Bon, quelques news, si vous n'en avez pas entendu parler...
7 décembre, Paris, 5h30, on se regroupe square Courteline. On avait tenté de se donner rendez-vous en petit comité pour envahir notre direction générale, afin d'y déployer nos banderoles : quelle forêt pour nos enfants ? On avait tenté d'être discrets : pas de mails pro, juste les persos, le téléphone, quelques courriers, quand même, qu'on du être lus, faut croire...
Parce que la tour avait été barricadée, et lorsque nous nous sommes retrouvés square courteline, une armée de CRS nous attendait devant la DG, avenue de Saint Mandé. Nous avons donc décidé de ne pas y aller, à la tour, mais de nous dispatcher en trois groupes sur les points stratégiques de Paris. Dont un petit groupe d'une quarantaine de forestiers qui, après avoir visité le Louvre, s'est dirigé vers l'assemblée nationale.
Là, nous avons pu déployer notre banderolle pendant, disons deux minutes, avant d'être assaillis, encerclés par des dizaines de CRS. On a vite replié la banderole avant qu'ils ne nous l'arrachent. Ils nous ont gentiment invités à nous regrouper sur une petite place, derrière, que les harkis occupaient, soit dit en passant, depuis 217 jours. Nous avions bien l'intention de ne pas rester si longtemps, mais, toujours encerclés, nous n'avions absolument plus aucune possibilité de bouger, même pas le droit d'aller pisser.
Ils nous ont parqué là pendant un peu plus de trois heures, attendant les ordres, puis nous ont informé qu'un contrôle d'identité allait avoir lieux. Identités contrôlées, ils ont doublé le cercle de CRS habillés en tortues ninja (il y en a eu jusque 70, pour 40 personnes....) pour nous inciter à monter dans des bus, et nous avons été tout simplement embarqués, après avoir été fouillés, et emmenés en deux groupes dans deux commissarias différents. Nous étions embarqué pour tentative d'intrusion à l'assemblée : si si, vous étiez filmés ! Nous avions à peine touché les grilles, histoire de ne pas tomber quand ils ont tenté de nous arracher la banderole que demandait simplement "quelle forêt pour nos enfants ?"...
Photos, téléphones interdits, ils nous ont fait stocker nos sacs dans un coin avant de nous descendre au sous sol dans une pièce surchauffée, ce qui, après trois heures dans le froid sans bouger, faisait tout drôle. Après avoir contrôlé une deuxième fois nos identités, ce qui a pris une bonne heure, ils nous ont interrogés séparément en contrôlant une troisième fois nos identités : certains nous ont demandé simplement "vous n'avez rien à déclarer ?" Non, rien à déclarer, nos responsables syndicaux nous avaient fait passer le mot.
D'autres étaient plus précis : "Avez vous déployer une banderole ?", "Savez vous qui a organisé ce rassemblement", etc...
Nous n'avons rien déclaré, simplement signé chacun une main courante pour confirmer notre identité et notre non déclaration.... ça restera au poste, nous a-t-on promis, pas de procédure en conséquence, ça ne sera pas transmis au DG... On n'y croit pas, mais bon, pour sortir, faut signer.
En sortant, nous apprenons que nos collègues des autres groupes sont parqués aussi, afin de les inviter à s'éloigner de l'Elysée, du Louvre... Nous n'avons pu nous retrouver que vers seize heures, où nous avons appris que notre DG a fait passer un message à l'ensemble des personnels...
Extraits choisis et commentaires :
"un groupe constitué de quelques dizaines d'agents" - deux cents, c'est quelques dizaines - "sous la conduite de permanents appartenants à deux organisations syndicales" - sauf qu'y en a trois, qui représentent quand même 70% du personnel à eux trois... - "ont tenté d'investir ce matin à six heures le siège"
Nous n'avons même pas mis les pieds dans l'avenue, nous n'avons même pas été devant la tour... L'avait déjà préparé son courrier avant même qu'on se regroupe au square... On a même appris qu'il avait donné congé au personnel de la DG, dis voir, des fois qu'on les prenne en otage, nous terroristes...
"La police, prévenue, s'est interposée à la demande de la direction générale" - qui a précisé que nous étions dangereux, voire armés, d'où les dizaines, les centaines de CRS mobilisés, les barrières, et les gentilles reconductions en zones sécurisées...
"En l'absence de toute revendication concrète" - parce qu'il n'a pas du lire tout simplement notre préavis de grève envoyé la semaine précédente et à laquelle il nous a répondu, et parce qu'il a du oublié simplement les revendications qui sont les mêmes depuis plus d'un an, à savoir un moratoire sur la réorganisation, les suppressions de poste, les mutations forcées, les sanctions en cours, la réforme, et la nécessité d'un médiateur social puisque tout dialogue social est rompu depuis le dernier CA qui a tout validé contre les avis des représentants syndicaux....
"Quel était le but de cette opération ? Créer le chaos au siège, disperser les dossiers individuels RH" -
??????
"détruire les pièces comptables et saccager les salle du conseil d'administration"
Il est complètement fou, notre DG.
,"le bureau du président ou celui du directeur général ?"
Nous sommes donc une poignée de terroristes sauvages et dangereux, assoiffés de destruction.... Note bien que saccager le bureau du président, ce n'est pas possible, puisque nous n'en avons plus, mais celui du directeur, en effet, lisant ça, ça donne envie...
"On ne saura jamais" - certes... vu que nous ne sommes même pas aller devant la DG...
"Ce qui est sûr c'est qu'il s'agissait de ne pas terminer l'année 2009 sans une action d'éclat, pour faire croire aux médias, faute d'avoir mobilisé en masse, à un vaste mouvement de contestation"
Oui, parce que les 2000 forestiers l'année dernière sur 6000 fonctionnaires, ce n'était pas un vaste mouvement de protestations non plus. Toujours est-il qu'à deux cents, vu les centaines de CRS qui ont été mobilisés, et ce dés le samedi, ça s'est mieux vu finalement, et ça a fait bien plus de bruit dans les médias, somme toute.
"Ce type d'action est inadmissible. Alors qu'aucun conflit n'est ouvert "
- c'est là que vraiment, on rigole : monsieur a porté plainte contre ses fonctionnaires qui ont bloqué les ventes, partout les directeurs territoriaux ont pour mission de presser leurs troupes comme des citrons, sous couvert de menaces, sanctions, mutations, notation négative pour baisse de primes, c'est pourquoi tout va très bien, monsieur, merci...
"elle témoigne de la véritable nature des rapports sociaux que quelques uns cherchent à imposer à tous"
alors, que les rapports sociaux qui visent à dire "on fait comme ça, si vous n'êtes pas d'accord tant pis, on portera plainte à la moindre action de toutes façons, devoir de réserve oblige...", c'est tellement mieux.
"Créer un climat d'affrontement permanent, indépendamment de toute revendication"
Bon, j'arrête là. A priori notre directeur général ne sait pas lire. Il n'a pas lu nos revendications, il n'a pas entendus les propositions mille fois répétées pour organiser les choses autrement, sans vider les forêts de leurs forestiers pour en faire des commerciaux, sans faire de notre établissement une usine à bois. Il n'a pas entendu que nous ne sommes pas d'accord pour surexploiter les forêts publiques, ni qu'augmenter le volume de bois mis sur le marché pour compenser la chute du cours du bois ne nous semble pas une solution idéale à la crise. Il n'a pas remarqué que nous sommes choqués par toutes ces suppressions de postes, ces mutations, par le gel des crédits finançant tout ce qui n'est pas commercial, c'est à dire tout ce qui vise à préserver, mettre en valeur, étudier, bref, tout ce qui ne rapporte pas de pognon. Il n'a pas compris que produire plus en préservant mieux avec moins de personnes, ce n'est pas possible. Il y croit encore, le brave homme, malgré l'effroyable déficit de l'établissement, et les dysfonctionnements majeurs et permanents issus de sa réorganisation des services.
Il n'entend pas, ne voit pas, mais il parle, misère. Non, d'après notre directeur, le seul problème, c'est la crise, que nous subissons de plein fouet, que nous affrontons tous ensemble en se serrant les coudes, et c'est beau.
Mais sinon, tout va très bien madame la marquise.
Il a fait, bravement, voté un budget modificatif pour rattraper son misérable budget 2009, envisagé comme si la crise n'allait pas atteindre le cours du bois. Voté, même contre l'avis général, ce n'est pas grave, lui était d'accord.
Il a trouvé des solutions super : empruntons ! Méthode UMP.
Il a gelé les embauches, les budgets voués à la préservation de la biodiversité, à l'accueil du public, et il a prévu de vite, vite marquer des bois en forêt domaniale : priorité absolue, coupons plus pour vendre plus, ça compensera la baisse des prix !
Il a fait acheter des tas de tracteurs, pour mécaniser les travaux et les coupes, pour les faire nous même et tant pis si les petites entreprises qui les faisaient avant crèvent autour ! Economisons, achetons des tracteurs, vendons leur service aux communes !
Et aujourd'hui on ne peut plus acheter un pneu, un crayon, et si nos amortisseurs sont morts, c'est pas grave, roulons quand même dans nos casseroles tant qu'elles le peuvent encore, pour vendre nos bois, nos travaux, c'est le plus important ! Rentrons du pognon, rentrons du pognon, ça nous évitera peut-être de crever la gueule ouverte en reversant les dividendes demandés par l'État et les intérêts de emprunts !
Et là dessus il nous rappelle qu'il a invité les représentants syndicaux à venir à une réunion préparatoire au conseil d'administration, mais ce qu'il ne dit pas, c'est qu'il l'a fait en réponse à notre préavis de grève ! Misère, ces petits cons se sont rendu compte qu'on avait plus de CA, vu que le gouvernement a autre chose à foutre que de se pencher sur ce petit problème mineur. Pas de budget pour 2010, et alors ? Où est le problème ? Noyons le poisson et invitons les à une petite réunion préparatoire, histoire de leur montrer qu'on s'occupe de tout ça...
Bref, vous voyez l'ambiance....
C'est beau, la France, c'est le pays des droits de l'homme. Rangez vos banderoles, mesdames messieurs, si vous ne voulez pas finir fichés au poste en tant que terroriste écolo. Du moment que vous ne revendiquez rien, tout ira bien, mais surtout, surtout ne parlez pas des forêts pour nos enfants....
On a fini par retrouver nos collègues en fin d'aprèm. Z'ont pas été arrêtés, juste parqués et redirigés vers des zones saines, exit de touristes ou d'administrations. On a décidé de se disperser : on va pas lui faire le plaisir d'aller devant la DG, à notre directeur, vu qu'il l'a annoncé avant qu'on y aille, on va simplement s'en tenir là. Les images, les comptes rendus, se suffiront à eux même pour montrer à quel point il ment, à quel point il est cinglé, notre DG.
On a un petit moral, quand même, mais on a l'habitude.
On se retrouvera bientôt....