lord fricadelle a écrit :
Une malaisance qui m’est arrivé il y a quelques années et que je partage avec vous en mode pavé. Mon histoire commence à une époque ou je suis célibataire et en chasse sur les applis pour trouver l’amour, c’est à dire une fille suffisamment en détresse sentimentale pour accepter mon autisme du quotidien et ma maturité d’enfant de 6 ans. Après des mois de recherches infructueuses, il faut l’admettre, je suis en chien complet. Je surf d’échecs en échecs et je swipe tout ce qui bouge dans l’espoir de scorer n’importe quoi, y compris un chatbot ou un des nigériens qui me cajole régulièrement pour me soutirer mon RIB. Un soir alors que je désespère, mon profil est liké par une fille proche de chez moi. Je relike. Elle a le courage de faire le premier pas, ce que je trouve admirable et j’enchaine en souplesse sur de la blagounette médiocre pour créer du lien social comme dirait Bayrou. Fort de mes mois d’entrainement a dragouiller des IA qui voulaient me vendre des shitcoins, je transforme rapidement l’essai. Pour ne pas perdre mon élan et surfer cette belle vague, je l’invite direct dans un petit resto de tapas et fixe le Rdv dans la même semaine Jour J, Il est 20h, j’attends avec impatience de voir arriver la fit girl que j’ai commandé sur Tinder. Première déception, on est sur un pied d’égalité, la meuf est aussi naze que moi. Caroline, un solide 4/10, 20 kilos de plus que sur sa photo de profil. Je me suis fait catfish comme un débutant. J’ai pas la prétention d’être un esthète et je lis dans son regard la même déception. c’est de bonne guerre. Je flexe instinctivement mon biceps rachitique en me demandant combien de clones de moi il faudrait pour la mettre au plumard. Probablement une armée. Je chasse cette idée de mon esprit et on entre dans le restaurant pour se mettre directement a table. On commande rapidement parce que je vois direct que ça va pas matcher des masses. Caroline se fait chier sévère et j’arrive pas à redresser le manche, le vol a même pas commencé que je sais déjà que j’ai perdu les deux moteurs et qu’on va se crasher. On a une petite table très jolie et bien décorée avec des petits verres dans lesquels il y a une bougie pour une ambiance romantique qui fonctionne très bien pour à peu près tous les autres couples sauf nous. Je commande 3 verrines dont deux liquides pour expédier la soirée et je m’attends à ce qu’elle commande la chambre froide complète mais non, elle aussi a envie de se barrer et prends un tapas et de l’eau. Le serveur nous regarde blasé en attendant le reste de la commande mais rien ne vient alors il se résout à aller lancer en cuisine notre carafe chlorée et nos 4 amuse bouches de bagnard Les plats arrivent, je mange en étant tout à fait détaché du truc. A un moment, je me dit quand même allez gars, fais le taff, cette fille a fait l’effort de venir, assure un minimum le show. Je me ressaisis je me concentre et j’envoi tout ce que j’ai: Tu fais quoi dans la vie ? T’as des animaux ? T’aimes bien cette ville ? Je la regarde dans les yeux et je mime l’intéressement, elle a la politesse de faire pareil. Après quelques minutes ça décolle enfin. Je suis hyper concentré pour garder en vie cet embryon de conversation malaisante qui supplie qu’on le laisse mourir et retourner au néant. Alors que je livre bataille, instinctivement je me dis allez je vais attaquer la bouffe, on va se faire ce petit Gazpacho cul sec pour en finir au plus vite. Je lève le verre et je me l’envoi dans la gueule. Immédiatement la douleur. Pure. Sauvage. Indomptable. Je viens je boire la bougie qui était juste à côté de ma verrine. Je crache sur la table un glaire de cire qui durcit instantanément, solidifiant ainsi mon entrée involontaire dans le milieu de l’art moderne. Caroline me demande si je vais bien, je lui réponds “c’est shuper, pas d’inquiétude ça va passher.” Je sent la morve qui me coule du nez et j’ai les yeux qui pleurent. Je me lève en silence et je vais aux chiottes. Force est de constater que ça ne passe pas, j’ai la gueule comme un cul de babouin. Je reviens et je lui lance comme un lâche que j’ai un rendez vous que j’avais oublié et que je dois y aller. Elle comprends. Je passe devant le serveur, je paie vite fait, il me lance un ça va monsieur ? Je lui réponds “Oui sh’etait nickel merci pour tout” et je me barre chez moi pour finir la soirée a sucer de la glace.
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