Citation :
LA CREATION MONETAIRE
En 1971, la Banque de France éditait un opuscule dénommé « la Monnaie et la Politique monétaire » dans lequel elle précisait : « Les particuliers - même paraît-il certains banquiers - ont du mal à comprendre que les banques aient le pouvoir de créer de la monnaie ! Pour eux, une banque est un endroit où ils déposent de l'argent en compte et c'est ce dépôt qui permettrait à la banque de consentir un crédit à un autre client. Les dépôts permettraient les crédits. Or, cette vue n'est pas conforme à la réalité, car ce sont les crédits qui font les dépôts ».
Il faut donc rejeter complètement cette idée, sans doute enfouie au fond de votre esprit que, pour qu'un banquier puisse vous proposer un crédit, il FAUT qu'un épargnant soit passé avant vous à la banque pour y déposer des économies correspondantes au prêt que vous allez demander, et qu'en fin de compte, c'est l'épargne d'un autre que le banquier vous prête, en prélevant sa commission au passage (l'intérêt). En réalité c'est l'inverse qui se passe : c'est l'argent emprunté par les uns et les autres, qui se retrouve ensuite en partie en épargne. D'ailleurs, avez-vous déjà entendu votre banquier vous annoncer : « Désolé, votre compte est vide, j'ai prêté son montant à un autre client » ? Votre épargne ne disparaît pas de votre compte, elle reste là, disponible immédiatement ou dans des délais plus ou moins longs, selon le type de placement que vous avez choisi, alors que si vous prêtez de l'argent à vos enfants, vous n'en n'avez plus la disponibilité.
Alors, d'où vient cet argent que les banques nous prêtent ? Elles le créent à partir de rien – ex nihilo – un système extrêmement obscur que l'on veille à maintenir dans l'ombre, soit que l'on pense qu'il est affaire de spécialiste que l'esprit du commun des mortels ne saurait appréhender, soit que le mettre en pleine lumière risquerait de pousser les esprits « éclairés » à se rebeller. Sans doute est-ce ce qui à fait dire à Henry Ford (1863-1947) : « Il est une chance que les gens de la nation ne comprennent pas notre système bancaire et monétaire, parce que si tel était le cas, je crois qu'il y aurait une révolution avant demain matin. »
Si la plupart d'entre nous croient que les choses sont autres que ce qu'elles sont, c'est qu'il règne un flou artistique savamment entretenu. Est-il volontaire ? Allez savoir !…
Flou, par la dénomination des établissements. Banque de France ! Banque Centrale Européenne ; mais aussi par exemple, Banque Nationale de Paris. Autant de noms qui laissent supposer qu'il s'agit d'organismes publics. Or il n'y pas de « banque nationale » ; il n'y a que des banques privées, dites « secondaires », au regard de la « première », la Banque Centrale. En Europe par exemple, il n'y a qu'un édifice pyramidal avec à son sommet la Banque Centrale Européenne – B.C.E -, émanation des Banques Centrales des États membres.
Flou, par le fait que c'est la Banque Centrale Européenne - dans l'Euroland ou zone euro - qui est la seule pourvoyeuse des billets de banque, dont elle confie l'impression à chaque banque centrale des Etats membres. Mais, si l'émission est une chose, la création en est une autre ! Notons d'une part que les billets et pièces ne représentent guère plus de 15 % de la masse monétaire M1 et que, d'autre part, ce sont les banques commerciales qui induisent l'émission des billets à la B.C.E dans la mesure où ce sont elles qui « en passent commande », sachant que statistiquement une proportion de 15 % de la monnaie qu'elles créent par le crédit leur sera demandée sous forme d'argent liquide. Les billets de banque sont ainsi consécutifs au mécanisme de création monétaire exercé par les banques privées. C'est ce qui permet à Denis Clerc de dire « Le principal émetteur de monnaie, ce sont les banques. Pas la Banque centrale européenne (BCE), via la Banque de France qui, dans ce domaine, n'est en quelque sorte qu'un de ses établissements nationaux, comme les autres banques centrales des pays qui constituent la zone euro. La BCE émet les billets, pour lesquels elle a d'ailleurs un monopole légal et sévèrement respecté. Mais les moyens de paiement dont nous nous servons ne se réduisent pas aux billets. Nous utilisons quotidiennement des pièces (frappées par le Trésor public qui possède l'Hôtel des Monnaies) et surtout des chèques ou des cartes de paiement par lesquels nous transmettons au bénéficiaire une somme d'argent prélevée sur un compte bancaire que nous possédons. »
Flou, par le fait qu'on entend également que la BCE assure les refinancements des banques secondaires… mais ce que l'on appelle « refinancement » est le processus par lequel les banques secondaires alimentent en monnaie centrale le compte qu'elles ont à la Banque Centrale. C'est à partir de ce compte qu'elles paient à la Banque Centrale ce qu'elle leur débite pour la fourniture de la monnaie fiduciaire dont elles ont besoin ; c'est encore à partir de ce compte qu'elles règlent ce qu'elles se doivent entre elles. Lorsqu'elles n'ont plus assez de monnaie centrale sur leur compte, elles en obtiennent en cédant des titres à la Banque Centrale. C'est en faisant payer les billets qu'elle fournit aux banques secondaires, en leur débitant un intérêt sur les sommes avancées contre des titres de créances, et en leur demandant un dépôt de garantie , que les Banques Centrales exercent un contrôle sur la création monétaire. Le terme de « refinancement » laisse entendre que les banques ont besoin de refinancer les crédits auxquels elles procèdent, alors qu'il n'en n'est rien. On laisse croire de la sorte que la Banque Centrale est en fin de compte celle qui crée la monnaie, ce qui n'est pas le cas. Elle ne fait que définir les règles du jeu, autrement appelées « règles prudentielles » et contrôler leur application.
Allez ! suivez-nous en cuisine pour continuer à découvrir comment le système bancaire crée la monnaie.
Première recette – Le crédit à l'économie ou « la pêche miraculeuse »
Voilà le moyen le plus courant pour créer de la monnaie scripturale . Bien sûr, tout doit commencer par une demande de crédit. Mais qui n'en n'a pas un aujourd'hui ? Le système se charge bien de nous y inciter, en faisant chanter les sirènes de la publicité, histoire de faire craquer les quelques indécis qui ne souhaitaient pas spécialement vivre à crédit . Vous voilà donc en besoin de 1000 euros, prêt que votre banquier vous consent. A quoi cela se résume-t-il ? A une simple écriture comptable dans les livres de la banque : à l'actif de son bilan une créance de 1.000, et au passif la contrepartie, les 1000, portés au crédit de votre compte de dépôt à vue (DAV) . Et voici 1000 euros créés ! Vous allez les utiliser pour vos achats, voire en épargner une partie ; bref ils vont circuler dans la communauté jusqu'à échéance, quand vous aurez remboursé la totalité du crédit. Alors ? Tout disparaîtra ; la monnaie sera totalement détruite, sauf les intérêts, mais nous y reviendrons. Ainsi l'augmentation de l'actif bancaire - créances sur l'économie - entraîne un accroissement de la masse monétaire - en dépôt à vue -, tandis qu'une diminution de l'actif bancaire – le remboursement des créances - entraîne au contraire une réduction de la masse monétaire. On peut donc dire qu'une demande de crédit des agents non bancaires conduit à une augmentation de la masse monétaire lorsqu'elle est satisfaite.
Pour ma part je proposerais: ” La monnaie est créée par les banques commerciales, seules autorisées à ce faire, lors d’une demande satisfaite de crédit dépassant les épargnes antérieures disponibles; le demandeur de crédit est donc cocréateur de monnaie”
Il y a 3 sources de création monétaire, contreparties de la masse monétaire créée: 1) Contrepartie extérieure (marché des changes); 2) Créances nettes sur l’Etat; 3) Créances sur l’économie (ménages et entreprises)”
Deuxième recette - la monétisation d'actifs non monétaires ou « l'eau changée en vin »
Dans l'exemple précédent, vous aurez compris que les 1000 euros que vous auriez pu demander sous forme de monnaie sonnante et trébuchante si vous l'aviez souhaité et qui, dans tous les cas, sont du « vrai et bon argent » pour vous, n'existaient pas préalablement dans votre banque ni dans l'ensemble du système bancaire. D'où viennent-ils ? Pour obtenir ce prêt vous avez dû signer un acte de prêt, outre les garanties que votre banquier vous aura peut-être demandé de donner. C'est le bout de papier que vous avez signé – l'acte de prêt - qui, entre les mains de votre banquier, se transforme en monnaie. Les spécialistes disent que « les banques créent de la monnaie en “monétisant” - en transformant en argent - des actifs non monétaires ».
Mais à ce titre, nous direz-vous, une banque peut acheter la terre entière sans dépenser un sou ! Non ; c'est là qu'interviennent les règles prudentielles, celle du « coefficient de fonds propres et de ressources permanentes », entre autres, qui prévoit que les fonds propres d'une banque doivent représenter au moins 60 % de ses participations et de ses investissements. Cela réduit donc considérablement les possibilités. Il n'en reste pas moins qu'elles ont l'extraordinaire privilège de pouvoir financer leurs pertes et dépenses, pratiquement sans trésorerie. A l'occasion, c'est ce qui permet de masquer des situations catastrophiques, lorsque l'actif des banques repose sur un trop grand nombre de créances irrécouvrables, ce qui a été à l'origine du crack japonais ou du Crédit Lyonnais. Ainsi que le souligne André Chaineau « les banques jouissent de l’exorbitant privilège de créer à partir de rien un titre de créance pour régler leurs obligations (aux fuites près ) », et Maurice Allais de surenchérir : « Dans son essence la création de monnaie ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique… à la création de monnaie par des faux monnayeurs. Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents ».
Néanmoins, dans la mesure où les banques commerciales ont le monopole de la création monétaire, elles ne peuvent créer de la monnaie pour elles-mêmes. Acheter un titre c'est financer une entreprise, créer de la monnaie pour acheter un immeuble dont la banque sera propriétaire, c'est pour la banque se financer elle-même. De même, la banque n'a pas le droit de créer de la monnaie pour financer ses propres titres. Elle doit émettre ses propres titres pour trouver des ressources.
En effet, les banques ne peuvent créer de la monnaie scripturale pour elles-mêmes mais pour des agents non bancaires. Elles le font non seulement en faisant des crédits ou en achetant des devises, mais également aujourd'hui en monétisant des titres (elles financent l'Etat ou les entreprises en achetant leurs obligations ou actions).
Troisième recette – les effets multiplicateurs ou « la multiplication des pains »
Vous aurez sans doute remarqué que lorsque vous déposez un chèque sur votre compte en banque, vous n'êtes pas immédiatement crédité. Votre banque se réserve en effet un délai pour compenser les sommes qu'elle doit aux autres banques avec ce que les autres lui doivent. En moyenne elle prend entre un et trois jours pour les chèques « sur place » et entre cinq et sept jours s'il s'agit de chèques "hors place". Pendant ce délai la banque s'approprie, d'une certaine manière, les sommes portées en compte, qu'elle va pouvoir prêter.
Imaginons maintenant que les règles prudentielles en vigueur prévoient que les banques ne peuvent prêter qu'à hauteur de 90 % des dépôts qu'elles détiennent, ce qui est actuellement le cas.
L'exemple qui va suivre se joue dans un système de 4 banques privées (B1, B2, B3, B4, mais vous pouvez remplacer ces sigles par les noms de quatre banques que vous connaissez).
Vous venez de vendre à un ami une voiture d'occasion pour la somme de 1000 euros qu'il vous remet en chèque. Ces 1000 euros proviennent-ils d'une épargne ou d'un crédit ? Allez savoir, mais peu importe ; pour vous, c'est du bon et bel argent que vous déposez sur votre compte à la banque « B1 ». Voilà donc un dépôt de 1000 euros qui ouvre à votre banque la possiblité de prêter 1000 x 90 % = 900 euros.
Or, Monsieur B a justement besoin de 900 euros pour effectuer quelques travaux chez lui. Il s'adresse à la banque B1 qui lui accorde ce prêt. Monsieur B établit un chèque de 900 euros à son maçon, Monsieur C, qu'il dépose sur son compte à la banque B2. Les 900 euros prêtés à Monsieur C par la banque B1 deviennent ainsi dépôt à la banque B2. B2 peut dès lors prêter 900 x 90 % soit 810 €.
Monsieur D entre dans sa banque, la banque B2. Vous savez pourquoi ? Il a besoin d'un prêt de 810 euros… Il lui est octroyé et Monsieur D peut ainsi régler son fournisseur, Monsieur E, de cette même somme qu'il dépose à sa banque, la banque B3, qui peut maintenant prêter 810 x 90 % = 729 euros
Est-ce nécessaire d'aller plus loin ? Allez, encore une fois pour le « fun ». Monsieur F obtient un crédit de 729 euros à la banque B3, qui trônent en belle place sur un chèque que Monsieur G, à qui il devait cette somme, porte sur son compte à la banque B4, que cette dernière prête à Monsieur H à hauteur de 90 % soit 656 euros, et ainsi de suite.
Que s'est-il passé en réalité ? Votre dépôt initial, dont on ne sait d'ailleurs s'il provenait d'un prêt, a créé et mis en circulation, "en plus"des 1000 euros de départ et dans le cadre de cet exemple limité à 4 échanges : 900+810+729+656 = 3095 euros.
Le dépôt s'est transformé en crédit, qui redevint dépôt, puis crédit, puis dépôt… au point que l'on s'y perd et que l'on peut se demander « qui de l'oeuf ou de la poule est venu en premier ? » Une chose est certaine, c'est qu'en 1960, la monnaie en circulation en France - ou masse monétaire - convertie en euros, était équivalente à 14 milliards et qu'en 2000 elle était passée à 378 milliards d’euros sous l'effet de l'inflation et de l'augmentation de la production. Ce sont 364 milliards supplémentaires, donc 27 fois la masse monétaire initiale qui ont été créés en 40 ans grâce aux mécanismes que nous décrivons !
Quatrième recette – l'intérêt ou « la cerise sur le gâteau »
Il y a une chose que nous n'avons pas précisée dans notre exemple précédent ; les prêts consentis à messieurs B, D, F et H ont été assortis dun intérêt à 10 % l'an. Imaginons qu'ils aient tous remboursé leur prêt en une fois au bout d'un an. Ils auront remboursé : 990 + 891 + 802 + 721 = 3404 contre, rappelez-vous, 3095 euros créés, soit une différence de 309 euros versée au système bancaire sur de la monnaie qui ne lui appartient pas. Mais pourquoi dire que l'intérêt est de la création monétaire ? N'est-il pas tout simplement une charge que le banquier prélève sur notre richesse ?
Nous n'insisterons jamais assez sur ce fait ! Depuis que la monnaie n’est plus gagée sur l’or, elle n’existe plus que sous forme de crédit. L'argent qui circule dans la communauté mondiale n'est que la différence qui existe entre la masse de l'argent prêté et celle de l'argent remboursé ; chaque jour de nouveaux prêts consentis viennent grossir la masse monétaire, chaque jour des crédits sont remboursés, partiellement ou totalement et font diminuer d'autant la masse monétaire. Alors imaginez… Imaginez que tout le monde, particuliers, entreprises, collectivités locales et Etats décident pour en finir une bonne foi, de rembourser l'intégralité de leurs dettes. Et bien, selon le principe que nous venons d' énoncer, il n'y aurait plus un sou vaillant sur cette terre. Plus encore ! Nous serions dans l'impossibilité de le faire car, par le biais de l'intérêt, il nous est demandé de rembourser plus que ce qui a été mis en circulation !
Bien sûr, cela ne saute pas aux yeux, à moins de faire un « arrêt sur image » comme nous venons de le faire, car l'existence de la monnaie est la conséquence d'un cycle permanent. Mais la question reste posée : comment payer un intérêt dont le montant n'a pas été créé au préalable, sans assécher complètement la masse monétaire au fil du temps ? Est-il possible de récupérer plus d'eau que celle versée dans le bassin ? Il y a là une impossibilité arithmétique que le système résout en entraînant tout simplement la communauté dans du « toujours plus » de crédits, pour pouvoir créer la monnaie nécessaire au remboursement des intérêts .
Comprenez-vous maintenant les « vraies raisons » de l'invitation à la « croissance » déclinée sur tous les tons et répétée tel un mantra ? Comprenez-vous aussi pourquoi, au lendemain (ou surlendemain ?) du 11 septembre 2001, dans l'un de ses premiers discours, G.W Bush a déclaré : « il faut soutenir la consommation… ayez confiance ! » Eh oui, si la confiance disparaît, on est beaucoup moins enclin à s'endetter, donc moins de crédits… moins de masse monétaire… On ne peut plus rembourser les échéances à moins de s'appauvrir… et c'est tout le système bancaire et économique qui s'écroule ! Pour enfoncer le clou, il a aussi fait diminuer les taux d'intérêts histoire de « pousser à la consommation ».
Voilà en quoi l'intérêt est créateur de monnaie. Mais c'est bien là « son moindre défaut ». Les « dommages collatéraux » qu'il provoque, pour plagier l'élégance verbale que l'on se plait à utiliser pour édulcorer l'horreur, sont bien pire :
• Il est la cause principale de l'inflation, puisque avec un crédit à 5 % par an par exemple, c'est le double de la somme empruntée qui doit être remboursée sur 15 ans, par le jeu des intérêts composés . Etrange qu'un système qui dénonce l'inflation comme « ennemi public numéro un » et en assigne la chasse à son autorité centrale - puisque telle est la mission première et quasi unique de la BCE - en soit le principal responsable !
• Il est la cause profonde de la course à la croissance qui, si elle se conçoit lorsque l'on considère les choses sous l'angle exclusif de l'économie, devient mortifère lorsqu'on élargit le panorama à l'homme et à la nature.
• Il est le premier responsable de la pauvreté dans le monde et de l'élargissement de la fracture sociale. Puisque les prix que vous payez sont constitués à 40-45 % du seul poids des intérêts, comme l'ont mis en évidence dans leurs études Magrit Kennedy et Ralph Becker cités en notes, vous imaginez la somme colossale qui est transférée du monde économique au monde financier ! Il contribue à l’asphyxie du premier et à la congestion du second ; il provoque surtout le transfert de la richesse des plus démunis vers les plus nantis. Magrit Kennedy, dans l'étude qu'elle présente dans son livre « Libérer l'argent de l'inflation et des taux d'intérêts » aux éditions Vivez Soleil, met en évidence que pour la population allemande, classée en 10 tranches de revenus, lorsque l'on fait la balance entre les intérêts créditeurs, versés à l'épargne, et les intérêts débiteurs prélevés au crédit, le solde n'est positif que pour la 10e tranche, celle des plus riches, équilibré pour la 9e et négatif pour les 8 autres. Elle souligne aussi que le solde est d'autant plus négatif que l'on est pauvre et d'autant plus positif que l'on est riche !
Notes:
1 - Rappelons que tous les pays constituant à ce jour l'Union Européenne n'ont pas encore adopté l'euro. L'Euroland ou zone euro sont des termes qui désignent l'ensemble des pays qui ont adopté l'euro, regroupés dans « l 'Eurosystème » qui comprend la Banque Centrale Européenne et les banques centrales des Etats membres.
2 - M1 est l'appellation technique utilisée pour désigner « l'agrégat » à l'intérieur duquel est contenu l'ensemble de la monnaie en circulation, fiduciaire et scripturale, et qui sert aux transactions. Ces agrégats sont au nombre de 5 et répertorient les actifs selon leur liquidité. On appelle actif tout objet matériel ou immatériel qui a pour son propriétaire une valeur monétaire actuelle et/ou future. Une voiture ou un kilo de tomates est en ce sens un actif, mais un litre d'eau de mer ou une invention non brevetée n'en est pas. Quant à la « liquidité », on désigne par là la rapidité avec laquelle on peut réaliser un actif. L'argent que l'on a sur un compte courant en banque est immédiatement réalisable, donc très liquide, mais la maison que l'on possède est un actif peu liquide dans la mesure où sa vente peut prendre de longs mois. Les agrégats, classés de M0 à M4 s’emboîtent comme des poupées russes, chacun contenant tous les précédents.
M0 est la base monétaire constituée par la monnaie centrale possédée par les banques sur les livres de la banque centrale.
M2 à M4 contiennent en plus de M1, précédemment cité, les comptes d’épargne de plus en plus longue, c’est-à-dire de moins en moins liquide. Par exemple, M2 contient l’épargne à vue (livrets d’épargne), tandis que les SICAV monétaires et les plans d’épargne logement sont dans M3.
Pour la zone euro, en novembre 2005, l'agrégat M1 était de 3385,6 G€ alors que le montant des pièces est billets était de 519,6 G$. Cette masse M1 augmente, dans la zone euro, de 10 à 11 % par an. Mal distribuée elle alimente l'inflation. Pour plus de précisions nous vous recommandons les « fiches » rédigées par Gabriel Galand et Alain Grandjean, auteurs de La monnaie dévoilée (L'Harmattan, 1996) que vous trouverez sur www.chomage-et-monnaie.org
3 - Denis Clerc est fondateur et conseiller de rédaction de « Alternatives Economiques », agrégé d'économie et de gestion, agrégé de sciences sociales, auteur de Déchiffrer l'économie (éditions Syros).
4 - De la même manière que nous avons un compte dans une banque secondaire, et pouvons faire circuler la monnaie qui y est inscrite vers le compte d’une autre personne, les banques secondaires ont un compte courant à la Banque Centrale, sur lequel est inscrit leur avoir. Cet avoir est libellé en euros, comme la monnaie ordinaire, mais il est important de comprendre qu’il ne s’agit pas de la même monnaie que celle qui circule entre les agents économiques. La monnaie dans les comptes courants de la Banque Centrale est appelée « monnaie centrale » ou « base monétaire ». Elle ne peut circuler qu’entre banques secondaires, par débit ou crédit de leur compte courant en Banque Centrale (www.chomage-et-monnaie.org – fiche 4).
5 - C'est ce que vous entendez appeler le « taux directeur ». Plus la Banque Centrale l'augmente, plus elle rend la création monétaire coûteuse et donc la freine, plus elle le baisse plus elle la favorise.
6 - Il faut comprendre que la Banque centrale exerce un contrôle « indirect » par pression financière. Le principe est de rendre la création monétaire de plus en plus coûteuse, pour éviter que les banques créent de l'argent à l'infini. Comme on sait statistiquement que 15 % environ de la masse monétaire sont demandés en billets, plus une banque crée de la monnaie par le crédit, plus elle a besoin de billets, plus elle a besoin de monnaie centrale pour les acheter. La Banque Centrale estimant insuffisant ce seul moyen de pression, elle oblige aussi les banques à détenir, sur leur compte en monnaie centrale, une proportion de la monnaie créée. A notre connaissance, elle est de 2 % à l'heure de l'écriture de ces pages, mais elle peut varier à tout moment. C'est ce qu'on appelle les « règles prudentielles. »
7 - Il s'agit de l'ensemble des règles auxquelles les banques doivent se soumettre, dans le but d'éviter les excès. De façon générale : - surveillance par la Banque de France et la Commission de contrôle des banques, qui veillent à la bonne organisation administrative et comptable, - justification par l'établissement bancaire de sa "bonne santé" financière (montant minimal de fonds propres, limitation des participations non financières, ratio de solvabilité), - secret professionnel, sous réserve des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux (obligation de surveillance à l'égard des clients, notamment lors de l'ouverture d'un compte et en cas de transaction d'un montant supérieur à 15 000 €, et obligation d'information auprès des autorités lorsqu'une opération paraît suspecte).
8 - Rappelons que l'on distingue trois sortes de monnaie : - Les pièces, ou monnaie divisionnaire (environ 1 % de l'ensemble de la monnaie en circulation) ; - les billets, ou monnaie fiduciaire (environ 15 % de la toute la monnaie en circulation en France, 18 % pour l'Euroland) ; - et la monnaie circulant par jeu d'écritures ou monnaie scripturale. Elle représente 85 % environ de la masse monétaire.
9 - On suppose que les conditions de solvabilité sont toujours remplies. 10 - L'Actif d'une société regroupe les créances qu'elle détient, quant le passif représente l'ensemble de ses dettes, donc les sommes qu'elle doit. En comptabilité on ne peut constater une dette sans mettre en face, en contrepartie, une créance ou un actif matériel, ou sans diminuer une autre dette. Tout s'équilibre toujours à zéro.
11 - Pourquoi au passif de la banque ? Il faut bien comprendre que les comptes des clients d'une banque représentent pour elle des dettes car elle détient quelque chose qui ne lui appartient pas. Ses clients peuvent en effet lui demander à tout moment de leur restituer les sommes qui y figurent.
12 - André Chaineau, Mécanisme et politique monétaire, aux Presses Universitaires de France.
13 - On appelle « fuites » la monnaie fiduciaire que les banques doivent « acheter » à la Banque Centrale ou à d'autres banques, pour répondre à ce que les titulaires de comptes en banque transforment en espèces, soit en moyenne 15 %.
14 - Maurice Allais : Prix Nobel de Sciences Economiques en 1988 (Biographie Allais : http://allais.maurice.free.fr/Biographie.htm) La crise mondiale aujourd'hui, Ed. Clément Juglar 1999. Bernard Maris dans son livre Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles (Albin Michel 1999), ne fait guère de cadeaux aux économistes en général. Mais il écrit (pages 136/137) : " On va chercher Allais en 1987, après le krach, on le coiffe d’un chapeau pointu de devin, et on le ressort en 1998. Il dit la même chose, de bon sens, "que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel". Il ne prévoit rien : il fait de remarquables comparaisons historiques, point. Il donne la même analyse limpide de la crise de 1929, mais peu importe ; ce n’est pas sa capacité d’analyse historique que l’on met en scène, mais son coté vieux sage, vaguement sorcier et un peu loufoque : museler le système bancaire, interdire aux banques de créer de la monnaie, dire que la monnaie bancaire est de la "fausse monnaie", empêcher les banques de prêter à plus long terme que leurs fonds… si les gens lisaient vraiment ce qu’à écrit Allais, ils seraient stupéfaits ! Allais n’est pas un expert, mais un grand économiste… ".
15 - Certains économistes excluent les 15 % de monnaie fiduciaire (billets et pièces), considérée comme « monnaie permanente », au regard de la "monnaie temporaire" (monnaie de crédit, qui "s'efface" quand le crédit est remboursé). Nous, nous les incluons dans la mesure où la monnaie fiduciaire n'est qu'une partie convertie en numéraire de la monnaie scripturale créée par le crédit.
16 - Cela ne vaut qu'aussi longtemps que vous êtes éligible au crédit. Sinon, vous êtes acculé à la faillite personnelle ou d’entreprise, car dans ce cas on perd bien un patrimoine qui avait une valeur, au profit d’une tierce personne, mais toujours en final pour le paiement d’intérêts.
17 - Trois informations pour imager l'effet de l'intérêt :
A : Dans une étude des années 1985 l'économiste allemande Margrit Kennedy démontre qu'il y a en moyenne 40 % d'intérêts cumulés dans les prix hors taxes de TOUTES les consommations, en analysant des comptabilités en cascade (donc y compris celles des fournisseurs). Elle arrivait par exemple à : - 12 % d'intérêts financiers cumulés dans le ramassage public des ordures - 38 % dans le prix de vente de l'eau - 77 % dans le prix des loyers des habitations sociales. Dans une autre étude plus récente (2001), Ralf Becker, par une méthode totalement différente, celle de l'analyse des postes des comptes nationaux allemands, arrive à une moyenne de 46 % !
B : Si vous empruntez maintenant, en 2006, 100 euros à 5 %, vos descendants devront rembourser 13150 euros en 2106. S'ils attendent 2506, ce sera 4 000 milliards d'euros, et dans 2000 ans, un montant s'écrivant 240 suivi de 42 zéros !
Pour ceux qui auraient encore des doutes sur les origines de la monnaie
(la monnaie serait, selon certains, émise par le gouvernement, par une banque nationale, ou d'une autre origine bizarre ... certains pensent même que les banques ne peuvent prêter que ce qu'elles détiennent en dépots )
Je viens de retrouver un petit livre écrit en 2000 par Dominique Plihon, « la monnaie et ses mécanismes » (ed. la découverte – ISBN 2-7071-3185-7). Dominique Plihon est professeur d’économie à l’université Paris Nord où il dirige le DESS « Banque, finance, gestion des risques » après avoir occupé la fonction d’économiste à la Banque de France et au Commissariat général du Plan … faut-il d’autres références ? P4 : « La monnaie est d’abord créée par les banques, à l’occasion de leurs opérations de crédit, en réponse aux besoins de financement des agents déficitaires, les entreprises en particulier. Ces dernières utilisent cette monnaie pour payer les salaires. Les salariés ne dépensent pas immédiatement leurs encaisses monétaires, car la monnaie permet de différer l’utilisation des ressources d’une période à l’autre … » P6 : « Actuellement la monnaie est essentiellement scripturale, c’est-à-dire constituée d’avoir matérialisés par une inscription sur des comptes bancaires ou postaux (…) . Les banques ont le monopole de la création de monnaie scripturale tandis que la monnaie fiduciaire est émise par la banque centrale. Cette « monnaie centrale » représente près de 10% du total des encaisses des agents non financiers ( entreprises, ménages, administrations), principalement sous la forme de billets… » P13 : « Le développement de la monnaie scripturale dont la part dans les moyens de payement (M1) est passé de 58% à 87% de 1960 à 1998, s’explique également par des qualités de commodités (…)
La monnaie scripturale figure au passif du bilan des établissements habilités à gérer celle-ci. » P19 : « La monnaie crée se concrétise par une inscription au compte du client emprunteur qui figure au passif du bilan bancaire ; la contrepartie est inscrite à l’actif à un poste créance sur le client. Le remboursement du crédit aboutira, de façon sysmétrique, à une destruction de monnaie en diminuant à la fois l’actif et le passif du bilan bancaire. La masse monétaire, constituée essentiellement par la monnaie scripturale, s’accroit lorsque les flux de remboursements sont inférieurs aux flux de crédits nouveaux (…)
Les banques commerciales collectent également de l’épargne ; la part des crédits financés sur épargne ne participe pas, par définition, à la création de monnaie. » P20 : « L’émission de billets est le monopole de la Banque centrale, souvent qualifiée pour cette raison « d’institut d’émission »les banques, de leur coté, ont le monopole de la création de monnaie scripturale… » P 42 : « La création monétaire est le privilège des banques : celles-ci créent de la monnaie en « monétisant » leurs créances et en émettant des dettes qui ont la particularité d’être acceptées comme moyens de payement. La pluspart du temps, les créances bancaires correspondent à des crédits : il s’agit de monnaie de crédit, crée ex-nihilo par les banques à l’occasion de leurs prêts »
P43 : « Le système bancaire (banques commerciales et banque centrale) entretient des relations financières multiples avec l’État. Ainsi les banques sont amenées à financer le déficit du budget de l’État, essentiellement en achetant une part importante des titres ( bons du Trésor) . (…) Ce financement du déficit budgétaire par les banques entraine de la création monétaire : il y a « monétisation » de la dette publique » Faut-il d’autres citations ?
Citation n°1 : Denis Clerc
« Les banques créent de la monnaie très simplement. Lorsque le titulaire d’un compte obtient un prêt à court terme (moins d’un an), par exemple une avance sur salaire : dans ce cas, la banque inscrit au crédit du bénéficiaire la somme demandée (d’où le terme de crédit). Elle a créé de la monnaie scripturale à partir de rien. Une inscription sur un compte lui a suffit. »
Source : Denis Clerc, « Déchiffrer l’économie », Chapitre 4 La monnaie et le crédit, p. 163.
Citation n°2 : Banque de France
En 1971, la Banque de France éditait un opuscule dénommé « la Monnaie et la Politique monétaire » dans lequel elle précisait : « Les particuliers — même paraît-il certains banquiers — ont du mal à comprendre que les banques aient le pouvoir de créer de la monnaie ! Pour eux, une banque est un endroit où ils déposent de l'argent en compte et c'est ce dépôt qui permettrait à la banque de consentir un crédit à un autre client. Les dépôts permettraient les crédits. Or, cette vue n'est pas conforme à la réalité, car ce sont les crédits qui font les dépôts. » [et pas l’inverse. (ÉC)]
Source : Banque de France, donc pas vraiment des mickeys eek
Citation n° 3 : Maurice Allais
« Fondamentalement, le mécanisme du crédit aboutit à une création de moyens de paiements ex nihilo [(à partir de rien (ÉC)], car le détenteur d’un dépôt auprès d’une banque le considère comme une encaisse disponible, alors que, dans le même temps, la banque a prêté la plus grande partie de ce dépôt, qui, redéposée ou non dans une banque, est considérée comme une encaisse disponible par son récipiendaire. À chaque opération de crédit, il y a ainsi duplication monétaire. Au total, le mécanisme de crédit aboutit à une création de monnaie ex nihilo par de simples jeux d’écritures (*).
(*) Ce n’est qu’à partir de la publication en 1911 de l’ouvrage fondamental d’Irving Fisher, The purchasing Power of money, qu’il a été pleinement reconnu que le mécanisme du crédit aboutit à une création de monnaie. »
Source : Maurice Allais, "Prix Nobel" de sciences économiques, « La crise monétaire d’aujourd’hui. Pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires. », Éd. Clément Juglar, 1999, p. 63.
Citation n°4 : Maurice Allais
« Le jugement éthique porté sur le mécanisme du crédit bancaire s'est profondément modifié au cours des siècles. (...) À l'origine, le principe du crédit reposait sur une couverture intégrale des dépôts. (...) Ce n'est que vers le XVII e siècle, avec l'apparition des billets de banque, que les banques abandonnèrent progressivement ce principe. Mais ce fut dans le plus grand secret et à l'insu du public » (...) « En abandonnant au secteur bancaire le droit de créer de la monnaie, l'État s'est privé en moyenne d'un pouvoir d'achat annuel représentant environ 5,2 % du revenu national. »
Source : Maurice Allais, Prix Nobel d’économie 1988, La réforme monétaire, 1976).
Citation n°5 : Bernard Maris
Création et destruction monétaire
« (…) C’est le principe fondamental de la création monétaire : si je fais un crédit papier de 100 et si je sais qu’une grande partie de ce crédit reviendra chez moi banquier, je peux multiplier le crédit bien au-delà du stock d’or dont je dispose. (…) Le mécanisme est décrit dans l’adage : « les prêts font les dépôts ». Le crédit fait les dépôts, il fait l’argent. Et non l’inverse ! Avis à ceux qui croient que l’épargne fait l’argent. Quel contresens économique !
(…) Mais la vraie garantie de la création monétaire, c’est l’anticipation de l’activité économique, du cycle production consommation. Encore faut-il que cette anticipation soit saine : toute création monétaire saine débouche sur une destruction monétaire équivalente.
(…) Nous percevons mieux la nature de la monnaie : des dettes (des créances sur la banque émettrice) qui circulent. Des dettes qui, si elles sont saines, doivent, par l’activité économique, provoquer leur remboursement.
Aujourd’hui, la monnaie est détachée de tout support matériel, on peut en créer à l’infini.
»
Source : Bernard Maris, professeur d’université en France et aux États-Unis, « Anti-manuel d’économie », éd. Bréal, oct. 2003, p. 219.
Citation n°6 : Bernard Maris
Le déni d'existence
« Longtemps, les économistes ont négligé l’argent. Les économistes libéraux, orthodoxes s’entend. Encore aujourd’hui, nombre d’économistes considèrent que l’argent, la monnaie, ne sont pas des questions en soi. La monnaie est neutre. Elle n’a pas d’incidence sur l’économie réelle (souligner dix fois), l’économie véritable, profonde, celle qui parle des produits, des services, de l’emploi, des prix.
Il y a deux aspects de l’économie, disent les grands économistes classiques, Ricardo, Say, Smith, Malthus, et après eux les grands monétaristes, Friedman, Patinkin, Lucas aujourd’hui : 1) l’économie d’échange, où les produits s’échangent contre les produits, le travail contre des biens, par exemple, et, à côté, la monnaie. Elle est en plus. Elle vient définir le niveau des prix, mais ça n’a pas d’incidence fondamentale sur le fonctionnement de la production, du commerce, et sur l’emploi. Cela paraît extravagant, mais c’est comme ça ! Aujourd’hui encore, en 2003, on enseigne dans les universités la « théorie du cycle réel », Real Business Cycle, qui s’efforce d’expliquer les fluctuations cycliques des économies par les goûts des consommateurs, le progrès technique, en supposant que l’argent n’existe pas. (…)
Même les autoproclamés monétaristes, comme le prix Nobel Milton Friedman, ont échafaudé leur scolastique pour annihiler la monnaie, pour démontrer qu’elle n’avait pas d’influence sur le réel, sur la réalité des productions et des échanges, mais simplement sur les prix. Cette conception aberrante de la neutralité de la monnaie ne mériterait-elle pas, pour elle seule, qu’on rejette la théorie orthodoxe aux poubelles des stupidités idéologiques ? Oui, mais il faut comprendre ce que cache ce rejet systématique de la monnaie.
(…)
Pourquoi les économistes classiques, néoclassiques, orthodoxes, monétaristes, nient-ils l’argent ? Parce qu’ils nient le pouvoir de l’émetteur, le pouvoir du seigneur, le seigneuriage, ils nient la politique, gravée sur le denier par l’effigie de César, et au-delà, [ils nient] tout ce que l’argent contient de « sociétal » (…)
Ricardo et les classiques considéraient que le travail mesure la valeur des choses. Dès lors, il est clair que la valeur relative des objets et des services s’exprime en termes de travail : s’il faut deux fois plus d’heures de travail pour produire une table qu’une chaise, une table vaut deux chaises. On peut tout mesurer dans l’économie à partir des chaises, tout exprimer en termes du numéraire « chaise », les voitures comme les services d’avocat. L’économie montre les échanges d’objets et de services contre des objets et des services, chacun valant une certaine quantité de travail.
Alors, à quoi sert la monnaie, les pièces d’or ? À rien, si ce n’est à faciliter les échanges. « La monnaie est un voile posé sur les échanges » disaient les classiques, une sorte de fluide ou d’éther qui facilite la circulation des choses mais qui ne leur donne aucune valeur, et qui elle-même n’en a aucune. La valeur de l’or est la quantité de travail nécessaire à produire l’or. Certes, l’or est plus facile à manipuler que les chaises pour l’échange. Mais on aurait pu prendre des coquillages ou des cigarettes comme unité de monnaie.
Supposons qu’une pièce de 1 euro circule 10 fois en une journée entre les consommateurs. 10 est la vitesse de rotation de la monnaie, soit V. Supposons que le prix P des objets échangés soit de 2, et que 500 objets soient échangés. La valeur des échanges de la journée est donc 2 x 500 = 1000. Combien faut-il de pièces de monnaie de 1 euro, M, pour permettre les échanges ? Il en faut 100, car 100 pièces qui circulent 10 fois permettent de réaliser 1000 euros d’échanges. On obtient donc une relation comptable, une tautologie, que l’on va baptiser « équation monétaire » : MV=PQ.
Cette équation résume toute la théorie monétaire. Elle dit : la monnaie, multipliée par sa vitesse de circulation, est égale au niveau général des prix multiplié par le volume des transactions. Elle valut un prix Nobel à Milton Friedman. La monnaie fixe le niveau général des prix. Plus il y a de monnaie en circulation, plus les prix augmentent. Mais l’économie réelle, elle, ne bouge pas. La monnaie détermine seulement l’inflation : 10% de hausse de monnaie en volume conduira à 10% de hausse de prix, c’est mécanique. D’une équation comptable, on a fait une théorie niant l’impact de la monnaie sur l’économie. Tout se passe comme s’il y avait deux secteurs dans l’économie : le secteur réel, les entreprises, les usines, le travail, les consommateurs, et le secteur monétaire, une banque qui injecte de la monnaie et qui fixe les prix.
Petit aparté : toute la conception européenne de la Banque centrale, indépendante du pouvoir politique et interdite de recevoir des ordres des gouvernements, tient à la « neutralité » de la monnaie. La Banque centrale est là pour maintenir la valeur de la monnaie, éviter qu’il y ait trop d’inflation. Ne pas trop donner de monnaie revient donc à faire des économies, car plus il y a de monnaie, plus les prix augmentent. Cette obsession de la monnaie rare et forte relève de la neutralité, de la théorie classique (Ricardo, Friedman).
Ordre des débiteurs et ordre des créanciers
Mais pourquoi faut-il que l’argent soit rare ? Nous retrouvons ici notre vieil ami, le problème économique, le problème de la rareté. Partout, les économistes promeuvent la rareté. L’argent rare sera cher, surévalué peut-être même. Qui a de l’argent ? Les riches, les épargnants, ceux qui ont pu accumuler ou hériter. Si le taux d’intérêt est élevé, le taux d’intérêt étant le prix de l’argent, l’argent est demandé, il s’évalue. Le capital est rare et cher. Les créanciers, les détenteurs d’argent, sont contents, tout comme les prêteurs et les rentiers sont contents. Les rentiers dont les loyers des maisons sont élevés. Les créanciers ont une certaine vision de l’ordre économique.
Qui sont ces créanciers ? Des personnes riches, âgées. À qui prêtent-ils ? À des personnes sans argent, des locataires ou des entrepreneurs, qui empruntent pour leur entreprise. Ce sont des débiteurs. Ils préfèrent que l’argent soit bon marché, et même qu’il se dévalue. L’inflation ruine les créanciers et enrichit les débiteurs. Un emprunteur, si la hausse des prix est constante, et si son salaire suit cette montée, rembourse de moins en moins. Alors que les salariés et les entrepreneurs sont contre l’argent cher, les épargnants et les rentiers sont pour.
Lorsqu’une activité est endettée et ne peut plus rembourser ses dettes par son activité, soit on la maintient sous perfusion en lui donnant d’autres crédits sans contrepartie, puisqu’il n’y aura pas de sa part création de richesses matérielles, soit on lui dit : « Fini ! Vous remboursez ! » Si elle ne rembourse pas, elle est mise en faillite, et avec la faillite s’opère un redéploiement de la propriété industrielle (ce que Schumpeter appelait la destruction créatrice) : l’ordre des créanciers décide de ce redéploiement. Plus de textile en France. Plus d’acier de basse qualité. En échange, se développent des services, des logiciels…
L’ordre des débiteurs, l’ordre économique du point de vue des débiteurs, est radicalement opposé à celui des créanciers. L’antagonisme débiteur-créancier est total : ce qui profite à l’un nuit à l’autre. La lutte des débiteurs et des créanciers, terrible, occulte, est une lutte pour la définition de la propriété industrielle : dans quels secteurs les entrepreneurs sont-ils autorisés à travailler par l’ordre des créanciers ? Ils peuvent se tourner vers Internet, par exemple, ce qui a créé une bulle énorme et un endettement terrible des entreprises comme Vivendi ou France Telecom. L’histoire économique est faite de ces affrontements.
En 1976 en France, le ministre Raymond Barre prend une décision historique : il décide que l’État paiera les intérêts de sa dette au-delà du taux d’inflation. Il dit : « Je place l’État au service des créanciers, des épargnants. Finie l’inflation qui érode le capital. Vive les rentiers ! » Fini l’ordre des salariés et des entrepreneurs, finies les Trente Glorieuses, la monnaie se renforce, le chômage augmente, les salaires stagnent, la rente réapparaît. Dix ans plus tard, en 2003, le partage du produit national s’est fait au profit des créanciers : 10% du PIB a basculé du côté du profit et de la rente. (…)
La mondialisation, d’une certaine manière, est un basculement de l’économie au profit des créanciers, des boursiers, des rentiers, des financiers. »
Source : Bernard Maris, « Anti-manuel d’économie », éd. Bréal, oct. 2003, p. 206 s.
Citation n°7 : Bernard Maris
La Banque de France
« La Banque de France était à l’origine une banque privée, dotée d’une assemblée ou d’un conseil de deux cents gros actionnaires. Ces deux cents actionnaires les plus puissants de la place de Paris ont donné naissance au mythe des « deux cents familles », les deux cents familles bourgeoises contrôlant l’argent en France et cimentant le « mur de l’argent », ce mûr contre lequel se heurtaient les gouvernements progressistes. Les régents de la Banque de France étaient recrutés dans les deux cents familles, les Mallet, Vernes, Rothschild, Hottinger, Wendel. La loi de Germinal an XI définissait la parité du franc par rapport à deux métaux, l’or et l’argent, la Banque de France devant, statutairement, garantir la solidité du franc, en contrôlant le volume de la création monétaire. En gros, la Banque suivait le principe du « tiers » : le crédit consenti à l’économie était égal à trois fois les réserves d’or et d’argent contenues dans les caisses. C’était une gestion prudente, et le franc germinal se révéla le plus solide de toutes les monnaies, résistant le dernier à la crise de 1929 et restant convertible en or jusqu’en 1926, alors que la livre, le dollar, le mark étaient depuis longtemps inconvertibles. (Déjà politique du franc ultra fort, déflationniste, qui fit dire à Keynes que « les français étaient des paysans assis sur leur tas d’or ».)
Mais les banquiers et les industriels du conseil de la Banque de France, contrôlant le crédit, contrôlaient d’une certaine manière la politique de la France. Ainsi l’État s’était ruiné après la guerre de 14. Les dépenses de reconstruction étaient importantes. Le chômage menaçait. La politique coloniale était coûteuse. Les dépenses à caractère social pointaient leur nez, l’éducation coûtait cher. En 1924, arrive au pouvoir le Cartel des gauches, qui demande des avances à la Banque de France pour boucler son budget. Une avance de la Banque de France à l’État, autrement dit au Trésor, se traduit dans le langage populaire par : « faire marcher la planche à billets ». Moreau, le régent de la Banque de France refuse. Herriot le radical, Président du Conseil, démissionne ! La Banque de France a fait chuter le gouvernement ! La gauche s’est fracassée sur le mur de l’argent !
En 1934, Pierre Laval, chef du gouvernement, et surtout Léon Blum, Président du conseil, en 1936, du gouvernement du Front Populaire, soumettent la Banque de France à la tutelle publique. Vincent Auriol, ministre des Finances du Front déclare : « Les banques je les ferme, les banquiers je les enferme ! » Il décrète le franc inconvertible. Les régents de la Banque de France, transformés en gouverneurs, et des sous-gouverneurs sont nommés par l’État. En 1945, le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, nationalise la Banque de France : c’est fini. En même temps, les trois grandes banques de dépôt, le Crédit Lyonnais, le Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP) et la Banque nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI) sont nationalisées. Le crédit est sous tutelle publique. L’État a recouvré son autorité sur la monnaie, ce qui ne durera pas.
Retour de la création monétaire au privé
1945-1993 : presque un demi siècle de tutelle publique. En fait, l’État cesse de contrôler le crédit en 1983, lorsque le gouvernement socialiste décide d’arrimer le franc au mark, monnaie forte, de stabiliser la France dans l’Europe, et de laisser le contrôle du crédit et de l’émission monétaire (à nouveau !) à la Banque de France. L’État a donc contrôlé le crédit de 1934 à 1983, pendant cinquante ans.
En 1993, l’État prend acte de l’indépendance de la Banque de France par la loi de décembre. Désormais, le gouverneur est nommé mais ne peut plus être « démissionné » par l’État. Il est interdit à la Banque de France de financer le déficit du budget de l’État, autrement dit de faire marcher « la planche à billets ». Si l’État a besoin de sous, qu’il les emprunte et qu’il les rembourse ! Les nouveaux statuts de la Banque interdisent aux membres de son conseil (art. 1) « de solliciter ou d’accepter d’instruction du gouvernement ou de toute personne ». Et voilà. Le pouvoir politique est soumis. La dictature des rentiers a triomphé.
Les statuts de la Banque de France, calqués (et « aggravés » en quelque sorte) sur ceux de la Bundesbank, gardienne du temple de la monnaie forte, seront copiés par la Banque centrale européenne. L’ordre des créanciers règne en Europe.
Aux États-Unis, c’est l’inverse. La Banque fédérale de réserve est responsable devant le Congrès. La planche à billets fonctionne toujours. Le statut d’hyper puissance permet aux États-Unis d’accaparer, chaque année, les deux tiers de l’épargne nouvelle dans le monde, essentiellement en provenance de l’Europe et du Japon. Les États-Unis, souverains du monde, fonctionnent selon le principe régalien de la création monétaire.
Voilà une question essentielle d’économiste : qui fabrique l’argent qui nous fait vivre ? Au profit de qui ? Pour quelles activités ? De 1945 à 1976, l’État fabrique l’argent au profit de la reconstruction, puis de la croissance. Et puis, après cette très brève parenthèse du capitalisme, le privé reprend ses droits. »
Source : Bernard Maris, « Anti-manuel d’économie », éd. Bréal, oct. 2003, p. 221 s.
Citation 8 : Encyclopédie Universalis
Nature des créations de monnaie [|b]
Expliquons d'abord le principe général de l'intégration, par création monétaire, du nouveau produit de chaque période dans une somme de monnaie. Nous montrerons ensuite que, contrairement aux idées reçues, ce sont les banques de dépôt (ou banques secondaires) qui émettent la monnaie de chaque pays, les banques centrales intervenant dans le mécanisme de la compensation. Nous examinerons enfin la question du multiplicateur des dépôts.
Intégration du produit dans la monnaie Dans chaque pays, les banques créent la monnaie nationale. La nature même de sa création confère immédiatement à la monnaie son rôle primordial d'enveloppe numérique des nouveaux produits.
Situons le raisonnement dans une économie nationale. Soit la banque de dépôt B1. L'entreprise E, qui emploie le travailleur A, demande à sa banque (B1) de verser un salaire de 100 unités de monnaie à A, en paiement du bien a, son produit de la période considérée. Afin de mettre le processus de la création monétaire en pleine lumière, supposons que la banque B1 ne dispose chez elle d'aucun dépôt préalable, dans lequel elle pourrait puiser le salaire de A. En effet, l'utilisation par une banque d'un dépôt préalable ne définirait pas une création monétaire. Il est évident que le raisonnement serait pris dans un cercle vicieux si les créations monétaires n'existaient pas ; en effet, en l'absence de toute création monétaire, le public ne pourrait disposer d'aucune somme positive de monnaie bancaire ; en conséquence, les dépôts constitués dans les banques seraient forcément nuls. Il est donc logiquement nécessaire de reconnaître que les banques prêtent au public des sommes de monnaie que le public ne leur a pas prêtées. C'est justement le cas de B1, qui paie le salaire de A en créant 100 unités de monnaie.
Comme tout salaire, le salaire de A a une définition double : sa forme est une somme de monnaie (100 U.M.) ; mais son objet est un produit. Si les salaires étaient payés par prélèvement dans un fonds ou sur un capital préalable, leur objet serait un produit d'une période antérieure. Or les économistes ont abandonné la doctrine du fonds des salaires. C'est qu'ils ont constaté qu'en chaque période les salaires créés (en leur forme monétaire ou nominale) ont pour objet le produit courant des salariés. Le fait essentiel est que les banques ne créent jamais l'objet réel des salaires mais seulement leur forme nominale ou numérique. Cette conclusion serait vérifiée même si les salaires étaient prélevés dans un fonds préalable ; la production de chaque période apporterait alors l'objet des salaires d'une période postérieure, les salaires courants trouvant leur propre objet dans la production d'une période antérieure. Le fait constant est que, dans leurs créations, les banques ne peuvent susciter qu'un « objet immatériel », entendons la forme numérique des produits de chaque période et non des actifs monétaires. Si les salaires sont néanmoins des actifs positifs, ils le sont dans leur objet, qui est le produit de chaque période ; en elle-même, abstraction faite de son objet, la forme bancaire ou monétaire des salaires n'est pas un actif. [b]
Technique de la création monétaire L'examen de la technique de la création monétaire confirme cette analyse. Suivons l'exemple du paiement de 100 unités de monnaie pour le salaire courant de A ; c'est la banque B1 qui crée ce salaire pour le compte de l'entreprise E. Cette création monétaire est effectuée sous la contrainte de la comptabilité à partie double. Selon cette discipline comptable très stricte, les banques (notamment) ne peuvent jamais créditer un agent sans le débiter dans le même mouvement. Représentons les flux de la création monétaire dans un compte en T :
Ces écritures sont équilibrées « en diagonale », ce qui est inhabituel. Mais il s'agit de flux. Or même la comptabilité dite de flux ne retrace en fait que le résultat des flux concernés. Les écritures portées dans les comptes cachent les flux dont elles résultent. Il est bon que l'analyse les fasse apparaître, comme ci-dessus. La ligne 1 définit une création monétaire : l'entreprise E bénéficie de la création de 100 unités de monnaie ; à défaut, l'entreprise ne pourrait pas payer les salaires qu'elle doit puisque, rappelons-le, les salaires ne sont pas prélevés dans un fonds préalable. À la ligne 2, les salaires de 100 unités de monnaie sont effectivement payés, par le débit de l'entreprise et le crédit de son employé. La ligne 3 porte une information cruciale : les unités de monnaie versées sont aussitôt déposées dans la banque qui les a créées. On comprend bien que les unités de monnaie scripturale ne peuvent exister que dans les banques.
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Les banques de dépôt émettent les monnaies nationales
Les économistes ont longtemps pensé que toute monnaie bancaire est créée par les banques centrales, encore appelées instituts d'émission. Depuis au moins un siècle, les auteurs reconnaissent que les banques de dépôt (ou banques secondaires) sont, elles aussi, créatrices de monnaie. Partout dans le monde, la monnaie scripturale, émise par les banques de dépôt, a même nettement pris le pas sur la monnaie fiduciaire, émise par les banques centrales. Une observation un peu plus avancée établit le fait que les banques de dépôt ont le monopole de l'émission monétaire, sauf en ce qui concerne les opérations sur devises. Les banques centrales sont les banques de dépôt des Trésors publics ; et, même si elles ont une clientèle privée (entreprises et ménages), c'est à nouveau en leur qualité de banques de dépôt. En outre, s'il est vrai que des billets de banque circulent dans le public, ceux-ci sont « injectés » dans l'économie, comme d'ailleurs les pièces de monnaie, par des annulations équivalentes de dépôts dans les banques secondaires.
et enfin, citation 9, sur http://www.banque-france.fr/fr/sta [...] ation1.pdf
Le 15 février 2006
1. Objectifs et modalités
1.1. Fondements
L’'octroi de crédit par les banques étant à la source même du mécanisme de création monétaire, le suivi de l’évolution de la distribution des différents types de concours bancaires revêt naturellement une grande importance dans la définition des orientations et la conduite de la politique monétaire comme dans l’'évaluation de ses effets.
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