunes de petites barques qui descendaient le Nil en s‘engueulant mutuellement. Elle avait hâte de quitter Tépafou pour rejoindre Halopolis, et se demandait même si l’idée de descendre en bateau était vraiment la bonne. Le ciel à nouveau bleu se déchira en beaux nuages roses qui passèrent rapidement au-dessus des toits. Le guépard s’énervait sous le trône à chaque fausse note de la petite musicienne et Néefiertarée la congédia avant qu’elle n’ait l’idée de la lui offrir pour son repas, ce que la bête réclamait en longs feulements. Indifférente, une grande statue d’or massif d’Osiris installée devant elle toisait la lassitude de la reine du haut de ses trois mètres, avec un air de mépris. Courbés devant le socle de marbre, quelques hommes de cour nettoyaient servilement le sol en rampant devant sa majesté pour implorer quelque cumul de mandats, mais Néefiertarée les congédia d’un geste afin de commander pour elle les rognons du taureau qu’elle venait brillamment de vaincre. Lorsqu’elle eut fini de mâchouiller ses morceaux en sauce brune, la tempête s’était complètement calmée. Cette fois, d’autres musiciens plus sérieux aux manteaux écarlates trimballèrent des harpes à neuf cordes et quelques danseuses se déhanchèrent sur leur talent, jouant du nombril pour distraire la reine au dessert. Eux-mêmes conviés à partager les friandises, Merdenkorinnanâr avait pris place aux côtés de Phimosis sur un canapé jaune. Il affichait un air serin.

 

– Moi je te le dis, Phimosis, un heb set, ça vaut pas la fête de Thot.

 

– Surtout quand les gradins se cassent la gueule !

 

– Ils ont été sabotés, c’est certain. Tu verras, je le prouverais.

 

– Tu as des nouvelles en provenance de Larnak ? lui demanda Néefiertarée.

 

– Les ouvriers de ta pyramide sont toujours en grève, et retiennent les chefs du chantier en otage, en attendant ton arrivée.

 

– Pfff, et moi je suis là, à me taper des processions débiles. Alors que Ramassidkouch continue de me les briser sans trop s‘en faire. Sans oublier que ce crétin de Tahosétlafer est mort à cause de lui.

 

Les sistres commençaient à lui filer le bourdon, elle claqua dans ses mains pour virer tout le monde. Jérijône pénétra finalement dans la pièce revêtu de sa peau de léopard mitée passée sur l’épaule, il était accompagné de ses mignons petits apprentis en jupe plissée, qu’il suivait en trottinant par derrière :

 

– Bon, ben faut y aller, maintenant.

 

Néefiertarée se leva pour rejoindre le bassin. Siphilis et les autres morpions de la reine se frottaient déjà les pattes de prendre un bon bain, car ils se rappelaient bien avoir été autrefois des crocodiles. L’hippopotame mort flottait en dérivant au centre de l’eau boueuse, mais il bougeait quand même, vu que les prêtres avaient caché deux des leurs à l’intérieur du gros cadavre, pour l’agiter et lui donner impression de vie. La foule se montrait dissipée et indisciplinée, car elle s’impatientait depuis trop longtemps de voir apparaître la reine. Cette dernière eut un renvoie de rognon d’Apis contrôlé et se dévêtit entièrement. Des sifflets saluèrent aussitôt son initiative, surtout chez les mecs en folie. Néefiertarée engagea ensuite fermement son glaive dans sa main droite, saluant ses sujets d’une gauche triomphante. Prudent, Merdenkorinnanâr avait placé de nombreux archers en surveillance de la foule. Les flots s’agitaient de vaguelettes vertes, dans lesquelles la pharaonne plongea son buste doucement, louant son bleu à paupières waterproof. La foule lui fit une immense ovation. A quelques brasses, l’hippopotame tournait en rond, comme s’il cherchait sa queue d‘une manière ridicule. Les embaumeurs avaient cependant fait du bon boulot et la bête semblait bien douée de vie. Sur les gradins, le scribes contrôlaient les paris, dont beaucoup misaient sur l’animal. Merdenkorinnanâr, Phimosis et Jérijône occupaient les places d’honneur, servis de boissons par de jeunes adolescentes affairées et louées pour cette occasion par leurs parents responsables. Le prêtre bascula le sablier, au terme duquel l’hippopotame devrait être terrassé, pour que la reine puisse se vanter d’avoir gagné la deuxième manche de son heb sed. On se cognait maintenant entre parieurs, mais aussi entre VIP pour se partager les faveurs des petites serveuses. Habillée d’une unique et ravissante fleur de lotus dans les cheveux, Néefiertarée se coula d’un bon crawl vers sa proie qui s‘efforçait face à elle de se montrer particulièrement menaçante.
 
https://zupimages.net/up/18/04/z4pl.jpg


Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:06:28
n°42980495
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-08-2015 à 14:19:44  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Marlou les doigts d'or. Extrait numéro 78.

 

https://zupimages.net/up/18/04/nah7.jpg

 

Le sang s’échappait du front de Carla en affreux volcan, ce qui inspira enfin à sa tueuse un vomitif sentiment de dégoût. Ewij passa dans la salle de bain pour se laver les mains de tout ce rouge gluant qui les maculait jusqu‘aux avant-bras. Le miroir lui livra un visage qu’elle ne reconnu pas, et c’est celui d’Alphonse qui s’interposa avec sa propre image. Le guru desserra la bouche pour l’inviter en souriant à venir le rejoindre. Dans la pièce aux murs peints d’un blanc glacé, la princesse ne parvenait plus à prendre la juste mesure de son corps, de son cerveau, et son esprit voguait dans un déprimant vortex mental qui balayait toute raison. Dans son regard flétri et égaré, il ne vibrait plus aucune émotion humaine, alors que peu à peu, elle ne pouvait plus prendre la juste mesure de son trouble. Elle desserra par simple réflexe ses doigts crispés pour jeter le couteau dans le lavabo, un bref courant électrique parcouru brièvement sa colonne vertébrale, puis elle avisa sur l’étagère un test de grossesse sur lequel sa main se perdit, mais elle voyait déjà qu’il était positif. Une balle pour Marlou, l’idée de vengeance qui l’avait si fortement déterminée s’estompait vers un lointain territoire de sa conscience tourmentée, qui n’avait plus aucune importance. L’eau claire coulait dans la vasque en se mêlant au sang coagulé, mais le liquide ne lavait rien, toute la pièce se colora pour Ewij dans une ambiance écarlate, les yeux d’Alphij perçant son beau visage de mâle continuaient de la fixer comme deux dards empoisonnés. Une balle pour Marlou, mais sa tueuse se savait déjà morte. Les taches de sang qui éclaboussaient la porcelaine blanche dessinaient par des embranchements vermillons et fort singuliers la carte de son âme maintenant complètement dévorée de folie.

 

La jeune fille reposa doucement le test avec un geste précautionneux étonnement lent, puis elle dégagea le colt passé dans sa ceinture. Une fulgurante chaleur irradia ses seins, dont elle sentit les pointes durcir sous le choc d’une inexplicable excitation. Un ronronnement presque inaudible sortait de ses lèvres déformées par un rictus incontrôlable, pour se mêler au ruissèlement régulier du robinet. Bien qu’assaillie par un tumulte d’émotions contradictoires, la princesse se rendit brièvement compte qu’elle était en train de parler à son père. Et puis que ce faisant, elle  pleurait abondement. Curieusement, sans aucun stimuli, une sensation agréable se mit à bondir de son sexe pour l’envahir d’une étrange marée, bien qu’en guise d’orgasme attendu, la perception se mua en une fraction de seconde vers un pic atrocement douloureux. Quelques souvenirs de sa courte vie dansaient en farandole devant ses yeux fiévreux, mais ils étaient amèrement sans consistance, les images apaisantes de sa mère trop tôt disparue, le grand palais de Garatonku où elle avait grandi, des instantanés fugaces qui s’interpénétraient pour illustrer des événement confus, vite disparus. Des tensions brutales nouaient chacun de ses organes bousculés, qu’elle ne maîtrisait plus. Aucun de ses gestes ne devint tout à coup le fruit d’un travail réfléchi, elle incarnait à présent toute entière son pire ennemi intime. Entre temps, Alphonse-Jean-Justin de Saint Exupéry, toujours présent avec insistance dans le cadre de la glace, était devenu un étrange lézard jaune immobile et inquiétant, mais elle ne pouvait échapper à la fascination soumise et morbide auquel ce monstre écailleux la soumettait. Lorsqu’il poussa sans prévenir son terrifiant sifflement d’attaque, Ewij s’arrêta brusquement de respirer et pressa la détente.

 

Babe avait du mal à marcher droit avec ses talons hauts, sans compter que Kiki se faisait un malin plaisir à louvoyer entre ses longues guiboles. Marlou ne comptait plus sur l’air frais du matin pour le dégriser, aussi il se laissa aller à son impression de beuverie, en avisant qu’ils arrivaient bientôt au pied de chez lui. Kiki avait gueulé en insistant pour que Babe le prenne dans ses bras. Bien à l’abri contre sa poitrine rassurante, il se laissa lui aussi aller aux dérives bienheureuses de sa cuite. Les trois riaient de leur godille hasardeuse sur le pavé sale.

 

– Quand on sera au Canada, Babe, tu feras plus ta putain, hein, tu promets ?

 

– Ho tu sais, mon Kiki, je louais mon vagin au Lagon Bleu, mais j’aurais mieux voulu qu’on me paye plus souvent le loyer avec un peu d’amour. Heureusement que tu es là pour me consoler, toi, mon petit caramel.

 

– Moi, fit Marlou en bégayant à moitié, si j’aime autant Carla, au point d’en vouloir un enfant, ce n’est pas uniquement parce qu’elle est très jolie, mais pour bien d’autres raisons que sa seule apparence.

 

Marlou galéra un bon moment à l’instant épique d’introduire la clé de son appartement dans la serrure. Après ce moment de confusion et de commentaires hilares, il s’avéra que la porte n’était pas fermée, mais tous avaient trop d’alcool dans le sang pour finalement s’en inquiéter. Ils pénétrèrent l’un après l’autre dans le couloir en essayant de ne pas faire de bruit, puis ils aperçurent de la lumière. Marlou appela Carla franchement, puis, lorsqu’il s’approcha d‘un pas mal assuré, il tomba sur la vision d’horreur qui l’attendait dans le salon. Son bel amour se noyait dans une rivière de sang qui inondait sa tête penchée en avant. L’horrible spectacle du carnage les dégrisa tous en trente secondes. Bien que sous le choc, Marlou avait quand même immédiatement sorti son feu. Il ordonna à ses amis de retourner dans le couloir, puis il pénétra en redoublant de prudence dans la salle de bain, tout en essayant de chasser la brutalité émotionnelle que le meurtre de Carla venait d’engendrer en lui. Il espérait confusément que l’assassin vienne au plus vite à portée de son tir. Un étrange pressentiment le menait là avec une précision absolue. Il poussa la porte en prenant d’infinies précautions, tout en s’apprêtant à faire vomir un déluge de flammes de son Magnum. Devant ses yeux ébahis, le robinet coulait toujours et au fond du lavabo le couteau y dormait encore, menaçant et brillant, mais désormais nettoyé de la moindre trace de sang. Puis, en jetant un œil sur sa gauche, le privé plongea un regard stupéfait sur le cadavre d’Ewij Nikasek allongé sur le tapis, sa tête en partie explosée émergeant  d’une énorme flaque formée d‘un bouillon carmin. Les doigts aux ongles peints de la princesse n’avaient pas lâché le petit colt, dont le canon froid répondait de lui-même pour Marlou à son questionnement muet.

 

https://zupimages.net/up/18/04/7tob.jpg

 

https://zupimages.net/up/18/04/hycn.jpg

 

Un bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/04/r4d6.jpg


Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:14:30
n°42993522
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 24-08-2015 à 15:09:06  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 05.

 

https://zupimages.net/up/18/04/mppe.jpg

 

Devant eux, l’espace n’est pourtant pas complètement vide, puisqu’ils croisent un moment la Pagan Lesbians, un lourd transbordeur interstellaire chargé jusqu’à la gueule de minerai rare en provenance de 56223529BZH - Nolwenn Leroy. Emeline prend aussitôt les commandes manuelles et salue immédiatement le commandant du gros vaisseau d’un rapide jet de réacteur amical, puis elle recorrige immédiatement la trajectoire de sa Marie Jeanne, brièvement déviée. Le système solaire est l’objet d’un intense trafic issu de l’exploitation de toutes les galaxies et les puissants transbordeurs la propriété de nombreux armateurs privés, bien que certaines compagnies d’affrètement soit directement assujetties aux défédérations. Elles affichent alors dans ce cas sur leurs carlingues les couleurs de leur planète respective. Une fois Basile descendu en soute pour faire visiter la fusée à Soisig, Emeline se trouve donc seule dans le vaste cockpit, véritable épine dorsale de l’appareil. Bien que subjuguée par le charme infini du décor extérieur, elle se lève pour admirer la combinaison d’un blanc immaculé de leur passagère, vêtement nécessaire abandonné plus tôt par sa propriétaire après le décollage, dans son placard alloué. Tout en tâtant le tissu brillant qu‘elle fait glisser entre ses doigts, Emeline voit bien qu’il s’agit d’une combi de grand luxe, elle en éprouve un fugace sentiment de jalousie. Son couple n’est pourtant pas à plaindre, mais cette miss blonde annoteuse de pages doit se faire un tas de fric pour pouvoir s‘offrir un tel équipement. Légèrement bougonne, Emeline redonne d’un geste distrait son autonomie au disque-pilote, pour aller voir ce que font les deux autres en bas. Elle les retrouve dans la salle médic, où Basile est en train d’effleurer le bras de Soisig. Elle est certes soulagée ne de pas les trouver en train de pornifier dans son dos puisqu’en s’approchant, Emeline s’aperçoit que son homme applique un tampon de désinfectant sur une petite rougeur de la peau de l‘autre, tout en lui prélevant au passage un peu de sang.

 

– Soisig a été piquée il y a un mois par une Libelloustique sur 92918JN - Lady Gaga, il vaut mieux ne pas négliger ce genre d’incident, le dard de ces bestioles est bénin dans 98% des cas, mais on ne sait jamais, des fois l‘expérience est limite. Ceci dit, la trace aurait dû disparaître depuis longtemps.

 

Emeline examine à son tour brièvement le petit hématome, puis elle fait comprendre d’un regard à la blonde que son sort ne fait pas partie de ses préoccupations essentielles. Pour ce qu’elle en sait, personne n’est jamais mort d’une piqûre de Libelloustique. Une bonne chiasse des fois, et encore.  

 

– Ouais, fait-elle à l’adresse de la blonde, un chouille d’ouillestemyélite et on n’échappe pas à l’amputation. Ce qui serait bien dommage, sur un si beau bras. En tout cas si ça te gratte, ne serait-ce qu’un peu, ma jolie, tu es priée d’enfiler illico une tenue stérile.

 

Pour toute réponse, Soisig essaye de lui offrir un sourire avec une apparence on ne peut plus pacifique, mais l’idée n’est certainement pas très fameuse. Une perturbation électromagnétique fait trembler un court instant quelques lumières autour d‘eux, quelques secondes d’obscurité, et puis tout rentre dans l’ordre. De son implant, Basile donne ensuite l’ordre d’allumer la radio du bord, histoire de prendre quelques renseignements sur la situation Martienne :

 

« La dernière attaque des partisans de Fanch Yoland a créé une faille de deux-cent mètres de large sur le site d’exploitation d’Hallunium d’Utopia. Nikos Sirkisi, président du conseil Martien défédéré et gouverneur absolu de Mars vient de se rendre en personne sur le lieu de l’attentat, communiquant au congrès à l’occasion une tentative avortée de réconciliation des factions. Il reconnaît que l’offensive des indépendantistes se poursuit toujours, mais qu’il est en train de prendre les mesures radicales et appropriées devant s’imposer à tous. Il assure toutefois que la défédération Martienne oubliera bientôt le dramatique faux-pas des mineurs. Mars la rouge, dit-il, ne servira jamais les fantasmes d‘indépendance d‘un modeste syndicat de mineurs. »

 

Emeline coupe le son, la politique ça la fait chier. Bizarrement, Soisig affiche au contraire pendant deux secondes un sourire carnassier :

 

– Il peut toujours baver, Sirkisi, rien n’est joué ! Au moins Yoland ne vit pas comme lui dans le luxe et l’apparat, mais il dort sur site dans une ancienne épave de Ractobenne aménagée. Pas le genre de gars à vouloir qu’on l’embaume après sa mort  pour être conservé au musée.

 

La remarque pleine d’aigreur de cette fille aux allures futiles, et qui possède au passage un étonnant profil d’ongles, fait pourtant s’interroger grandement Emeline ; puis celle-ci remonte d’un étage pour aller consulter les nouveaux tarifs douaniers. Tout en pianotant sur son miniclavier, la jeune femme ne peut cependant s’empêcher de penser que le lien entre complexification et évolution posera toujours question. Elle lève la tête pour voir une petite flotte de commerce de son éminence passer au loin, mais sa distance est trop grande pour recevoir le salut de la Marie Jeanne, ce qui arrange bien son équipage, toujours à l’économie d’une manœuvre, surtout celle-là. Comme une minuscule épingle métallique, la fusée fonce en petite reine, simple trait de lumière fulgurante trouant la tapisserie stellaire. Ils avalent ensuite quelques pilules de pommes de terre, de harengs et de sardines, réputées pour combattre le mal de l’espace. Basile veut leur faire partager sa canette d’absinthe, histoire d’observer le soleil en stéréo, mais Emeline prèfère ne pas ingérer les bactéries de Soisig, rapport à son petit problème dermatologique. Pas folle, la guêpe, ni la Libelloustique ! La blonde ne semble pas montrer le moindre signe de douleur, mais quand même. Avec une attitude détachée non exempte d’une certaine suffisance, Emeline les quitte en plongeant par une brasse aérienne dans une étroite coursive, pour aller prendre sa douche avec trois gouttes d’eau vite évaporée dans le système de ventilation. Ensuite elle se soulage dans l’un des WC de la fusée, contente d’obliger Soisig à boire plus tard un peu de sa pisse. Deux heures après, Basile s’échappe à son tour de la même manière du cockpit pour annoncer aux femmes que Mars n’est plus très loin. Emeline pousse alors un ouf de soulagement, car cette nouvelle vient régler pour elle quelques fâcheux problèmes de promiscuité. Le cortex moteur du .disque de la Marie Jeanne lance d’ailleurs au même instant l’exécution du mouvement d’approche vers la petite planète orangée, encore très éloignée pourtant du point de vue d’une échelle humaine. Quand tout d’un coup, une augmentation brutale de l’activité électrique du vaisseau vient contredire d’une façon inopportune le choix programmé du pilote automatique.

 


https://zupimages.net/up/18/04/jvrz.jpg


Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:16:00
n°43008096
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-08-2015 à 15:12:01  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Saga du trône de Fion - Sur la queue du dragon. Tome 1. Extrait numéro 62.

 

https://zupimages.net/up/18/04/h427.jpg

 

La nouvelle de la mort de Baristan vint aux oreilles de l’Ovoïde Vazy Métoian LXIX, déjà passablement courroucé de cette reine de Fion qui lui voulait bastaille. Il aurait volontiers trucidé Marie Stetarte, désormais inutile et toujours prisonnière en son cachot, et même sorcière Gisèle en aurait certes été la première réjouie, mais il se trouvait que la prisonnière était fort douée pour peinturer. Pour éclairer ses jours néfastes et se déduire, l’ex-vizirette avait demandé de quoi dessiner et ses œuvres menées de splendide manière attirèrent l’attention du tyran. Il lui commanda son portrait en pied, sur la base d’une pose d’un seul quart d’heure. Mais Marie eut assez de ce court laps de temps pour entamer le plus splendide tableau qu’oncques eut jamais vu dans le tout le Minouland. Maline, elle gommait astucieusement la nuit un peu de ce qu’elle avait tracé le jour, bernant son modèle qui trépignait d’en voir la fin. Gisèle n’était pas forcément dupe, mais son maître avait interdit à la sorceresse de nuire à son artiste. C’est ainsi que Marie gagnait chaque jour, assise au chevalet, les précieuses heures qui continuaient sa vie. Par une poule messagère venue de Fion, elle reçut cependant de plein fouet l’annonce de la mort de Baristan, en maudissant la reine. Elle croyait bien à cette nouvelle qu’elle-même serait perdue. Mais sa ruse fonctionnait à merveille et le tableau n’avançait guère. Elle avait malgré tout au fond des yeux la triste lueur des bêtes que l’on achève et poussait bien souvent des cris lamentables, pour alerter en vain ceux qui passaient sous sa fenêtre. Joli ventre et tête en feu, Gisèle ruisselait sur Vazy en boulottant des lièvres sans régler l‘ardoise, et les horreurs de Mouyse n’arrivaient pas dans leurs caboches enivrées. Métoian frappait le peuple de Mouyse de sa férule sanguinaire et son château figurait le repaire de l’aspic, par toutes sortes de procédés exécrables. Il présentait cependant à tous la guerre prochaine comme la plus sublime des réjouissances, auquel chacun aurait pour mission de combattre pour sa gloire, puisque la reine Amanda Blair tombait son masque. Les premiers déserteurs qui goûtaient moyennement la doctrine avaient déjà été livrés aux ours et aux loups. Pour cette raison et d’autres, un nombre toujours croissant de gens de Mouyse, le corps meurtri et déchiré, s’accrochait aux gibets de l’imposteur qui parsemaient la ville.

 

Joyeux et bouffi d’arrogance, Vazy vint un jour dans la prison pour en voir où en était son fabuleux portrait. Le tableau ne lui faisait point vergogne et le présentait même avec une certaine jouvence. Marie vit là l’occasion de lui dire ce qu’elle avait vu :

 

– Messire Ovoïde à l‘épée flamboyante, sa Seigneurie de Mouyse et de Kiess, je vous en prie d’écouter ce que j’ai en urgence à vous dire, car j’ai surpris votre satanique à sale trogne dans la prière de ses démons. Vous la croyez bachelette aux beaux seins, mais il n’en est rien, car c’est une vieille décrépite et toute vilainement balafrée par les ans. Son apparence n’est que poudre à vos yeux, car elle a plus de cent ans. Tout retranché dans vos plaisirs, vous n’y voyez cependant que du feu.

 

– Tudieu de Sainte Kramouille, fit Vazy en éclatant de rire, mouchetant sa barbe de choses grasses et corrompues, tu me bailles belle sotie mais je te pardonne, tant que ton tableau garde son voile de mystère. Ma donzelle, une vieillarde, mortekramouille, tu n’es point couarde, il faut reconnaître !

 

– Je l’ai reprise à forfait, je le jure, dans la pièce à côté.

 

– Il suffit ma gueuse, peint, prend francherepue et tôt, quand mon portrait sera fini, je trancherai moi-même, avec ma bonne épée bien huilée pour l’action, ta jolie tête larmoyante qui ose conchier ma bien-aimée, et ainsi te punir de m‘avoir jasé d‘aussi navrantes balivernes. Prie pour que d’ici-là, tout soit tranquille pour toi.

 

Puis, en partant, sa majesté impériale baisa son icône encore inachevée avec une vénération visible, car le dessin était bien supérieur au modèle original. Il quitta la pauvre prisonnière dépitée en la laissant seule dans les noirceurs de son silence. Il est cependant difficile de vaincre la rumeur, et si Marie avait échouée à le convaincre vraiment, le tyran de Mouyse repensa bien souvent à ses dires qu’il mangeait comme pain noir, tout en faisant briller dans son inconscient, sans qu’il veuille se l’admettre, une torche en ténèbres. N’avait-il pas remarqué que sorcière Gisèle se montrait fort sale et puante en maints endroits ? Et qu’elle le délaissait chaque minuit un instant pour soit-disant aller s’avaler un bouillon d’eau chaude ? Passe encore qu’elle se montrât orgueilleuse avec ostentation de ses richesses à l‘ombre de son trône, mais la colère aboyait dans son cœur à l’idée de se taper une vioque et d’en être fidèle. Il communia Kramouille au boudin fermenté, mais il ne reçut là-dessus aucune piste divine. Aussi, préféra-t-il revenir à la bonne gestion de son royaume et noyer des familles entières pour son plaisir, avant de contrôler la discipline de son armée, sans compter l’inspection des javelines, des épées, des massues, des poignards, des chevaux et de leurs chariots. Il s’occupait de longues journées à pleins de choses militaires, puisqu’il allait entrer en guerre, ce qui n‘avait après tout rien d‘un échange culturel.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:18:05
n°43021892
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 26-08-2015 à 15:59:02  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 59.

 

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Préposée à l’aceuil de la clinique Saint Bernard, la jeune France Loisirs désorientait les appels téléphoniques en fonction de sa nature. La standardiste tapa du doigt sur le bocal de son poisson rouge pour l’emmerder et le forcer à faire le tour complet de sa prison aquatique. Une femme se présenta pour rendre visite à son amant victime d’une salve cardiaque, France consulta un instant son écran, puis elle la dirigea vers le service ad hoc. Comme elle avait suivi sur le conseil du docteur Halrequin une formation exigeante sur l’approche et la manipulation des animaux, elle riait déjà de savoir le mari trompé déjà présent dans la chambre 258, afin de guetter l’arrivée de son épouse. La réception, la distribution du courrier et des colis lui incombait également, c’est pourquoi elle s’empara d’un lot de lettres reliées par un élastique pour les flanquer dans la poubelle. Une expérience psychique unique à chaque fois, mais elle faisait bien gaffe de sauver factures et offres commerciales des labos. France Loisirs s’acharnait derrière son comptoir à donner en tout l’image de l’hospitalité des habitants des bas-fonds de la Jamaïque. Les situations d'urgence, fréquentes dans sa pratique quotidienne, pour lesquelles elle avait naturellement un entraînement sûr et régulier, nécessitaient avant toute prise en charge optimale de faire patienter un bon moment les plus beaux mecs en face de son bureau. Elle n’était pas complètement salariée de la clinique, puisqu’elle était encore étudiante, après un essai raté de baby-sitter individuelle, et en tant que surveillante générale, Babette Gallimard lui servait de tutrice distraite. La problématique de tout questionnement préalable au sujet de sa nouvelle coiffure, exigeant bien entendu une recherche documentaire approfondie, immergea France dans les méandres du web, longuement absorbée par la vie des poils en phase anagène. Alors qu’elle étudiait formes et styles, un type se planta devant elle, en se présentant comme le fiancé de Cassandra L’Harmattan, celle qui travaillait ici comme aide-soignante. Il demandait à rencontrer le patron. L’inconnu était à l’égal de ce dernier d’une beauté époustouflante et sema un doigt de panique dans les aires ganglionnaires de la miss France. Un peu l’idée qu’elle se ferait certainement du capitaine Fracasse si elle avait lu ce roman, mais déjà rien que le nom... Un homme qui n’aurait sûrement pas une mort ennuyeuse. France s’attacha aussitôt à lui prouver qu’elle avait depuis longtemps quitté le collège et qu’en plus, elle pouvait se montrer une figure féminine attachante gratifiée d’une grande liberté de mœurs :

 

– Votre nom ?

 

– Jean Flammarion.

 

France lui balança comme un miel divin une œillade qui voulait donner à l’autre une idée du paradis sur la terre. Elle lisait avec plaisir dans ses fringues que ce quidam était du genre cultivé et grand amateur de Science-Fiction. Elle se doutait aussi de sa galère quotidienne, vu qu’il était le petit ami de l’autre droguée. Une rapide analyse psychologique de l’étudiante le démontra comme un pauvre innocent pris au piège de l’amour. Elle fit semblant d’appeler le docteur Halrequin avant de répondre :

 

– Il n’est pas disponible pour l‘instant, je peux lui laisser un message ?

 

Elle s’efforçait de lui donner l’image d’une nana moins vierge que libre, mais pressentie comme docile et amatrice forcenée des massages à l‘huile d‘Ylang-Ylang. Sa belle âme humaine toute neuve échoua cependant à éviter que ce Flammarion n’aperçoive Jason, lequel venait de faire irruption dans le hall entre les distributeurs de poches de glace. Laconique mais menaçante, France interpella à regret son client :

 

– Ah ben si, justement, le voilà.

 

Jean Flammarion colla, tout sourire, sa main dans celle de Jason.

 

– Docteur Halrequin, je suis le fiancé de Cassandra. Pouvons-nous trouver un endroit tranquille pour discuter ?

 

Jason aurait bien dit non, mais il se trouvait anéanti par une épouvantable stupeur. Un remous intérieur remonta aussitôt vers son cerveau et le mot fiancé vint violemment claquer à son oreille comme un gros pétard. Surtout ne pas croiser les mots et les images. Sa réponse demanda des siècles :

 

– Si vous voulez, allons dans mon bureau.

 

Ils traversèrent le couloir Mai 68 et s’isolèrent dans l’antre de Jason. Les doigts de ce dernier n’étaient que des ceps noueux qui maltraitaient sans relâche un pauvre stylo-bille innocent. Animé de pulsions troubles, le chirurgien ne s’attachait pas à décoder, comme France tout à l’heure, les origines sociales, familiales ou politiques de ce type, mais il comprenait qu’en face de cette nouvelle réalité, la vie lui proposait à présent des réponses toutes faites concernant sa foi, ses rêves et ses projets. Sa tentative d’aimer Cassandra devenait un échec complet qui faisait de lui  un triste envieux et un jaloux, alors que personne au monde ne serait capable de venir à sa rescousse. Il dissimula du mieux qu’il put sa peine immense en face de l’autre héros, qui n’était pour Jason rien d’autre que le mal incarné :

 

– Depuis combien de temps sortez-vous avec Cassandra ?

 

– Un peu plus d’un an.

 

– Elle se drogue, je vais devoir la licencier.

 

– C’est faux, vous le savez.

 

– Je laisse la police faire son travail et l’évaluer. Mais j’ai des ennuis dont je ne peux guère parler, et Cassandra est peut-être en danger. Jason venait de comprendre l’intérêt qu’il aurait à ce que ce type porte le chapeau, lorsqu’il devrait sortir la dope de la clinique.

 

– En danger ? expliquez-vous.

 

Alors Jason sentit la parole le délivrer et il raconta toute l’histoire concernant le chantage de Danielo Filipacchi, ses menaces concernant Cassie et l’intérêt qu’il aurait à ne pas prévenir la police. Plus il parlait et plus il considérait le salaud d’en face comme une main d’œuvre jetable idéale. Il s’efforça de répondre au mieux à ses questionnements, ses hésitations, pour lui faire comprendre qu’ ils menaient à présent le même combat. Désormais, la malédiction mafieuse ne s’abattait pas que sur Jason, qui s’employait à tailler sur mesure pour ce mec le costume de son propre deuil. Somme toute la chute de ce prince, encore tout étonné par l’étrange confession du docteur, mériterait peut-être quelques larmes de la part de Cassandra, mais l’honneur et la sauvegarde de Jason s’en trouverait sauvée et c‘est avec un certain soulagement qu‘il partageait avec lui ce maudit bébé.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:20:35
n°43032881
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-08-2015 à 14:20:14  profilanswer
 

Revue de presse.

 

Aujourd'hui : un cas de sorcellerie ?

 

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Revue de presse.

 

Aujourd'hui : Encore une !

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:21:58
n°43048540
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 28-08-2015 à 17:22:19  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 06.

 

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Basile plonge des deux poings sur le tachymètre, rien à faire, il observe qu’une procédure pirate empêche toute rentrée dans l’atmosphère Martienne. Il regarde Emeline en lui faisant remarquer son constat d’impuissance :

 

– Nom de dieu, le disque pilote est rayé.

 

– Le disque pilote est rayé ?

 

– Le disque pilote est rayé.

 

La Marie-Jeanne se colle ensuite obstinément sur une orbite d’attente sous les ordres électroniques d’une impulsion étrangère. Quelqu’un vient de prendre le contrôle de la fusée, pour une raison inconnue. Par l’un de hublots d’observation, ils constatent que la planète est cependant devenue énorme sous eux, mais il est impossible au vaisseau de s’en approcher davantage. Grand Contrôle Martien ne répond pas, ils sont donc en plus privés de communication et Basile commence à éprouver un brin de panique. C’est la première fois qu’un tel incident lui arrive à l‘approche d‘une planète.

 

– Tu vas voir comment je vais botter le cul de cet astroragiste en rentrant sur Terre !

 

– Pour ça, faudrait déjà qu‘on puisse bouger d‘ici. Emeline jette brièvement un coup d’œil par-dessus son épaule :

 

– Elle est passée où, Soisig ?

 

La blonde embarquée est en effet restée invisible depuis le début des emmerdes. Les machines à Sous-Zions d’orientation en tangage et en lacet restent de marbre, alors qu’Emeline se bat un instant seule devant les cadrans. L’indicateur de navigation reste toujours sur le zéro et l’écran de vision n’autorise qu’un seul cap possible. Pour la pilote, c’est cependant le silence du système de télécommunications qui la rend le plus nerveuse. Aucun déclenchement d’alarme, c’est après tout le plus rassurant. Le couple éprouve un instant le besoin instinctif de s’enlacer, sans doute histoire de se rassurer dans le contact de leurs deux corps. Il est parfois bon de mettre un peu de zen dans son couple dans les moments d‘incertitude.

 

– Qu‘est ce qu‘on fait, Basile ? demande Emeline à son homme en essayant d‘accélérer manuellement le mouvement de la dynamo. Dénouant un peu son étreinte, il la gratifie d’un geste qui marque son impuissance. Derrière eux, quelqu’un répond aussitôt pour lui :

 

– On va surtout faire exactement ce que je dis.

 

Soisig a répondu d’une voix glaciale, elle est enfin là, plantée devant l’écoutille de l’unique accès cockpit, en les menaçant du lasergun qu’elle tient fermement en main. La passagère les fixe de ses petits yeux froids et aigus, affichant vers eux un visage inquiétant et impassible. Décidément, cette nana semble passer maître dans le mélange des genres.

 

– Soisig, mais…

 

– Bon, ça suffit les marioles, j’ai bloqué le becquet de rentrée atmosphérique, et celui de sortie atmocubique, ce qui signifie qu’on ira sur Mars si je veux bien, et on quittera l’orbite sur laquelle nous sommes quand je l’aurais décidé.

 

Dans un étui oblong, un autre lasergun ést fixé sur sa hanche droite. Un plus gros, capable de faire jaillir un faisceau thermique susceptible d’atomiser quinze bœufs d‘un seul jet. Quelque chose dans sa détermination prouve au couple stupéfait qu’elle doit savoir parfaitement l’utiliser. Elle pointe l’arme sur eux avec obstination, pour les forcer à s’assoir dans un coin, puis elle actionne le générateur de gravité artificielle afin qu‘ils tiennent sagement en place. Même si cette procédure équivaut à épuiser rapidement de précieuse réserves énergétiques. Soisig toise toujours ses prisonniers comme on regarde deux animaux de foire, puis elle envoie de son implant un message sur un mode hackertype à un destinataire inconnu :

 

– C’est bon Fanch, on y est.

 

Son message semble toutefois suffisamment sécurisé pour laisser à Basile et Emeline le loisir de l‘entendre. L’autre se contente ensuite de donner en réponse quelques brèves directives, que Soisig approuve en employant un étrange ton sec.

 

– Merde, fait Basile, en murmurant dans les oreilles de sa femme malgré sa colère, une salope d’activiste Martienne.

 

–  Je ne sais pas si elle est annoteuse de pages comme elle le dit, mais c’est en tout cas une programmatrice de haut-vol, pour avoir pénétré le réseau si bien vérouillé de Grand Contrôle. Faut garder espoir, le système n’est pas endommagé. La police Défédérale ne va pas tarder à venir mettre son grain de sel ici, lorsqu‘elle verra la Marie-Jeanne en train de glander sur son orbite.

 

– Hé Soisig, c’est quoi ce coup de force ? nous on est pas du genre alliance somnolente des indépendantistes Martiens.

 

– Project C : je vous prend en otage, vous et cette fusée, contre paiement d’une rançon de six milliards d’Eullars, à verser sans délai par le conseil Martien défédéré aux forces des mineurs indés.

 

– Tu as beau avoir cracké Grand Contrôle, ton petit lasergun ne fera pas le poids quand les Sharsherman de la police et les Panzigs de l’armée viendront nous dire bonjour. A mon avis, la Marie-Jeanne, Sirkisi n’en a rien à branler.

 

– On ne va pas les attendre, bien entendu. D’abord, à partir de maintenant on est intraçables, mais en plus on va aller faire un petit tour. Et détrompe-toi, Sirkisi et son congrès feront tout pour ne pas être discrédités par la Terre. Les représailles seraient pour eux une mise au chômage directe. Un poste de gouverneur, bien entendu ça se garde coûte que coûte et la sécurité des voyageurs interstellaires, ça n’a pas de prix. Ils nous paieront pour votre sauvegarde et ne pas affoler le business, c’est certain.

 

– Et sinon ?

 

– Et ben je vous butterai, ou bien on s’écrasera et dans ce cas là ne vous plaignez pas, je partagerai vos soucis. Enfin là, c’est pas moi qui décide. Vous savez, tout le monde vient au monde un peu par hasard, alors pas la peine de pleurnicher au moment de dire bye bye. En attendant, inutile d’essayer de jouer les héros par vocation soudaine, à vos risques, mais surtout vos périls, hein ?

 

Et puis elle les invite à se prendre chacun un siège, sans les quitter des yeux ni dévier son gun. Elle-même s’appuie confortablement sur le dossier du sien, gardant un œil pour eux et un autre pour le clignotement régulier des voyants du tableau de bord. Ensuite, elle allonge ses jambes pour prendre ses aises. A 8s 3/5 d‘un certain repère convenu, un ordre venu de Fanch Yoland décroche la courbe de la fusée à vitesse constante, pour la faire foncer dans l’espace et quitter Mars, à fond de ses possibilités.

 


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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:23:54
n°43056448
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 29-08-2015 à 17:06:06  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Marlou les doigts d'or. Extrait numéro 79.

 

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Kiki se pointa pour renifler la petite tarée. Babe encore bourrée parlait trop fort, Marlou effondré se taisait sans l‘entendre. Si la mort de la gamine le figeait dans une indifférence glaciale, il se désintégrait en revanche d’une peine immense devant la saloperie ingrate qui venait de frapper Carla. Et l’enfant qu’elle portait en elle. Il s’en était fallu de quelques minutes pour qu’il puisse peut-être empêcher la boucherie du salon. D’ailleurs, un voisin énervé et réveillé par les coups de feu s’était planté devant la porte en gueulant comme une oie, avec pour seul effet d’alerter d’autres résidents. Le revolver du privé brandi dans ses griffes crispées se chargea de les faire rentrer bien sagement chez eux. Ils pouvaient  se rendre compte à sa gueule rageuse qu’un pas de plus le ferait bazooquer tout le palier et qu‘il se montrait l‘antithèse d‘un mec doux et bienveillant. Ne sachant pas trop quoi entreprendre, Babe demanda s’il fallait qu’elle prépare du café et des tartines, Kiki opta pour, par besoin de dessaouler, mais Marlou se contenta de composer tristement le numéro de l’inspecteur Djong Van Ali Ben Orson Djamoul Rhagnär Marwin Bismuth. Toujours démoli, il se contenta simplement d’attendre son arrivée, pendant que les deux autres mangeaient en silence dans la cuisine.

 

 Oui, Marlou filait un bien mauvais coton, quand bien même la traque de la princesse était bel et bien terminée. Il payait le prix fort, tenaillé par une douleur intolérable, engourdi d’une souffrance indicible qui s’enroulait autour de lui pour le priver d’air et l’assaillir de mille regrets. Balayé par une irrépressible lame de fond, il restait debout, face à la morte aimée, comme si ses propres pieds débordaient sur un immense fossé, tout son corps prêt à basculer dans le vide au moindre mouvement. Après avoir recouvert, conduite par une pudeur étrange, le corps d’Ewij avec le rideau de douche, Babe avait trouvé la lettre du Notaire qu’elle détailla à Kiki en affichant un visage grave. Plus aucun son ne passait en revanche dans les oreilles de Marlou. Ils en avait occis des bonhommes et des bonnes femmes, il avait plus souvent qu’à son tour caressé la mort violente comme d’autres jouent au tennis, mais là, c’était sa Carla qui gisait au milieu des coussins ensanglantés, offerte en revanche aux regards de tous, défigurée par une plaie ignoble, même s’il avait un instant trouvé le courage de lui fermer les yeux. Il grillait à feu doux sous les flammes de la pire des vengeance, bien joué, princesse ! La pluie coulait sur son visage, c’était idiot, il était dans le salon. Seuls les deux autres pouvaient se rendre compte qu’il versait maintenant des pleurs amers sur son amour perdu pour toujours, terrassé par les balles cruelles de la petite psychopathe.

 

L’ambulance blanche se gara en bas de l‘immeuble, encadrée par une tripotée de flics menés par Bismuth. Plus personne ne bronchait dans les étages. A la vue des mortes, Bismuth ne laissa rien passer de ses sentiments, il donnait des ordres à ses subalternes, mais il cachait sans doute sa joie de savoir que la princesse était enfin fichue. La jeune fille recherchée par toute les polices n’était pas n’importe qui, et sa fin ne pouvait que venir rajouter une couche d’or sur son propre blason, déjà fort  reluisant par l‘élimination de la bande à Beau Brown. Après avoir balancé à un de ses collègues une blague discutable sur la fougue juvénile, il fit cependant montre d’une certaine pudeur en face du solide gaillard qui avait perdu sa femme dans la foulée. Décomposé, Marlou restait assis dans son coin, tendu par un chagrin qui faisait peine à voir. Bismuth lui conseilla juste en partant de prendre un peu de vacances. On descendit les corps et avec l’aide brouillonne de Kiki, Babe commença à nettoyer le bordel. Personne n’avait l’utilité de prendre quelques empreintes digitales. Trois jours plus tard, on enterra Carla, bien que Marlou sache qu’elle aurait préféré dormir en Italie. Kiki s’était fendu d’un sobre nœud papillon noir, alors que Babe avait placé sur sa chevelure un élégant fichu de la même couleur, et sa robe mélangeait les dentelles sur un crêpe de soie sombre et doux. Marlou dans son costard gardait un visage fermé. Brenda Tape à l’œil, Gouinette Patrol, Ashley la Gorette, Maria de la Bella Mercedes, Lysie Belles Gambettes, Chanelle Snapshot suivaient le cortège, mais aucune n’en faisaient trop, bien qu’elles fassent montre d’une tristesse qui se voulait sincère.

 

Après la cérémonie, lorsqu’il fallut bien retourner chez soi, Gouinette vint trouver Marlou, en lui déclarant qu’elle parlait au nom de ses copines. Pas besoin d’être devin pour deviner qu’elle avait une idée derrière la tête. Elle tirait cependant nerveusement sur sa manche.

 

– On est toutes désolées, Marlou, mais la vie continue et nous autres, on est sans boulot. Carla t’as bien légué sa boîte, n’est-ce-pas ? Luigi Mariano est désormais libre et m’a rendu visite, il m’a dit que Saleface se montrait désireux de racheter le Lagon Bleu, vu que les travaux tirent à leur fin. Pour le Reichstag, le Pink Lady et le Triangle d’Or, c’est fini, ils n’ont plus très bonne presse.

 

– Oui, fit Marlou, je comprends. De toute façon ce lieu est trop rattaché à Carla pour moi, à présent. Et puis je suis détective, après tout, pas maquereau.

 

– On va remonter le boxon, nous autres, c’est l’hommage qu’on fera à ta femme, et ça sera le plus beau bordel de la capitale, crois-moi.

 

Les autres gagneuses s’étaient mises en retrait, mais Marlou voyait bien qu’elles essayaient de lire sur ses lèvres. Il quitta Gouinette après lui avoir touché l’épaule d’un geste amical, pour qu’elle puisse aller les rassurer. Par le don de Géraldine et sa prime conséquente pour la tronche de la princesse enfin éliminée, il était plus que riche. Vendre le Lagon Bleu à des types de Beau Brown n’avait pour lui plus aucune importance. Il haussa tristement les épaules en regardant les filles partir comme une volée de moineaux vers leur petit monde sauvage, dominé par le crime. Quittant peu-après lui aussi le cimetière, il aurait juste voulu entendre le son de la voix de Carlita pour l’approuver, avant qu’elle ne lui prenne le bras en riant au milieu des chrysanthèmes. La vie continuait, ouais, mais pas celle de sa petite ritale, son âme sœur, la mère du gosse qu‘ils n‘auraient jamais. Il aurait bien du mal à tourner la page malgré tout son fric. En face de lui, Kiki fit tout à coup le con entre les tombes, pour faire sans doute oublier à Babe où ils se trouvaient. Les Yorkshires, ça ne respectent rien.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:25:23
n°43061456
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-08-2015 à 10:51:31  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Saga du trône de Fion - Sur la queue du dragon. Tome 1. Extrait numéro 63.

 

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La forêt de la Kounass bruissait de mille gorges avides, puisque en son sein certaines bestes ripaillaient quand d’autres étaient mangées. Gauviens tomba de cheval pour renifler un crottin moyennement frais, car il avait flair de loup :
 
 – Oyez messires, ces benêts vont droit vers Mouyse, voilà qui nous arrange fort bien.

 

– A condition de les rattraper avant, fit Robin en évacuant l’excès de poudre de ses joues, mais ouich, ces fiéffés vont où nous allons, et c’est beau temps de gagné. Ils se fendit d’un sourire qui avait déjà au paravent bouleversé bien des preux.

 

Sur l’ordre de leur chef, ils s’allongèrent sur la couche craquante des aiguilles d’un grand pin offert aux rayons d’un soleil complice et généreux. Alors qu’ils s’échangeaient de jolis brins de muguet, ils s’extasièrent un moment des bonds d’une mignonne chevrette galopant au lointain devant son bon berger. La grande forêt formait bien le plus fameux décor où pouvaient s’exprimer les passions sincères. Robin qui boit se tapota le pif d’un coup de sa houppette à poudre, de manière à donner à son nez une teinte assez neutre. Puis il chassa le chevalier de sa hanche brûlante et ronde, alors qu’en véritable petite caille potelée, Yvan de Ladaupe travaillait à cuire un lapin sur le brasier. La petite langue rose qui sortait de la bête en train de grésiller leur colla baume au cœur et ils se mirent à ripailler la chair délicate comme des chattes gourmandes. Pleins de ravissement pour la beauté des lieux, ils partagèrent encore quelques cornes de fine, puis ils remontèrent en silence sur leurs palefrois. Comme ils piquaient des deux, rêvant de beaux faits d’armes, chevalier Percevalve pressa sur l’étrier sa botte en cuir de chien :

 

– Là, j’aperçois nos compères, voyez-donc !

 

Robin remonta son bonnet et puis tira son arc, car les voleurs n’étaient guère éloignés. Cinq mauvais sbires avec des mules à coffres qui peinaient sur un maigre sentier. Gauviens moulina son épieu, puis ils foncèrent sur la racaille, faisant flotter au vent leurs écharpes brodées sur leurs chevaux aux naseaux grands ouverts. Enflammé de courage, Guy Bouyave arriva le premier. Le chef des bohémiens commanda aux autres de grimper au talus, mais lui-même se planta sur la route avec un air bravache :

 

– Holà les gars, quelle raison vous amène ?

 

– Vos vies sont dans nos mains, marauds, car on nous a volé quelque chose destinée au château de l‘évêque. Et maintenant la sentence doit être exécutée.

 

Gardant prudence sur les autres planqués dessous les saules, Gauviens remarqua qu’il y avait deux femmes qui composaient la mauvaise troupe. Restaient donc trois joyeux à percer. Le ménestrel grinça des dents en jurant innocence sur la vie et l’honneur.

 

– On va bien voir, fit Robin, en s’apprêtant à fouiller les coffrets liés sur des mulets médiocres.

 

Venant des bois, une flèche ricocha aussitôt sur l’armure de Braillard. L’avantage du chevalier sera toujours sur le fantassin, aussi messire Robin piétina sur le champ le maudit ménestrel, qui n’avait qu’une dague de chasse à brandir devant lui. Puis il porta la guerre dans les fourrés sur les autres pieds poudreux, suivi de ses bons moines qui moulinaient l’épée comme pressoirs à vent. L’un des voleurs fut rapidement expédié, mais les dames criaient en imitant les guildes arrivés en péage de l‘octroi. Mais point n’était question de rendre la monnaie, puisqu’il fallait tuer ces louches. Une des gueuses fit méchamment les frais de la lame de Gauviens, pendant que Robin lui fléchait son ami. La dernière en vie cria pour sa pitié.

 

– Par la grâce de Kramouille, messires, reprenez votre bien, car il coûte trop cher !

 

Percevalve allait frapper, mais grand seigneur, Robin lui commanda l’arrêt. Bouyave était déjà en train de farfouiller, il prit un air joyeux, car le faux Œil de dinde brilla soudain dans sa pognée.

 

– Ton nom la gueuse, par la torture s’il est besoin.

 

– Hé c’est bon, vous tuâtes mes amis et moi je dis les pouces. Je m’appelle Jeanne-Mireille d’Arc, bonne danseuse de nombril, à ce que dit l’affiche. Laissez moi-donc partir, puisque nous voilà quittes.

 

– C’est créature humaine, fit Gauviens à l’adresse des amis, mais on ferait mieux de la pendre à ce grand chêne, avant de s’en aller.

 

– Et après on va se plaindre que la campagne se dépeuple, pas étonnant, si vous pendez les femmes comme on tue pourcelets.

 

Le bijou n’avait point souffert de son larcin, et la confiance était revenue. Robin se montra donc d’une humeur magnanime :

 

– Tu n’es point héritière de couronne, certes, mais désormais que te voilà seule par le fruit de notre action, ces bois te feront rapidement bon linceul. Viens donc à Mouyse avec nous autres, mais ne touche plus jamais à nos affaires, ou tu seras aussitôt trépassée.

 

– Fort merci, mes doux braves, car je vois que vous êtes chevaliers, et moines de Commanderie de l'Ordure des Hospitalisés de Sainte Kramouille, par-dessus le marché. J’avais bien dit à mes collègues de ne point larciner. Ils sont payés maintenant, allons, mes mulets sont à vous, laissons mes potes aux loups, car la route est bien longue, d’ici aux remparts de la Mouyse.

 

On râla sec, du côté chevaliers, ça charria sans répit le désir de Robin, mais ils n’avaient pas pour habitude de contester outre-mesure sa bienheureuse autorité. Jeanne-Mireille d’Arc sauvée des coups leur emboîta le pas, assise sagement en amazone, tout en leur jouant du luth sur sa mule pommelée.

 

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bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:28:08
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Posté le 30-08-2015 à 10:51:31  profilanswer
 

n°43112256
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 03-09-2015 à 17:14:47  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 37.

 

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Il tombait une telle profusion de pétales rouges jetées en pluie par la foule que les fleurs s’étalèrent sur un bon mètre à la surface de l’eau. La pharaonne eut bien du mal à avancer dans ce bourbier végétal, écœurée par toute cette abominable senteur de roses. Plus de cent scribes le pinceau à la main brossaient son action sur le vif, en lui prêtant les traits d’Anuket, « celle qui tire en avant », déesse des crues du Nil, à la belle robe à bretelles. Non content de l’asperger de fleurs parfumées, un imbécile jeta même par enthousiasme son lourd bracelet en or, lequel en plongeant à deux doigts de la nageuse faillit l’assommer. Un grand débile sans doute, puisque Anuket n’était pas, jusqu’à preuve du contraire, la déité du luxe et du pognon. Etourdie par les fragrances et les couleurs vives, buvant et recrachant l’eau sale à chacun de ses mouvements, Néefiertarée approcha peu à peu de sa vilaine conquête, gros monstre aquatique qui faisait son possible pour paraître dangereux et vivant. Attentive à porter à tous l’image concrète de sa victoire, et non pas plus tard sur la base d’une copie de copie, la reine grimpa tout d’un coup sur le dos du « féroce » animal. A l’instant même où elle allait porter le premier coup de couteau dans la peau grise et dure de son flanc, la bête l’entraina aussitôt fermement par le fond. Surprise, Néefiertarée jura sur le nom d’Onouris, celui qui combat les ennemis de Rê. Fallait-il que les types qui se cachaient dans l’hippopotame soient crétins au point de manquer ainsi de la noyer ! Les gradins exultèrent cependant en masse, attentifs à la voir réapparaitre au plus vite. Ou pas. Sous l’eau, une main d’homme apparut brusquement, sortant par l’anus de l’animal pour attraper fermement la reine par les chevilles, qui ne rigolait plus, car sa vie se trouvait à présent réellement menacée ! Elle suffoquait, les poumons en feu, alors qu’un deuxième assassin se dégageait de la gueule de l’hippopotame un couteau entre les dents ; mais, se dégageant promptement du premier par un furieux coup de lame, et comme les jambes du nouvel assaillant se trouvaient toujours prisonnières des crocs d‘ivoire, Néefiertarée l’égorgea avec toute l’énergie du désespoir. Ensuite, elle planta son coutelas dans la bête au niveau de son cul, encore et encore, jusqu’à ce que l’eau devienne rouge du sang de l’autre ennemi. A deux doigts de mourir asphyxiée, elle remonta triomphalement à l’air libre, juchée sur le gros cadavre de l’hippo qui roula placidement sur le flanc au milieu de la mare empourprée. Personne ne s’était rendu compte du drame qui venait de se jouer sous les eaux, la foule porta sa reine aux nues et fort heureusement, les assaillants morts ne remontèrent pas tout de suite en surface. Pourtant, il s’en était fallu de peu pour qu’elle ne subisse à cause d’eux le même sort fatal.

 

Néanmoins, elle triomphait, remettant ses interrogations à plus tard. Morose et courroucée, elle quitta frissonnante le bassin si peu hospitalier, sous les hourras de liesse tonnant dans les tribunes afin de lui offrir la plus belle des fêtes populaires. Sa victoire exhalait cependant l’aigreur de la peur insensée qui venait de la tenailler, et à laquelle elle avait répondu heureusement d‘une façon magistrale. Franchement, à cet instant de joie unanime qui encensait chez son peuple sa lutte courageuse, Néefiertarée aurait bien renvoyé tous ces demeurés dans leur foyer pour qu’il aillent repeupler son Egypte. Au cours de sa démonstration brillante, une nouvelle parvenue à Merdenkorinnanâr avait dramatiquement affolé le général, car Jérijône l’avait prévenu qu’on venait de retrouver dans un coin les corps des prêtres chargés de jouer la comédie à l’intérieur du ventre de l’hippo. Rapide à comprendre, le soldat fit le lien entre le danger courru par la reine et ces deux cadavres sauvagement assassinés. Il aurait voulu donner l’ordre à ses archers de cribler aussitôt l’hippopotame, mais il craignait de blesser la reine, c’est donc avec un immense soulagement qu’il l’a retrouva un peu plus tard saine et sauve dans la paix du palais.

 

– En matière de parodie savoureuse, fit la pharaonne toujours très énervée, j’ai vu mieux ! Des tueurs à gages étaient planqués dans la bestiole. Qui plus est, ils sont morts, on ne peux même plus les faire avouer, ni savoir qui les a payés. Elle tripota rageusement les lourdes perles d’or qui lestaient ses tresses d’un noir de suie.

 

– Que nos dieux prennent en pitié tes couronnes qui te coûtent un prix si élevé, et que personne ne rembourse. Je te dis bravo pour ton courage, en tout cas, il s’en est fallu de peu pour que l‘on ne te glisse avant l’heure dans un sarcophage. On est en train de vidanger le bassin, on verra bien la tête qu’ils ont. D’après les premiers rapports du grand prêtre, mes hommes ont déjà mis à jour les vessies remplies d’air à l’intérieur de l’hippopotame, et qui leur permettaient de respirer sous l’eau. Visiblement, les tueurs avaient bien l’intention de te noyer en épargnant leur vie.

 

Les grandes oreilles dégagées par le petit bonnet du général habillé en civil frémissaient doucement au gré de ses paroles sévères. Néefiertarée savait qu’il ne manquerait plus jamais d’aucune vigilance. De la vaste cour parvenait le son lancinant et métallique des tailleurs de pierre qui façonnaient quelques statues, mais aussi leurs jurons quand le maillet leur écrasait méchamment les pouces. Quelques modèles féminins prenaient la pose en se grattant les cuisses de temps à autre. Comme elles dégageaient ce faisant leurs longues jambes fuselées, certains artisans préféraient se fixer en elles, plutôt que de les fixer dans la pierre. Une manière pour les uns et les autres de hâter leur reproduction.

 

– Bien fit la reine, c’est quoi le prochaine épreuve ? La dernière, il me semble.

 

– Il faudra que tu redresses un obélisque.

 

Néefiertarée laissa perdre ses yeux sur les colonnes de marbre fuselées, les hauts et fins braseros de fer forgé qui lâchaient au plafond leurs flammes capricieuses, et la grande statue grise d’Osiris qui trônait impassible au sommet d’une volée de marches écarlates.

 

– Alors ça c’est bon, j’en fais tranquillement mon affaire. Ho les feignasses, là, appelez-moi Phimosis !

 

Des serviteurs tout de blanc vêtus s’exécutèrent aussitôt, alors que d’autres remballaient leurs tambourins, clignant de l’œil au passage des fières servantes, lesquelles leurs répondaient tête haute d’un mépris cinglant. Deux gardes fagotés comme l’as de pique, à cause de pagnes trop grands pour eux, refermèrent la porte grillagée sur le départ du général. Néefiertarée ordonna qu’on aille de suite refaire son lit, car elle apercevait enfin la silhouette de Phimosis se profiler derrière les voilages transparents, riches tentures diaphanes qui lâchaient dans la pièce en la tamisant une douce lumière bleutée. Le Kouchite était jeune et beau et en se posant ragaillardie par sa présence devant le miroir rond comme la lune, elle changea de perruque, perdue dans ses pensées.

 


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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:30:17
n°43118734
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-09-2015 à 11:53:00  profilanswer
 

Revue de presse.
 
Aujourd'hui : Il saoulait ses vaches.

 

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Revue de presse.
 
Aujourd'hui : Tournage d'un film à Troulbled.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:32:18
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talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 05-09-2015 à 17:28:38  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 60.

 

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– Allons, allons, mon père, arrêtez de bouder, c’est sans bénéfice pour la communauté. Votre horizon, n’est-ce pas l’humanité toute entière ? alors que le mien, c‘est seulement celui des malades du docteur Halrequin.

 

Gwendoline redressa gentiment l’oreiller du père Albin Michel qui restait aussi stoïque dans son lit qu’un mannequin de bois, loin de la carte postale du curé bienveillant. L’infirmière aurait bien aimé coller un vrai sourire sur le visage du saint homme, mais à l’évidence, elle quitterait sans doute la chambre bredouille. Elle le toisa une nouvelle fois avec douceur. Bien que personne à la clinique ne soit en réalité au courant de son voyeurisme coupable, on le savait juste blessé par un satanique piège à loup, elle aurait eu bien du mal à jauger sa honte d’avoir failli être vu et qui le harcelait en sourdine. Il était bien placé pour savoir que si l’œil est malade, le corps tout entier s’enfonce dans les ténèbres. Il demanda à Gwendoline de faire plus de lumière. Tout en parlant, elle tourna lentement le variateur situé près du lit pour augmenter l’intensité de la lampe.

 

– Moi je vous le dis, mon père, le véritable problème de l’époque, c’est l’illétrisme. Surtout en Amazonie. C’est normal, ces indiens qu’on voit à la télé sont trop consommateurs de leurs vieilles cultures et pas assez acteurs pour en accueillir une nouvelle. Leur grande forêt, ça bloque forcément la diversité des supports, c‘est obligé. Il faut bien faire des routes, si on veut aller à l’école.

 

– Je loue vos préoccupations pédagogiques, Gwen. Notre charité devrait être leur loi dans sa plénitude. Nul ne peut servir deux maîtres, prenons donc bien garde à nous débarrasser du mauvais.

 

 Pendant ce temps là, il endurait de façon plus globale l’épreuve de la blouse entrouverte qui lui offrait une vision fugitive d’un bout du sein rond de la blonde, ce qui freinait néanmoins grandement sa peine, même s’il avait soudain l’impression de se muer en reptile à lunettes, avec de grosses montures. Il réprima sur le champ l’envie foudroyante de gober ce nichon tentateur. Evidemment qu’il avait insisté pour être l’aumonier de cette clinique, les infirmières, ça le faisait craquer depuis toujours. Il se racla la gorge pour chasser toute confusion, voir un zest de tachycardie, alors Gwendoline lui tendit aussitôt aimablement un verre d’eau, décuplant immédiatement les risques du simple fait qu‘elle leva un bras. Puisqu’ Il fit la bête sauvage de la terre selon son espèce et toutes les bestioles se mouvant sur le sol, selon leur espèce. Et quiconque sort de la ville se fait aussitôt mettre en pièce par le léopard éveillé, puisque c‘est écrit. Il lui rendit le verre vide.

 

– Vous savez, l’Amazonie est sans doute un pays merveilleux, en dehors des indiens. Il paraît que les caïmans ne se nourrissent pratiquement que de piranhas. Si ça se trouve, là-bas, ils ne sont même pas au courant !

 

– Vous auriez pu être professeur documentaliste, ma foi.

 

– Et ben non, votre foi vous trompe, car l’ange divin m’a frappé, et moi je vous dis que son royaume n’est certainement pas de ce monde. C’est une question de transmission nécessaire, un peu comme les espagnols qui sont à l’origine de la musique latino dans les Caraïbes.

 

– Bon, voyons voir, comment va cette malheureuse jambe ? Quelle idée aussi d’aller faire sa petite commission dans la grande serre du parc.

 

Père Albin loua ses cieux parce que cette petite dinde n’avait visiblement pas l’intention de mener sa petite enquête complémentaire. Elle rajusta sa blouse inconsciemment, puis elle plongea au cœur de l’action, en enlevant l’ancien bandage sur la cheville broyée. La réparation des chairs du mollet pour l’instant bien dégueulasse allait demander beaucoup de soins et d’efforts. Une situation qui demanderait aussi pas mal de propos apaisants de la part de Gwen et Babette, appelées à se relayer auprès de l‘aumônier. Il faudrait encore un peu de temps avant qu’il puisse marcher avec ses deux guiboles, et sans l’aide de béquilles, sur la route du bonheur. Au pire, si ça s’arrangeait pas, elle connaissait en ville un vieux marchand de cannes qui lui ferait un prix. Le malade lâcha deux ou trois rimes vaniteuses, aussitôt éteintes par la voix limpide de l’infirmière, attentive à ne pas trop bâcler son travail. Elle examina attentivement la plaie, plissant le front comme un mécano qui regarde un moteur, mais en plus cartésienne. Le silence du prêtre se dissipa, hélas un peu vite, accompagné de belles gesticulations, avec même un effroi rigolo dans le regard. Il n’avait plus du tout à présent l’envie de ce bourreau blond qui pouvait par droit, et même devoir, fouiller sans craindre les enfers le moindre orifice de ses patients.

 

– C’est bon, on a terminé, fit Gwendoline, contente d‘elle et même un peu joyeuse. Lorsqu’elle replaça la grande couverture verte sur lui, il avait ceci-dit l’air de revenir des obsèques de sa mère.

 

En quittant la chambre du père Albin Michel, fascinant le couloir Staline de ses contours somptueux et mouvants, comme si le simple fait de marcher l’obligeait à éxécuter quelque danse poétique, Gwendoline tomba nez à nez sur Babette. L’autre avait l’air d’être prise dans le tourbillon délicieux d’une folle tourmente, puis elle regarda sa collègue longuement, avant de faire jaillir sa confidence, savoureusement mâchée :

 

– Tu connais la nouvelle ? Cassandra, elle aurait un mec !

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:34:46
n°43134677
talbazar
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Posté le 06-09-2015 à 11:20:02  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 07.

 

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Sucé par une tentatrice, Nikos Sirkisi glisse en sustentateur à lévitation magnétique dans son douillet dôme personnel sévèrement gardé, lorsque son implant présidentiel s’affole sur un communiqué du Général Digoule, chef des forces spéciales de l’armée Défédérée Martienne :

 

– Allo, Gouverneur ? Yoland hausse le ton, nous avons un problème ! Votre gouvernement se trouve victime de chantage et de tentative d'extorsion. Les rebelles indépendantistes ont pris sur une orbite proche une fusée en otage et réclament de notre part une rançon de six milliards d’Eullars. Une certaine Soisig Lagadec vient de prendre Emeline et Basile Decock, le couple propriétaire de la fusée, en otage. Cette dernière reste pour l’instant introuvable, et Grand Contrôle est vérolé.

 

Après les yeux, les lèvres de la tentatrice s’entrouvrent et Sirkisi la chasse en maugréant. Décidemment, il est grand temps de passer ce Fanch Yoland par les verges. Ces foutus rebelles ont depuis longtemps dépassé les bornes et ne reculent devant rien pour arriver à l‘indépendance de la planète. Il tire une longue bouffée de son cigare dont les volutes capricieuses fuitent en longs panaches blancs vers le sommet transparent du dôme. Un connard de robot désoeuvré tourne en rond près de lui, en attente d’une commande. Le gouverneur se demande s’il doit hasarder la perte de cette fusée pour sauver sa place, mais il se doute que la Défédération Terrienne ne lui pardonnerait pas un tel laxisme. Des coups à subir une sévère disgrâce et un temps de pénitence éternelle sur cette merde de planète invivable de 54885LM-Bob Dylan. Toujours en ligne, le Général Digoule attend patiemment ses ordres.

 

– Nous ne pouvons faire le sacrifice de cette fusée et de ses occupants. Il faut coûte que coûte la retrouver, où qu’elle soit. Naturellement, renforcez le contrôle orbital martien par des patrouilles de Sharsherman Flash Space Patrol Z-206, et naturellement quelques Panzigs Space Rocket SR-1007. Je vais d’urgence faire établir une cellule de crise au congrès.

 

– Très bien, trois Shaleclairs thunder flash X-40 armés d’aimants surpuissants et de lourds atomics orbiters X partiront en chasse dès que la Marie-Jeanne sera localisée.

 

La voix du général est rude et dépourvue d’harmonie. Il sait qu’il peut faire confiance à ses hommes et son matériel, mais Sirkisi vient de placer sur ses épaules un fardeau pénible, en exigeant de récupérer les otages vivants. Comme s’il n’avait pas d’autres problèmes à régler, avec la région d’Utopia actuellement à feu et à sang. La production d’Halunium dans ce secteur est arrêtée depuis trois mois, à cause des échauffourés, et les mineurs de ce coin-là reçoivent l’appui de très nombreux colons. La communication avec le président désormais rompue, le militaire de haute taille part donner ses ordres, laissant le gouverneur en proie à ses réflexions.

 

– C’est bon Suzanne, la journée est finie, je vous remercie.

 

Suzanne endosse lentement sa combinaison pour sortir dehors, avec des gestes sobres et sans rien de théâtral, puis elle quitte le dôme présidentiel, les lèvres demi-ouvertes sur un sourire mutin, malheureusement invisible derrière la visière dorée de son casque. Il était d’ailleurs grandement temps puisque Jolie Goyette, la femme officielle du président, se présente par la porte sud. Elle porte encore sur sa combi quelques minces traces de neige martienne, souvenir de la petite virée qu’elle vient d’effectuer en compagnie de quelques amies triées sur le volet, aux abords du dôme. Trois puissants éclairs qui déchirent le ciel rose prouvent que les Shaleclairs viennent de décoller. Grande et blonde, Jolie finalement mise à nue reçoit la caresse de la douce lumière qui révèle ses formes d’une absolue perfection. Loin de s’extasier par le tableau charmant, Nikos jette avec rage son cigare dans l’incinérateur et explique à sa femme le nouvel affront qu’il vient de subir.

 

– Ces salopards font monter la pression, mais Joke Esgala et tout le congrès Terrien devraient se rendre compte qu’eux et nous ont est bien dans le même vaisseau, à cause de ces fouteurs de merde. Pourtant, je sais bien que je serais le seul à porter le casque, si les otages se font descendre.

 

– Elle est où cette fusée, à présent ?

 

– Je n’en sais absolument rien, Digoule m’a dit qu’elle avait quitté notre frontière orbitale.

 

Jolie Goyette se leve pour leur verser quelques gouttes de liqueur rare issues de la même canette.

 

– Le sang de ces deux ploucs devenus otages vaut maintenant une fortune, à ce que je vois. Dans les canyons, on se coupe l’oxygène et on se flingue à coup d’Astroray Gun, mais tu vas gagner cette bataille, Nikos, c’est pas le moment de roupiller sur les pédales et de céder à l’éxigence des rebelles, toute la galaxie te regarde à présent, mon minou.

 

– Je ne suis pas invincible, j’ai affaire à un fou vicieux et la chaudière martienne est prête à exploser. Je vais certainement être obligé de décréter la loi martiale sur Mars, au risque de nous isoler complètement des autres mondes. Il se cogne le front contre l’un des hauts montants élégant et métallique qui soutient le dôme.

 

– Tu veux pornifier ?

 

Jolie s’approche de lui, ses yeux clairs flamboient comme un cœur de galaxie et elle se montre toute entière aussi belle qu’une étoile du ciel, aussi Nikos oublie Suzanne, pour ne plus penser qu’à elle.

 

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bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:37:00
n°43149703
talbazar
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Posté le 07-09-2015 à 20:27:24  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Marlou les doigts d'or. Extrait numéro 80 et FIN.

 

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Le notaire était un type au visage en long, à l’ovale parfait, un ridicule toupet de poils frisés trônait comme une île déserte sur son front agité de rides, cireux et dégarni. Un sévère trait de moustache encadrait sa bouche fine d’un liseret soigné, pour rejoindre une courte barbichette un brin satanique. Il tendit d’une main aux doigts maigres l’acte de vente du Lagon Bleu à Luigi Mariano, lequel n’était qu’un mafieux avec une sale gueule de mafieux, avec toutefois le remarquable portrait de sa sœur excellemment tatoué sur la nuque. Une fois que l’acquéreur eut signé, il devenait de fait le propriétaire légitime de la boîte rénovée, mais Marlou assis à ses côtés savait bien que ce gars là roulait en réalité pour Baby Saleface, le Sicilien absent qui finançait intégralement l’affaire. Exactement comme ce même Mariano avait été jadis le proprio officiel du Triangle d’Or, pour couvrir Beau Brown. Luigi signa sans un mot le document avec son propre stylo en or, puis cet homme de paille rendit l‘acte au vilain Satan de bureau. Marlou venait de se débarrasser d’un bout de son passé, et finalement pas l’un des plus heureux. A coup sûr le fantôme de Joe di Macho rôdait toujours là-dedans, quand bien même la boîte avait complètement cramé. L’inspecteur naviguait depuis la mort de Carla dans un océan de bibine écossaise douze ans d’âge, après avoir légué un tiers de sa fortune à Kiki et Babe.

 

Ces deux là étaient finalement partis au Québec avec leur pognon, et leur blanchisserie se montrait sans contradiction la plus belle du Canada, puisqu’on y trouvait de formidables ristournes sur les couettes nettoyées à sec. Ils filaient le parfait amour et ne manquaient pas d’envoyer à leur pote, chaque début du mois, une carte postale sympathique de leur paradis blanc. Même s’il n’était pas pour grand chose dans la mort d’Ewij, et malgré la perte irrémédiable de la rondelle sacrée, Géraldine Kidor avait fait parvenir à Marlou la croix des fiers, la plus haute distinction du Gurukislapet, accompagnée de ses chaleureux remerciements et sans doute en clin d’œil malicieux, une photo d’elle à poil sur une peau de chèvre. Pas demain la veille cependant que le privé retournerait là-bas. Un soir, Gouinette Patrol l’appela au téléphone pour l’inviter à passer au Lagon Bleu, histoire de se changer les idées. Elle lui fit remarquer que Brenda Tape à l’œil avait renouvelé son répertoire, ce qui risquerait sans doute de lui plaire beaucoup. Marlou répondit laconiquement que sa venue restait dans le champ des possibles. Il débarqua donc assez tard dans le cabaret aux trois dance-floors sexy, où il salua comme de juste à son arrivée Brenda Tape à l’œil, Gouinette Patrol, Ashley la Gorette, Maria de la Bella Mercedes, Lysie Belles Gambettes, Chanelle Snapshot, Violette Purple et Leslie la Ventouse. Bien qu’il l’ait sans doute vu entrer Luigi Mariano ne se déplaça pas, mais Marlou l’aperçut au fond du bar, en train de vérifier le rendement des ateliers de ses chères employées.

 

La rénovation du Lagon Bleu était luxueuse, avec un effort particulier sur l’insonorisation, pour s’éviter les plaintes des voisins, si nombreuses avant. La déco sous le sceau de l’élégance était fascinante et chargée, mais les clients étaient les mêmes et le privé avait juste le bourdon de l’absence de Carla, plongé dans ce lieu qui lui avait appartenu. Il s’en fallait de beaucoup que l’apparition de Brenda puisse lui rendre le cœur plus léger. Il se cala néanmoins dans un coin, et Ashley l’assura qu’il boirait gratos toute la soirée. Il ne se fit pas prier pour commander des Bacardi en cascades. Un rien coquine, Brenda occupa enfin la scène et les mecs l’applaudirent à tout rompre, sans pourtant réveiller une nana maigrichonne et défoncée qui pionçait sur l’épaule de son jules. Ecouter la splendide Brenda chanter revenait à ramoner instantanément tout l’alcool qui vous coulait dans les tuyaux. Elle vous greffait dans la tête une mélancolie pailletée de ses mélodies suaves, lesquelles vous effleuraient de bonheur comme un vent doux. Devant ce tableau obsédant, Marlou se laissa aller au plaisir d’une douce divagation, jusqu’à ce qu’il comprenne enfin que son verre était probablement drogué. Trop tard. Il bascula dans un étrange brouillard bourré de flash-backs et Brenda évolua à présent devant ses yeux comme dans un film muet. Il perdit finalement connaissance pour se réveiller plus tard, mais toujours sérieusement dans les vaps et incapable du moindre mouvement, allongé près des poubelles d’un parking au milieu d’herbes folles. Une main le fouilla sans ménagement. Trois types le toisaient à présent de toute leur hauteur, Luigi et deux inconnus. L’un de ces derniers portait un masque de cuir qui recouvrait intégralement son visage et une lourde 222 Rémington brillait dans ses pognes. Marlou voulu se lever, mais il était complètement paralysé, la moindre tentative d’effort semblait condamnée à l’échec. Le type masqué s’approcha plus près de lui.

 

– Alors Marlou, t’es bourré ?

 

– Je peux savoir qui tu es ? Il posa sa question en bafouillant bêtement, comme s’il devait en parlant cracher un verre de vase.

 

L’autre leva une main pour dégrafer sa cagoule de peau. Il montra un visage atrocement défiguré, ravagé par une monstrueuse brûlure, d’où seuls les yeux clairs et mobiles étaient encore intacts. Des yeux que peut-être Marlou avait croisé un jour.

 

– Tu te rappellerais sûrement de moi, Eliot le Squale, si j’avais encore une gueule, mais hélas, ça n’est plus le cas, et c’est même un peu à cause de toi.

 

Dow,dow,dow, trois balles filant à bout portant envoyèrent Marlou rejoindre Carlita.

 

                                                                                                                   FIN

 

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Et pour les plus fidèles lecteurs, un superbe poster en cadeau de l'inspecteur Marlou et de Kiki Yorkshire !

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:39:25
n°43154394
talbazar
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Posté le 08-09-2015 à 10:00:47  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Saga du trône de Fion - Sur la queue du dragon. Tome 1. Extrait numéro 64.

 

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– Il se fait que j’ai grand-soif, à présent, posons-nous donc un peu, fit Mirlen à la compagnie, une fois qu‘ils eurent longtemps marché.

 

Chacun profita de la halte pour le remercier chaudement de les avoir réveillé à temps, afin qu’ils puissent se libérer de leur enfermement dans le village cannibale ; puisque sorti du coma le premier, il leur avait fait respirer un tampon vinaigré afin qu’ils soient de nouveau sur pieds. Car c’est ainsi qu’ils avaient si brillamment vaincus les Onkulés. Helga Tétipayday n’en menait plus très large, ne sachant trop comment se faire pardonner de ses fautes par l‘assemblée. Belbit surtout passait son temps à l’accabler. « Poil-au-con, Tire-Vit, Tire-Boudin, Gratte-Cul, Trace-Putain, Baille-Hoë, Pute-y-musse. », chantait-il à ses oreilles outragées, mais nul ne songeait à lui dire de se taire, pas même le chevalier Erald, car elle l’avait sans doute un peu cherché.

 

– Savez-vous où nous sommes, maître mage ? demanda William de Bochibre en plumant habilement une oie pour le dîner.

 

– Pas de doute à avoir, messires, car nous voici rendus au bord du gouffre du Poingé.

 

Et c’était véritable que le paysage avait changé, puisque la vallée du Broutminayt semblait tomber dans un vaste précipice aux falaises de pierre rose, abruptes et déchirées. Derrière eux dominait toujours dans le lointain le haut sommet du Mont Velu, mais il était à présent fort éloigné. La température radoucie leur donna grande joie et l’on quitta quelques fourrures superflues. Erald prit Helga par la main, puis il l’entraina à l’écart pour se réconcilier avec elle et mettre un peu de couleur dans la tonalité grisâtre de leur vie redevenue commune. Les railleries de Belbit voyant ça déchainèrent chez les autres bel enthousiasme et bonne humeur, dans une hilarité générale, car on n‘en pouvait plus d‘appeler Helga Sa Majesté. Après quelques cornes de gnôle, Mirlen s’éloigna lui aussi pour faire provision de quelques herbes susceptibles de lutter contre le surpoids, de faire tomber les fièvres ardentes ou d’éteindre le feu des grelots. Tous affichaient mine éblouissante et moral d’acier. Il fallait cependant prendre garde de ne pas s’approcher trop près du gouffre, pour éviter les risques de chutes, mais chacun profitait à loisir du paysage époustouflant de cette nature sauvage, bien éloignée du bruit des humains. Les fleurs généreuses aux senteurs délicates avaient partout la blancheur des neiges éternelles, puis Helga revint les voir, un lait onctueux passé dans ses cheveux, voir sur le bout du nez. Et même si elle n’était plus reine, le parfum de ces fleurs n’était-il pas aussi celui de ses plus belles années ? on s’abreuva de l’eau fraîche et pétillante d’un torrent qui chutait en belle cascade au pied du promontoire vertigineux. Un soleil intense tapait sur les corps chauds assis dans le pré de gazon bourré de chlorophylle, par bonne adaptation à ce milieu. Mirlen qui n’oubliait jamais la fleur de Pinette avait une vue parfaitement claire de ses objectifs et des moyens nécessaires pour leur obtention, c’est pourquoi il proposa à la communauté de se remettre en route avec les pieds.

 

Or, voici qu’attiré par l’odeur de la Bernache en train de rôtir, un ours de bonne taille arriva sur eux pour baguenauder. Devant le monstre brun au mufle frémissant, Helga hurla qu’elle voyait venir le bout de son voyage, mais Hivalanoué s’était précipité pour flanquer sa volée à la bête, lorsqu’il réalisa trop tard qu’elle était mère de trois oursons, ce qui la rendait particulièrement combattante. Il l’affronta pourtant de son épée, car ce n‘était point le temps de s’endormir. Mais l’ourse avait la hargne et l’attaqua aussitôt avec fougue, et malgré sa noblesse et en dépit de son courage, le chevalier reçut les griffes du mastodonte en plein dans l’estomac, puis il tomba dans l’herbe, inanimé. Les autres avaient bondis eux aussi par désir de vengeance, en explorant les failles de l’animal tout à coup débordé. Tous coururent sous le ciel bleu dans leurs chaussures boueuses pour porter coups au vilain diable des forêts, puis William et Erald lui plantèrent dans sa panse de nombreux coups d’épée. Enfin morte, l’ourse ne bougea plus, écartant tout danger. Sans pitié déplacée, on attrapa ses petits pour les balancer en vol plané dessus le gouffre du Poingé. Hivalanoué râlait, mais sa plaie sanglante révéla pour les autres une brûlante actualité. Pris d’un sérieux délire, il priait au soleil Kramouille de ses aïeux, rassurant ses amis que les vies font échos aux décès, et qu’il n’y a pas de mariages heureux. En bon chirurgien, Mirlen lui flanqua son poing dans le nez, puis il examina la plaie suintante, résigné et mélancolique, car elle n’était point belle à voir. C’est alors qu’une bande de marauds issus de la population autochtone arriva justement vers eux, une trentaine de cavaliers visiblement pacifiques et assis sur des chevaux bellement harnachés, guerriers affables maîtres de ces lieux qui demandèrent poliment s’ils pouvaient leur fournir un peu d’aide :

 

– Wesh cousin, bien ou bien ? Ton chum m’a tout l’air d’avoir eut affaire à cte tabarnak de grizzly qui sent trop la marde. Viens t’en donc avec nous autres qu’on se nomment  les Troglobites, qu’on va soigner comme il faut ce gars-là qu‘a l‘air de filer croche, vu que je vois bien à son chandail déchiré qu’il vient de se faire tatouer un trou de cul dans l’bide. Mais bon, c’est pas si pire, on verra c’que pourra faire pour lui not’ toubib. Alors, t'en veux -tu ?

 

– Certes, point ne saurions refuser votre aide providentielle, car nous trouillons à l’instant pour la vie de notre ami, répondit Mirlen, tout en cachant l‘étonnement que suscitait en lui l‘arrivée des nouveaux venus à la solidarité magnifique.

 

– Correct, alors grouillions nous de rejoindre Bozob, notre bienheureuse capitale cachée dans les falaises plus au nord, et laissons là cte câlisse d’épais d’ours à chier au QI de zéro, après lui avoir décollé sa crisse de peau, qu’est ben pratique quand-même à nous autres, les bons trappeurs, pour passer l’hiver dans le Poingé. En plus de tsa, c’est cool, Bozob c’est tout près d’là.

 

Et c’est ainsi qu’ils emboîtèrent leurs pas aux amicaux Troglobites, gens singuliers à l’accent pittoresque autant qu’étrange, et recouverts de tuques et mitaines habilement tricotés par leurs braves épousées. Les hommes de la caverne prirent tout le monde en croupe, après avoir placé le pauvre Hivalanoué maintenant évanoui, bien enveloppé dans son propre mantel sur un travois sommaire. Les Troglobites changeaient tant dans leurs manières des Onkulés sanguinaires aux meurtres violents, que la communauté fut bien aise d’apercevoir un peu plus bas le gigantesque et profond terrier bourré de détritus qui composait Bozob, ville troglodyte gigantesque creusée au flanc du gouffre du Poingé.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:42:47
n°43180460
talbazar
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Posté le 10-09-2015 à 13:39:28  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 61.

 

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Tout en se rendant au commissariat où elle avait reçu convocation par Gaston Denoël, le cœur de Gwendoline bondissait d’une allégresse qui n’avait rien de subliminale. Elle avait bien eu confirmation par la jeune France Loisirs que Cassandra avait un fiancé, un type appelé Jean Flammarion. Si la rousse aide-soignante n’avait pas de vue sur Jason, cela remettait sa propre pendule affective à une heure plus lumineuse. Elle se sentit prise d’une étrange fièvre dans le froid matinal, prête à livrer désormais aux policiers le moindre détail de ses dépenses mensuelles. Une citoyenne en toute transparence incarnée dans le corps d’une brave infirmière, lequel n’était rien d’autre, de toute évidence, qu’un époustouflant temple de la beauté. Elle répondrait poliment à toutes les questions du commissaire Mensinq selon le niveau d’information souhaité. Bientôt, elle réglerait ses comptes à l’amiable avec Babette, Jason lui reviendrait enfin et c’était la seule chose qui lui importait désormais. Elle s’imaginait déjà allongée nonchalamment sur la banquette première classe d’un train luxueux filant vers un magnifique pays monarchique, électrisée dans le compartiment par le sourire fabuleux du docteur Jason Halrequin enfin devenu son époux comblé. Oui, à 300 à l’heure, leur face-à-face intimiste obligerait Gwendoline à périr de jouissance sous le coup d’un plaisir surhumain, puisqu’il aurait finalement décidé de porter une alliance. Qu’importerait alors l’agaçant problème d’avoir à choisir pour ce voyage la meilleure lingerie susceptible de l’affoler ? Ce Flammarion donnait aux espoirs de Gwendoline un second souffle et ses yeux d’un bleu si pur se tournaient désormais vers un présent radieux, où la certitude d‘aimer Jason lui traçait un îlot de douceur dans l‘océan fadasse de ses journées.

 

Lorsqu’elle arriva au commissariat, Edith Plon l’accueillit cordialement, mais Gwen n’avait pas de chance car ce jour là, c’était bad cop et Mensinq avait déjà rempli sa baignoire. Denoël semblait absent, occupé sans doute à trainer sur l’autoroute Helvétique derrière un go fast. L’infirmière ne devait pas mentir, selon le commissaire, puisque c’était un principe à ne jamais oublier et qu‘à l‘évidence, ça méprisait l‘intelligence. Comme il craignait par-dessus tout la langue de bois, il poussa néanmoins Gwendoline dans le petit bain électrifié, en lui demandant en préambule si les ampoules de la 32 étaient à vis ou à douille. Gwendoline se vida rapidement de toute substance, car Mensinq manipulait mieux son interrupteur que l’humour. Surtout qu’il venait juste de voir sur internet un documentaire édifiant racontant les heures noires de la terreur, pendant la révolution des Français. Sauf que ces communistes là n’avaient pas encore inventé l’électricité, ce qui n‘avait pas empêché un certain Marat de calancher dans une baignoire. La boucle se bouclait donc autour du cou de sa proie accablée, qui reçut des électrons investigateurs pendant trente minutes durant. Edith Plon vint plusieurs fois faire chier pour rappeler à son collègue quelques règles de sécurité et proposer un sandwich à Gwen, que Mensinq refusa à sa place, vu que par prudence et pour éviter l’hypothermie, on ne mange jamais dans une baignoire.

 

– J’ai travaillé dur pour être celui que vous craignez, mademoiselle, et vous êtes sur le fil du rasoir. Vous ne cessez de proclamer une certaine innocence, et pourtant, vous piquez sans arrêt des barbituriques à votre patron. Oui ou non ?

 

– Juste un peu. Des fois. J’ai du mal à dormir.

 

– Ma collègue a retrouvé exactement 645 boîtes de Lamitabonnemine Générique volées planquées dans votre vestiaire. Suffisant pour générer tous les jours un programme très parallèle à la bonne marche du cerveau d’une honnête infirmière. J’ai pas raison ? Comme elle tardait à répondre, il envoya une petite dose de jus pour la faire un peu frémir. Non seulement vous êtes une voleuse, mais en plus vous mentez, pourquoi avoir accusé votre collègue l’Harmattan de sniffer la schnouf, c’est vous qui avez posé la drogue qu’on a retrouvé dans son sac, avouez !

 

– C’était une idée de Babette Gallimard, je crois bien.

 

– Son tour viendra, c’est à vous que je parle.

 

– Non, c’est Babette.

 

– J’ai très envie de vous faire connaître pour un bon moment la perversion du système carcéral. Il goûtait de moins en moins les mensonges de cette jeune peaumée. Pourquoi elle aurait fait ça ?

 

– Par amour pour Jason, elle a sans doute voulu évincer Cassandra, en qui elle voyait une rivale. C’est par jalousie, faut l’excuser.

 

– T’es douée pour la loufoquerie, bon, vas-y, signe l’aveu de tes vols et barre-toi, on t’ appelera plus tard, mais tu ne quittes pas la ville. Après tout, se disait-il, une coupable en valait bien une autre. Il se préparait donc à convoquer cette Gallimard pour qu‘il s‘explique devant elle, et non pas le contraire.

 

Après que Gwendoline eut quitté le commissariat en chancelant, la reconnaissance de ses vols de tranquillisants et la dénonciation opportune de Babette répandirent leur lumière sur la feuille posée bien à plat au centre du bureau encombré de Mensinq, avec les félicitations d’Edith Plon. Celle-ci, plutôt fière de ses propres conclusions qui confortaient cette réalité, relâcha aussitôt Cassandra, laquelle avait été placée en attendant mieux dans la solitude secrète d’un cachot, en plus d’avoir été condamnée à nettoyer tous les carreaux du commissariat. Avec une étreinte chaleureuse, chacun pria Cassandra de bien vouloir excuser une légère méprise, laquelle venait d’être balayée par une enquête rigoureuse. On lui fit également gentiment remarquer que le dépassement abusif de sa garde à vue ne regardait qu’eux. C’est ainsi que temporairement blanchie des accusations d’usage et trafic de drogue fomentées contre elle, Cassandra retrouva son poste à la clinique Saint-Bernard, bien décidée de son côté à régler quelques comptes avec certaines infirmières de sa connaissance. En apprenant son retour, Babette et Gwendoline prirent justement chacune une semaine d’arrêt maladie.

 


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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:44:07
n°43202235
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 12-09-2015 à 15:27:31  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 08.

 

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Un petit coup d’œil au strobo-périscope, un autre sur le dipole réflecteur, pas de couilles dans l’embout magnétique supraconducteur et rien à signaler de particulier concernant le fonctionnement du canon laser gauche à particules de Zions. Le commandant de bord du transbordeur terrien So long sucker, le capitaine Merval, barbu, cheveux en catogan et clope au bec, se prépare tranquillement à filer les commandes principales du lourd cargo à son second pour aller se détendre dans sa cabine, sur le mur de laquelle il a fièrement exposé son « Space Captain Trophy » récemment gagné. L’énorme vaisseau aux soutes chargées d’Eméraldite pure en provenance du bras de Persée, à 12.000 années luminiques de la terre, embrase la nuit cosmique de sa multitude de feux de position d’un bleu étincelant et des lueurs encore plus vives lâchées par ses réacteurs zionniques. Les 114 humains qu’il transporte ne sont à vrai dire que de pauvres petites entités de chair occupées à l’intérieur, selon leur poste, à faire vivre la bête et ramener au plus vite sur la terre la précieuse cargaison. Le vaisseau glisse sur une trajectoire rectiligne en dégageant autour de ses flancs sombres un imposant nuage de plasma qui se diffuse rapidement dans le vide. Dans le couloir blanc, pressé de rendre grâce à son éminence sur son autel domestique, le solide gaillard Merval attrape au vol une canette de Glou fraiche tendue par un robot aussi bienveillant que réfrigérant, un de ces Magnatron MF2 à la con, si communs dans les transbordeurs défédérés. Au moment où il arrive près de chez lui, son implant résonne de la voix du second, qui lui signale une fusée de tourisme à deux heures au radar, approche visuelle dans 23 heures. Etonnant, se dit simplement Merval, un si petit propulseur égaré dans ce coin-là.

 

– Ouais ouais, fait le capitaine, encore un foutu suicidé sans doute, mais qui a tout de même intérêt de me saluer au passage quand on le croisera ! En attendant, au panneau central, pompes primaires A et B sur position on, et puis le reste on s’en fout.

 

– Roule ma poule, commandant. Du moment qu’il a pas l’intention de se crasher sur nous par désespoir, ou qu’on vienne à découvrir un pote à lui clandestin sur le So long sucker, ce minuscule astronef peut bien filer où il veut ! Il m’a l'air bien trop petit pour être un foutu pirate, de toute manière.

 

Mais Merval ignore encore que la course de cette fusée qu’il va croiser dans l’isolement galactique ne doit rien au geste d’un désespéré ou d‘un forban de l'espace, puisque cet engin n’est autre que la Marie-Jeanne, dans laquelle Soisig tient toujours en respect ses otages. Elle s’approche doucement d’eux, adoptant un air résolu, comme le jour où elle s’était fait dépuceler à 14 ans. Dans ses veines coule le sang d’une mère martienne, et c’est peut-être en pensant à elle qu’elle règle son lasergun, un coûteux atomic pistol de Lesney, le très fameux Space Outlaw Atomic Pistol, pour envoyer un simple mais efficace rayon paralysant sur Emeline et Basile. Bien que parfaitement conscient, le couple plonge de suite dans un abandon fatal qui les prive de la possibilité d’effectuer le moindre mouvement, pour quelques heures. Soisig retourne ensuite soulagée vers le cockpit, un sourire doux illumine son visage lorsqu’elle actionne le télécasting holographique dans lequel elle aperçoit en brillance Karela Borounie, la femme de Fanch Yoland qui est aussi sa meilleure amie. Bien que fille de commerçant, la martienne avait trouvé un travail au service administratif relatif aux imports pelleteuses, mais depuis les évènements, elle accompagne fidèlement son mari au cœur des combats.

 

– Comment ça se passe, Soisig ? tu peux me parler sans crainte, Grand Contrôle est dans les vaps.

 

– Alors c’est comme mes deux zigs, puisque je viens de les paralyser. Je file vers le bras de Persée, comme prévu. J’ai juste un peu mal au bide, mais ça devrait passer.

 

– Nikos Sirkisi vient de décréter la loi martiale sur Mars. A mon avis, il chie dans sa combi, notre victoire est pour bientôt. Nos troupes viennent d’ailleurs de faire sauter un nouveau champ minier près de Zaranj, et de détruire cinq Draxel Space Tanks plus trois Shaleclairs. Sans pratiquement de perte matérielle pour nous. Les accrochages sont de plus en plus nombreux. Les soldats de la force défédérée sont à tes miches, ceci dit, mais avant qu’ils te trouvent, notre soleil s’éteindra. Elle éclata de rire.

 

– Sirkisi va quand même recevoir l’appui pas trop discret du congrès terrien, ça n’est pas encore l’assaut final, Karela. On est encore loin d’avoir frappé le système militaire défédéré martien en plein cœur. Espérons tout de même que notre petite magouille obligera pour le moins le président à démissionner rapidement, qu‘il paie ou non. De toute façon, pour lui, c’est le début de la fin. Et souhaite bon courage de ma part à ceux qui se battent et meurent dans les dunes, bientôt, on dansera sur le bord des cratères. Excuse-moi, je me sens pas trop au top, là, je vais te laisser.

 

Soisig effaçe l’image de son amie, car une violente nausée lui soulève désormais l’estomac. Elle pose sur le tableau de bord son lasergun qu’elle tient toujours en main, mais le sentiment d’être malade devient une certitude, surtout lorsqu’elle vomi une grosse et drôle de glaire verdâtre sur les commandes. Elle ne remarque même pas l’approche d’un cargo à vingt heures. Elle chancelle et transpire abondamment, oubliant le rêve d’une indépendance de sa planète natale, d’une humanité libérée de l’industrialisation massive, puisqu’elle est décidée à contrer l’exploitation systématique des ressources martiennes et les spéculations scandaleuses des administrants de tous les pouvoirs défédérés. Il est certain que le jardinage devrait jouer un grand rôle dans le futur. Elle dégueule à présent dans la fusée une bile verte et odieuse, avec autant de force qu’elle le fait d’habitude au figuré sur la crapuleuse sphère marchande de l‘élite terrienne. Quelque chose est en train de naître dans ses entrailles, un machin qui lui déforme le ventre et qui n’a rien à voir avec une prise effarante et soudaine d’obésité. Basile et Emeline assistent impuissants à ses convulsions douloureuses, mais il en faudrait beaucoup pour qu’ils se mettent à partager sa souffrance si clairement démontrée. Soisig se roule à présent par terre en se cramponnant le ventre comme si une meute de chien lui dévorait les tripes, Emeline balance une vanne sur les règles douloureuses, histoire de faire semblant de partager l’empathie, mais elle vient de se souvenir que la blondasse a été piquée par une Libelloustique, et que son mal vient peut-être de là.

 

– Merde, fait-elle en voulant se lever, ce qui lui est impossible, cette salope est contaminée et nous on ne peut même pas bouger un cil  !

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:45:30
n°43217134
talbazar
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Posté le 14-09-2015 à 10:20:42  profilanswer
 

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Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 38.

 

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Pubi Senfouyî marchait de nouveau sur ses cannes, mais le chef du chantier naval était encore fort diminué. Il se trainait péniblement d’un divan à l’autre, son bol de bière à la main, brassant les feuillets de papyrus où il corrigeait les plans de ses navires, soignant en particulier celui de la reine. Sous le ciel chamarré agité par les grands tissus chargés de lui procurer une ombre salutaire, il regardait plus bas les berges du Nil, bruyantes d’une multitude d’esclaves hébreux qui se filaient entre eux pas mal de briques. Une patrouille de soldats aux tenues beiges les croisa dans l’indifférence, fouettant juste le sable en cadence de leur curieuses sandales aux pointes recourbées. Partout autour du palais, Merdenkorinnanâr avait fait renforcer la garde. Les hommes aux lourdes piques et aux cuirasses brillantes disparurent dans un gros nuage de poussière, après avoir salué les porteurs de fouets. Comme il levait son doigt mouillé pour voir d’où venait le vent, l’un des briquetiers promis quelques nuages de grêle qui tomberaient sur l’Egypte dans la semaine, un de ses collègues lui brisa sa cruche sur la tête pour le faire taire, puis les autres l’enterrèrent dans la mare de boue d’où s’extrayaient les précieux parpaings d‘argile. Pour l’instant, une simple brise venue du sud agitaient faiblement les palmes des arbres égayant les toits, ainsi que les hauts drapeaux bleus fichés sur les terrasses en l’honneur de la fête de Sed. Quelques types glandaient en famille aux pieds des statues de béliers colossaux, probablement des visiteurs étrangers à Tépafou qui n’avaient pas trouvé de chambre d’hôtel, puisque la plupart des auberges affichaient complet. Planqués par quelque pilier, d’autres s’exerçaient au tir à l’arc pour faire un peu de place. Derrière les voiles en coton blanc qui masquaient sa chambre, on entendait la reine crier de plaisir, car elle était en conversation privée avec le scribe Phimosis. Dans le délire de sa jouissance, elle l’appelait toujours « my sweet lord Antony », et Pubi Senfouyî se demandait bien pourquoi, sans avoir jamais trouvé la réponse. Un garde vint le trouver une heure plus tard, pour lui dire que la reine le convoquait dans ses appartements, afin de picoler un peu de vin en matant quelques danseuses attrayantes.

 

Le chef de chantier clopina donc jusqu’à la pièce de marbre gris luisant et poli, où il trouva Néefiertarée en train de se faire gentiment peigner sa perruque blonde par son amant. Comme le résultat lui plaisait moyen, elle retira ses cheveux pour les remplacer par un beau couvre-chef d’or pur à tête d‘Horus, dont les larges ailes descendaient sur ses tempes en masquant ses oreilles. Mais là non plus, elle ne fut pas satisfaite. Elle attrapa alors une longue moumoute brune en poil de chameau, si longue qu’elle lui cacha les seins. Reine de l’Egypte basse et haute, c’était un pur métier. Une belle colombe traversa la chambre pour aller chier sur le lit recouvert d‘une belle soierie mauve et chatoyante, le guépard royal en fit rapidement son affaire. Deux ou trois jolies danseuses qui ne revêtaient que de simples ceintures dorées à franges étaient déjà en train de se rouler par terre en souriant. La pharaonne invita Pubi Senfouyî à s’approcher d’elle pour qu’il lui masse un peu les pieds.

 

– Alors mon petit bonhomme, ça va mieux on dirait ? c‘est bien, tu vas pouvoir rouvrir le chantier, il est temps que je parte pour Halopolis. Elle remua un peu les fesses, car la peau de chèvre sur laquelle elle était assise lui grattait méchamment le cul.

 

– Faut que je fasse importer pas mal de bois de Phénicie, ça va prendre un peu de temps, vu qu’on doit construire d’abord les bateaux pour le transporter, fit son vis à vis convalescent, tout en jetant un œil distrait sur la petite chatte sacrée posée sagement endormie en face de lui sur le lit.

 

Phimosis mâchouillait quelques dattes, amusé par la diligence du charpentier. Un serviteur vint en portant deux ananas, afin de demander à sa souveraine lequel choisir pour préparer les cocktails. Néefiertarée remercia à la fois l’homme et Pubi Senfouyî pour leur service, puis elle alla s’asseoir en tailleur sur la peau de son guépard précédent. Elle se fondit ainsi d’une manière impressionnante sur les vastes fresques qui décoraient le mur derrière elle, dont les dessins et les hiéroglyphes chantaient ses louanges et sa gloire éternelle. Œuvrés en délicats serpents dorés qui se lovaient sur la peau de ses bras nus, ses bracelets scintillant à chacun de ses mouvements la paraient d’étoiles éphémères, qui n’empêchaient cependant nullement les deux hommes et les musiciens de mater furtivement ses seins magnifiques, lesquels apparaissaient de façon fugace derrière les mèches de la longue perruque noire. Il se pourrait même qu’une des danseuses en loupa elle aussi quelques figures, malgré un premier prix de musique et poésie, puisque ses copines lui roulèrent un instant dessus. La table basse dressée pour l’occasion s’encombrait à présent d’une foule de victuailles audacieuses destinées à prouver la richesse de la reine, sous les yeux des nombreux serviteurs, envieux de lècher quelques restes après son départ. Ils continuaient cependant mine de rien à agiter mollement leurs beaux éventails en plumes colorées, histoire de chasser les mouches à merde attirées par les mets somptueux du festin offert en l‘honneur de la déesse Nout, puisque la nuit allait certainement tomber. Néefiertarée piochait dans sa gamelle des choses rares et juteuses et recrachait les mouches, riant de voir l’un des esclaves botter le cul d’un flamand rose entreprenant qui le gênait dans son service.

 

– Le Heb Sed n’est pas fini, j’ai encore quelques trucs à prouver au peuple, après ça sera plié. Mais j’aimerais bien qu’on réactive mon chantier au plus vite, j’ai hâte de naviguer sur le Nil.

 

– Je viens justement d’embaucher un nouveau sous-directeur des constructions navales. La part belle sera faite à ton propre bateau, avec dans les cales de nombreux espaces intimes, et tous les Tépafins ont battus le rappel de leur copains et copines amateurs de bricolage. On fera même des économies en utilisant pour l’accastillage des voiliers quelques déchets pré-triés, une première dans l’histoire du pays. Sur le chantier, les cuves de stockage de bière sont pleines à ras-bord, pour éviter quelques explosions ouvrières. Sur les berges, j’ai fait virer quelques fermiers pour dégager plus de foncier et le libérer en vue de mon activité économique porteuse d’emplois. J’ai d’ailleurs donné des ordres pour jeter les médiateurs et les conseils de quartier aux crocodiles. Tu vois bien qu’en dépit du fait que je ne sois pas encore parfaitement rétabli, ton chantier se réorganise à merveille.

 

– Alors c’est cool, on traverse une période difficile pour l’Egypte et je ne peux plus augmenter la pression fiscale, il faut bien que j’entreprenne un projet responsable, histoire de manœuvrer plus facilement mes foules. Et quoi de mieux qu’une petite ballade de leur reine adorée au milieu du Nil, avec tout le décorum ? bon, les danseurs et les musicos, là, vous remercierez vos profs du conservatoire de Memphis, et qui ont su réveiller l’artiste en vous, c’était très chouette, mais à présent je vais me coucher, demain, pour ma dernière épreuve de Heb Sed, il va falloir que je redresse un obélisque, si c’est pas deux.

 


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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:47:06
n°43249542
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 16-09-2015 à 21:57:03  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La Saga du trône de Fion - Sur la queue du dragon. Tome 1. Extrait numéro 65.

 

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De grands géoglyphes gravés avec habileté dans la roche signaient l’art raffiné des Troglobites, tous reflétant d’une façon admirable l’idée surnaturelle de moutons décapités. Sur plus de cent mètres de crête, de nombreuses figurations dynamiques d’herbivores mystérieusement sans tête gambadaient ainsi tracés sur les flancs du gouffre, ce qui provoqua l’admiration immédiate de Mirlen, mais le plongea également dans une profonde perplexité. Il désigna de son doigt décharné les nombreux symboles qu’il voyait :

 

– Par diantre Kramouille, messire le Troglobite, mais pourquoi donc ces bestiaux n’ont jamais leur chef ?

 

– Ben c’est que le fucking pété de gars qui les a tracé savait pas trop dessiner leur ostie de caboche, vois-tu. Bon, je t’ai pas dis mon nom, ça serait bon à savoir, vu que vous allez tous cabaner chez moé, que j’m’appelle Brakmar à la braguette velue, pour servir à vous autres.

 

– Et bien, nous sommes fort aise de vous avoir rencontré. Il se présenta lui-même, ainsi que les autres qui les suivaient en retrait.

 

– Tu me dis pas ce qu’un crakpot comme toé vient faire par icit.

 

–  Nous sommes la communauté de la gnôle du royaume de Fion, et nous comptons nous rendre sur le volcan du Guilidoris pour y quérir de la pinette, afin de soigner notre jolie reine à la fleurette glacée.

 

–  Une crisse de virée que tu comptes faire là, non mais t’es pas fou brac ? et pis ça pas suffit de se cogner avec ces faces de pet d’Onkulés, que tu m’as déjà dit ? et pis tu veux galoper encore plus au nord ? Tout ce que tu vas trouver là-bas, c’est des gars de même que ces osties de mardes d’orignal de cannibales. Nous autres, on tape dessus pour leur fait crisser poing dans face, dès qu’on en trouve un, c’est pas ça qui manque sur c’te ciboire de Mont velu.

 

– Point ne saurons reculer, noble messire Brakmar à la braguette velue, il le faut, par l’honneur que nous avons tous juré sur le grand Livre de notre Sainte Kramouille.

 

On fit silence, car la pente se montrait plus raide, rendant désormais les lieux impraticables pour les chevaux. Brakmar désigna un mince sentier qui descendait jusqu’à la ville encore fort éloignée, bien que parfaitement visible. Une peur glaçante travailla les visiteurs, à la vue de l’étroit passage au bord du vide qu’il leur faudrait désormais emprunter à pied, puisque les autres allaient de leur côté faire un long crochet avec les montures. Brakmar confia les rênes de sa jument à l’un des siens, puis il invita ceux de la communauté à le suivre, tout en leur recommandant de bien regarder où ils mettaient les pieds :

 

– Coute moi bien, gars, fais t’en donc bien gaffe à pas chuter, parce que si tu tombes dans le bas, ça risque de cogner sec en ostie, pis après ça, c’est sûr que tsra ben amanché ! sans compter qu’nous autres, faudra ben qu’on aille te chercher, ça nous fera pas trop cramper, que je te dis.

 

– Aussi, quelle idée madrée d’habiter si haut perché, fit Erald, en exprimant tout bas sa propre pensée à dame Helga qu‘il crochait fermement contre lui.

 

– A moi ces maroufles m’ont l’air un peu consanguins, et pas trop fichus de me faire reine, ceux-là, je crois bien.

 

– J’ai trouvé ! fit Mirlen sous le coup d‘une soudaine inspiration, j’ai déjà entendu ce parler à l’accent Troglobite en jasant un jour avec l’esprit de la grande forêt, pour qu‘il nous guide au mieux à travers la Kounass.

 

Et puis personne ne dit plus rien, car chacun s’occupait à suivre attentivement la courbure du chemin périlleux. Malgré l’urgence que commandaient ses soins, Hivalanoué était resté par prudence avec les cavaliers. Brakmar marchait fièrement devant, en faisant tinter les mollettes de ses éperons qui lâchaient des étincelles sur les cailloux, tout en jetant de temps à autre un œil pour surveiller ses protégés. Tout son être s’incarnait dans la force de ses rires, mais ce n‘était qu’un voile fragile qui masquait la sévérité du guerrier. Le genre de gars à affronter la question du divorce ou le départ de sa fille avec une autre de manière très frontale. Ni peintre ni danseur, mais solide combattant sans langue de bois qui s’était taillé une belle carrière à la pointe de l’épée parmi les siens, avec du sang d’Onkulé ou autre plein ses mains. Un homme tout à fait banal jusqu’à ce qu’il pète une lance. Un colosse chauve qui avait sans doute depuis peu perdu son dernier cheveu, et une petite déformation du pied le faisait légèrement boitiller remarqua Mirlen, à qui rien n’échappait. L’appui de ce peuple qui les accueillait si chaudement réconfortait cependant le magicien, car il avait sa soupe de ces dangereuses contrées.

 

Comme ils arrivaient dans Bozob, il s’avoua que la maîtrise architecturale des Troglobites révélait de nombreux coups de génie, puisque toute la ville faisait corps avec la grande falaise, un pur joyau minéral qui s’élevait à plus de cent mètres au-dessus du Poingé. De nombreuses caches et grottes formaient les maisonnées, où s’activaient de nombreux fumeurs de cannabis, afin de mesurer au mieux l’ampleur et la durée des travaux de réfection des échelles écroulées. Quelques jeunes appelaient dans un coin à manifester pour qu’on leur foute la paix avec ce genre de corvée. Toute la montagne était bordée d’immeubles et de grottes, dont l’entrée principale s’enrichissait de jolies portes sculptées, et toutes les fenêtres se maquillaient de gracieux rideaux en poil de lamas, puisque ces bestiaux servaient également de bêtes de somme aux Troglobites, en tant qu‘entités privées et publiques. L’assaut des tempêtes hivernales avait ruiné ça et là quelques édifices, que personne n’avait réparé en raison des manifestations de jeunes. Une eau claire provenant de quelques cascades arrivait jusqu’aux clôtures des maisons pour approvisionner la cité, et les habitants la gardait au calme dans de petits bassins creusés à même la roche, pour s’y baigner en faisant leur lessive. Après avoir admiré la facture de la belle rue principale gravillonnée sur laquelle ils s’engagèrent, ils reniflèrent à loisir l’absence de ventilation dans les grottes, d’où s’échappaient par instant des fumets foudroyants. Quelques paysans leurs firent un salut nonchalant, tous en jetant à la volée dans le vide leurs bêtes malades ou estropiées.

 

– Tiens, Mirlen, vois t’en, on go à l'maison, fit joyeusement Brakmar, montrant fièrement à tous son étonnant logis devant lequel il fit halte, tout en décrochant avec un bâton une merde de chien collée à son éperon.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:48:50
n°43271437
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 18-09-2015 à 17:41:53  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 08.

 

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A présent, Soisig n’en mène pas large, et sa destinée s’annonce très sombre. Elle se roule sur le sol, en proie à une terrifiante agonie, elle s'agite comme un pois sauteur dans le cockpit, perdue sous le choc d’une soudaine crise d‘épilepsie, prise inexorablement dans un horrible piège invisible qui la dévore de l’intérieur. Elle n’a même plus la force de brailler, plongée dans la tourmente de sa douleur, ses beaux yeux se révulsent entièrement pour offrir un masque hideux qui lui déforme à présent les traits du visage, ses coudes et ses jambes se soulèvent avec violence au gré des spasmes ravageurs qui la secouent d‘une manière grotesque. Bientôt, elle cesse complètement de remuer pour émettre enfin un son rauque et enroué qui appelle sa délivrance. Cet ultime cri couvre toute la gamme de la plus infinie détresse, mais son corps n’appelle plus à l’insurrection, et semble se soumettre enfin. Et puis quelques derniers râles s’entrechoquent dans le fond de sa gorge, elle mugit atrocement, puis elle halète par brusques saccades, poitrine soulevée, et écarte grand les jambes pour expulser un œuf poisseux par la voie naturelle. La chose est d’un blanc gélatineux, pas plus grande qu’une balle de ping-pong, une minuscule boule de vie qui roule entre les cuisses dévastées et sanglantes de sa mère porteuse, maintenant décédée par l’effort innommable

 

– Nom de dieu, fait Basile, c’est quoi ce truc ? toujours paralysé, il regarde la bille blanche et molle pulser son existence immonde, mais la chose n’entre en rien dans la liste des choses qu’il connait.

 

– En tout cas, répond Emeline, cette garce est enfin morte et c’est tant mieux. On va pouvoir reprendre le contrôle de notre fusée. Mais va savoir où on est rendus !

 

Seulement, les effets du rayon paralysant sont toujours bien actifs, ce qui les maintient pour un moment encore dans une impuissance dramatique. Comme son implant est cependant toujours fonctionnel, Basile interroge sa doc sur la faune galactique, et plus précisément celle de 92918JN-Lady Gaga. Connecté à son nerf optique, l’implant utilise l’image reçue par son cerveau, puis sa prothèse consulte l’encyplodédie générale des aliens, très photoréaliste, afin de lui donner une réponse probable.

 

– J’ai trouvé, Soisig vient de pondre un œuf de Blauquevécé, un annélide sans système respiratoire organisé, à reproduction dite parthénoballistique, parce qu’il utilise la piqûre des Libelloustiques, qu’il contamine de ses gonades, pour s’introduire ensuite dans un hôte et s’y développer à l’état larvaire. Pas de membres supérieurs ni inférieurs, l’encyclo les dit sanspèdes. Cette saleté de mollusque est carnivore, également. Si on la laisse grandir, la bestiole va sans doute chercher à nous bouffer, sans probablement beaucoup d‘élégance, mais avec pas mal de sincérité.

 

– C’est absurde, on reste là à regarder ce machin sans rien faire, en attendant qu’il passe à table ?

 

– Il faudra encore trois ou quatre heures avant qu’on puisse se lever et écraser cette merde, mais je vois également que sa croissance est extrêmement rapide et phénoménale, sachant qu‘elle peut atteindre 0,25 lomètres de long à taille adulte, il se peut qu’elle n’attende pas aussi longtemps. Les Blauquevécés ne vivent à l’état adulte que le temps d’une seule journée, et ils n’ont nullement besoin d’un partenaire sexuel pour se reproduire, puisqu’ils se débrouillent tout seuls, du moins sur leur planète d’origine. Et à condition de trouver une Libelloustique.

 

Effectivement, l’œuf s’ouvre maintenant en deux en éclatant sa paroi blanchâtre pour laisser échapper, dans un répugnant flot de pus jaune, une sorte de mince ver rose qui s’en extrait lentement avec tout de même une remarquable fluidité. La petite limace se met alors à dévorer avec avidité les restes de son propre cocon.

 

– Moi je te le dis, Basile, cette conne de Soisig vient d’accoucher d’un bidule sans âme et franchement dégueulasse. Tu parles d’un héritier !

 

– Au moins, les motivations de ce gastéropode gluant ne sont pas mystérieuses, regarde bien, il grandit à vue d’œil ! J’envisage pour nous le pire des scénarios si cette bête s’approche de nous. En disant çà, il se sent lui-même mis en échec par son impuissance. Dans de telles conditions, l’esprit de résistance n’est pas chose aisée.

 

– Si seulement on pouvait couper la gravitation, cette saloperie resterait collée au sol par sa glue, et nous, on volerait jusqu’au plafond pour lui échapper.

 

Mais ce ne sont que des mots, Emeline non plus n’en mène pas large, elle envisage son corps inerte comme on considère un réceptacle vide et inutile, un emballage de chair encombrant qui ne reçoit aucun ordre du cerveau. Le blauquevécé se retourne lentement vers le cadavre de sa malheureuse génitrice, pour commencer à la dévorer, ce qui offre un spectacle atroce au couple tétanisé. Mais ils remarquent le temps infini pris par chacun des gestes accomplis par le monstre pour mutiler la viande de sa propre mère, parce qu’il procède dans tous ses mouvements avec une grande parcimonie d‘exécution, ce qui le fait évoluer à chaque instant avec la plus extrême lenteur.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:50:10
n°43311137
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 22-09-2015 à 17:19:46  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 62.

 

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Le soir de sa libération, Jean Flammarion vint retrouver Cassandra chez elle, mais il se fit violence pour ne pas l’alarmer et il ne parla pas des dangers qu’elle courait, comme d’ailleurs tout le personnel de la clinique. Il avait mis au point un scénario avec le docteur Halrequin pour livrer la cocaïne à Danielo Filipacchi le lendemain, afin de respecter l‘ultimatum donné par ce dernier. Ce qu’ignorait tout de même le fiancé de l‘infirmière, c’est que pour ménager la chèvre et le choux et ne pas éveiller les soupçons des flics, Jason avait décidé de remplacer la schounf par de la farine non biologique, puisqu’elle coûtait moins cher. En revanche, Cassandra n’en finissait plus de s’épancher d’injures envers ses deux collègues, qu’elle accusait de vouloir la faire virer de son boulot, voir la flanquer sous les verrous pour dix ans au moyen d’odieuses accusations. Tout en battant son omelette aux champignons, elle se rendait bien compte de la nervosité inabituelle qui habitait son homme, lequel se montrait d’ordinaire d’un calme olympien. C’était un type merveilleux aux qualités multiples, véritable incarnation d’une virilité ni dangereuse, ni vénéneuse, puisqu’il était l’homme avec qui elle partageait quelquefois ses heures, mais pas son loyer. C’était certainement une chance inouïe pour l’aide soignante qu’il n’eut jamais désiré être moine trappiste. Et puis cette admirable façon qu’il avait de savoir gérer ses anodines pulsions agressives, lorsqu’il massacrait les guêpes introduites dans son studio avec un torchon humide. C’était un garçon gentil, bien que souvent mal fagoté, qui avait une telle manière de parler de lui qu’on en oubliait aussitôt tout le monde, surtout lorsqu’il lui disait qu’en toute circonstance, le mieux était toujours d’être soi. Pour Cassandra, il avait le statut de héros domestique, bien qu’elle pu déceler chez lui les signes discrets d’une phobie des pigeons et d’une manière plus générale, de la pollution urbaine. Comme ils n’avaient jamais pris l’avion ensemble, elle se demandait s’il n’était pas également victime d’aérodromophobie, ou si simplement le prix d’un billet pouvait l‘effrayer ; enfin bref, du moment qu’il goûtait le ravissant caraco prune qu’elle portait ce soir là en touillant ses œufs, elle se félicitait de l’avoir rencontré un an avant dans un magasin d‘électroménager. Jean Flammarion était grand, mince et bel homme, il avait l’œil sombre et savait s’asseoir correctement sur un divan. Même si, en matière d’économie budgétaire, il prouvait cependant à chaque sortie commune qu’il avait un supercalculateur dans le moteur. L’avantage d’être amoureuse, c’est que ça ne lui faisait jamais rien de payer pour deux, malgré les désirs de luxe affichés par son ami.

 

Jean avait insisté fortement pour accompagner le lendemain sa fiancée à la clinique Saint Bernard. Il disait vouloir discuter avec le docteur Halrequin, et Cassandra ne s’en étonna même pas. Selon la jeune France Loisirs assise derrière le grand bureau en train de pianoter sur son portable, le mandarin n’était cependant pas disponible pour le moment, puisqu’il était en train d’opérer en bloc 02. La miss de l’accueil pria donc Jean de bien vouloir patienter un bon moment en face d’elle. Cassandra fila se changer, mais de son côté elle se dirigea ensuite d’un pas décidé vers la salle d’opération. Un tube catholique jouait en sourdine pour relaxer les chirurgiens en train d’inciser bravement leur patient. Le léger murmure prouvait que la mort de celui-ci n’était pas survenue. L’infirmière Justine Pol, seule avec eux, vérifiait la titration morphinique du docteur Gründ pour éviter chez lui quelque effet secondaire, alors que Jason se contentait pour sa part d’un mélange protoxyde-azote-oxygène qui n’arrêtait pas de le faire sourire. Surtout à chaque fois qu’il jetait un œil sur la radiographie d’épaule de face du type qu’il était en train de fouiller, en l’occurrence le 11, lequel souffrait d’une pathologie de la soif.

 

– Ah bonjour Cassandra, je suis ravi de vous revoir parmi nous, ma petite chatte, non mais vous avez vu la gueule de cet espace sous-acromial, c’est à pisser de rire ! Il ne s’en priva pas.

 

– Où qu’elles sont les deux putes qui vous servent d’infirmières, vous savez très bien de qui je parle, j’ai deux mots à leur dire.

 

– Gwen et Babette ? alooooonnns, ça n’est pas le moment. Elles sont actuellement en congé maladie, un peu comme ce gars-là. Il désigna le quidam qu’il opérait.

 

– Vous m’étonnez !

 

Et puis ce fut le tour du docteur Gründ de s’esclaffer bruyamment, car il essayait vainement de jouer avec le bras pendant du 11, en l’obligeant avec force à fléchir le coude. Justine lui présenta la plaque, Jason s’occupa du fixateur externe et Gründ compléta longuement le haubanage savant, tout en continuant de hurler de rire, d‘une manière visiblement communicative. L’objectif de l’opération était une récupération fonctionnelle de l’articulation du patient pour qu’il puisse à nouveau lever le coude, visiblement plutôt deux fois qu‘une, compte tenu de sa pathologie. C’était maintenant parfait et Jason quitta la salle d‘opération pour aller rassurer les parents. Cassandra l’accompagna à travers le couloir Tarzan, elle semblait avoir ravalé un peu de sa colère :

 

– Mon fiancé voudrait vous parler, il vous attend dans le hall d’entrée.

 

– Bien, je suis content de le revoir, j’y vais de ce pas. Pourriez vous remettre un peu d’ordre dans la chambre 11, avant que notre cher opéré du bras n’y retourne ?

 

– Tout de suite, docteur.

 

En s’efforçant avec regret de ne pas la suivre des yeux, Jason pris l’ascenseur et retrouva Jean Flammarion toujours planté devant France Loisirs, laquelle venait de faire innocemment tomber par terre une bonne pile de classeurs, histoire de prouver au fiancé de Cassandra son agilité, sa souplesse mais également lui faire découvrir le haut de ses bas roses.

 

– Venez dans mon bureau, Jean, vous permettez que je vous appelle Jean ? J’ai préparé notre petit colis à destination de qui vous savez.

 

– Vous êtes toujours convaincu qu’il ne faut pas mettre la police dans la confidence ?

 

– Mais non mon vieux, je vous assure que non.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:53:44
n°43318611
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-09-2015 à 11:51:07  profilanswer
 

Salon des inventions.
 
Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar.
 
Aujourd'hui : Dispositif pour fermer sa (grande) gueule.

 

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On le sait, la parole est d’argent, mais le silence est d’or. Ainsi, il est des circonstances dans la vie d’un peuple, où l’homme moderne se doit d’obtempérer à des vicissitudes d’ordre matérielle et intrinsèque, compte tenu des soubresauts du bout de la queue de la vache entre les barreaux de chaise, nos bavardages quotidiens sombres dans les remous inextricables de nos tentatives de justifications, et nous parlons trop souvent pour ne pas dire grand chose. Pire, nous aggravons le plus souvent notre cas en prenant la parole, alors qu’il faudrait beaucoup mieux apprendre à se taire. C’est ici qu’intervient le dispositif salutaire mis au point par le pro-fesseur Talbazar, lui-même reconnu dans la rue maître de conférences interminables, afin de nous faire fermer préventivement notre si grande gueule. Les occasions de la boucler en public sont innombrables, il serait ici fastueux de les énumérer, nous les passerons donc sous silence. Qu’on sache seulement que la moindre de nos paroles malencontreusement libérée est forcément susceptible de faire trembler le Pentagone, avec des conséquences pour nous que l’on imagine très bien, surtout si on travaille pour les Russes. Pour donner ses avis, on peut se contenter d’être évasif, déroutant et mélancolique, mais ça ne trompera évidemment personne. Il faut donc accepter une aide pour se taire et l’appareillage proposé ici se montrera un plus révolutionnaire dans la carrière d’un journaliste, puisque cette profession vous transforme à tout moment en portail ouvert sur le papotage incohérent, voir désastreux, cause de tant de conflits de par le monde. A votre niveau, il vaut en tout cas mieux parler d’une conférence que parler en conférence, surtout si vous voulez convaincre 800 physiciens que votre projet de machine antigravitationnelle est presque au point et que sa mise à terme n‘est qu‘une ridicule question d‘argent.

 

Bref. Il existe donc, lâchées par votre bouche à tout moment et à tout propos, des ondes verbales qu‘il faut absolument clore, à défaut d‘apprendre à le faire par soi-même. Il n’y a pas d’autre solution que l’usage de notre dispositif pour fermer sa gueule, si par aventure votre ligne téléphonique vient à être mise sous écoute. On s’amusera beaucoup en jouant avec notre système, lequel nous rend muet et placide, tout en nous dispensant par principe d’entamer la moindre conversation. On devient réellement impartial sur tous les sujets, et notre parole verrouillée nous évite d’émettre la connerie de trop, celle qui gâche en général le premier rendez-vous amoureux, en vous révélant tel que vous êtes vraiment. Sur les ruines fumantes de votre relation, vous regretterez à jamais ne pas avoir acheté notre machine incomparable. Grâce à elle, par exemple, plus jamais on ne vous entendra chanter faux, en devenant par le fait l’étudiant le plus détesté de sa promotion. Notons par ailleurs que porté la nuit, le dispositif pour fermer sa gueule provoque l’arrêt immédiat des ronflements. On le sait bien, être en couple ne veut forcément dire que l’on est fait pour s’entendre.

 

Comment ça marche ? C’est simple. Un ingénieux système de courroies en caoutchouc naturel rembourré vient soutenir le menton afin de vous clore fermement le bec, par une pression confortable, douce et continue, sans altérer le reste des muscles faciaux, on peut donc continuer à sourire, sinon rigoler. La bride de la mentonnière capitonnée doit donc passer sous le menton pour être efficace, et non pas le contraire et ce perpendiculairement à la tête, qui heureusement n‘en pense pas moins pour autant, mais en silence. Ceci afin de vous éviter par exemple de déclarer d’une manière intempestive que vous trouvez finalement la Joconde moche comme un cul.

 

Congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : The woman writing in the garden-Daniel Gerhartz

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:55:15
n°43328800
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 24-09-2015 à 07:55:03  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Nœud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 01.

 

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Hérissant le ciel sombre et lourd de menace, les hautes grues assoupies balafraient l’horizon des docks cafardeux. La mer ne formait à cet endroit qu’un large canal remuant des eaux sales, où dormaient quelques cargos rouillés retenus par leurs câbles aux quais désertés. Au pied des hangars coiffés par la brume matinale, l’ombre de Martin Smith venait de glisser sans bruit, bien que sa progression soit saluée par deux ou trois goélands courroucés qui s‘envolèrent aussitôt en criant vers les toits métalliques. Entre les flancs d’un des bateaux de commerce dormait peut-être, selon les informations de la police, Gros Bill, un dangereux gangster évadé, véritable psychopathe avéré en cavale après huit ans de prison. Toutefois, les poulets n’étaient pas satisfaits de leurs déductions, aussi pour acquérir quelques certitudes, avaient-ils fait appel au service de Martin, un ancien de chez eux passé dans le privé. Une solution de prudence, quoi, un peu sur le principe des voisins vigilants, mais sans pour autant prévoir le moindre soutien logistique. Un job qui se résumait à « merci de nous avoir prévenu », mais qui payait bien son homme. Voilà pourquoi ce matin-là Martin Smith se dégourdissait les pattes au pied de l’« Ex-Stasi », un vieux cargo allemand chargé de bananes. La bête d’acier le dominait d’une hauteur respectable, mais bien que sa passerelle soit déployée, le navire ne donnait aucun signe de vie. La seule chose que le privé avait décidé de faire était de surveiller ce jour là qui entrait où sortait de ce rafiot pourri, du matin au soir, et c’est pourquoi il s’était rendu sur le port si tôt. Un recoin sombre lui offrait maintenant un poste d’observation idéal. Comme il faisait frisquet, l’envie d’une clope le travailla, il céda, en dépit de la petite braise un peu trop voyante. Toujours selon la brigade, les amis de Gros Bill projetaient de faire un coup d’éclat, arrêter leur chef trop précipitamment viendrait à ruiner l’opportunité de prendre toute la bande en flagrant délit. Mais ce futur là n’était pas à vrai dire la préoccupation présente de Martin, qui fonctionnait pour l‘instant en mode binaire : Bill était-il à bord ? et c’était juste oui ou bien non. Le détective avait la tronche du cavaleur mieux ancrée dans son trombinoscope personnel que le bateau qu’il surveillait l’était dans la vase du port.

 

Bingo, une heure plus tard une grosse berline crissa des pneus dans la grande ligne droite qui longeait les quais, toujours inanimés. Quatre types en gabardine sortirent du véhicule avant qu’il ne reparte, des gars trop bien sapés pour être des marins. Martin se cacha mieux, mais il ne perdit pas une miette du manège des inconnus, lequel consista à grimper un à un la passerelle du cargo. Ce voyeurisme attentif avait cependant quelque chose de frustrant, Martin aurait bien aimé monter lui aussi à bord pour en apprendre davantage, mais fallait pas trop en demander, c’était déjà pas mal de tomber sur ces drôles de visiteurs. Il prenait des photos en catimini, en s’attachant aux gros plans, jusqu’à ce que les passagers aient tous disparus dans le flanc pansu du bateau. Trop tôt pour un contrôle de cargaison, ça ouais, et certainement pas un équipage de teutons en goguette. Avec cet embarquement à l’aube, Martin tenait certainement un bout de son affaire.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:56:26
n°43346495
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-09-2015 à 17:14:03  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Saga du trône de Fion - Sur la queue du dragon. Tome 1. Extrait numéro 66.

 

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 – Je préviens que le premier qui tente cette nuit de m’estriller par galanterie recevra aussitôt mon couteau dans ses burnes maraudeuses. Robin partit à rire, aussitôt suivi de ses amis.

 

– Nous ne sommes point vilains coquins de malotrus, Jeanne-Mireille d‘Arc, mais doux bons moines de la foi, qui vivons dans l’amour de tous les hommes, tu peux dormir tranquille.

 

– Si tant est cependant que tu puisses, car Messire Percevalve ronfle comme une cheminée mal ramonée, jasa perfidement Guy Bouyave.

 

La nuit se passa fort bien, entremêlant Robin avec l’un et l’autre sous le beau clair de lune qui leur faisait toit, au gré de puissantes tonalités somnambuliques. Tapie quand à elle sous son bel édredon en plumes de poulette, Jeanne-Mireille vit bien qu’elle n’avait rien à craindre de sa nouvelle compagnie. Elle ne regrettait pas ses anciens collègues, ni ne les pleurait, car ceux-là remuaient les bras dans sa jupe chaque nuitée avec trop de  facilité, en l‘obligeant à les travailler avec la plus grande peine, et elle était bien obligée de céder sous leur pression. Sainte Kramouille ! Elle était sauvée d’eux. Elle remuait à présent pour elle seule les reins et l’échine sur cette bonne vieille terre qui lui rentrait à présent dans les os avec délice. Dans le pays de Kiess où elle était ancrée par ses aïeux, elle n’avait été qu’une bonne fille des champs qui se levait dès le jour dans sa jeunesse,  pour donner la purée aux cochons. Et puis elle s’était fait grappiller un mauvais jour sa vertu par ces coqueberts de ménestrels, lesquels l’avaient forcé à les suivre, ni plus ni moins qu‘un chien fidèle. A la pensée de retrouver sa liberté, elle en pleura secrètement de joie, car elle savait qu’elle n’était que gentillesse et beauté, toujours prête à désaltérer celui qui a soif. Elle était brune, forte en main et carrée des hanches, et se louait de sa chance d’accompagner à présent de vrais chevaliers aux traits burinés, dotés visiblement d’un robuste courage. Les ombres grises de ces messieurs s’agitaient en fusionnant dans le clair-obscur peint par le maigre foyer, et le visage de Robin avait gagné un teint de brique, plus que nulle autre amoureuse. Jeanne remercia en silence ce dernier de l’avoir guérie du servage ignoble des troubadours, car elle n‘en pouvait plus du despotisme de son maître, faux baladin et vrai voleur. Comment que les chevaliers avaient porté sur ses faux amis leurs coups merveilleux ! Ils lui avait rendu la vie en prenant celle des autres. Elle embrassait à présent leur épée et louait leur courage avec enthousiasme, car Robin et ses frères avaient, pour son plus grand bien, occis les monstrueux. Que ces bons moines qu’elle accompagnait maintenant aillent pénétrer plus tard en leur trépas au séjour des Bienheureux, car ils avaient fort bellement racheté son infamie. Avec eux à ses côtés, même ses rêves ne se sentaient plus seuls.
 
 Au matin, Robin qui boit décocha sa flèche, non sans vaillance ni courtoisie, sur une biche et son faon, et tous deux tombèrent dans l’herbe épaisse. On dévora l’une et l’autre sur un bon feu, après avoir rendu les honneurs funèbres, puis chevalier Guy Bouyave dissimula ses oreilles sous son blanc bonnet et Jeanne Mireille leur fit bisous de sa bouche tremblante. Après vallées et sommets, on arriva aux frontières de la cité de Mouyse que signalaient déjà quelques villages isolés. Des chevaux, des vaches et leurs maîtres paissaient leur herbe sous le soleil qui cognait sur les prés. Partout régnait un grand silence, car le pays était malheureux, parcouru comme un noir dragon des rumeurs de sa guerre contre le Fion. En enlevant son heaume rouillé par la sueur, Robin tapota sa joue duveteuse à l’écoute de ces bruits alarmants :

 

– Ainsi l’Ovoïde va hurler comme un chien sinistre qui aurait quelque boule de haine à faire jaillir de son gosier, car l’armée d’Amanda sera bientôt sur le pas de sa porte. Très bien, mes amis, voilà qui entre à merveille dans nos plans. Le ciel est si chargé qu’il va bientôt tomber de la merde sur la tête du tyran. Ne prenons pas distance avec les temps troubles, et prenons-en justement notre part.

 

Et puis Mouyse, capitale de la très ancienne province de Mouyse, fut enfin en vue. On distança une palissade, ensuite une grille qui barrait un sentier bordé de haie vive céda devant une autre grille. Mais arrivés en ville, pas une âme ne courait dans les rues, en dehors de quelques êtres muets et mal intentionnés qui filaient dans les bouges. Même les rives de la Louise, la grande rivière qui traversait et inondait souvent la ville, étaient désertées par le bon peuple des lavandières. Toutefois, les chevaliers partageaient la même absence de peur, alors il fouettèrent leur chevaux hardiment.

 

– Allons messires, fit Robin en empoignant son gonfanon, marchons bien, car ce n’est pas la fin du monde qui est devant nous.

 

– Oui, rajouta Percevalve, même si l’ambiance n’est pas trop chouette, voyons voir à quérir au plus vite la cathédrale de monseigneur Robert Laygros, puisque nous sommes en sa paroisse.

 

– Et s’il nous reçoit mal, par Kramouille, je ferai souper mon épée dans sa cervelle, rajouta Gauviens à l’écu blanc, par probante parole.

 

– On le dit violent et débauché, car tous l’appellent le Saigneur des agneaux, fit Braillard, et même d’aucuns l’accusent d’être parfois l’incendiaire de monastères, qu‘il vole impunément.

 

– Alors, plaça Robin en frisant sa moustache, jouons bon tour à l’orgueilleux, puisque vous savez tous que notre petit bijou que l’on va lui offrir est contrefait !

 

– Clair, répondit à son tour Guy Bouyave, que s’il quiert son pris et je le mien, que Kramouille me confonde, car il dansera dans l’autre monde !

 

Et donc, en arrivant sur le parvis de la cathédrale construite de belles tours, devant laquelle tous par ailleurs se mervoillent, n’i a celui qui l’ost veher, en gros.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 09:58:49
n°43384016
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 29-09-2015 à 16:32:39  profilanswer
 

On va enfin pouvoir envoyer mon beauf là-bas (pub) :

 

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Congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : El Jaleo by John Sargent - (1882)

 

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Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 63.

 

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Jason déposa aux pieds de Jean un lourd sac de sport en toile rouge, comme si ce bagage renfermait la chose la plus banale qui soit. Un aplomb qui permettait par ailleurs à chaque circonstance au chirurgien de régner en maître sur son propre marché des soins. Jean avait deux heures pleines pour remplir sa fameuse mission, laquelle consistait à convoyer la cocaïne dans le lieu convenu entre le docteur et Filipacchi, une ancienne fabrique de sauce tomate désormais désaffectée, et située en dehors de la ville. Voilà pour le canevas général des opérations, au fiancé de Cassie d’improviser le reste lorsqu‘il serait en présence du mafieux. Avec un humour plutôt bourrin, Jason recommanda à l’autre de lui ramener le sac, s’il le pouvait, vu que c’était un produit haut de gamme auquel il tenait. En dehors de ça, le toubib s’épargna toute dilatation du discours pour souhaiter bonne chance à Jean, en l’accompagnant jusqu’à la sortie. Ils se mirent d'accord pour se retrouver ensuite en ville. Le directeur de la clinique avait de son côté à visualiser, puis peut-être examiner, quelques parties molles du 182. Toujours les mêmes histoires banales d’infections locorégionales. Lorsque Jean passa devant France assez lourdement chargé, elle se vautra en guise d’au-revoir dans un sourire mielleux, comme si le reste de son corps post-ado succombait sous la puissance de quelque mélodrame secret. Et puis, une fois sur le trottoir, Jean Flammarion s’engagea hardiment sur la trajectoire qui devait le conduire rapidement au mafieux. Le sac pesait quatorze kilos et lui sciait les doigts, il décida de prendre un bus. Alors que le transport filait doucement vers son but, une gamine insolente dévisagea Jean en piochant dans une énorme barbe-à-papa rose. L’enfant chassa chez son vis à vis tout reste d’une quelconque nostalgie de l’enfance. Avec un seul coup d’œil radical et muet, il fit comprendre à la gosse que toute sa vie d’adulte ne serait sans doute qu’un beau problème sans solution, moteur sans fin d’une infinie mélancolie, et qui la rendrait probablement aussi dépressive que sa mère. La petite effrontée lâcha le morceau pour continuer de s’empiffrer et trouver une autre cible plus conciliante. Pendant le reste du trajet, le doux et beau visage de Cassandra s’imprima en surimpression sur la vitre du bus, visible pour son amant seulement. Un tourbillon d’affect bienheureux l’entoura devant cette hallucination apaisante. Son amour pour elle agissait comme une expérience étonnante et enchantée sur sa propre fragilité, alors qu’il trainait ce maudit sac comme un tueur en série pouvait charrier le corps d’un type noyé par ses soins. Le ciel gris jouait sur les toits de quelques brèves éclaircies franches. Le petit ange au joues barbouillées de rose ricana en saligaud lorsqu’il descendit à l’arrêt. Mais sans lâcher cette morveuse des yeux, Jean frôla tout de même, intentionnellement et peut-être par souci d’assouvir quelque vengeance, les jupons blancs de la mère fatiguée.

 

Il trouva assez vite la bâtisse isolée au bord du lac, car les explications du docteur avaient été assez précises. Deux grosses bagnoles noires et rutilantes étaient garées devant quelques planches entassées en vrac. Un type au visage taillé à la serpe, qui l’observait près de la porte en fer déglinguée d’un vaste hangar, lui fit signe d’approcher. Quelqu’un avait sans doute depuis longtemps perdu les clés de cet entrepôt, dans lequel dormaient pour toujours des machines rouillées. Les épaves brunes étaient reliées au plafond par de longs câbles électriques inutiles, comme le seraient quelques chiens crevés encore tenus en laisse. Partout sur le sol trainaient des choses abandonnées. Bien que freiné par son colis, Jean se dirigea vers l’inconnu à grands pas. Lorsqu’il pénétra plus en avant dans le bâtiment, la noirceur et la fraîcheur des lieux désespérants lui colla brièvement le tournis. Filipachi l’attendait assis sur un tas de palettes, un grand mec longiligne et sec et sans doute le plus âgé du groupe, composé de trois autres individus aux mines patibulaires. Jean posa le sac à ses pieds, avec le sentiment de s’enfoncer dans un lac de poix. Il invoqua secrètement l’esprit de Cassandra, car c’était bien pour elle qu’il était là, devant ces gus ignobles. La vision des murs en briques sales et tagués l’étranglait méchamment, mais Danielo Filipachi ne lui demandait rien de toute façon, il n’avait d’yeux que pour le sac, et il demanda à l’un de ses hommes de le lui apporter. Les pensées de Jean devinrent subtilement gazeuses, mais il avait hâte de se débarrasser de cette corvée. Le bandit s’empara d’un des petits sacs de poudre et le rapprocha de son nez, comme on baise la main d’une femme, puis d’un rapide coup de canif, il l’éventra et goûta le contenu. Son visage se crispa soudain, il tendit le sachet à l’homme le plus près de lui, un gazier avec un grand pif qui lui fendait toute la face. Le sbire touilla avec le doigt dans la dope à loisir, mais il pris ensuite la même expression rageuse et déconfite. Danielo sembla tout à coup atteint de folie furieuse :

 

– Espèce de sale petit con, tu te crois malin ? de la farine, je suis pas boulanger ! C’est bien dommage, mais maintenant je suis finalement contraint de te déboulonner. Il avait tiré un pistolet de sa ceinture. Là-dessus ses potes l’avaient précédé depuis longtemps.

 

– Je ne suis pas au courant, c’est Halrequin, je n’y suis pour rien.

 

– Je n’aime pas qu’on se foute de ma gueule. Et pourquoi qu’il t’a envoyé à sa place, toi ? sa langue devenait très nerveuse, elle sortait les mots de sa bouche comme s’ils étaient éjectés tout hachés par un broyeur.

 

Jean n’était plus que l’ombre de lui-même, le toubib l’avait donc baisé, c‘était un plan idiot. Il recula instinctivement en parlant, puis il eut la mauvaise idée de se précipiter vers la sortie en courant, sans plus réfléchir. Un balle le toucha dans la nuque sur une dernière pensée de suie. Les autres l’atteignirent dans le dos, ensuite il s’affala dans la poussière au milieu de quelques boites de conserve rouillées, que d’autres balles encore propulsèrent loin de la boucherie. Ils avaient réagis à l’instinct, pas trop préoccupés par leur angle de tir.

 

– Des fois, fit Danielo avec une voix tranchante lorsqu’il rajouta des balles dans son revolver, je suis fatigué de constater que jamais rien ne change dans ce monde. On étaient pourtant pas mal ici, pour discuter, non ? presque la campagne, loin de toute cette merde de fièvre urbaine déprimante. Bon, on se débarrasse de celui-là et on va s’occuper des infirmières, paraît que y‘en a deux qui ne sont pas au boulot et qui traineraient chez elles.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:01:46
n°43396435
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-09-2015 à 16:15:27  profilanswer
 

Revue de presse.
 
Aujourd'hui : Une fuite dans les cabinets.

 

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Revue de presse.
 
Aujourd'hui : Un intrus chez Miss Troulbled.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:02:56
n°43406471
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 01-10-2015 à 13:37:41  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 09.

 

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La chose adipeuse, qui tient à la fois de la sangsue, du lombric et de la limace, avale des bouchées de Soisig sans les mâcher. Même les os ont l’air d’entrer en déliquescence à son contact gluant, comme rongés par un acide puissant sécrété par les muqueuses avides. Le corps de la bête grossit à vue d’œil, à mesure qu’elle ingurgite son horrible repas, ce qui plonge Basile et Emeline dans la plus grande épouvante. Ils distinguent sur la tête du Blauquevécé une trompe mobile sous laquelle s’ouvre largement une bouche rouge et dentée, béante comme un cul de poule dilaté. Sa queue se soulève par saccades en laissant partout dans la cabine de la fusée de longs filets de mucus, que diffuse le court appendice garnie de ventouses. L’animal glisse avec lenteur, tranquillement acharné à sucer son repas, sans pour l’instant se soucier de la présence des humains. Basile regarde impuissant le lasergun posé sur les commandes de purge zionnique, à la fois si près et si lointain. L’ignoble alien est en passe de finir d’ingurgiter Soisig, qu‘il suce jusqu‘aux cheveux, ne laissant bientôt plus aucune trace de la preneuse d’otage qui lui a donné le jour. Désormais, la taille du monstre est considérable et enfle dangereusement, son appendice nasale lâche par intermittence des viscosités peu ragoutantes, mais il ne semble pas posséder d’yeux. N’ayant plus rien à dévorer, il glisse en prenant tout son temps vers le siège situé en face du radar panoramique, sur lequel Basile remarque enfin le signal indiquant la présence à quelques heures du So long sucker. Un très gros vaisseau, vu l’écho.

 

– Là, regarde, Emeline, un transbordeur en approche !

 

– Ouais, ben il est encore loin, on a largement le temps d’y passer, compte pas trop sur lui.

 

Pendant ce temps, le Blauquevécé est en train de dévorer complètement le revêtement du siège en skuïr. Le corps du prédateur grandit toujours, à présent il est énorme, sa masse rougeâtre et imposante fuit presque sans bruit dans l’habitacle, couvrant largement de ses flancs le grand filtre du compteur à particules nobles, mais chaque reptation lui coûte de très longues minutes. Beaucoup de temps vient de passer depuis son éclosion et Emeline s’aperçoit qu’elle peut enfin bouger son petit doigt. Mais rien d’autre. La bête vient de tourner la tête, elle les a sans doute répéré, puisqu’elle se traine désormais vers eux en ondulant ses anneaux, louvoyant entre les câbles et le déflecteur du régulateur de dépression, tout en suçotant les restes du fauteuil. Sa queue reste cependant collée par les ventouses sur le tableau de bord, et s’appuie un instant sur un levier, coupant comme le désirait Emeline un peu plus tôt sans trop y croire, la gravité artificielle dans la fusée. Aussitôt, le couple s’envole d’une manière erratique à travers le cockpit, alors que la bête agite vers eux sa trompe insatiable, gueule grande ouverte sur des rangées de dents aiguisées. Mais la morve qu’elle sue abondamment par ses ventouses la maintient fermement collée au plancher métallique, le prédateur émet alors des cris stridents vers ses proies, mais il ne peut à présent les atteindre. Côte à côte, Basile et Emeline restent ainsi face à face à l‘horreur en tâchant de rester sourds aux crissements de l‘atroce symphonie qui leur vrille les tympans. Peu à peu, les humains retrouvent l’usage de leurs membres engourdis, Basile en profite aussitôt pour plonger vers les commandes et s’emparer promptement du lasergun. Il règle rapidement du pouce l’atomic pistol et envoie avec rage un éblouissant rayon vert, lumineux et puissant, sur le Blauquevécé. Le formidable jet transperce celui-ci dans un grésillement fulmineux qui lui arrache de grands lambeaux de sa peau luisante, en émettant des fumerolles grises et âcres. Emeline a elle aussi récupéré toute capacité corporelle, voyant que la bête est à présent totalement terrassée, elle se jette pleine de reconnaissance au cou de son mari :

 

– Bien joué, Basile !

 

Face au cadavre monstrueux, il leur faut à présent improviser pour s’en débarrasser.

 

– On a pas le choix, faut qu’on balance cette grosse salope dans l’espace par la plateforme de chargement. Dis donc, ça caille un peu, tu trouves pas ?

 

– Ok, je la découpe en morceaux. Heu, ben Emeline, marmonne-t-il un peu gêné, tout en s‘activant à tronçonner le Blauquevécé par quelques tirs plus ou moins précis, je crois bien que j’ai fait une connerie en butant cette bestiole, j’ai tiré par inadvertance sur le bouton de contrôle principal thermostatique, on va bientôt se retrouver en panne de chauffage. Il flotte nu dans le cockpit, en agitant vers elle ses bras en signe d’impuissance. Puis il reprend son travail peu méthodique de découpe sur les restes de l’alien.

 

Emeline se repasse mentalement les grandes heures qu’elle a passé avec son mec, et lui trouve plus souvent qu’à son tour une tronche de second rôle. Et ce con là continue de tirer à tout va dans la fusée, comme si de rien n’était. Après avoir échappé à la pire des ingurgitations, ils vont à présent périr de froid. Le transbordeur marqué par le radar va les croiser dans deux bonnes heures au mieux, représentant peut-être une planche de salut, si tant est qu’il les voit, puisque la Marie-Jeanne n’est sans doute pour cet énorme vaisseau qu’un point minuscule errant dans l‘espace, qu’il peut très bien de son côté confondre avec un insignifiant astéroïde.

 

– Bon, Basile, arrête maintenant, on s’en fout de cette merde, il faut qu’on endosse en urgence les combinaisons afin de survivre au froid glacial, et après on prévient le commandant du cargo qu‘on est là. Genre coucou c’est nous, tu vois le genre ?

 

Mais en se dirigeant vers les combis, Basile prend soudain conscience qu’il vient de commettre de nouveaux dégâts d‘une hyper gravité, car il a troué par ses derniers coups de laser les scaphandres désormais inutiles, et ça veut dire que les souffrances qu’ils s’apprêtent à endurer ne font que commencer, puisqu‘ils vont certainement mourir gelés. De la buée se forme d’ailleurs à chaque fois qu’ils prennent la parole, elle s’échappe de leur bouche en petites bulles cristallines qui fusent autour d’eux en microscopiques globes volatiles. Jamais encore ils ne se sont trouvés dans une aussi terrible situation. Lorsque Emeline veut envoyer un message au transbordeur, elle comprend que la radio vient sans doute également d’être touchée, ou que Soisig a salement bidouillé les fréquences pour couvrir sa fuite, car elle ne parvient pas à utiliser correctement le système pour envoyer son S.O.S interstellaire. Du givre se forme à présent peu à peu sur le gros cylindre noir du périscope et recouvre le globe transparent des bulles de visibilité. Emeline sort alors son étui à pilule pour en extraire deux gélules de mescaline, en gobe une, puis elle propose l’autre à Basile :

 

– En attendant, je vois que ça pour nous réchauffer, avale ce truc !

 

Ainsi, planant au-dessus du cadavre mou et dépecé du Blauquevécé, d‘où part toujours des suintements écoeurants, ils se lancent dans un ballet aérien propre à réveiller leurs libidos respectives, afin de s’échanger par les caresses un peu de chaleur humaine, dans le chaos relatif que présente le cockpit de la Marie-Jeanne. Alors qu’elle est puissamment stimulée par la drogue associée avec une canette de Wodka, également partagée avec Basile, les premiers gestes d’Emeline annoncent clairement la teneur de ce qui va suivre. Ainsi bourrés de mesca et d’énergie cinétique, ils célèbrent leurs corps déjà moins transis dans une catharsis des plus joyeuse, sous l’effet aphrodisiaque de leur coktail. Et ils se réchauffent mutuellement, tout en raffolant d’eux-mêmes, prenant leur pied dans les étoiles, où ils s’envoient en l’air du mieux qu’ils peuvent, pour exprimer librement leur désir passionnel et oublier ainsi, tout en gagnant quelques degrés Celsius, leur dramatique position. Turbulente, car elle n’a plus envie de chicaner son mec mais simplement d’avoir moins froid, elle dévore son mâle de l’espace de la bouche, lui la bouche le verre au dent, au gré de savoureuses répétitions. Ils se lancent tour à tour dans la plus folle des scènes d’orgie cosmique, pornifiant par devant, par derrière, l’un dans l’autre en apesanteur, et ils auraient voulus que chaque minute dure des heures, dans ces formidables ascensions célestes. Chacun butte et heurte avec une rage quasi animale l’intimité de l’autre, et ils se disent que l’idée de se lancer dans cette baise spatiale pour se réchauffer en microgravité est loin d’être mauvaise. Toutefois, les muscles fondent en apesanteur et Basile a tout à coup un peu plus de mal à pornifier, même si la basse température fortement négative est toujours là pour lui remettre la pression. Malgré tout, jouissant d’un commun accord, il leur faut au bout d’un moment abandonner avec regret cette mémorable teuff des héros.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:05:34
n°43433854
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-10-2015 à 10:57:01  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 39.

 

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Le soir, alors qu’une dernière barque effilée passait sans bruit sur le Nil, les gardes en faction faisaient les cents pas près des bassins du palais, où deux de ces soldats s’injuriaient copieusement à chaque fois qu’ils se croisaient, puisque l’un des deux soupçonnait l’autre d’avoir aguiché son épouse. Avant qu’ils n’en viennent aux mains en oubliant leur mission, un gradé leur ordonna de se taire, vu que c‘était lui que la femme de l‘autre aimait en réalité. L’armée Egyptienne avait le respect de sa hiérarchie et tout rentra aussitôt dans l’ordre. Accoudée sur le bois d’une balustrade ouvragée, Néefièretarée avait passé une belle robe du soir qui lui faisait les seins pointus, et la reine regardait avec indifférence le ballet de ses servantes affairées, toutes uniformément habillées de tenues blanches légères qui leur procuraient des poitrines ordinaires. Le nez fin de la pharaonne respirait les senteurs poivrées et mirifiques qui s’échappaient de charmants creusets disséminés un peu partout dans le palais. Des voix indéfinies murmuraient derrière les piliers luisants, dans le calme de la fin de journée. La reine n’avait pas sommeil, l’étroite surveillance opérée à chaque instant par les gardes lui pesait, surtout qu’ils ne détachaient guère leurs regards de ses seins pointant sous la robe délicatement plissée, au pastel d‘un bleu apaisant pour tout le monde, mais pas pour eux. Le grand prêtre Jérijône avait laissé trainé partout dans les vastes salles quelques uns de ses petits apprentis, Néefièretarée claqua des doigts pour que quelqu’un fasse un peu de ménage. Deux ou trois types qui bossaient la nuit  refaisaient les peintures des fresques lézardées ou corrigeaient les fautes d’orthographes immiscées dans les hiéroglyphes d’un scribe pressé. Ainsi « La belle est venue » ne voulant rien dire, on retraçait « La belle est velue », histoire de raconter à tous l’éblouissante magnificence de l’Epilée du Nil. Ne sachant pas trop quoi faire de leurs bras, des serviteurs les croisaient sur le ventre en observant le travail des artistes sans faire de commentaires, d’autres de leurs collègues tenaient des torches pour donner plus de lumière aux ouvriers conformes au siècle. Plusieurs petits élèves de la Fédération de l’école rurale des scribes de Tépafou assis sagement sur le sol prenaient des notes en se chamaillant, malgré l’heure tardive. Quelques uns avaient posés devant eux les banderoles qu’ils avaient dessiné pour protester contre la fermeture programmée de leur classe, par manque de moyens. Ils insistaient également pour manger salé à la cantine.

 

Néefièretarée alla s’étendre sur son grand lit impeccablement dressé. Elle n’avait pas envie de dormir mais elle tenait tout de même à se reposer, aussi avait-elle pour une fois congédié Phimosis, car elle voulait rester en forme pour l’épreuve du lendemain. Sans vouloir trop se l’avouer, la compagnie de Jésentilpetla manquait quelquefois à la reine. Elle reconnaissait cependant un faible pour l’une de ses servantes, une certaine esclave du nom de Trêmouatoli, que beaucoup surnommaient la pince d’Egypte, voir la mince d’Egypte. La jeune fille était une belle plante d’Halopolis, grande et fière, que son goût des robes rouges la faisait également surnommée par les soldats la mère rouge aux os miraculeusement séparés, enfin par tout ceux qui avaient un jour ou l’autre gagné ses faveurs, ce qui était aussi le cas de la plupart des prêtres d’Isis, car elle vouait un culte particulier à cette déesse. Trêmouatoli et Néefièretarée s’entendaient par ailleurs à merveille et la belle écarlate gagnait peu à peu les faveurs de sa maîtresse, que cette dernière utilisait très souvent pour la saouler de ses confidences privilégiées. La pharaonne la fit venir pour qu’elles se vautrent ensemble sur les grands coussins éparpillés sur la couche aux pieds de scarabées sculptés. La servante avait la peau luisante dans la lumière, en raison de l’air moite et étouffant que rien ne parvenait à rafraîchir.

 

– Tu as été formidable contre cet hippopotame, j’aurais été morte de peur à ta place.

 

– Oui, j’ai eu beaucoup de chance, mais on doit se montrer courageuse, quand on n‘a pas le choix. Ceux qui veulent ma peau ne perdent rien pour attendre.

 

– Tu l’aimes, Phimosis ?

 

– Tu veux dire d’amour ? Non. Mais ne t’avises pas pour autant de me le piquer.

 

– Ne t’inquiète pas, j’aime pas les intellos, je préfère les curés.

 

Elles roulèrent ensembles sur le lit en riant. Trêmouatoli éternua tout à coup en toussant, puis elle avoua en manquant d’étouffer à sa maîtresse qu’elle était sévèrement allergique aux peaux de guépard. Néefièretarée largua donc la fourrure tachetée à cent pas de là, d’un geste gracieux, puis un domestique s‘en empara sur son ordre pour aller la brûler. La reine pris la main de son esclave par un geste qui voulait traduire une certaine amitié, puis elles s’aidèrent pour refaire conjointement leur maquillage avant d‘aller dormir. Les deux femmes se savaient liées par un sentiment de confiance réciproque qui s’était fait jour peu à peu au milieu des ors du palais.

 

– Le Heb Sed sera bientôt terminé et le chantier a repris ses activités. Tu me suivras ensuite jusqu’à Halopolis, puis Larnak, Trêmouatoli ?

 

– C’est un ordre de ma reine ?

 

– Même pas, juste une envie.

 

– Alors d’accord, on ne peut rien te refuser. Déjà que je partage quelques uns de tes morpions.

 

– C’est pas des morbaks, c’est des crocodiles sacrés, l‘un d‘eux s‘appelle même Siphilis, c‘est le pire, il a toujours faim.

 

– Ah ça j’avais compris, moi je me contente des autres, mais par toutes les vaches sacrées, moi, la mère rouge si bien fendue, je suis mordue jusqu’à l’os !

 

Sur cette remarque qui unissait leur point de vue et leur petite misère corporelle, elles relevèrent leur peaumes à plat pour invoquer brièvement Isis, car elles souffraient stoïquement pour les Dieux. Un prêtre affairé passa au bout de la chambre en trimballant une lourde momie enroulée dans un linceul blanc, la pharaonne lui ordonna de faire moins de bruit, d’autant plus que ce crétin parlait sans arrêt à son mort. Une petite pique lâchée au passage par Trêmouatoli prolongea l’avis.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:08:33
n°43451467
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 05-10-2015 à 20:41:43  profilanswer
 

Salon des inventions.
 
Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar.
 
Aujourd'hui : La double-radio.

 

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Vous êtes sans doute le genre de personne qui vouliez être garagiste, concessionnaire d’une grande marque Française, mais dont les parents préféraient que vous fussiez chirurgien. Car je fis et que tu fisses, mon fils. Bien entendu, désormais vous l’êtes devenu, car vous n’êtes pas du genre à désobéir à vos parents. Vous allez dire que réparer des corps et pratiquer la mécanique, c’est pareil, et vous aurez raison. Nous préférons cependant penser, ce qui nous arrive à chaque instant, que votre art s’apparente plutôt largement à celui du maquettiste. Comme ce dernier, en tant que  chirurgien, il est nécessaire de s’armer de patience, et d’obtenir pendant le démontage d’un individu entre vos mains réparatrices un environnement le plus favorable possible. Si l’on compte 350 os à la naissance d‘un client, plus 640 muscles (dont  17 pour se marrer et 43 pour faire la gueule ), plus 12 organes vitaux, et 172 pièces à monter pour un honnête Titanic au 1/700, sans compter les heures de peinture, maquettiste et chirurgien ont du pain sur la planche. Les mains étant ainsi monopolisées pour l’ouvrage, il faut absolument occuper le cerveau et pour ça, quoi de mieux qu’écouter la radio ? Nous parlons ici des émissions radiophoniques, bien entendu, puisqu’une radio des hanches n’émet aucun son, et surtout pas la météo, bien qu’elle puisse fournir des infos importantes aux docteurs qui ont le temps de les regarder.

 

En tant qu’homme de médecine, vous savez bien que les gens possèdent comme vous-mêmes deux oreilles, même si quelques artistes en ont moins, comme certains impressionnistes roux, qui ont quand même toujours deux yeux. Bien, c’est en partant de ce constat que le bureau de recherche associé au salon du pro-fesseur Talbazar vient d’inventer cette formidable double-radio. En effet, vos assistants ne vous autorisent jamais à chanter au bloc opératoire, sous prétexte que vous chantez faux. Il faut donc nécessairement écouter les autres. Justement, alors que vous piochez dans le colon d’un de vos kits humains, vous savez que si vous ne faites rien, vous allez rater la diffusion du premier concert radiophonique du groupe Kakabouli-Bouli, spécialiste de la musique traditionnelle du Boukistan. Mais vous savez aussi que sur Radio-Ginette (0,54458 kHz) passe au même moment une intéressante conférence de sa Sainteté Monseigneur Jacques Mesrine, représentant officiel de l’église des Retournés du bulbe, sur la 57ème réincarnation moderne de Saint Jean Baptiste. Vous avez par ailleurs décidé de faire don de vos prochains salaires à cette organisation religieuse qui sait si bien répondre à tous vos doutes, il serait donc cruel de ne pouvoir entendre parler votre Maître. Voilà un dilemme qui grâce à notre invention, n’existera plus.

 

Avec cette double-radio aux coloris réjouissants, vous allez être en mesure d’écouter les deux programmes simultanément. Vous passez les écouteurs en Celluloïd souple, puis vous réglez la mollette pour choisir dans la vaste gamme des programmes, dans lesquels vous serez en mesure d’en sélectionner très facilement deux. Vous allez donc savourer à gauche un exceptionnel concert de musique Boukistanne, et à droite un passionnant sermon de votre église, rien de plus facile. Nos ingénieurs ont longuement étudié les effets produits par les filets d’air que produisent les sons sur un corps humain particulièrement solide. Sur la base d’un cri de mouette se déplaçant à Mach 2 en mégagravité, ils ont ainsi obtenu pour notre double-transistor une qualité de son incomparable. C’est donc avec un immense plaisir que vous allez pouvoir écouter en même temps les deux programmes de votre double-radio, sans aucunement déranger le malade que vous opérez, ni vos assistants, infirmières comprises. Car pour les autres, rien de ce que vous écoutez ne va transpirer de vos casques, alors que vous même transpirez comme une gouttière en recousant des reins pourris. Pour les plus exigeants, une monographie complète en couleur sur les détails techniques de la double-radio est bien évidemment disponible sur demande au service clientèle de la Moyenne Encyclopédie.


Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:10:30
n°43456778
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 06-10-2015 à 11:57:54  profilanswer
 

Revue de presse.
 
Aujourd'hui : On va gagner !

 

https://zupimages.net/up/18/04/sf4a.jpg

 


Revue de presse.
 
Aujourd'hui : Un pot de fleur dans son anus.

 

https://zupimages.net/up/18/04/lder.jpg


Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:10:52
n°43461993
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 06-10-2015 à 18:37:41  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Nœud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 02.

 

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Rien ne se passa pendant un bon moment et Martin commençait à trouver le temps long. Une lumière falote à 40 watts au mieux s’échappait d’un hublot du cargo mais il ne distinguait aucun mouvement. Les quais eux-mêmes étaient toujours déserts et il avait l’impression d’être le seul être vivant à respirer dans le port figé, aussi silencieux qu‘une forêt enneigée. L’expérimentation sensuelle de cette solitude remplie de spleen à l’odeur d’algues pourrissantes s’arrêta brutalement, lorsqu’une femme se montra sur la passerelle en fer, où elle fut violemment projetée par l’un des gars arrivés en bagnole un peu plus tôt. Elle avait l’air d’avoir pris des coups. Elle descendit lentement sur le quai en titubant :

 

– Bande de salauds !

 

– C’est ça, casse-toi, pouffiasse ! Le type avait brutalement refermé la lourde porte derrière lui.

 

L’inconnue marchait péniblement, une belle brune aux traits fatigués qui montrait plusieurs ecchymoses sur le visage. Elle se dirigea droit vers Martin. Ses yeux exorbités témoignaient d’une grande souffrance, ou peut-être trahissaient-ils une solide défonce à quelque drogue. Elle passa devant le privé sans l’avoir vu, mais elle s’écroula un peu plus loin sur un ultime faux-pas. Martin décida d’intervenir et alla vers elle, il se pencha sur une jeune femme émouvante qui lui lança un regard méfiant, mais elle avait l’air trop salement sonnée pour l‘envoyer balader. Elle s’était assise dos au mur, sa belle main qui prolongeait son fin bras nu posée sur un grand sac en cuir, comme s’il s’agissait d’une bouée sur laquelle elle pouvait compter. L’aider à se remettre sur ses pieds semblait une idée raisonnable. Elle avait cependant gardé toute sa lucidité, malgré son apparente fragilité et cet évanouissement passager qui venait de la jeter au sol comme une chiffe molle. Une fois qu’elle fut redressée, Martin la retint fermement contre lui :

 

– Ca va mieux ? Vous n’avez pas l’air très en forme.

 

– Merci, ça va aller.

 

Bien que salement violentée, la fille adorable à souhait rappelait à Martin une ancienne camarade de classe qu’il avait jadis aimé. Le regard noisette, surtout. Elle penchait sa tête aux cheveux courts et noirs avec un air las, envahie par l’abandon, et la lumière rendait à sa peau un grain d’une pâleur veloutée. De très longs cils tirés vers les tempes lui donnaient beaucoup de grâce. Une belle bouche faite pour sourire, au rose parme délicat, qui se crispait à présent et lui creusait la joue sur un pli douloureux. Il voyait cependant l’intérêt qu’il avait à cuisiner un peu cette jolie paumée :

 

– Allons en ville si vous le pouvez, et si vous le voulez, je vous offre un café, ça vous remettra certainement d‘aplomb.

 

– Non, merci, ça va, je vous assure, je vais rentrer chez moi. Elle se dégagea sans rudesse, mais à peine avait-elle fait un pas qu’elle eut le plus grand mal pour en faire un second.

 

– Je vais vous y conduire, ma voiture est juste à côté.

 

– Merci, vous-êtes gentil.

 

Il la soutint jusqu’à sa vieille Ford, dans laquelle elle s’écroula sans plus rien dire. Alors qu’ils quittaient le port pour se diriger selon les indications qu’elle venait de fournir, Martin la mata par intermittence du coin de l’œil, tout en officiant sur son volant. Elle avait vraiment l’air salement amochée, mais son mutisme tint bon, lorsque le privé lui posa des questions. L’inconnue avait de longues jambes minces que sa courte robe dévoilait, mais sur lesquelles se voyaient là aussi quelques vilains hématomes. Elle n’avait pas enfilé de bas. Ses seins menus perçait le tissu comme de petits cadeaux, par la seule vision fugitive qu‘en osait le pilote. Ils arrivèrent rapidement en face de chez elle, un modeste immeuble près duquel la voiture se gara. La façade décrépite présentait une certaine osmose avec les nombreuses poubelles pleines entassées à ses pieds.

 

– Merde, fit la fille en fouillant dans son sac, j’ai laissé la clef là-bas !

 

– Et vous ne tenez pas à y retourner, n’est-ce pas ?

 

– Pas vraiment, non.

 

– Bon, vous avez besoin de quelques soins pour soigner vos bleus, je vous emmène chez moi, si vous voulez. Après un bon bain chaud, vous pourrez peut-être à nouveau voler de vos propres ailes. C’est une proposition honnête, vous savez. Comment vous-appelez-vous ?

 

–  Vaya Condios. Merci, vous êtes gentil de vouloir m’aider. Monsieur ?

 

–  Smith, je m’appelle Martin Smith. Qui vous a mis dans cet état, car je suppose que vous ne vous êtes pas mise en vrac toute seule ?

 

– Peu importe, il vaut mieux que vous n’en sachiez rien.

 

Lui pensa évidemment tout le contraire, mais il se tut et appuya sur l’accélérateur, pour sillonner la ville qui maintenant se réveillait et rejoindre son loft en fond de cours, sur deux niveaux.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:12:32
n°43507659
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 11-10-2015 à 11:11:05  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La Saga du trône de Fion - Sur la queue du dragon. Tome 1. Extrait numéro 67.

 

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Robin sonna la cloche pour avertir la garde du maître de ce gigantesque palais de marbre qu’ils attendaient dehors. Ils patientèrent longtemps, car tous assistaient à la messe, y compris les soldats et le maudit portier. Au plein soleil de midi, les figures des gentils chevaliers étincelaient comme des miroirs, ils allèrent donc s’étendre en masse informe sur la margelle d’un puits voisin pour roupiller, en pestant contre ce manque notoire d’hospitalité. Un nain avec une bonne mine et coiffé d’un chapeau rigolo les croisa un moment, leur montra son engin avant de s’enfuir en courant, car Mouyse regorgeait de gens aussi étranges que rapides, surtout ceux que les hommes du tyran essayaient d‘attraper afin de les empaler. Gauviens se disait prêt à oublier leur mission, pour rechercher de suite l’endroit où le tyran tenait Marie Stetarte prisonnière, afin de délivrer la merveilleuse en descellant de ses propres mains les barreaux, s’il le fallait. Robin tempéra ses ardeurs, tout en essayant d’ignorer également celles de Percevalve, occupé dans les chausses de son chef à quelques investigations provoquées par l’oisiveté. L’odeur des branchés pourrissant sur la place leur donnait grande hâte d’être reçus dans le château sacré, et rajoutant à l’ambiance nauséeuse, chevalier Yvan sonna de son propre corps, dans l’idée de se faire mieux entendre.

 

– Par Sainte Kramouille, hurla-t-il en cassant quelques noix, il n’y a pourtant point ici de lourd pont-levis à relever ! Cet évêque se fiche de nous, pour nous faire de cette manière croquer le marmot devant chez lui.

 

Jeanne-Mireille d’Arc jetait quand à elle un regard mélancolique sur les eaux de la Louise qui charriaient vers l’aval le sale mélange de son lot de coliques. La danseuse aurait volontiers donné sa plus belle chemise pour avaler un bon bol d’air pur. Certains marins du fleuve rongeaient la coque de leurs bateaux, car ils n’avaient plus rien à manger. Puisque rien n’était plus facile que de mourir dans cette cité du royaume gouvernée par Vazy Métoian. Tout là-haut, le grand clocher octogonal se réveilla enfin, pour sonner la fin de la messe et celle de leur attente. Un judas s’ouvrit dans la clanche sous les coups donnés par Guy Bouyave et un concierge, au début très méfiant, les fit rentrer sans hâte, après qu’ils eurent décliné leur identité et la raison de leur venue. La grasse silhouette de monseigneur Robert Laygros se distingua un bref instant sur le belvédère de la façade qui les surplombait, prouvant ainsi qu’il était au courant de leur arrivée. Chacun savait que l’évêque de Mouyse s’accommodait fort bien du nouvel ordre qui s’était installé dans la ville, puisqu’il récupérait pour lui-même un bon pourcentage des biens des condamnés. Il était donc fort riche, ce qui était un état minimum, pour quelqu’un qui voit grand. Au pied de la grande église, les charrettes des éboueurs passaient en rangs serrés, pour envoyer les corps des suppliciés dans leur dernière demeure. Les chevaliers refermèrent la porte avec soulagement, afin de pénétrer dans la bâtisse qui comportait de nombreux jardins. Aucun des visiteurs n’avait cependant cœur d’en savourer les délicieux trésors. Au détour d’un potager scolaire financé par la mort de l’instituteur, on traversa les galeries marchandes situées de part et d’autre des pièces d’eau, à peine admiratifs de toute cette grandeur architecturale qui les entourait. Chaque élément du décor révélait l’ambition de l’évêque, dans le moindre détail de cette église aux proportions démentielles, laquelle se révélait bien plus qu’une vulgaire abbaye, mais un vaste domaine organisé par une armée de serviteurs. Une véritable ville dans la ville, le tout sous la bonne garde d’une milice épiscopale qui ne recevait pourtant pour son zèle qu’un modeste pécule. Quittant l’esthétisme édifiant et la fraîcheur des extérieurs, leur guide les fit pénétrer dans le bâtiment abritant les somptueux appartements de Robert Laygros, où sévissait d‘après le portier la tradition du joyeux vivre.

 

Dans le grand hall en pierre cerné par de hautes colonnades, de cacochymes gestionnaires abordaient entre eux quelques procédures laborieuses de planification, d’approvisionnement, de suivi des récoltes issues des jardins de la citadelle et des solutions pour régler quelques problèmes de prostates. Interrompant leurs essoines, tous ces vieux machins firent silence en voyant l’équipée troubler l’échange de leurs pots de vin, puis, en traversant un nouveau corridor pour laisser à nouveau entre eux délibérer ces fâcheux cagoulés, les chevaliers furent enfin mis en présence du maître des lieux. Il vint à leur rencontre, accompagné sur ses arrières d’un groupe de timides jouvencelles les bras fort alourdis par de précieux faucons. Le prélat de Mouyse était un gras du bide mal peigné qui blairait comme putois, croulant de bas en haut de lourds colliers en or, de somptueux bracelets, de broches délicates et de mille autres pentacols étincelants, autant de fins joyaux balançant avec ostentation sur sa belle chemise à crevets.

 

– Par notre Sainte Kramouille, bienvenue à vous biaux frères. Avez-vous fait bonne route ? Vous savez que nous entrons en guerre, la menuaille des campagnes se montre parfois turbulente avec les voyageurs qui parcourent la contrée, furent-ils pieux.

 

– Nous sommes bien arrivés, Son éminence monseigneur évêque, fit Robin, peu destourbé par l‘apparence luxueuse de ce gros lard à laquelle il s‘attendait. En tant qu’ambassadeurs de Kiess, mais également vertueux représentants de la Commanderie d’Aufesse, seigneurie de l'Ordure des Hospitalisés de Sainte Kramouille, nous avons en effet décidé de vous bailler notre trésor et sainte relique, à savoir l’anceisural Œil de dinde, bijou magique que nous préservons dans notre communauté depuis la nuit des temps. Car comme vous dites, l’époque est trouble et nous craignons pour sa sécurité.

 

– Vous avez moult raison messeigneurs, pourrions-nous voir cette merveille de nos yeux ?

 

Bouyave déballa la réplique du fameux joyaux pour la montrer à l‘autre, ce qui lança dans les yeux porcins de Robert des chatoiements de convoitise qu’il ne sut réprimer. Il se mit a trembler, car la valeur potentielle de l’objet dépassait tout ce qu’il pouvait espérer dans ses rêves de richesse les plus fous. Avec ça, il se trouvait plus fortuné que le tyran lui-même, sans compter qu’on prêtait à la relique de nombreux pouvoirs occultes.

 

– Adonc vous êtes de douces mœurs, chevaliers, et Kramouille apprécie le don que vous lui faites. Nous nous rappellerons de vous quand nous ferons nos prières. Restez ici tant qu’il vous plaira, pour profiter à loisir de l’hospitalité de cette cathédrale, vous y serez traité honorablement, je le créant. Vous êtes ici comme chez vous en ma maisnie, mes précieux invités dont je veillerai moi-même au bon plaisement, pour le prix désintéressé de votre trésor. Il claqua dans ses doigts pour qu’un sergent aille placer prestement l’Œil de dinde en sureté. Ensuite, après avoir ordonné à un second soldat que l’on s’occupe de leurs palefrois et de leurs balluchons, il demanda à un petit novice d’hourder les compagnons de Robin afin de leur montrer leurs chambres respectives, lesquelles n‘avaient naturellement en rien l’apparence de sévères cellules monastiques.

 

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bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:14:31
n°43532395
talbazar
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Posté le 13-10-2015 à 16:42:25  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 10.

 

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Ils grelottent, frigorifiés, malgré les scaphandres troués et craquants qu’ils ont malgré tout enfilé. Perdus aux confins de la galaxie, ils savent toutefois qu’ils n’ont pas le temps de retourner vers Mars par eux-mêmes. Emeline lance des regards assassins à Basile, alors que ce dernier s’avoue incapable de réparer le chauffage, complètement bousillé. Les lèvres dangereusement enflées, encore rendue fébrile par sa gélule de mescaline, elle s’époumonne pendant ce temps-là dans son micro inopérant, pour tenter de joindre verbalement le transbordeur, désormais pleinement matérialisé sur le connecteur d’observation radial, et non plus sous la simple forme d’un écho radar. Comme une folle, elle fait tournoyer le mât d’antenne telésatrique en girouette, sans pourtant réussir le moindre contact.

 

– Marie Jeanne à cargo, mayday, mayday, bordel ! do you copy ? tu me copies, là ?

 

– Ho tu sais, dans l’espace, personne ne t’entendra crier.

 

– Ouais ben tout à l’heure, tu m’as bien entendue, pourtant. Bon, on va essayer de se mettre en approche, mais il va drôlement vite, par rapport à nous.

 

Peu soucieux d’accentuer la débâcle qu‘il a provoqué, Basile vole docilement vers les commandes ainsi qu’un pigeon lent pour déployer l’empennage canard. Le So long sucker est encore loin, mais ils devraient pouvoir s’en approcher correctement, grâce à un savant dosage de leurs zions. Sans qu’ils ne l’osent se l’avouer tout haut, l’idée folle de louper leur sauveur trotte dans leurs têtes, ils doivent absolument espérer être vus par le rapide transbordeur, dont la vitesse inouïe ne leur donnera guère plusieurs chances de l‘aborder. Mais leur fusée est tellement ridicule par rapport à ce monstre galactique qu‘ils vont bientôt croiser qu‘elle rend son contact très délicat.

 

Justement, à bord de ce dernier, le capitaine Merval termine de bourrer sa pipe en visionnant ses propres écrans. Tout en dénouant sa queue de cheval, il distingue à présent clairement la petite fusée de tourisme, mais un silence inquiétant répond à chacun de ses appels. L’idée d’une avarie du système radio de cet astronef lui vient, alors que son second lui tend une cannette de Tchoum brun glacé. C’est toutefois gênant de freiner son vaisseau lancé à pleine course pour l’avorton qu‘ils vont croiser, lorsque son collègue lui suggère une idée :

 

– Il y a peut-être un rapport entre ce machin silencieux et la prise d’otage qui vient tout juste de provoquer la loi martiale sur Mars. Si seulement on pouvait connaître le nom de cette fusée, on serait renseignés. Toujours pas de signal ? c’est assez bizarre.

 

– Vous voyez ce que je vois, n’est-ce-pas ?  Cette coquille est muette, mais elle vient clairement de modifier sa trajectoire pour venir vers nous, elle est donc bien pilotée, ce n‘est pas une épave. Je pense qu’elle est en difficulté. Ok, bon, barre principale de contrôle lacet sur 45° et modification de puissance du gouvernail, fermeture des volets sur la grosse tige du couple, on va freiner doucement. Mais si ça sent l’embrouille, on remet sur le champ plein gaz à sa tronche pour le rôtir.

 

– On l’embarque, alors ?

 

– Faut s‘y attendre, en tout cas. Aussi veillez à allumer au sol de la plateforme toutes les lumières d’atterrissage. Va savoir, la Défédération Martienne nous filera peut-être une médaille pour service rendu. Et ouais, naturellement, faites-venir une section de fusiliers pour qu’ils se mettent en faction sur le pont d’embarquement. Je crois pouvoir apprécier l’aide de leurs Renwal Roto Blaster, si l’affaire tourne au vinaigre. Il ne goûtait pas trop dans sa vie l’intrusion inopinée de ces petits moments tordus.

 

Le second Jhon Piol Balmundo approuve le plan global, vide d’un trait la canette et quitte le pont principal pour relayer les ordres. On allait réduire drastiquement la vitesse du bolide, un truc qui ne plairait certainement pas aux hommes, toujours pressés de rentrer chez eux. Et chacun peut craindre un acte de piraterie, puisque l’Eméraldite pure se négocie fort cher sur toutes les planètes. La milice armée du bord, composée en grande partie de charognards opportunistes chargés de veiller à la sécurité du vaisseau, est mise en alerte et part rejoindre aussitôt la baie d’embarquement, leurs puissants laserguns aux poings.

 

Le commandant Merval estime cette rencontre suffisamment incongrue pour en avertir Grand Contrôle Martien, lequel semble à nouveau parfaitement fonctionnel. On le redirige sur une fréquence secrète, puis le général Digoule en personne lui répond qu’il suivra toute les opérations qui vont suivre, car il veut tout savoir sur cette fusée et ses énigmatiques occupants. Deux Shaleclairs Thunder Flash X-40 sont en plus d’office dépêchés immédiatement vers eux. Le capitaine avait fait le nombre maximale des opérations autorisées par les lois physiques pour freiner sa bête, il s’agissait maintenant d’attendre que le moustique inconnu vienne se planter dans son énorme flanc.

 

– Noubliez-pas que sommes pour ainsi dire entrés en guerre ouverte contre les rebelles. Rappelez-vous les mots de notre éminence, commandant, rajoute encore Digoule pour l’encourager, puisque comme ses femmes vous le diront, c’est dans la clarté des choses insignifiantes que chacun peut puiser sa part d’éternité. Ce qui fait somme toute, alors qu’il coupe temporairement la communication avec le chef de l’état-major Martien, une belle jambe au patron du So long sucker.

 


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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:16:13
n°43567687
talbazar
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Posté le 16-10-2015 à 17:40:46  profilanswer
 

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Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 40.

 

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Le lendemain, vint l’ultime épreuve du Heb Sed. Pour s’y présenter, Néefièretarée avait choisi très peu de bijoux, mais en revanche elle avait enfilé une superbe robe en cuir de boeuf, très moulante et sexy, qui sublimait ses formes sans pareilles. Par faveur royale, Trêmouatoli avait trouvé une place d’honneur sur les gradins, à la gauche du général Merdenkorinnanâr, alors que Pubi Senfouyî occupait celle de sa droite. Un large pectoral d’or allumait le visage anxieux du militaire, car il craignait plus que jamais pour la vie de la reine. Un éclair de noirceur obscurcissait son regard soupçonneux, lorsqu’il le posait sur les immenses gradins où la foule s’agitait bruyamment en mangeant des sauterelles grillées. Il écrasa d’un coup de sandale un serpent maraudeur, puis il essuya ses mains moites sur son pantalon violet, priant en secret Horus, glorieux fils d’Isis, pour que la dernière performance exigée de la Pharaonne puisse se dérouler au mieux. Quand à Phimosis, personne ne l’avait vu, ce qui semblait étrange et un poil suspect, compte tenu du fait qu’il était le favori de la reine, selon la dernière mise à jour du palais. Le grand prêtre Jérijône s’était collé au premier rang, afin de commander lui-même aux trompettistes de sonner le début du spectacle. Deux de ses jeunes élèves sacerdotaux étaient assis sur ses genoux, agitant sur sa tête quelques plumes d’autruches pour l’éventer. Une folle rumeur néfaste commençait cependant à ramper comme une houle mauvaise sur les hautes marches, car personne n’apercevait l’obélisque qu’il fallait redresser. Beaucoup de Tépafins demandaient déjà avec ostentation à se faire rembourser le prix de leur billet, on distribua donc à la hâte des couvertures de survie et des boissons sucrées, avec les excuses de la direction qui somma ses clients de patienter.

 

Au son éclatant dans les aigus que fit vibrer hideusement le concert tremblant des chnous, Néefièretarée se présenta finalement sur l’estrade qu’on lui avait préparée. Souveraine quoique mutine, elle jeta à la ronde un regard de ses yeux de myrrhe sur la multitude de ses sujets courroucés. Les retrouvailles avec son peuple s’annonçaient houleuses, elle claqua dans ses mains pour demander le silence et se fit au passage super mal avec ses bagues, mais la foule se calma aussitôt. Après une période muette d’observation au cours de laquelle l’héroïne et ses admirateurs s’observèrent mutuellement, elle fit glisser très lentement sa robe en peau de zébu noir en ondulant des fesses, cette action déclencha naturellement chez les hommes un tonnerre d’applaudissements fervents, parce qu’ils étaient finalement des gens doux et intelligents. Comme tous se trouvaient touchés par l’étonnant scénario, un grand silence fit place à la liesse des spectateurs, lorsque la pharaonne entama pour eux une danse endiablée et lascive, et la vie s’infiltra tranquillement dans les pagnes trop serrés des mecs. La démarche de la reine n’était pas sans calcul, celle-ci démontrait même beaucoup de cohérence à jouer son rôle d’aguicheuse. Elle jeta sa petite robe serrée dans la foule qui se battit férocement pour l‘attraper, avant de jalouser ouvertement l’heureux élu, lequel se mit à la brandir aussitôt fièrement, avant de se la faire piquer par un autre. Néefièretarée chauffait son monde avec une science érotique inégalée et le nouvel esprit de la compétition faisait perdre aux bonhommes tous leurs moyens. En s’agitant nue devant eux, la reine exerçait un pouvoir fascinant, comme une petite poule devant des coqs de basse-cour, et toute la foule engea avec elle une séduisante complicité. En leur montrant ses seins, elle était l’étoile montante qui les faisait monter, car tout bonheur dépend au départ de soi-même. On lui jeta des fleurs, elle leur montra sa fleur. Les beaux jeunes gens de Tépafou hurlaient leur plaisir, en particulier ceux qui avaient la meilleure vue, car ils se montraient dans le projet de la reine les plus actifs, en dépit du regard sévère de leurs épouses dépitées, qui traitaient par contre entre elles, sans se gêner, la pharaonne d‘arriviste nymphomane. Mais elles n’y pouvaient rien, leurs maris se montraient en pleine forme et tenaient fermement leur pilier dans la main, alors que Néefièretarée jouait de ses cuisses divines en roulant du popotin, pleine dans ses moindres gestes d’allusions salaces qui ne faisaient regretter à personne d’être venu. Pour le modeste prix de leur place assise, elle leur faisait à présent le maximum en les mettant debout.

 

C’est alors qu’arriva triomphalement en scène Phimosis, le Kouchite à la musculature puissante, vêtu seulement d’un guilleret slip en peau de léopard, avec la fourrure à l’extérieur. Tout sourire, il fit jouer ses biceps d’ébène en les faisant rouler l’un après l’autre, et puis le scribe plongea amoureusement sur la reine pour répondre à son invitation. Chassant toute pudinonderie, Néefièretarée s’éclata ensuite sans retenue devant son peuple aux anges, non sans hurler aux meilleurs moments des actions :

 

–  Par la splendeur d’Osiris, voyez donc, je suis celle qui se tient debout, derrière le gros pilier djed !

 

Et toute la foule galvanisée répétait en cadence après elle pour l’encourager :

 

–  Oui, car de cette façon, tu deviens le sublime pilier de l'Égypte et du monde !

 

Et quand le couple eut terminé, chacun s’accorda à dire que non seulement la pharaonne n’avait pas seulement redressé un obélisque comme l‘exigeait la coutume et les lois de la fête sacrée, mais environ 500.000. Même les femmes ne trouvèrent rien à redire, car elles firent de leur mieux pour s’occuper ensuite de toutes ces colonnes taquines érigées en grand nombre autour d’elles. Ayant officié de la plus belle manière, Néefièretarée fut assimilée sans problème à Osiris et l’affaire fut entendue, surtout que le grand prêtre n‘avait en définitive remboursé aucun billet. Après la cérémonie du redressement de l’obélisque, un grand cortège tapageur fut organisé dans les rues de Tépafou, à l’avant-garde duquel on promena la litière de la pharaonne, suivie des lourdes statues des dieux et des notables les plus en vue. Alors que Masérati-fé-vroum et Jèpéess faisaient de leur mieux pour s’offrir aux maquilleurs en leur faisant des appels de fards, tout en prenant garde de ne pas renverser de piéton sur leur trajet, Néefièretarée suçait des dattes en compagnie de Phimosis et de Trêmouatoli, soulagée que la fête du Heb Sed soit à présent finie.
 
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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:17:34
n°43580181
talbazar
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Posté le 18-10-2015 à 11:33:20  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 64.

 

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Gwendoline jeta un œil sur le programme télé qui trainait sur la table basse. Quand ce n’étaient pas des histoires de flics, la lucarne proposait de sempiternelles incursions assez réalistes dans les hôpitaux. Elle voulait des loisirs, pas qu’on lui inflige son quotidien sur 1,20 m de diagonale. Elle aurait plutôt voulu voir des intrigues amoureuses qui se terminaient bien, des scénarios de passions à peine contrariées, juste ce qu’il fallait pour y croire vraiment. Des Roméo et des Juliette, des Tristan et Iseult, mais surtout des Gwendoline et des Jason. En tout cas surtout pas des films avec des fausses couches à répétition. Elle se positionna en terrain neutre, en optant pour une ballade au milieu des fourneaux d’un chef étoilé, roi de la nouvelle cuisine expatrié depuis douze ans en Amérique, et tout allait pas trop mal pour lui, vu qu‘il avait fait le bon choix d‘être là-bas et pas ici. Elle eut droit en préambule à un éloge sur « The pâté de Périgueux ». Alors que le maître des casseroles en cuivre assénait pour suivre, avec un accent horrible, qu’il fallait tout faire pour qu’un patron de resto puisse alléger sa carte, tout en triplant son prix, Gwendoline n’entendit pas son agresseur glisser en silence dans son dos, afin de la bâillonner avec un tampon anesthésiant. Elle tomba dans les pommes en se débattant, laissant la télé diffuser pour personne les images d’une superbe nouvelle tarte aux figues. Aidé par deux comparses, l’homme empoigna l’infirmière inconsciente pour la transporter dans une voiture qui prit ensuite le chemin du foyer de Babette, sous une pluie devenue battante.

 

Elles se réveillèrent côte à côte dans le noir d’une chambre dépouillée, fermement ligotées et l’esprit flageolant. Elles ne purent conclure à autre chose qu’à un coup fourré de Cassandra, agissant par vengeance sur leurs petites personnes. Après avoir posé cette conclusion comme une évidence, elles se mirent à trembler en prenant conscience du danger qu‘elles pouvaient attendre de la part de cette salope d’endive psychopathe. Surtout en s’imaginant que la rousse au brushing impeccable puisse fricoter avec la nébuleuse franc-maçonne, selon une réflexion de Gwendoline que Babette préféra ignorer. Allumant la lumière au propre comme au figuré, l’arrivée de Danielo Filipacchi devant elles acheva de les disloquer sur une nouvelle donne, lorsqu’il leur expliqua le rôle que jouait la cocaïne dans leur malheur. Bien que dédouanant l’aide soignante, leur aventure pouvait néanmoins à tout moment basculer dans la violence, ce qu‘elles pigèrent illico en apercevant le revolver coincé dans la ceinture de leur kidnappeur. Elles gardèrent donc un silence prudent, conscientes de risquer la mandale, devant ce qu’elles percevaient de la personnalité du type qui les toisait méchamment, avec un renoncement à toute empathie visible au premier degré. Le mafieux jaugea parfaitement les échelons de leur peur, lorsqu’il leur expliqua pourquoi elles étaient là, puis il referma la porte en appuyant sur l’interrupteur, pour les replonger dans une angoisse remplie de ténèbres.

 

Les pieds bien au chaud dans ses pantoufles, France Loisirs triait le courrier de la clinique Saint Bernard avec son flegme coutumier. Les paquets d’un côté, les lettres de l’autre, sachant que très peu des missives seraient finalement ouvertes par leurs destinataires, puisqu‘elles finiraient dans la poubelle. L’avantage d’une clinique sur une ambassade résidait dans le fait qu’il y avait beaucoup moins de probabilités qu’une bombe soit glissée dans un des colis. Remplie d’une curiosité inavouable, mais surtout parce qu’à cette heure matinale elle s’emmerdait derrière son bureau, elle ouvrit soigneusement une petite enveloppe qui craquait joliment au toucher. Une indiscrétion moins risquée que d’écouter aux portes, ce qu’elle faisait souvent. Au gré d’un dépliage soigneusement réussi, elle fit tomber un doigt coupé sur les fiches des clients, qu‘il tâchat de sang. Elle resta bouche-bée devant ce petit annulaire sanguinolent, en le fixant un bon moment avec un sentiment de dégout répulsif. Des doigts, elle en avait reçu dans sa jeune existence, ah ça oui, mais ce truc répugnant l’habita d’une interrogation propre à dérouter sa raison. Il n’était pas question que ce machin gris et raide, emballé vulgairement par la poste, soit destiné à quelque greffe. Aucune explication n’accompagnait cet envoi macabre. Et puis France reconnu la bague qui ornait la petite saloperie, car elle l’avait déjà vu sur la main de Jean Flammarion, le beau mec de Cassandra. Prise malgré elle d’une sorte de frénésie visuelle, elle examina encore avec attention la chevalière, puis elle téléphona au docteur Jason en lui demandant de se pointer à l’accueil immédiatement. Ce simple doigt tranché avait le don d’entortiller les neurones de la jeune femme, par sa simple présence d’une intensité proprement dramatique. La tronche de Jason lorsqu’il attrapa l'annulaire afficha trente secondes de désastre, et puis il l’empocha sans rien dire en s’efforçant de reprendre pour la stagiaire son éternel sourire de toubib successful. Elle n’osa pas insister sur la singularité de ce courrier, on était dans une clinique, on coupait des trucs et on rajoutait des machins, ici s’effectuaient les précieuses transactions de la bidoche humaine en danger. France laissa donc le patron s’éclipser avec la trouvaille, puis elle se pencha à coups de rapides raccourcis clavier sur l’arrivée d’une nana de son âge, laquelle, après un accident de mémoire, venait de perdre son scooter.

 

Jason savait bien qui lui faisait ce petit cadeau, il craignait juste que les autres parties de Jean Flammarion soient encore en état de marche, surtout la langue et tout ce qui pouvait servir à parler. Cassandra lui avait bien dit ne pas avoir de nouvelles de son fiancé depuis la veille, mais ils ne vivaient pas ensemble, elle restait néanmoins grandement préoccupée par ce silence étrange. Le chirurgien croisa dans le couloir Al Capone un orthophoniste, un psychomotricien issu de la pédagogie à distance, un ergothérapeute et un clown chargé d’effrayer les enfants pour qu’ils se tiennent peinards pendant leurs soins. Le patron de la clinique rendit à chacun son salut, puis il s’enferma dans son bureau, les yeux rivés sur la petite photo de Cassandra, et qu‘il examinait à présent en lui prêtant le rôle d‘anticorps psychique contre la culpabilité. Il appela Denoël, dans l’intention de l’informer qu’il devait se rendre au plus vite en Grèce, afin de participer à un colloque indispensable sur le régime des crétoises. Il demandait donc au policier la permission de quitter le pays pour quelques jours, tout en lui suggérant de récupérer au plus vite l’encombrante cocaïne, dont il ne voulait plus entre ses murs. Comme l’autre lui demandait ce qui posait problème, le toubib déballa son sac pour dévoiler enfin les menaces dont sa clinique faisait l’objet, ceci histoire de mieux convaincre l’homme des douanes de s’organiser au mieux pour lui assurer une haute protection. Il omit cependant bien entendu de lui dévoiler ses propres petites magouilles, lesquelles venaient sans doute d‘amputer d’un doigt Flammarion. Au moment où il raccrocha, sur l’assurance que le commissaire Mensinq et Denoël arrivaient sur le champ, un début d’ulcère s’occupa tranquillement à perforer les parois de l’estomac de Jason. Aucune de ses expériences n’arrivait à prouver l’efficacité du millepertuis sur cette affection, bien qu’on puisse affirmer de cette plante qu'elle est généralement un bon stimulant digestif.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:21:55
n°43604379
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 20-10-2015 à 15:27:55  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Nœud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 03.

 

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Lorsqu’ils furent rentrés, Vaya déclina l’offre d’un verre de remontant Ecossais, mais demanda en revanche poliment si elle pouvait prendre un bain. Bien franchement, il n’avait aucune raison de lui refuser ce plaisir, l’admettant même comme un besoin nécessaire. La petite chérie débraillée avait besoin de se détendre par n’importe quel moyen. Il s’éclipsa un moment dans la salle d’eau pour lui préparer une serviette propre, vira au passage par standing un ou deux de ses propres slibards vagabonds qui trainaient dans un coin, puis il laissa la jeune femme investir la baignoire. Il l’entendit patauger un moment, et puis plus rien. Peut-être s’était-elle endormie, grand bien lui fasse, tant que l’eau restait tiède. Il colla deux glaçons dans son verre, avec la pensée qu’une personne sur huit dans le monde n’avait pas accès à l’eau potable. Des fois, l’existence est un cadeau pourri. Du coup, encouragé par cette vilaine et navrante idée, il s’en servit largement un autre. La soif ou la dengue, lui il s’immunisait préventivement à coup d’alcool contre la première, voir contre les deux, allez savoir. En songeant à la sirène qu’il hébergeait, il ne tenait pas trop en place, surtout en raison des renseignements de première bourre qu’elle détenait à coup sûr. La gosse était jolie, charmante et lucide, pour ce qu’il en avait vu, mais principalement, elle avait été aux premières loges dans ce foutu cargo et ça valait son pesant d’or, même si elle n’était pas très bavarde. Il faudrait bien qu’il trouve le moyen d’animer le débat d’une manière moins anodine avant de la relâcher dans la nature. Le silence l’inquiéta subitement, puis un bref clapotis fusant derrière la porte le rassura un peu.

 

– Tout va bien ?

 

– Oui, oui, merci, une petite minute encore et je vous rejoins.

 

La douce voix de femme le tranquillisa, car il n’aurait pas aimé retrouver cette inconnue marinant chez lui dans son sang et les poignets coupés. Du coup, il avait vaguement hâte de la voir revenir dans le salon. Alors qu’il sirotait par petites gorgées minimalistes la fin de son nectar anti-palu, il avisa le sac à main de la belle posé sur le secrétaire à tiroirs. Martin décida aussitôt que cette fille ne prendrait pas la tangente sans lui en apprendre davantage. Un coup de chauffe le tira brusquement de son fauteuil, avant qu’il ne se mette à fouiller méthodiquement la sacoche providentielle, laquelle se surchargeait des indispensables et anodins trucs de fille. Quelques superbes photos d’elle toute seule, le portrait d’une autre fille blonde en sa compagnie, des papiers au nom de Vaya Condios, vingt huis ans, née pas loin d’ici, un permis de conduire, un petit carnet étonnant complètement rempli de gribouillages qui s’avérèrent en regardant mieux être un bombardement graphique d’obscures formules mathématiques. Une clef nue qui n’était donc pas celle de son logement. Curieusement, pas de téléphone. Martin manipulait les objets, un poil déçu. Seul le calepin aux équations énigmatiques dénotait parmi le contenu du sac, mais il ne savait après tout rien de sa propriétaire. Il s’amusa presque d’imaginer Vaya prof de maths ou mieux encore prix Nobel de physique. Un grincement de porte feutré le remit subitement sur les rails.

 

– Faut pas vous gêner.

 

Il se retourna, elle le regardait faire avec une moue pincée et une colère visible. Avec cet air bravache et ses cheveux mouillés, elle était bougrement attirante. Martin voyait venir à grandes enjambées une relation destructrice, il préféra jouer carte sur table :

 

– Ecoutez, je ne suis pas un promeneur, mais un détective privé. J’ai besoin de savoir qui vous a frappé dans ce bateau, parce que j’étais en train de le surveiller.

 

– Maintenant, si vous voulez bien, je veux bien prendre un verre.

 

Il s’empressa de la servir, content qu‘elle redescende aussi facilement de ses grands chevaux. Comme il se penchait, il se rendit compte qu’elle sentait le bain moussant, par bonheur elle ne s’était pas noyée dedans, aussi cette odeur de lavande bien dosée remua délicieusement le privé par son parfum frais. Vaya semblait vaguement rassurée à présent et elle lâcha un beau sourire, comme si c’était le geste indispensable à faire pour montrer qu’elle pardonnait la petite intrusion de Smith dans son intimité. Son beau regard marron se perdit un instant sur une fissure qui balafrait le plafond. Elle parla ensuite d’une langue nerveuse, mais son air de chien battu la rendait un rien pathétique :

 

– Il y a quelques jours, j’ai fait dans un bar la connaissance d’un type nommé Perry Gorret. Je ne suis pas du genre housewife de la petite bourgeoisie, voyez-vous.

 

– Je crois l’avoir bien compris. Tutoyons-nous.

 

– D’accord. Elle oubliait complètement de lever les yeux vers le plâtre lézardé à présent, pour mieux se concentrer sur ce qu’elle voulait dire, afin d’en communiquer au mieux à Martin tout le suc et l‘essence. Perry m’a présenté quatre de ses amis avec qui nous sommes allés au restaurant, mais j’ai bien vu que ces gars là avaient quelque chose de louche. A vrai dire, ça m’a fait un peu peur, surtout qu‘il se donnaient entre eux des surnoms comme La Hache et La Teigne. Mais Perry restait un beau mec très gentil avec moi, et c’est la seule chose qui m’importait vraiment. Après ce repas, les choses ont un peu changé et il est devenu plus distant. Comment dire ? notre relation est devenue moins frivole. Et puis hier soir, il m’a appelé pour qu’on aille rendre visite à ses potes sur le port. Il m’a dit « tu vas voir, c’est amusant, Edouard La Hache, c’est un marin, on va visiter son cargo. » J’en avait rien à foutre de son bateau, je voulais juste passer la soirée avec mon mec, mais j’ai dit que je voulais bien y aller. Quelques soupçons de larmes jaillirent dans ses yeux pour la métamorphoser en petite fille chagrine et vulnérable, ses paroles devenaient friables. Le rappel de sa soirée se montrait sur elle physiquement éloquent.

 

– Continue, ton histoire m’intéresse.

 

– On a grimpé à bord. Presque toute suite, j’ai compris que je venais de me faire avoir.
J’étais entourée de types que je connaissais pas, sauf La Hache qui n’avait plus rien d’un ami, et même Perry s’est effacé devant un gros mec baraqué et chauve qui lui a parlé à l’oreille, mais je voyais bien que c’était à mon sujet. Il y avait également un vieux bonhomme en blouse blanche, à moitié barjot, qui m’a collé les chocottes d’emblée.

 

– Il s’appelait pas Bill, ton bedonnant ?

 

– Si.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:23:13
n°43655003
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-10-2015 à 08:42:51  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Saga du trône de Fion - Sur la queue du dragon. Tome 1. Extrait numéro 68.

 

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Au matin, on tomba des moelleux baldaquins au son des cloches du palais périscopalien, car monseigneur Robert Laygros voulait leur faire visiter au plus tôt son domaine dans les moindres détails. Il retrouvèrent donc dans la grande salle d’honneur le maître des lieux, fort joyeux et depuis longtemps déjà attablé en face de sa copieuse pâtée. Sur son ordre, les gardes décroisèrent leurs hallebardes à leur arrivée. En voyant les chevaliers se plisser les mirettes encore à demi-fermées, l’évêque les convia  à entonner cordialement quelques timbales de sa propre treille en sa compagnie. Eux s’agenouillèrent pour être bénis.

 

– Ah mes amis, eûtes-vous bien roupillé en vos dormitoires ?

 

– Si fait et assurément votre éminence, fit Robin, en remerciant avec cordiesse l‘échanson qui l‘abreuvait, et sans aucune malice à vrai dire, mais nous étions vraiment  bien fatigués de notre long voyage.

 

– Et bien, chacun ici peut se louer de votre enthousiasme à servir mon église. Allons, faisons bombance et bonne ripaille car ensuite, je vous montrerais tout de ma propriété qui regorge tout autant de moines que de cierges et de vierges, en sa pieuse austérité.

 

– Kramouille merci, car je vois bien qu’on y fait là bonne chère et que s’y mène charmante joyeuse vie, répliqua son interlocuteur, en posant avec précaution sur la table son pot de fard à joues.

 

Si Robert constata dans le ton ironique de Robin que ce dernier lui faisait nique, il n’en laissa rien paraître. Mais l’évêque cria méchamment haro sur son pauvre échanson qui venait de lui verser un peu de vin sur la robe. Chassant l’autre sans égard, le maître vida d’un coup sa culule comme un avale dru, en se séchant sa grosse lippe d’un revers de manche énervé. Les soldats se chargèrent d’embarquer discrètement par les épaules le piteux sommelier pour l‘entrainer en dehors de la salle.

 

– Bon, bon, cessons de beuvailler, suivez-moi, nous allons commencer par faire un tour au scriptorium.

 

Ils longèrent à sa suite un grand cloître, dont les colonnes flanquaient les bas-murs d’un cimetière destiné à contenir les futurs punis, comme l’expliqua leur guide sous les yeux émerveillés de ses invités. Robert obligea un bon moine à soulever quelques dalles pour montrer que rares étaient les tombeaux vides, compte tenu du grand nombre des anciens punis. Cette constatation n’amena chez les visiteurs aucune question, juste un sentiment de pitié pour ceux qui avaient si prématurément pris leur congé. On ne dit rien, mais chacun avait reconnu sur l’un des corps les traits de l’échanson maladroit qui les avait abreuvé en mâtinée. Tout le parcours se trouvait jalonné par les signes de la puissance de l’évêque, dont chaque vavasseur se précipitait au-devant de lui pour lui baiser la bague, sans pour autant éclipser mille injures et autres avanies. La présence opportune des chevaliers du temple en sauva certainement quelques-uns de la pendaison. Ainsi c’estoit le pouvoir absolu dont disposait Robert Laygros en sa maisonnée. Ce dernier leur fit monter plus tard de larges marches pour pénétrer dans l’atelier qui marquait le premier but de leur escapade, et où se copiaient de riches vélins à la gloire de Notre Kramouille. Sur le plus grand mur, cinq panneaux circulaires évoquaient en belles peintures le percement du nombril de sœur Fleurette, martyre de l’harangue héroïque à l’époque de l’ancienne néo-réaction déraisonnable.

 

– Diantre, en voilà bien torchée la composition admirable, proclama à haute voix le chevalier Gauviens, s’extasiant comme ses frères devant le panorama qui peignait une ambiance fort étrange, dans une rencontre saturée d’un rose chair des plus intimiste.

 

– Savez-vous qu’il y aurait dans les prisons du château de Mouyse une artiste fort douée ? elle serait la petite épouse de l’ancien vizir de Fion que la reine Amanda Blair a occis, rien de moins, mais on dit qu’elle se tient en vie grâce à la virtuosité de sa palette, car elle tracerait de notre roi Vazy Métoian le plus magnifique portrait qu’oncques n’aient jamais vu. Il me faudra du reste la rencontrer pour qu’elle me saisisse de même, avant de trépasser.

 

Robin se fit violence pour ne point regarder les autres, mais il jubilait en son for intérieur de savoir Marie saine et sauve. Il en goûtait l’indice avec délectation. Le grandiose scriptorium était marqué par vingt siècles d’histoire et Robert l’avait transformé en véritable agence business ; les tarifs de ses manuscrits étaient placés très hauts et la demande croissante de ceux qui savaient les lire battait des records. Les seigneurs de Mouyse en étaient par conséquent les consommateurs les plus acharnés, surtout en raison des enluminures osées et coquines qui ornaient les codex, quelque soit le sujet traité. Le point fort de la méthode de travail des copistes étaient d’ailleurs d’utiliser pour leur inspiration de nombreux tableaux vivants. On payait donc par quelques pièces de jolies bagasses empruntées aux bordels de Mouyse, gourgandines dont chaque illustration s’évertuait à en tracer tous les détails anatomiques. Robin et ses amis firent coucou à chacune lorsqu‘ils les aperçurent, alors qu’elles se débarrassaient au nom de l’art de leurs étoffes encombrantes. Ainsi, grâce à l’astuce admirable, la cathédrale réalisait par la vente de ses ouvrages de nombreux profits, à raison de 125 885 988 exemplaires diffusés chaque mois dans les trois royaumes. Robert était si fier qu’il rappela aux autres que son atelier avait été sacré plusieurs fois meilleur scriptorium du Minouland.

 

– Mais bon, pas de mystères : pas de vacances, pas de week-end et travail de nuit.

 

Ils se penchèrent sur le travail délicat qu’effectuait un bon moine coiffé d’une charlotte en toile cirée, espadrilles aux pieds et pyjama de page orné d’un col rabattu. L’homme leva brièvement le nez pour remercier des compliments reçus, puis le froqué, consciencieusement appliqué à son ouvrage sur la grande histoire des atteints de strabisme divergent, replongea sa longue plume dans l’encrier. Tout en forniant son précieux manuscrit, lequel était en réalité un commentaire portatif du mandement des vicaires généraux capitulaires du diocèse de Mouyse, l’artiste prenait mesure d’une petite rousse en position du missionnaire, dont il comptait visiblement faire l’esquisse pour agrémenter son ouvrage. Jeanne-Mireille trépignait dans son désir d’aller voir ailleurs, en raison du mépris que lui inspirait toutes ces news culturelles. A son grand soulagement, on quitta la fabrique des codes ecclésiastiques pour se rendre au harem personnel de Robert le débauché. Tout en marchant au milieu des jardins fleuris, Robert badinait de choses et d’autres, mais il semblait habité d’un seul et même désir ardent :

 

– Messieurs les chevaliers du temple de Sainte Kramouille, vous qui avez possédé si longtemps l’Œil de dinde en votre commanderie, pourriez-vous m’en raconter quelques vérités sur son fonctionnement magique ?

 

– O vous savez monseigneur, répondit Yvan de Ladaupe à l’épée vigoureuse, point ne nous ont été baillées les révélations de ces glorieux mystères.

 

– C’est bien fâcheux, vraiment, vous m’en voyez navré. Il lâchait dans ses yeux un désir de tortures évident.  

 

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Bon dimanche à tous,

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:26:21
n°43675660
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-10-2015 à 06:27:59  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 11.

 

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Noire est la nuit de l’espace infini dans lequel battent de plus en plus faiblement les cœurs congelés d’Emeline et Basile, au milieu de leur coffre de chair glacée. Deux corps inertes qui flottent en se cognant aux parois de la fusée, mais celle-ci a été juste à temps programmée pour rencontrer automatiquement le transbordeur, et elle file vers lui sur une trajectoire obstinée. Dans ce dernier, le commandant Merval joue les patrons chevelus en réunissant une bonne partie de l’équipage sur le troisième pont bourré de tuyaux, avec le souci de raviver la rigueur du groupe, passablement laminée par le quotidien ennuyeux de la vie du bord. Il jette un regard bienveillant sur la vieille bande barbue et dépeignée, dont il connaît tout ceux qui la composent un par un, sans oublier en plus les copines de certains.

 

– Bon les gars, j’ai besoin de cinq hommes en excellente condition physique. Il voit de suite que la chose n’est pas gagnée, mais il refuse de céder au jeu de la simple apparence. Une fusée inconnue nous tourne autour, j’ai de bonnes raisons de la croire en panne, mais avant de l’acceuillir chez nous, je voudrais qu’on l’inspecte à bonne distance. Il y a peu de chance qu’il s’agisse d’un acte de piraterie.

 

– Hé, c’est un job pour les gars de la milice ça, intervient Kishi Kikurséwawa, un spécialiste des pompes de chambre.

 

– Non, ils sont mis en alerte rouge sur l‘aire d‘embarquement, bien entendu, mais je tiens à ce que le premier contact soit pris dans l’espace par des mecs pacifiques. Avec une bonne prime à la clef, bien entendu. Un malaise, un trouble curieux s’est emparé malgré tout des hommes, en dépit des eullars promis.

 

– Je trouve qu’il y a quelque chose de pourri dans ce plan, mais bon, je suis volontaire, lâche pourtant un fournisseur primaire OS nommé Charlie Badelaire, en levant sa main empoissée. Et puis je ne veux pas être ni insistant ni lourd, mais je veux quand même un lasergun dans ma poche, aussi.

 

Un brouhaha virile salut son intervention. Si Charlie s’interdit à l’évidence pas mal des beautés de l’esprit, il a quelques potes dans le cargo qui préfèrent comme lui mourir debout, aussi plusieurs d’entre eux attirés par l’action décident de le suivre aveuglément, le plus précieux d‘entre eux étant pilote de remorqueur. Merval félicite aussitôt les cinq courageux, avant de les envoyer grimper au plus vite dans un Spacetug, car la Marie-Jeanne est désormais très près de son vaisseau. Mais il a refusé absolument de les armer, obéissant en cela aux consignes du général Digoule, lui-même aux ordres de Nikos Sirkisi, lequel craint pour la vie des otages si cet engin s‘avère bien être la Marie-Jeanne. Les gars de la milice assoiffés de sang les regardent quitter le navire avec un air goguenard, eux flairent le piège et ne goûtent guère une approche civilisée avec cette fusée mystérieuse qui s’obstine à fermer sa gueule. Les fusiliers se tiennent sur leur garde, rictus de fauves, Renwal Roto Blaster et Metralin Soniluz Gun dans leurs mains gantées, avec la certitude d’avoir bientôt à jouer leur rôle en tirant dans le tas. Une fois ne serait pas coutume, tant il est vrai que les trois quarts du temps, ces soldats du civil qui officient dans les cargos sont payés uniquement pour glander. Une fois sur place, après une série de minimes corrections, le petit remorqueur a toutes les peines du monde pour s’accrocher sur sa cible, bien qu’elle continue de glisser sur une trajectoire très stable. Toujours aucun signal de détresse de la part de ce vaisseau fantôme. Rien n’apparaît au travers des hublots, mais l’intérieur de l’astronef est allumé et ses amplis directionnels crachent à l’extérieur comme il faut. Charlie décide d’y aller voir, avec l’approbation de Merval qui lui recommande d‘être prudent. Pas besoin de le dire, Badelaire et ses amis aiment beaucoup leurs os. Encore trente secondes de jolie manœuvre invertie, puis ils déploient les longs bras d’araignée pour se coller étroitement sur l’anneau de guidage, avant de pénétrer l’un après l’autre par l’écoutille du sas d’entrée dans la fusée au décor gelé.  

 

– On reste groupés, fait Charlie aux autres en marmonnant pour eux dans son implant, alors qu‘il progresse prudemment le premier dans le couloir éclairé. Au cockpit d’abord.

 

Les compteurs de radiations sont ok, la pression est correcte, mais de toute évidence, la clim est naze. Tout de suite, ils tombent sur les restes éparpillés du Blauquevécé, Charlie en fait un rapport immédiat à Merval, puis il aperçoit Emeline et Basile flottant dans un coin. L’un des gars les trouve mal en point, mais ils sont toujours vivants. Deux gars les poussent de suite vers le Spacetug, alors que les autres poursuivent une visite approfondie qui se révèle infructueuse. Toutefois, l’holocast de Karela Borounie qui danse près de la console de l’aspiromètre intrigue fort l‘OS. La femme a l’air soucieuse :

 

– Soisig, pourquoi tu ne réponds pas ?

 

– Ici Charlie Badelaire, équipage du So long sucker, je vois que vous castez de Mars, déclinez votre identité.

 

Mais l’image habitée d’une évanescence bleutée s’évanouit immédiatement sans fournir d‘explication. Fouillée de fond en comble, la Marie-Jeanne ne recèle nul autre occupant, mais pour Merval la présence d’un cadavre de Blauquevécé ne lui dit rien qui vaille. Après avoir reçu les ordres de l’état major martien, il considère lui-aussi qu’il n’est plus utile de s’encombrer de la fusée. Il ordonne donc de couper le réacteur zionnique de celle-ci et fait rentrer Charlie en urgence à son bord avec les deux rescapés. Le plus emmerdant pour Merval est à présent qu’il lui faille attendre l’arrivée des Shaleclairs militaires envoyés vers lui, avant de pouvoir repartir. A tout hasard, il ordonne quand-même au Spacetug de câbler la Marie-Jeanne pour établir une remorque éventuelle, ce qui est très différend que de la prendre en soute. Le ballet des projos extérieurs de l’énorme So long sucker désormais à l’arrêt salue le retour de la bande à Charlie, lorsque le Spacetug glisse sur l’aire d’embarquement avec un certain fracas. Une fois le hangar clos, le petit remorqueur n’a pas encore éteint ses feux qu’un groupe de médics s’approche pour prendre en charge Emeline et Basile et les conduire au plus vite en salle de soins. On engueule quelques types qui poussent devant eux une échelle roulante en bloquant le passage, et puis les gros bras de la sécu quittent l’endroit qui n’a plus aucun intérêt pour eux. Réchauffé, revenu finalement à la vie, le couple reçoit sans attendre à son chevet la visite du commandant qui leur souhaite la bienvenue, avide de connaître leur histoire, même s‘il croit déjà savoir beaucoup de choses. Il les laisse longuement parler, histoire d’engranger avec certitude chaque confirmation, puis il intervient à son tour :

 

– Eh bien, Emeline et Basile Decock, vous venez de l’échapper belle ! J’ai cependant une mauvaise nouvelle à vous communiquer.

 

– Laquelle ? interroge Basile en cochant un formulaire pour déclarer qu’il ne ressent aucune douleur dans la poitrine, ni craquements intempestifs dans ses cartilages.

 

– Par satellite-relais, le patron terrien de la Pig Broz qui vous emploie vient de vous licencier pour faute grave et abandon de poste.

 

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Revue de presse.

 

Aujourd'hui : elles réveillent le quartier.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:28:12
n°43678968
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-10-2015 à 13:16:09  profilanswer
 

Business International.

 

Aujourd'hui : Staraclaques, la Startup du pro-fesseur Talbazar qui n'arrête pas de grimper. (bientôt cotée en bourse)

 

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La démo gratuite :

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:32:02
n°43713698
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-10-2015 à 11:15:32  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 41.

 

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Thèbes dormait, les vivants sommeillaient et les morts reposaient dans leurs bandelettes au fond des sarcophages. Seth veillait sur chacun d’eux, dans l’atmosphère poussiéreuse des caveaux, y compris sur la sépulture du devin Tahosétlafer, momifié soigneusement et placé dans son ultime demeure avec tout l’apparât nécessaire par Ramassidkouch, afin de masquer son forfait aux courtisans qui n’avaient pas suivis Néefièretarée dans sa course vers le sud. L’illustre défunt détenait à présent à la place de son cœur une minuscule pierre rare taillée en forme de scarabée bleu-marine. Avant de le placer dans son cercueil de bois, les embaumeurs avaient décidé de tester sur lui une nouvelle technique de momification, ils l’avaient donc cuit longuement à la vapeur avant de le recouvrir abondamment de paprika, ce qui donnait au corps une belle couleur orangée. Descendu par dessiccation à moins de 5% de matières grasses pour limiter la peau d‘orange, on l’avait rendu bien raide à coup d’amidon de blé. Ensuite, l’estimant encore trop riche en viande, les officiants l’avait plongé tout entier dans une cuve de 15% grec, pour qu’il profite des vertus alcalinisantes et du souffle divin du raisin. Roulé dans la farine et le natron après un dépistage bucco-dentaire gratuit, on avait viré chaque organe et bourré le corps d’antioxydants à base de sélénium et d’isoflavones de soja Phénicien. La momification terminée, on mesura la hauteur totale du cadavre, la longueur de son entrejambe, la largeur de ses épaules, un charpentier tailla sur-mesure un coffre en bois dur recouvert de peintures amusantes ; puis on avait enfin envoyé Tahosétlafer aller se faire peser son âme suppliciée cent pieds sous la terre noire.

 

Toutefois, grâce à leur méthode innovante et l‘utilisation révolutionnaire du paprika, les embaumeurs avaient si bien travaillé à préserver la vitalité du devin pour lui permettre de revenir un jour d’entre les morts, qu’il en était effectivement revenu plus tôt que prévu. Ce soir-là, avec un bruit de sarcophage qui s’entrouvre, le couvercle du cercueil de Tahosétlafer bâilla pour laisser passer la main bandée de sa momie. Entouré de sa gaine de lin isolante taillée dans un vieux drap au métrage important, le fantôme avait la peau foncée et les poils clairs, les yeux fixes et hagards comme des baies de poivre noir, il se leva de son coffre et marcha dans sa tombe d’un pas saccadé. L’idée d’être mort le faisait enragé, car cet état lui donnait une idée très négative de sa personne. Alors, il se pinça férocement pour être bien certain qu’il ne foulait pas les champs d’Ialou en compagnie d’Osiris, mais il se rendit compte que la vie ne l’avait pas encore quitté. L’évaluation se révéla encore plus terrible lorsqu’il perdit un orteil en se cognant le pied sur le petit vase canope en albâtre qui contenait ses couilles. Décharné et le ventre creux, engoncé dans son cocon de bandelettes immaculées qui le serraient aux entournures, Tahosétlafer incarnait une créature qui n’était cependant plus lui-même, mais transcendée par une énergie surnaturelle et redoutable, car il avait de son vivant été doué de magie. La transformation physique qu’il arborait maintenant n’était pas la chose la plus évidente, puisqu’il affichait déjà dès l’enfance sur sa tronche les traits d’un macchabée. C’était en lui que pulsait à présent une colère sacrée, une ire maléfique que sa renaissance gonflait d’un courroux dévastateur. Son thorax vide enduit de résine exhalait un air vicié et corrompu, ses os craquaient avec rudesse lorsqu’il agitait en avant ses mains aux doigts cernés de doigtiers plaqués-or. Insidieusement, un désir de vengeance chatouilla peu à peu son âme tourmentée et suscita en lui une grande excitation, dans l‘alchimie des émotions provoquées par son étonnante résurrection. Il apprécia une dernière fois l’aspect décoratif de son sarcophage, lequel aurait dû constituer son étroite pièce à vivre pour l’éternité, puis il grimpa péniblement les marches pour quitter à tâtons son tombeau. Il jubila, car le soleil intense qu‘il allait bientôt retrouver déclenchait en lui une irrésistible attraction. Mais la splendeur de Rê n’éclaira pas sa face squelettique, malheureusement, car il faisait nuit et seules quelques hyènes dégoûtées fuirent à toutes pattes dans le désert en l’apercevant debout à l’entrée de la sépulture. Le désert offrait à la momie une fraîcheur sèche et sans vent lorsqu’il quitta le tumulus pour s’engager maladroitement dans les dunes, ombre parmi les ombres évoluant sous les étoiles qui n’étaient dans le ciel que de minuscules points lumineux. Le spectre hideux avançait en adoptant un rythme heurté à chaque enjambée, gonflé d’une vitalité nouvelle, tout en exhalant une intense odeur de charogne qui s’envola par-dessus les palmiers jusqu’à Djerba la douce.

 

Dans le palais endormi Ramassidkouch ronflait. Voilà bien longtemps qu’il ne circulait plus dans les rues de Thèbes qu’il contribuait chaque jour à ruiner. Son char lumineux reposait inutilement au garage, en dépit d’un dernier contrôle technique favorable. Il enlaçait à présent dans son lit ses nombreuses maîtresses, de jeunes filles qu’il faisait capturer par sa garde pour leur mordre les fesses à pleines dents, comme si tous ces petits culs n’étaient pour lui que de simples canards rôtis. Dans la pierre sombre et polie, il s’était fait sculpter partout de hautes statues le représentant en train de bouffer les balloches d’hypothétiques ennemis. Car en parfait rusé, il s’était acoquiné avec les plus dangereux, en arrosant de bijoux d’or, de turquoise, de lapis-lazuli et d’améthyste les ambassades Hittites qui circulaient à présent dans la ville comme si elles étaient chez elles. Mais Ramassidkouch n’était-il pas Hittite lui-même ? De plus en plus lourd, l’amas des impôts excessifs ne dormait que peu de temps dans les gros vases de cornaline du trésor, une grande partie étant dédiée aux satisfactions triviales de l’époux de la reine, ainsi qu‘à ses besoins fort peu naturels. De temps à autre, il sectionnait les pénis des hommes de la cour qui osaient le regarder de travers, puis il violait leurs femmes dont il faisait graver leur noms sur sa ceinture, pour que tous s’en souviennent. Il profitait à mort de l’absence de la reine et jouait sans vergogne des richesses de l’Egypte, dont il ne voulait pas forcément laisser dans l’histoire de celle-ci une trace anonyme. La tête ornée de la somptueuse couronne des rois Double-Faucons Yaka, l’usurpateur se vautrait avec délice et impudence dans le berceau de l’institution pharaonnique laissé vacant par sa moitié, le vin aux lèvres et la banane comme un harpon. Déjà, se voulant moins con que sa femme qui se faisait construire une immense tombe dans un bled perdu et éloigné du confort urbain le plus élémentaire, lui avait ordonné de bâtir pour son compte dans la banlieue Thébaine une sépulture gigantesque aux quarante chambres funéraires, copie-conforme du palais royal dans lequel il roupillait cette nuit-là comme un bienheureux. Il avait pété dans la soirée une bonne jarre de bière concoctée par les moines du temple de Talkontoupoli réputés pour ce savoir-faire, en compagnie d’une petite brune affolante et d’une Germaine blonde aux seins magnifiques. Germaine avait d’ailleurs à présent son joli bras passé sous la nuque du roi et l’autre posé sur les reins de la brunette à peine majeure, laquelle avait eu bien du mal à s‘endormir, tracassée par le fait d‘annoncer à ses parents qu‘elle serait bientôt enceinte.

 

Discrètement, quelques esclaves qui ne dormaient pas balayaient avec célérité dans la chambre les trognons de céléris-raves et les nombreux tessons de céramique qui jonchaient le sol, aéraient la piaule des remugles de la veille et se rinçaient les yeux devant le tableau charmant des minettes du roi dénudées. Devant de telles scènes qui changeaient chaque nuit, pas un des domestiques ne regrettait son oued, même s‘il était payé à coup de lance-pierre pour faire le ménage.

 

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Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:33:43
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