JMAulas Membre de l'église symaskiste | Témoignage - Le "cas" Paname : 3 revues (So Foot, L'express et Charlie Hebdo (repris dans Les cahiers du foot)), 3 interviews et 3 points de vue : voilà comment peut se définir cette partie... Plutôt que de narrer une partie, ce sont les acteurs principaux qui racontent leurs histoires respectives. Récits de faits et points de vue de deux hooligans, Manu, fondateur du K.O.B (hooligan repenti), et Fred (en activité à l'heure actuelle (2003)), ainsi que d'un ancien chef de la sécurité du parc, Jean-Pierre Larrue. Ces 3 hommes racontent l'histoire à travers la façon dont ils l'ont vécue et perçue. Ces témoignages narrent une vérité subjective de terrain et nous insistons bien sur le fait qu'il ne s'agisse pas d'une vérité absolue. Premier témoin - Manu, ex-chanteur des Sherwood Pogo, groupe mythique du punk français, auteur du mémorable titre "Paris-SG" et fondateur du Kop Of Boulogne : (Propos recueillis par Philippe Roizes et Nicolas Kssis-Martov en complément du dossier So Foot sur le K.O.B (n°43)) Manu nous parle de la Génèse du mouvement dans les années 80. Manu a écrit :
• D’où est venue ta passion du football ? As-tu joué en amateur ? Je suis un passionné de foot. Je suis d’origine espagnole, catalane plus précisément. Mon père et mon frère ont toujours regardé le foot à la télé. Ensuite, j’ai travaillé en usine et j’ai joué deux ans en club, comme goal, à la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (FSGT). Je commençais à être punk. Du coup, j’ai découvert l’alcool et les joints et je ratais parfois des matchs parce que je ne me réveillais pas le dimanche matin. • Quand as-tu commencé à entendre parler du PSG ? Par quel biais as-tu fréquenté le Parc ? La première fois que je suis allé au stade, c’était avec mon frère en 1978, pour PSG/Valenciennes, 4-2, pour la montée. J’avais même pas 15 ans. C’est comme ça que j’ai découvert l’ambiance du stade qui m’a encore plus impressionné que le match lui-même ! • Au début, tu allais au Parc en famille ? Avec des potes ? En bande ? Tout seul. C’est petit à petit que j’ai rencontré des gens du même coin que moi, Colombes, Asnières, La Garenne-Colombes, qui allaient également au Parc. On se retrouvait là-bas, dans la tribune. • Quel type de public se rendait alors au Parc ? Quelle était la politique du PSG à l’égard des jeunes ? A 17 ans, je suis allé à la boutique du PSG, où ils proposaient des cartes d’abonnement pour les jeunes supporters de moins de 18 ans. À cette époque, la tribune Boulogne n’existait pas encore. On était à la corde. À la saison d’après, comme nous étions beaucoup, ils nous ont mis à Boulogne. On était tous mineurs et sans style particulier. • Comment le K.O.B. est-il né ? De qui était-il composé ? Comment s’intégrait-on au K.O.B ? Est-ce que vous suiviez des modèles de supporters étrangers ? Je suis parti à Londres. Comme j’avais lu une interview de Jimmy Pursey, chanteur de Sham 69, qui parlait de West Ham, je suis allé voir un match des Hammers contre Leeds. Il y avait une telle énergie dans les tribunes que j’en ai oublié ce qui se passait sur le terrain. A la sortie du stade, je me suis retrouvé au milieu de 500 hooligans qui allaient se taper avec les supporters d’en face, qui chargeaient dans les rues, qui renversaient tout sur leur passage. Je n’avais jamais entendu parler des hooligans auparavant. Punk hooligan, ça avait du sens pour moi, puisque Sham 69 avait sa bande, la Sham Army, les Cockney Rejects pareil ! Quand je suis rentré en France, j’étais bouleversé. Lors d’un déplacement à Tours, qui était alors en première division, on s’est fait casser la tête par un mélange de supporters, de manouches et de bagarreurs tourangeots. Au stade, les flics nous provoquaient. Cet événement a forgé notre identité parisienne contre la France entière, et on a décidé de s’organiser. Un jour, on est allés en déplacement affronter les supporters tourangeots pour nous venger. On avait jeté des fumigènes sur les mecs. Pas mal sont repartis en ambulance. C’est mon premier souvenir de violence extrême. • Est-ce qu’on retrouvait les tribus rock dans le K.O.B. (punk, skin, mods, etc.) ? Quels rapports entreteniez-vous avec la scène musicale punk ? Des groupes fréquentaient-ils le K.O.B. ? Et inversement ? Avec quelques punks, Eric, Chômeur et d’autres, on a fondé le KOP of Boulogne fin 1980. Rapidement, on était une cinquantaine. Deux mecs de mon groupe punk, Sherwood Pogo, venaient. Mais on était un peu une exception parmi les punks quand même. Il y avait aussi des autonomes que j’avais croisés dans des manifs. Il y avait quelques allumés. Chômeur, par exemple, était un électron libre fou. Il était tranquille à côté de moi, et tout d’un coup il partait taper un mec puis revenait s’installer tranquillement. À l’époque, il n’y avait pas de skins. S’il y avait un mec rasé, c’est qu’il était à l’armée. Et il n’y avait pas de groupes, d’associations, de rivalités. On était tous ensemble. On avait graffité les murs de la tribune Boulogne... Sherwood Pogo et Anarchie ! Mais il y avait aussi des supporters qui venaient à la tribune Boulogne mais qui n’étaient pas pour autant d’accord avec la manière dont nous nous comportions. • Vous considériez-vous comme des supporters ou des hooligans ? Les deux ? Au début, notre grand truc, c’était juste d’être ensemble. On est devenus plus méchants après un match contre Bastia. Les supporters corses sont venus dans notre tribune pour nous bastonner. On n’a rien pu faire parce que les mecs nous ont montré qu’ils avaient des flingues. En plus, ça devait être la quatrième fois que je me faisais piquer mon écharpe. A partir de là, on a decidé d’aller systématiquement envahir les autres tribunes et ramener des trophées, c’est-à-dire piquer les écharpes, les drapeaux et les casquettes des supporters adverses. La plupart du temps, les mecs étaient tellement impressionnés qu’ils ne réagissaient pas. Ils se laissaient dépouiller. Je les déchirais devant eux ou je les ramenais chez moi où j’avais un grand carton rempli de tout ce que j’avais piqué. A cet âge-là, on était en train de forger notre personnalité. On n’avait pas besoin d’idéal pour aller se battre. On venait pour supporter le PSG et pour nous affirmer en tant que mecs. Je buvais plein de Ricard, un alccol qui me rend assez méchant, pour être vraiment chaud. Dans ces conditions-là, la violence arrive vite. • Aviez-vous un code l’honneur ? “P.S.G.” est le cinquième morceau que j’ai écrit pour Sherwood Pogo. C’est une sorte de code de l’honneur du hooligan. Ne pas s’attaquer aux femmes, aux enfants, aux gens en famille. Dans le morceau, on avait plus ou moins repris un chant de supporters : “On va tout casser, on va tout niquer / Fallait pas venir, il vaut mieux partir.” Le vrai chant, c’est “Ah, il fallait pas, il fallait pas venir / Ah, il fallait pas, il fallait pas y aller / Ça c’est Paris !” De toute façon, les supporters des equipes adverses étaient surpris et avaient peur de nous. Ils n’offraient pas de résistance quand on les dépouillait. • Suiviez-vous le PSG en déplacement ? Comment étiez-vous reçus ? J’ai fait pas mal de déplacements. Je me souviens qu’on a cassé une bijouterie à Rennes, foutu en l’air les deux étages d’un grand magasin qui se trouvait sur le chemin entre la gare et le stade à Auxerre, forcé les portes d’entrée du stade à Nancy parce qu’on ne voulait pas nous laisser pénétrer, défoncé le train du retour. • Quand les autorités du parc, du club et la police ont-elles commencé à s’intéresser au K.O.B. ? Quand ont-elles commencé à réagir en conséquence ? Au bout de quelques exactions, il y a eu quelques flics dans la tribune. Comme on avait moins de 20 ans, ils se la jouaient devant nous. Ça a renforcé notre idée d’aller au stade comme on va à la guerre. Tant que je suis allé au Parc, personne n’avait l’air de mesurer l’ampleur du mouvement. Longtemps, on n’était pas fouillés à l’entrée. Il n’y avait pas de cloisonnement des tribunes. A la mi-temps, on se baladait sans problème dans les autres tribunes. Il n’y avait pas de grosse présence policière à l’intérieur. Je n’ai jamais été emmerdé par les flics. C’est plutôt nous qui les avons emmerdés. Ça nous est arrivé de les charger, de leur voler leur kepi. Un pote a même volé un flingue à un flic. C’est evident que ça ne pouvait pas durer. Je trouve qu’on bénéficiait d’une impunité assez grave. • Y-a-t-il eu, à un moment, une transformation de la composition du K.O.B. ? Les skins ont-ils réalisé un nettoyage ? Boulogne territoire blanc, cela date de quand ? A partir de 1982, quelques skins, comme les mecs du groupe R.A.S., ont commencé à venir. Ils n’étaient pas fachos. Puis, il y a eu des skins de la bande des Halles. Certains ont commencé à lorgner vers l’extrême-droite et à vouloir nous faire la guerre. Mais tant que je suis resté au Parc, il y avait toujours des noirs qui venaient. C’est plus tard que les skins ont voulu que Boulogne soit une tribune blanche. Je me souviens d’une fois où des skins étaient accompagnés d’un mec plus vieux, pas rasé mais habillé en imperméable noir, avec une mèche de cheveux, qui désignait d’une main gantée les mecs à qui casser la gueule. A cinq, on s’est passé le mot pour aller les éclater. Rapidement, on s’est retrouvés à plein pour monter, mais les flics, qui commençaient à être plus nombreux, se sont interposés. Un jour, des skins ont pissé du haut des tribunes sur un groupe d’une trentaine de noirs. Après le match, sur le quai, ils étaient là, prêts à se venger en tapant des supporters de la tribune Boulogne, sans distinction. On s’est d’abord enfuis dans le métro. Et puis, on ne voulait pas se laisser faire, alors après avoir déboulonné des bancs, ramassé des trucs sur les voies, on les a attendus et ça a été le pugilat. Le bassiste de Sherwood Pogo avait ramassé une traverse de béton qu’il a balancé sur la porte d’un wagon pour la défoncer. Il y a eu des millions de dégâts. Je me suis fait arrêter et j’ai passé trois jours dans une cage à la préfecture. C’est la seule baston “raciale” à laquelle j’ai participé, mais pas du tout pour des raisons racistes. • Quand as-tu arrêté d’aller au Parc ? As-tu pris du recul ? En 1984, il n’y a pas eu un match où je ne me suis pas battu avec les skins. En plus, j’allais au Parc avec un cuir sans manches sur lequel était peint dans le dos un punk en train de massacrer un skin avec un couteau. Je me suis battu avec Fabian, avec Batskin. A la fin, on prenait bien soin de nous regrouper avec tous les supporters de notre coin pour arriver en force au stade. Je ne m’habillais plus en punk pour aller au match pour être plus libre de mes mouvements. Je mettais une écharpe autour de l’avant-bras pour cacher une chaîne pendant la fouille. Ça devenait impossible de suivre les matchs. Je passais mon temps à surveiller si je n’allais pas prendre un siège qui volait sur la tête. Du coup, avec des potes, après les matchs du samedi, j’ai fait deux-trois descentes à la sortie du Rose Bonbon, un club de concerts de l’époque, pour casser du skin. J’ai été repéré et après, ils me faisaient chier tout le temps. Une fois, il y a eu une cinquantaine de skins qui sont venus taper, non pas les supporters de l’équipe adverse, mais du Parisien. C’est ce genre de trucs qui a fait que nous, les supporters historiques du PSG, on a decidé de ne plus se rendre au Parc. J’ai été chassé en quelque sorte. En plus, mon groupe, Sherwood Pogo, faisait souvent des concerts le week end. Donc, j’avais de toute façon moins de temps pour aller aux matchs. Mais c’était plus chiant qu’autre chose. Si jamais ça avait été très sérieux, de toute façon, j’avais du répondant dans ma voiture. Chômeur, lui, est resté. Il est devenu skin et a rejoint les autres. Je ne l’ai pas revu depuis 1984. • Quelle impression t’ont fait les évènements du match du Heysel ? Les blessures graves et les morts, c’est regrettable. C’est un grand gâchis parce que, finalement, les morts sont dûs au fait que beaucoup de gens, pas habitués aux bastons entre hooligans, ont eu peur, ce qui a généré un mouvement de foule. Du coup, des grilles se sont écroulées sous la pression. Moi, je n’ai jamais été plus loin que des coups. On se remet toujours d’un coup de poing ou même d’un bras cassé. Mais on était des fouteurs de merde, sans volonté d’infliger des blessures irréversibles. • Et aujourd’hui, ton retour sur cette période ? J’ai 44 ans, mais si je me retrouvais dans la même ambiance, au milieu de plein de mecs qui chargent, quelque chose me dit que je pourrais le refaire. Se battre pour s’amuser, ça me semble toujours moins grave que tuer pour du fric par exemple. Après tant d’années, le seul mort qu’il y a eu à un match, c’est un flic qui a tué un supporter par peur. • Considères-tu qu’il y a eu une dérive du hooliganisme ? Comment vois-tu la situation actuelle ? Ça n’a plus rien à voir ! La politique est rentrée dans le stade alors qu’elle n’a rien à y faire. On était des fouteurs de merde, avec un certain code de l’honneur, et nous n’étions pas racistes. Un raciste, avant d’être un supporter du PSG, est avant tout mon ennemi. La situation actuelle, c’est un peu tout ce qu’on voulait éviter. • Les dirigeants du Parc et du PSG ont-ils une part de responsabilité ? Bien sûr. Ils ont préféré fermer les yeux. À une époque, les dirigeants du PSG préféraient qu’on parle de leur club, même par la mauvaise publicité du K.O.B. plutôt que le silence. • Aujourd’hui, tu as un fils de 19 ans, qui est en âge d’être hooligan. J’ai un fils qui est fan de rugby. Il joue au rugby, il fait de la sécu pour des matchs au Stade de France et je pense qu’il ne s’est jamais battu de sa vie... Il est dans un autre état d’esprit.
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Second témoin - Fred, hooligan depuis 1984 : (Propos recueillis par Boris Thiolet pour L'Express en mai 2003) Fred nous parle de son expérience et de l'évolution du hooliganisme parisien depuis 1984, son récit est la suite logique de celui de Manu (parti à cette époque charnière). Fred a écrit :
Je suis un fan de foot depuis toujours. J'ai commencé à jouer à 8 ans dans un club de la banlieue parisienne. Jusqu'à 11 ans, j'ai vécu en HLM, puis dans un autre immeuble, en zone pavillonnaire. Je viens d'une famille d'ouvriers. Mon grand-père était communiste et mes parents ont toujours voté à gauche. Ils n'ont pas eu une vie facile. Mon père travaillait tard et je le voyais rentrer du boulot épuisé. Jeune, j'étais déjà nerveux. Avec mon cousin, quand on était gamins, on s'est toujours embrouillés avec des Maghrébins. J'avais des copains arabes, mais aussi beaucoup de soucis avec eux. Il y avait tout le temps des problèmes, des mecs qui se faisaient dépouiller. J'ai découvert le PSG et le Parc des Princes avec mon oncle, en 1981. J'avais 11 ans. A 15-16 ans, j'ai commencé à aller régulièrement au Parc, seul ou avec un copain, sans le dire à mes parents. Sur le trajet, tu finis par rencontrer des gens qui vont au stade: un mec m'a amené dans la tribune Boulogne. Moi, j'y allais pour voir le match. Mais là, j'ai tout de suite rencontré des skins. A Boulogne, il n'y avait quasiment que des nationalistes [militants de l'extrême droite radicale]. A cette époque, je suis devenu raciste et nationaliste à cause de ce que j'avais vécu en banlieue. J'avais la haine. Au Parc, il y avait beaucoup de mecs comme moi, venus de banlieue. En 1988, à 18 ans, pour la présidentielle, j'ai voté Le Pen, direct. Jusqu'en 1995, j'ai voté FN. C'était un truc protestataire. Cela fait des années que je ne vote plus, ça ne m'intéresse pas. Je suis toujours plutôt nationaliste, mais je ne suis pas raciste. Avec pleins de mecs, même des amis, je ne peux pas parler politique. Certains sont néonazis. Moi, je voyage beaucoup et j'aime découvrir d'autres pays, d'autres cultures. Mais je n'aime pas qu'on crache sur la France. La première fois que j'ai tapé un mec, c'était dans le métro, avant France-Angleterre en 1984 [le premier gros débordement lié au hooliganisme en France]. Des mecs se battaient, un Anglais est tombé par terre, il était déjà esquinté. J'en ai profité, je lui ai tapé dessus. J'ai eu peur. C'est con, mais le lendemain, j'étais tout fier de raconter que j'avais tapé un Anglais... Au départ, j'étais un suiveur. Mon premier déplacement avec les supporters du PSG, c'était à Nancy, en 1986. Que tu sois skin ou simple supporter, se faire insulter en province parce que t'es parisien, ça crée des liens. On formait un bloc quand on allait à l'extérieur. A partir de 1986, j'ai suivi tous les matchs au Parc et je faisais quelques déplacements. J'étais parmi les premiers mecs à attaquer les bus des équipes ou des supporters adverses. On lançait des pierres, mais on n'avait aucune culture hooligan. Ma première grosse bagarre, c'était à Lens, la même année. On était deux cars de supporters. On est sortis dix minutes après le match: c'est pas comme maintenant où les flics te font attendre une heure avant de te raccompagner au bus. Là, les Lensois nous attendaient sur le parking. Une vingtaine de skins et des suiveurs: 200 mecs en tout. Nous, on était 80. On a eu peur, mais on a chargé. Je me suis lâché. Je me souviens avoir éclaté un skin sur une bagnole: je tapais comme un malade. Au milieu des années 1980, on a créé le Commando Pirate, un groupe d'une trentaine de mecs et 120 autres qui suivaient. Dans les années 1990, le PSG jouait partout en Europe. Je faisais au moins un déplacement par mois. On a fait tous les grands matchs. J'ai participé à plusieurs dizaines de bagarres, dont une bonne douzaine de grosses. Contre la Juve [la Juventus de Turin] en 1989 et en 1993, Anderlecht, Arsenal, Liverpool, le Celtic de Glasgow, Galatasaray [il énumère les rencontres comme des campagnes napoléoniennes]... C'étaient des bagarres valables. J'ai fait une dizaine de gardes à vue, de Monaco à Glasgow. Il y a eu aussi PSG-Caen [en 1993, 10 policiers blessés, dont 1 grièvement]. Je n'y étais pas. Heureusement. Tous mes potes sont allés en prison, pour plusieurs mois. Cela a créé des histoires, parce que certains ont cru qu'il y avait eu des balances. Aujourd'hui, notre groupe, c'est une dizaine de mecs de l'époque toujours actifs et une cinquantaine de types arrivés à des moments différents. Avec les anciens, on a de vrais rapports d'amitié. Je sais que mes amis ne me lâcheront pas et que je ne les lâcherai pas. Si je tombe par terre pendant une bagarre, ils resteront avec moi, quitte à en prendre plein la gueule. Pour l'honneur, pour l'amitié. Dans le groupe, je suis un des seuls à avoir toutes mes dents. Beaucoup ont la gueule abîmée: il faut dire qu'ils ont donné! Cette année, le PSG est vraiment nul en championnat: on ne fait pas beaucoup de déplacements. J'espère que Paris va jouer la Ligue des champions, la saison prochaine, et qu'on aura un bon tirage au sort. Franchement, je n'irais pas à Rosenborg [Norvège]: c'est pas un gros match. Par contre, quand tu tombes dans un groupe avec Manchester ou la Juve, là, t'as un gros match et il y a des hools en face. Tu sais que ça va donner... En championnat, au Parc, c'est presque impossible de se battre: trop de surveillance, trop de caméras, trop de flics. PSG-Marseille, on ne peut pas bouger. Sauf si, de l'autre côté, il y a vraiment un groupe super-motivé. Certains Marseillais, avant le match au Parc, se donnent rendez-vous au Stade de France. Des gars de chez nous y vont et ils se cartonnent là-bas. Mais personne en France ne va venir provoquer 400 hools au kop Boulogne. Les mecs ne sont pas fous. Le hooliganisme, c'est bizarre. C'est de la délinquance, mais je le ressens comme du plaisir. Le culte du hooliganisme, c'est d'être capable de constituer un groupe avec un peu d'organisation et de défier un autre groupe. Mon truc, c'est de me battre avec les poings. Nous, ce qui nous intéresse, c'est de taper sur des mecs comme nous. On appelle ça “aller au contact”... Moi, je n'ai pas de haine contre le supporter de Bordeaux ou de Lens, sauf le temps du contact. Tous les deux, on est du même monde. On joue à un petit jeu: le jeu du hooliganisme. C'est un vice. La violence, c'est attirant. Mais ça ne nous viendrait pas à l'esprit de taper sur un père de famille. Pour nous, frapper quelqu'un qui n'a rien à voir, c'est une bavure. On a un certain respect, une morale. Avec les potes, on repère les bons matchs à l'extérieur. On fait le déplacement avant tout pour se marrer. Parfois, on voyage en avion. On va dans les bars, au resto, en boîte... On s'éclate. Mais l'essentiel, c'est de voir le match. S'il y a une bonne victoire et une petite bagarre, là c'est parfait. Quand le match est moins intéressant, j'ai tendance à regarder dans les tribunes et à chercher un contact. Paris, c'est la seule ville française où il y a une culture hooligan. Parce que le PSG a rencontré tous les grands clubs européens et qu'on est mal-aimés. Mais la vraie culture hooligan, c'est l'Angleterre, l'Italie, la Belgique et les Pays-Bas. A chaque fois que je vais voir un match en Angleterre, je suis impressionné. Mon rêve, c'est d'avoir un jour en face de nous les mecs de Leeds ou de Chelsea [les hooligans réputés les plus violents d'Angleterre]! En 1996, on s'est battus dans un pub avec des jeunes hools de Leeds. On leur a fait mal. Mais les plus anciens, tatoués de partout, ceux qui n'ont même pas bougé parce qu'ils avaient tous fait de la prison et que c'était trop risqué pour eux de se battre en plein jour, ils étaient vraiment impressionnants. Le jour où il y aura PSG-Leeds, on rentrera dans la légende! L'idée, c'est d'être dans le Top Ten en Europe. Après le match PSG-Galatasaray [46 blessés en 2001], les Headhunters [les Chasseurs de têtes, groupe hooligan de Chelsea] avaient écrit sur leur site Internet qu'on était entrés dans le Top Ten. C'est le genre de réputation qui se défend durement et qu'on peut payer cher... A côté de ça, il y a les “fantômes” du hooliganisme: ceux qui ne font que suivre, qui vont taper sur un mec seulement quand il est à terre, se barrer en cas de coup dur. En plus, dans la jeune génération, t'as des vrais dégueulasses. Ils sont prêts à planter quelqu'un [à coups de couteau]. Il y a aussi de plus en plus de gars qui donnent rendez-vous par portable à ceux d'en face pour se battre, n'importe où. Moi, je n'aime pas ça: on va directement devant le stade. Avant le contact, on boit quelques bières. Le but, c'est d'être chaud, mais pas trop, parce que si t'es bourré, tu te fais éclater! Certains prennent de la coke. Généralement, on est en basket-chemise-jeans, voire pantalon à pinces. Il y a longtemps qu'on a remisé le look bombers et crâne rasé. Comme ça, on passe inaperçus. Les hools anglais sont habillés avec des fringues de marque: la moindre chemise Long Island, ça vaut 500 balles! Plus il y a de monde, plus on se faufile. Quand on se fait contrôler, on ne fait pas d'embrouilles. Le but, c'est de contourner les barrages de flics, d'arriver jusqu'au stade pour retrouver les mecs d'en face. Le contact, faut le vivre pour le comprendre: t'es dans la rue, en bande. Tu vois les autres arriver en bande. Tu as peur, tu sais qu'ils ont peur. Mais tu te dis que t'as pas le droit de reculer, qu'il faut les mettre par terre. Arrivé à quelques mètres, t'as la pression qui monte. Mais l'envie est plus forte. Alors, tu rabats ton bonnet ou tu remontes ta cagoule, t'y vas et tu te défoules. Le challenge, c'est de se faire une bonne bagarre, de "mettre la misère" aux mecs d'en face et de rester debout. De leur prouver que t'es le meilleur. De montrer ta réputation. A Paris, on est les meilleurs: tout le monde le sait. Quand on arrive dans une ville, Paris c'est nous! Nice-PSG, on y est allés parce qu'on savait qu'il y aurait des mecs en face... Ça se sait dans le milieu. Sur Internet, les Niçois racontaient qu'ils allaient nous massacrer. Ils commençaient à se montrer un peu trop. On avait la ferme intention de les taper. On était 70 à se déplacer en individuels [en dehors des clubs de supporters], dont 10 anciens. On a pris l'avion, d'autres sont venus en train ou en voiture. On s'est donné rendez-vous dans un bar du centre-ville, en s'envoyant des Texto ou en se laissant des messages sur les portables. Quand je suis arrivé, il y avait déjà 40 à 50 mecs. On a attendu en buvant des bières. Pendant ce temps-là, les flics arrêtaient les mecs les plus voyants à la gare. On a décidé d'aller au stade par groupes de 10. Le premier groupe est parti à pied, les flics les ont suivis. Nous, on y est allés en bus. Sur place, on a trouvé une petite rue pour contourner les barrages. On est arrivés à 50, directement devant la tribune des “ultras” niçois. J'ai dit aux gars: "Il est hors de question de reculer!" On a commencé à chauffer les Niçois en criant: "Hooligans, Paris!" pour les faire venir. Au départ, les mecs nous jetaient des trucs du haut de la tribune, mais ils n'osaient pas venir au contact. Les premiers à s'approcher en ont pris plein la gueule. A un moment, un Niçois a sorti un couteau, genre couteau de boucher. Il a voulu planter un mec. Un jeune de Paris l'a ceinturé. C'est lui qui a pris le coup de couteau. Le type au couteau, on l'a fracassé contre un mur. Des mecs qui tenaient un camion de frites sont arrivés avec une batte de base-ball et une crosse de hockey. Ils ont été désarmés et ont pris des coups. Un Niçois arrivait avec une pelle: il a été fracassé. Les flics se sont mis avec les Niçois. On a reculé, mais les mecs qui nous suivaient continuaient d'en prendre plein la gueule. On avait amené des fusées pour disperser tout le monde en cas de danger, mais on n'a même pas eu besoin de s'en servir. La bagarre a duré quatre ou cinq minutes. Même si un mec de chez nous a pris un coup de couteau, on leur a mis la misère à 50 contre 200. Après, on a assisté au match. A dix minutes de la fin, on a arraché des dizaines de sièges pour les lancer sur les ultras niçois. Après le match, on a attaqué le café où ils étaient regroupés. On en voyait à l'intérieur qui avaient des pansements. C'était un déplacement assez anodin. C'est le seul truc qu'on ait eu à se mettre sous la dent cette saison. Tuer quelqu'un? Se faire tuer? On n'y pense pas. Bon, quand tu te réveilles le lendemain matin avec la gueule amochée, tu te repasses le film et tu ne te sens pas très malin. De toute façon, je ne suis pas armé. Mais c'est vrai que, le soir de PSG-Anderlecht (1992), on avait éclaté un mec sur une voiture. On s'est demandé après si on ne l'avait pas tué. Pour PSG-Juve, les Italiens nous avaient donné rendez-vous dès le match aller avec une banderole déployée dans leur stade, à Turin. A 18 heures, on est allés au pont de Sèvres, où les hools de la Juve se rassemblaient. Ils ont été canalisés par les flics, mais on en a retrouvé d'autres au Trocadéro. Là, un de mes potes a fracassé un mec de 100 kilos avec un coup-de-poing américain. Le mec était par terre, il n'avait déjà plus de dents, et l'autre continuait à frapper. Je l'ai arrêté. Après, mon pote pensait qu'il avait peut-être tué le gars... Mon cousin qui était skin, il a arrêté en 1992. Il avait peur de tuer quelqu'un. Il était parti dans des trucs de fou. Pour arrêter le hooliganisme, il faut interdire le football. Comment tu veux arrêter des types qui ont pris le vice du combat de rue? On n'arrête pas de nous dire: “Il y a moins de hooligans.” C'est faux. Il y en a déjà plusieurs générations. En plus, il y a plein d'anciens hools parisiens qui se sont rangés, mais qui reviendront si un gros match de Coupe d'Europe arrive. De toute façon, même les mecs interdits de stade arrivent à rentrer, par exemple à la mi-temps. Les stewards du PSG nous connaissent, il y a d'anciens hools chez eux. Et, en déplacement, ce sont eux qui nous encadrent au stade. Heureusement, parce que s'ils nous mettaient les stewards de l'autre club, ce serait même pas la peine! Et puis les hooligans, ils font des petits. Depuis cinq ou six années, ça s'étend, avec les Stéphanois et les Bordelais. A Bordeaux, il y a 30 ou 40 types super-motivés. Quand on va à Saint-Etienne, on est 300 parce qu'on sait qu'on aura du monde en face. A Nice, il y avait un jeune mec qui était fasciné. Lui, il va faire partie de la nouvelle génération. Il va se créer une petite bande, il voudra prouver qu'il est là. Les jeunes qui arrivent, ils sont encore plus chauds. Eux, ils ont grandi dans une société où il n'y a pas de cadeaux. Mes parents savent ce que je fais, ils m'ont déjà vu à la télé. Mon père ne comprend pas. Quand Paris joue en Coupe d'Europe, ma mère m'appelle pour me demander de ne pas y aller. Quand j'ai connu ma femme, elle savait que j'étais hools. En 1997, elle m'a dit: “Tu t'es bien éclaté. Tu devrais calmer le jeu.” J'ai pensé: “Il faut que j'arrête.” J'y retourne quand même. Je n'arrive pas à me l'expliquer... Avec ma femme, on s'aime, mais je ne peux pas quitter mes potes comme ça. Peut-être plus tard. Quand je pars, elle a peur. Elle sait que je fais gaffe. Mais quand t'es dans le truc, tu ne maîtrises pas tout. Et encore, moi, je suis assez sensé. Je suis du genre papa-poule: je passe tous mes mercredis avec mes enfants. Un jour, je leur raconterai ma jeunesse, la banlieue, le stade. Mais je me suis toujours dit: “Mes gamins n'habiteront jamais en banlieue et je ne les amènerai jamais au match.” Je ferai tout pour qu'ils n'y aillent pas. Moi, j'ai des choses à perdre. Je prends de moins en moins de risques. Mais, dans les stades, il y a beaucoup de gens qui n'ont absolument rien à perdre.
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Troisième témoin - Jean-Pierre Larrue, ancien directeur de la sécurité du PSG : (Propos recueillis par Anne-Sophie Mercier pour Charlie Hebdo (janvier 2007)) Jean-Pierre Larrue, ancien commissaire divisionnaire de la police nationale, a été directeur départemental de la sécurité publique en Corse, chef du Groupe d’Intervention de la Police Nationale (GIPN) à Bordeaux et commissaire de plusieurs arrondissements parisiens. Mais son expérience la plus redoutable a été celle de directeur de la sécurité du PSG où il a été au cœur d'un conflit opposant le club et ses associations de supporters, au cours de la saison 2004/2005. Il nous a semblé normal de donner la parole à l'autre camp... celui de l'ordre. Attention ! Cette interview a une forte odeur d'amalgame "ultras/hooligans". Interview Jean-Pierre Larrue a écrit :
Vous avez pris vos fonctions au PSG en août 2004, vous en êtes parti en mai 2005. Les supporteurs du PSG ont mis moins d’un an à avoir votre peau… Oui, et pourtant, les voyous, c’est en quelque sorte mon métier. J’ai trente-cinq ans d’expérience dans la police. Dans ma vie, on m’a tiré dessus six fois à bout portant! j’étais donc calibré pour le poste. J’avais par ailleurs, au moment où j’ai pris mes fonctions, le soutien du président du PSG, Francis Graille, et celui de la Ligue de foot et de son président, Frédéric Thiriez. À cette époque, l’image du PSG était déjà désastreuse. Durant la saison précédente, un match PSG-Strasbourg avait dégénéré. Les affrontements entre supporteurs du PSG avaient fait cinquante blessés, et les mêmes avaient pratiquement détruit la voiture de Thiriez lors d’un match au Mans. Comment se passent les premiers contacts avec les supporteurs? Mal. Lors de mon pot d’arrivée, les associations de supporteurs ont annoncé la couleur : « On n’en a rien à foutre de toi, ici, on est chez nous… » Il faut dire que je ne venais pas du foot, je n’étais pas parisien, et j’étais ancien flic. J’étais donc pour eux totalement illégitime. Les premières escarmouches n’ont donc pas tardé? En effet. J’ai proposé à Francis Graille différentes mesures pour ramener l’ordre. Je souhaitais que l’on résilie les abonnements des supporteurs coupables d’infractions constatées par la justice. Je souhaitais sanctionner tous les délits, du cri de singe au salut nazi, en passant par le jet de fumigènes. Nous avions aussi à cette époque un problème très grave à régler: nous ne savions pas exactement quelle était l’identité des fauteurs de troubles. Les noms inscrits sur les cartes d’abonnement ne correspondaient pas aux identités réelles. On ne pouvait donc pas identifier l’ennemi! J’ai donc demandé que la délivrance des cartes d’abonnement se fasse contre présentation d’une carte d’identité. Les supporteurs ont rejeté mes propositions en bloc. À partir de là, la guerre, la vraie, allait commencer. Comment s’y sont-ils pris? Vous savez, les durs du PSG sont des maîtres ès chantages et manipulations. Pour avoir ma peau, ils ont décidé de frapper le club au portefeuille. C’est tout bête, mais c’est diabolique. Ils ont donc multiplié les incidents et les bagarres dans l’enceinte du Parc des Princes et à l’occasion de matchs à l’extérieur pour que la Ligue sanctionne financièrement le club. Puis, pendant le match, ils déployaient d’immenses banderoles pour bien faire comprendre le sens de leurs actes : «Graille, cette amende t’est offerte». Ils s’en sont également pris aux sponsors du club, comme Thomson, en déployant une autre banderole, «Thomson marchand d’armes». Leur but était également d’affoler Canal+, alors propriétaire du PSG. Entre les amendes qui plombaient les finances du club et les sponsors qui menaçaient de lâcher, les dirigeants ont commencé à trembler. Leur manoeuvre a bien marché! Ils ont aussi menacé de couper les câbles de retransmission télé des cars régie. Panique à bord! On a tout de même du mal à comprendre comment quelques centaines de hooligans font trembler Canal et le PSG… Détrompez-vous, je n’avais pas affaire à quelques centaines de hooligans, mais à des milliers! Je m’explique. On parle toujours, et uniquement, des racistes et des nazillons qui peuplent les tribunes R1 et R2 de Boulogne. Mais les plus violents — environ deux mille personnes! — sont dans les tribunes du dessus. Et par ailleurs, il y a également beaucoup de violence dans la tribune Auteuil, vous savez, la fameuse tribune des «blancs-blacks-beurs», décrite parfois comme un repaire d’angelots. Là-bas aussi, ça cognait sec. Les deux tribunes, Auteuil et Boulogne, se haïssent, comme chacun sait, mais ce qu’on sait moins, c’est que pour nous liquider, Graille et moi, ils ont fait alliance. Auteuil plus Boulogne, ça fait douze mille personnes" Vous aviez tout de même l’appui des dirigeants de la Ligue… De moins en moins. Les hooligans du PSG ont réussi un coup de maître : obtenir l’appui des autres hooligans de Marseille, de Saint-Etienne, de Strasbourg. L’alliance des hooligans, a priori impossible, s’est réalisée pour une raison bien simple : si j’obtenais gain de cause au PSG, tous les clubs français auraient été obligés à terme d’adopter les mêmes mesures. Les supporteurs les plus violents de tous les clubs sont montés au créneau. Un jour, lors d’un conseil d’administration de la Ligue, plusieurs dirigeants de club, et non des moindres, se sont désolidarisés de Francis Graille. Il faut dire que les mesures que je préconisais leur auraient imposé un triplement de leurs services d’ordre. Ils n’en voulaient évidemment pas. Mais Graille vous soutenait encore, non? Pour lui, comme pour moi, c’est devenu de plus en plus difficile. Graille avait deux enfants en bas âge, il recevait des menaces de mort, on le suivait en voiture sur le périphérique. Pour moi, c’était pareil, mais peut-être plus violent encore. Un soir, pendant un match, ils chantaient tous en choeur: «Larrue, on t’encule! Ta femme est avec nous, elle nous suce le bout!» Croyez-moi, douze mille types qui chantent ça, c’est dur. Comment qualifier l’attitude de Canal à cette époque? Ambiguë. Ils cherchaient déjà plus ou moins à vendre, ils avaient donc intérêt à ce que le club soit plus «clean». Mais ils ne m’ont jamais reçu et ne nous ont pas soutenus dans la tourmente. Francis Graille est limogé en mai 2005, vous subissez le même sort quinze jours plus tard. Depuis, peu de mesures ont été prises pour régler le problème. Pourquoi? D’abord, je vous l’ai dit, en raison du nombre de supporteurs concernés à des degrés divers. Quand vous touchez un cheveu d’un de ces types, les deux tribunes se solidarisent et c’est douze mille personnes qui boycottent le club. L’enjeu financier est considérable. Leur pouvoir de nuisance est intact aujourd’hui. Regardez ce qui s’est passé pour le match PSG-Toulouse, que l’on vient d’annuler. La fermeture des tribunes R1 et R2 a généré ce mécanisme de solidarité des douze mille supporteurs. Des centaines, voire des milliers d’entre eux ont menacé de mettre à feu et à sang les abords du stade pendant le match. Les pouvoirs publics ont reculé, et je les comprends. Qui peut garantir la sécurité quand des centaines de hooligans se déchaînent? Qui peut prendre un risque pareil? Résultat: le match a été annulé. Ils ont pris en otage le PSG. Pourquoi, depuis tant d’années, ne pas avoir empêché l’accès du stade à ces centaines de types qui poussent des cris de singe et font des saluts nazis? Il y a bien des caméras de sécurité dans le stade, non? Commençons par la question de l’accès. Je l’ai expliqué, les cartes d’abonnement sont cessibles, ce qui signifie que n’importe qui peut entrer encore aujourd’hui. Ensuite, il faut savoir que beaucoup entrent de force, sans carte d’abonnement. Quand j’étais directeur de la sécurité, j’avais posté des vigiles un peu partout pour empêcher que les supporters se passent les cartes à travers les grilles. Ils terrorisaient ces pauvres gars, qui finissaient par laisser faire… En ce qui concerne les cris de singe et les saluts nazis, vous n’imaginez pas à quel point c’est difficile de les coincer. Prenons le cas d’un type qui fait des cris de singe. Les caméras vont le filmer, mais on n’entendra pas distinctement ce qu’il dit. Il va expliquer qu’il insultait un joueur, qu’il en a le droit, et personne ne le dénoncera. Cette scène, je l’ai vue cent fois ! Pour les saluts nazis, c’est plus simple, non? Mais non ! Au Parc des Princes, tout le monde est debout. Le gars qui fait son salut s’accroupit un instant, change d’anorak, se met une cagoule sur la tête, fait son salut, s’accroupit à nouveau, enlève sa cagoule, et ressurgit dans la foule quelques mètres plus loin. Si par hasard un flic des RG parvient à l’identifier et l’attend à la sortie pour l’appréhender, il se heurte à ses cinquante copains ultra-violents qui font bloc autour de lui. Qui prendra le risque de faire quinze blessés pour sortir un type qui a fait un salut nazi ? Mais un texte de loi a été voté en juin 2006, permettant de prendre des mesures d’interdiction de stade à titre préventif… Oui, mais le préfet de police, qualifié pour prononcer l’interdiction, doit motiver précisément ses décisions, les appuyer sur des faits précis. La rigueur du texte empêche un traitement de masse. Et puis, comment faire, quand personne ne témoigne?
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Pour en savoir plus sur les travées du Parc des Princes, il est recommandé de lire l'article sur le Kop of Boulogne du So Foot N°43 dont voici un extrait. Documentaire : Envoyé spécial - Attention aux divers amalgames de ce reportage, lire le focus "Ultras/Hooligans, même combat ?"
Message édité par JMAulas le 20-10-2007 à 15:06:43 ---------------
Mais ça nous dit pas où Juninho trempait son biscuit... - Votez pour Amanullah !
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