Marl Borrow a écrit :
Le développement de l'intelligence humaine s'est accompagnée d'une augmentation du volume du cerveau. or, l'homme de néhenderthal avait une boite cranienne d'une volume supérieur à celle de l'Homo Sapiens. On en déduit ce que l'on veut, mais l'intelligence n'est pas forcément non plus une condition suffisante à la survie d'une espece.
|
-- Pour ceux que les relations entre Sapiens et Néanderthal intéresse, le pt de vue d'un paléontologue sur fs.paleontologie
En voici la synthèse, par Gilles Escargel :
Bonjour,
Ah! Les relations entre l'Homme de Néanderthal et Nous ! Tout un programme ! Ce sujet est un des best-of de fsp ! Il y a quelques mois, j'y ai posté un petit "document de synthèse" surement pas complet, qui n'a donc rien d'un "cours" mais qui tente juste de faire la synthèse du peu que je sais sur ce sujet. Son contenu déborde surement assez largement sur vos préoccupations initiales, mais j'ai eu la flème de faire le tri !
Si ça peut vous aider dans votre discussion, le voici, enrichi des dernières découvertes sur le sujet, les plus fraiches datant de la semaine dernière !
==========================
Les plus anciens Néanderthaliens "vrais" et Homo sapiens "vrais" (l'Homme de cro-magno, cad, nous) connus à ce jour datent d'environ 100 000 BP -- en entend par "vrais" reconnaissables, distinguables d'autres ensembles fossiles car identifiés par un certain nombre de caractères morphologiques typiques, diagnostiques du groupe, qu'il s'agisse de sous-espèces (inter-fécondes) ou d'espèces (inter-stériles) biologiques. Avant, on connaît en Europe occidentale (Allemagne, France, Espagne) plusieurs fossiles qualifiés de pré-Néanderthaliens (peut importe les différents noms d'espèces ou de sous-espèces qu'on utilise pour eux : ce sont des débats de spécialistes qui ne changent fondamentalement rien à la nature et aux caractéristiques phylogénétiques de ces fossiles), dont l'Homme de Tautavel est surement un des plus célèbre. Les plus anciens pré-Néanderthaliens connus à ce jours datent au moins de 450 000-500 000 ans, peut-être même même de 800 000 et 1 M.a. -- il reste encore un doute sur la nature pré-Néanderthalienne des plus vieux européens. En parallèle, on connait en Afrique de l'Est et du sud plusieurs fossiles qualifiés de pré-sapiens témoignant d'une continuité évolutive graduelle entre les Homo erectus "typiques" et les Homo sapiens "typiques". Le dernier en date, publié l'an dernier et daté à 180 000-200 000 ans, est d'ailleurs tellement "sapiens" dans sa morphologie cranienne que ses inventeurs en ont fait une sous-espèce de notre espèce : Homo sapiens idaltu. Au final, les données archéologiques actuellement disponibles suggèrent donc que les lignées Néanderthaliennes et sapiens sont phylogénétiquement séparées depuis au moins 1/2 M.a., voire environ 1 M.a.
Entre 100 000 et 40 000 BP, B. Vandermersch et son équipe (Université de Bordeaux) ont mis en évidences, dans plusieurs grottes en Israël, que les deux groupes ethniques (Néanderthaliens et sapiens) se sont succédés à plusieurs reprises dans cette partie du Proche Orient, et ceci au grés des fluctuations climatiques (plus chaud => H. sapiens ; plus froid => Néanderthal). Mais ces groupes, s'ils ont effectivement coexisté, ne semblent pas alors avoir cohabité : les phases d'habitation néanderthaliennes et "sapiens" ne se mélangent pas dans les gisements actuellement connus. Cette alternance semble donc correspondre à un déplacement Nord-Ouest <-> Sud-Est "climatiquement contrôlé" de la limite de répartition ("frontière" ) de ces 2 groupes, qui, du reste, utilisaient alors le même techno-complexe, dit culture moustérienne, correspondant entre autre à un mode particulier de débitage des blocs de silex que l'on appelle le débitage levallois. De fait, on ne comprend pas bien quelle était la nature anthropologique et ethnologique des relations entre ces deux groupes. Le fait qu'ils partageaient le même techno-complexe indique l'existence vraisemblable de relations et d'échanges, mais quelles relations et quels échanges ? Comment étaient-ils en contact ? Et quel était la nature de leurs échanges ? A ma connaissance, personne n'a encore rien proposé de convaincant à ce sujet, faute de données témoignant matériellement de ces contacts et échanges.
Dans l'état actuel des connaissances, on estime que H. sapiens (nous) est arrivé en Europe occidentale aux alentour de 35 000 B.P., soit 33 000 avant notre ère, peut-être un peu avant, mais très vraisemblablement pas avant 38 000-39 000 BP, car cette arrivée semble bien s'être déroulée à la faveur d'une phase climatique relativement chaude précédant le dernier maximum glaciaire, laquelle phase climatique chaude a débuté vers 38 000-39 000 BP et s'est achevée vers 25 000 BP. (En période glaciaire, le passage entre l'Europe de l'Ouest et le proche-Orient est impossible par les Alpes (passage par l'Italie et les Balkans impossible), mais également, si on veut contourner les Alpes, par l'Europe du Nord, recouverte par l'Indlandsis grosso modo jusqu'à 48-50°N.) La culture technologique qui leur correspond est, dès le départ, l'Aurignacien. Cependant, Néanderthal a subsisté, notamment en Europe du sud-Ouest (Sud de la France, Espagne et Portugal... et Pays Basque !), jusqu'à 28 000 B.P. environ (on a même trois datation plus récentes, quoique peut-être artificiellement un peu trop jeunes : Columbeira = 26 500 B.P., Salemas = 24 800 B.P., Caldeirao = 23 000 B.P.). Il est alors associé à une culture technologique dite châtelperronienne, qui, en héritant directement de la culture moustérienne, incorpore quelques éléments technologiques typiquement aurignaciens (notamment des petites lamelles à dos cranté caractéristiques et appelées "pointes de chatelperron" ). Les deux groupes ont donc coexisté *et* cohabité en Europe occidentale pendant au moins 6 000-7 000 ans, voire même 10 000-12 000 ans si les datations les plus récentes sont correctes, et là aussi, l'incorporation à un outillage typiquement moustérien d'objets typologiquement leptolithiques -- cad, aurignaciens, impliquant un débitage laminaire ou lamellaire de la matière première différent du débitage levallois -- plaide en faveur de "contacts" et d'"échanges" entre les deux groupes... Cro-Magnon et Néanderthal étaient tous les deux chasseurs-cueilleurs, et donc potentiellement en compétition pour le même type de matière première, même si manifestement, les "préférences" alimentaires des Néanderthals (cheval, bison et bouquetin) en matière d'alimentation carnée (on n'en sait rien pour les végétaux) n'étaient pas les mêmes que celles d'H. sapiens (qui mangeaient principalement du renne). Au niveau technologique, il est difficile de comparer les mérites relatifs, en terme d'efficacité et donc de survie, de ces deux techno-complexes (Moustérien/Chatelperronien pour Néanderthal, Aurignacien pour Cro-Magnon). Tout ce qu'on peut dire c'est que, pour une même quantité de matière premiere (un même ploc de silex), le débitage laminaire/lamellaire leptolithique permet de fabriquer une quantité de tranchant efficace nettement plus importante que le débitage levallois. En ce sens, il est plus "efficace", car il demande moins de matière première pour arriver à faire "aussi bien", et donc moins de temps passé à chercher cette matière première -- si tant est que ce paramètre ait eu de l'importance pour les préhistoriques...
Bien sûr, cette longue période de cohabitation des deux groupes ethniques pose directement la question du "pourquoi" de la disparition des Néanderthaliens... Il n'y a en fait pas 50 000 solutions (en excluant d'emblée toutes les hypothèses +/- farfelues et intestables qui ont put être proposées durant ce dernier siècle) :
(i) soit il y aurait eu fusion des deux groupes, et les données archéologiques indiquent alors clairement qu'il y aurait eu acculturation des Néanderthaliens par Cro-Magnon ;
(ii) soit il y a eu élimination active ("génocide" ) des Néanderthaliens par Cro-Magnon ;
(iii) soit il y a eu élimination passive des Néanderthaliens par Cro-Magnon.
(i) La fusion des deux groupes et l'acculturation. En 1999, le préhistorien portugais Joao Zilhao et l'Américain Erik Trinkaus ont trouvé au Portugal, dans un contexte archéologique aurignacien, et donc attribuable à Cro-Magnon, le squelette d'un petit enfant où ils ont cru pouvoir distinguer un mélange de caractères propres à Néanderthal et à cro-magnon, concluant fort logiquement à l'interfécondité des deux groupes, impliquant de fait qu'ils appartenaient à une seule et même espèce biologique, dont ils représentaient deux sous espèces : Homo sapiens neandertalensis et Homo sapien sapiens. Mais l'interprétation est très délicate, et la plupart des spécialistes, dont certains co-signatiaires de l'article initial publié dans les PNAS (Compte-Rendus de l'Académie des Sciences des U.S.A.), pensent qu'en fait ce squelette appartenait à un enfant H. sapiens. Donc à ce jour, et même si on prend en compte les deux ou trois autres squelettes, toujours d'enfants, où ce type d'interprétation a également été proposé, on peut considérer qu'on ne dispose d'aucune preuve matérielle (archéologique ou paléontologique) claire et non-ambiguë permettant d'argumenter soit l'interfécondité, soit l'interstérilité des deux groupes. A quels groupes qu'appartiennent réellement ces 2 ou 3 enfants, ils témoignent simplement d'une très importante plasticité morphologique de ces populations de la fin du Paléolithique moyen et du début du Paléolithique supérieur. Une autre source de données concernant l'hypothèse de fusion biologique est les molécules, et notamment l'ADN fossile que l'on cherche à extraire des os fossiles (on a récemment discuté de ce sujet ici). Il y a 6 ans, une séquence d'environ 200 paires de bases si mes souvenirs sont bons (sur les plusieurs millions que compte le génome humain, c'est vraiment pas grand chose !...) a été extraite d'un os de Néanderthalien. En soit, ca n'est pas impossible : si les conditions de préservations sont excellentes, 35 000-40 000 BP est l'extrême limite d'age à laquelle on arrive à remonter pour retrouver de l'ADN fossile. Publication, scoop médiatique, etc. La secousse a été forte dans le microcosme paléoanthropologique, et la réplique ne s'est pas faite attendre. Mais comme c'est toujours le cas dans les médias, l'onde de choc du scoop est telle qu'elle masque totalement les répliques qui suivent... Très vite, de sérieux doutes ont été émis sur la nature et l'origine de cette séquence d'ADN. En clair, aujourd'hui, on ne sait absolument pas a qui appartient cette séquence, et vu l'état de conservation du fossile d'où elle a été extraite, il est en fait fort vraisemblable qu'elle appartienne... à une bactérie actuelle qui logeait dans l'os !... Bref : circulez, y a rien à voir ! Première conclusion : toutes les preuves fournies à ce jour en faveur du modèle paléoethnologique et paléoanthropologique de fusion des Néanderthaliens et des Cro-Magnons se sont les unes après les autres effondrées. Si ce modèle est le bon, alors sa démonstration reste encore à établir.
(ii) L'élimination active. Ce modèle, qui a la faveur actuelle des médias surement parcequ'il est le plus simple à exposer et à conceptualiser (pas la peine de faire un dessin...), a pour principal défenseur le très charismatique et médiatique Chris Stringer (il a écrit un ou deux bouquins de vulgarisation sur ce sujet, d'ailleurs assez bien faits et traduits en français). Pour aller à l'essentiel, ce modèle repose sur une anthropologie assez curieuse -- et c'est un euphémisme ! --, et est loin d'être un modèle concensuel ; à ma connaissance, Chris est même pratiquement le seul à le défendre... Sans trop rentrer dans les détails, on peut présenter le débat de cette façon. Si, à un moment donné, un individu est en compétition avec un autre individu pour une ressource, il va y avoir conflit, mais local, et très limité dans le temps (quelques secondes ou minutes, le temps généralement qu'un des deux abandonne). Ce conflit ne va jamais se généraliser à l'ensemble des individus (dans le sens où ce type de conflit-là ne va jamais entrainer une "guerre" ). En était-il de même pour l'Homme moderne il y a 30 000 ans ? Difficile à dire, mais la position scientifique de prudence, même si elle est ici très discutable du fait du statut très singulier de l'Homme dans la nature, consiste logiquement à répondre oui. En outre, dans les peuples de chasseurs-cueilleurs actuels ou disparus depuis peu que les ethnologues et ethnographes ont pu observer ces deux derniers siècles, la lutte pour l'accès ponctuel aux ressources n'est pas un motif concevable de "guerre totale" pour ces gens-là. Simplement parceque, dans l'humanité et au delà des cultures, la "guerre" est intimement liée au concept de propriété, lui-même initié par la notion de travail, qui s'origine dans l'agriculture et dans la sédentarisation. De plus, il faut bien admettre qu'à ce jour, on a encore découvert aucun squelette de Néanderthal ou de Cro-Magnon témoignant "dans sa chair" de ces luttes guerrieres, alors que dès l'instant où l'agriculture apparaît, les témoignages de guerres et de massacres inter-ethniques apparaissent...
(iii) L'élimination passive. Cette hypothèse fait intervenir les règles élémentaires de dynamique des populations, et repose donc sur une argumentation de nature purement écologique. Si on admet que les deux groupes ethniques étaient en compétition pour la même niche écologique, ou pour le moins pour des niches écologiques largement recouvrantes, ce qui semble raisonnablement vraisemblable, et si on admet que le taux de fécondité des femmes H. sapiens était supérieur d'1 pour mille à celui des femmes de Néanderthal (une moyenne de 1001 bébés H. sapiens naissaient lorsque 1 000 bébés Neandertal naissaient), ce qui est une différence vraiment minime, alors les modèles standards de dynamique des populations prédisent qu'il faut environ... 6 000 à 10 000 ans pour que, passivement, sans affrontement ni combat mais simplement parcequ'ils sont en compétition pour le même type de matières premières, Cro-Magnon élimine Néanderthal. Coïncidence ?... Peut-être... Mais en tout cas indice qu'il n'est pas forcément *nécessaire* d'invoquer des guerres fratricides pour comprendre la disparition des Néanderthaliens. En outre, il est remarquable que tout dans la morpho-anatomie des Néanderthals semble indiquer que ceux-ci étaient de meilleurs stratèges K que les Hommes modernes. Du reste, dans la nature actuelle, lorsqu'on a deux espèces morphologiquement et phylogénétiquement proches, l'une vivant dans des zones plus froides que l'autre, l' "espèce froide" (ici, Néanderthal) est généralement meilleure K que l' "espèce chaude" (ici, Cro-Magnon). Ors qui dit meilleur stratège K dit, en moyenne : une taille plus grande et un squelette plus robuste (c'est le cas ici), d'où un rapport Surface/Volume plus faible, un taux d'activité métabolique de base masse-spécifique plus faible (c'est pour ca que ces espèces résistent mieux aux températures plus basses), une longévité plus grande, une acquisition de la maturité sexuelle plus tardive, une durée d'élevage de la progéniture plus longue, une mortalité infantile plus faible, et... un taux de fécondité plus bas. Donc une certaine cohérence de cette hypothèse, avec l'énorme avantage qu'il n'est pas utile ici de faire intervenir on ne sait qu'elle hypothèse ad hoc, mais les simples règles écologiques normales de l'interaction de population au sein d'écosystèmes de tailles finies.
Alors finalement, laquelle de ces trois hypothèses est, sinon la bonne, du moins la meilleure ? Si on met à part l'hypothèse très médiatique de "guerre totale", pour laquelle on ne dispose d'aucun élément objectif à l'appui, on ne peut que constater (du moins jusqu'à la semaine dernière !) qu'à ce jour, on ne dispose d'aucune preuve matérielle (archéologique ou paléontologique) claire et non-ambiguë permettant d'argumenter soit l'inter-fécondité, soit l'inter-stérilité des deux groupes. La semaine dernière, un article publié dans Nature a apporté un peu d'eau au moulin en présentant les résultat de l'analyse comparée des ages d'erruption dentaires (Trait d'Histoire de Vie très important chez les Mammifères car corrélés à de nombreux événements clés du développement, notamment par rapport à la maturation sexuelle) chez plusieurs dizaines d'Homo fossiles appartenant à plusieurs espèces (H. antecessor, H. heidelbergensis, H. néanderthalensis et H. sapiens). Cette analyse indique que la durée totale de la croissance de Néanderthal ne dépassait pas 15 années, alors qu'elle est de 18 en moyenne chez l'Homme moderne. Les auteurs de ce travail suggère qu'une telle différence (environ 15%) indique que ces deux groupes appartenaient bien à deux espèces distinctes, et qu'ils étaient donc inter-stériles. Mais les points de comparaisons manquent cruellement ici, et amha rien ne dit que cette différence d'environ 15% ne soit pas la conséquence d'adaptations éco-morphologiques sans significations d'un point de vue reproductif... En fait, même si on peut prendre parti pour l'une des deux solutions (à titre perso., je parierai assez volontier sur l'inter-fécondité biologique couplé à une inter-stérilité [pas de reproduction de fait entre les deux groupes] d'ordre culturelle), en fait, on n'en sait vraiment rien. Morphologiquement et biométriquement, la différence entre un "Homme moderne moyen" et un "Homme de néanderthal moyen" est importante, mais l'intersection est loin d'être nulle entre les deux groupes. Plusieurs ethnies modernes du Nord de l'Eurasie présentent des morphologies bien plus proche de celle du Néanderthal que de celle d'un "Homme moderne moyen". Cette proximité est le résultats de convergences (sans signification phylogénétique) dues à des modes de vie communs dans des environnements communs (adaptation au froid et à une nourriture riche en graisses animales, notamment). Ces dernières années, le modèle d'élimination passive, jusqu'alors assez marginal, a reçu un appui indirect important : le fait que les deux groupes ethniques (qu'ils aient été potenciellement inter-fertiles ou inter-stériles, peu importe) ont coexisté durant un laps de temps de quelques millénaires, compatible avec la plupart des modèles de dynamique des populations disponibles actuellement. C'est un bon point, mais pas une preuve.
En fait, dans ce débat, ce sont les preuves, les données qui manquent. Au jour d'aujourd'hui, il n'existe a ma connaissance aucune donnée biologique (moléculaire), paléoanthropologique, archéologique ou paléoethnologique interprétée concensuellement par la communauté scientifique comme témoignant : (i) de l'interstérilité ou de l'interfécondité des deux groupes ethniques ; (ii) du fait que la cohabitation des deux groupes ethniques en Europe occidentale se soit terminé, soit par un "bain de sang" marquant le génocide complet des Néandarthaliens par Cro-Magnon, soit par une intégration-acculturation des Néandarthaliens par Cro-Magnon. Affaire à suivre !
----------
* : Stratégie K. La notion de sélection (naturelle) de type r ou K, et, par extension, d'espèces "stratèges r" et d'autres "stratèges K" vient du modèle démographique développé par MacArthur et Wilson (1967: the theory of island biogeography, Princeton University Press) et repose sur l'équation logistique, fondée sur l'hypothèse que, dans un environnement fini, le taux d'accroissement (noté r) d'une population naturelle varie en sens inverse de l'effectif N de cette population, et s'annule lorsque N est égal à la charge biotique (caractéristique de l'ensemble population-milieu analysé, et notée K). A partir de là, MacArthur et Wilson ont proposé dans les années 1960 que, pour une population donnée, la Sélection Naturelle (darwinienne) peut favoriser, selon les cas, soit l'accroissement de r (on dit qu'elle est "r-sélectionnée" ), soit l'accroissement de K (on dit qu'elle est "K-sélectionnée" ) -- une population ne pouvant pas être simultanément r- et K-sélectionnée. Cela les a donc amené à distinguer deux grands (arché)types de populations, les unes "ayant adopté" la sélection r, les autres "ayant adopté" la sélection K. On peut résumer les caractéristiques principales de ces deux catégories de populations ainsi : - Stratèges r : espèces mobiles, vagabondes, à productivité élevée (métabolismes élevés), développement rapide et durée de vie courte, de petite taille, à reproduction précoce, à taux de mortalité indépendant de la densité, et à taux d'accroissement élevé. Ces espèce forment généralement de petites populations (de taille sensiblement inférieure à K), dans des écosystèmes jeunes correspondant à des environnements relativement variables et imprévisibles. - Stratèges K : espèces peu mobiles, souvent sédentaires, peu productives (faibles métabolismes) mais très efficaces dans leur production (rendements élevés), développement lent et durée de vie longue, de grande taille, à reproduction tardive, à taux de mortalité dépendant de la densité, et à taux d'accroissement faible. Ces espèce forment généralement de grandes populations (de taille +/- égale à K), dans des écosystèmes matures correspondant à des environnements relativement constant et prévisibles. Bien sûr, il s'agit là d'archétypes, cad de cas extremes sur un gradient r-K où en fait tous les intermédiaires existent. Ainsi, dire *dans l'absolu* qu'une espèce est r ou K n'a en fait aucun sens : une espèce est *relativement* plus r ou plus K qu'une autre espèce. Entre autre, la taille corporelle étant un paramètre central dans ce problème de stratégie démographique, la comparaison d'espèces en termes de stratégies r ou K ne vaut, en toute rigueur, que pour des espèces de tailles comparables -- sauf à standardiser par la taille les paramètres considérés, ce qui est facile à dire, mais pas si simple à faire (c'est par exemple ce que l'on fait pour le taux d'activité métabolique de base, qui est alors dit "masse spécifique" pour signifier qu'il s'agit dans ce cas d'une quantité d'énergie consommée par unité de temps et par unité de poids corporel). Par exemple, le taux d'ativité métabolique de base d'un éléphant est beaucoup plus élevé que celui d'une souris ; en revanche, le taux d'ativité métabolique de base masse spécifique d'un éléphant (K-sélectionné) est beaucoup plus faible que celui d'une souris (r-sélectionnée). Ce modèle, conceptuellement très simple (certains diraient simpliste) est, en première approximation, un modèle assez robuste, qui "a fait ses preuves", et qui peut permettre de se faire une première idée du type de stratégie démographique adoptée par telle ou telle espèce, notamment lorsqu'on a affaire à des formes fossiles dont on ne connait rien (ou si peu) des paramètres bio-éco-étho-physiologiques qui les caractérisaient. En outre, pour notre problème initial de Néanderthal vs. Cro-Magnon, l'ensemble des différences morphologiques entre ces deux groupes (p.ex., à poids comparable, Néanderthals à squelette plus massif et robuste et à volume cérébral supérieur à Cro-Magnon) suggère que l'Homme moderne était relativement plus r que Néanderthal.
==========================
Maintenant, en ce qui concerne les Indo-européens -- rassurez-vous, je serai moins prolixe !
La théorie indo-européenne est un modèle linguistique pratiquement sans aucun support paléo-ethnologique, paléo-anthropologique, et finalement archéologique. Attention, je ne dis pas qu'il n'y a pas de groupe indo-européen : ce serait totalement absurde ! Il suffit de savoir lire et écouter pour se convaincre de l'existence d'une communauté linguistique indo-européenne. Le problème est que les communautés de vocabulaires observées au sein du groupe indo-européen impliquent, compte-tenu des termes communs, des dates de séparations entre différents groupes ethniques qui ne coïncident pas, ou très rarement et mal, avec les dates données par l'archéologie. C'est en particulier le cas pour l'affirmation que le groupe indo-européen trouve son origine dans le peuple des Kourganes : chronologiquement, ça ne colle pas !
Amha, cette absence de preuve matérielle n'est pas due à un manque d'information ou à quelques biais ou distorsions non encore élucidés. Cette absence de preuve matérielle est en elle-même une information capitale : les langues ne peuvent pas être utilisées directement pour reconstruire l'histoire des peuplements. Méthodologiquement parlant, la difficulté est qu'on est ici face à un problème "phylogénétiquement" très complexe dont la représentation, compte-tenu de la nature même du langage, de la façon dont il se construit et évolue, ne peut pas être schématisée sous la forme d'un arbre, cad d'un graphe connexe non-cyclique, mais sous la forme d'un réseau connexe cyclique. Et autant il est relativement simple, moyennant quelques hypothèses, d'extraire l'axe du temps d'un graphe connexe non-cyclique, cad de transformer cette représentation en un ensemble de liens de parentés racontant une histoire, un scenario évolutif, autant cet exercice est extremement complexe, sinon impossible à réaliser avec un réseau connexe cyclique. Et ne pas pouvoir localiser l'axe du temps dans un réseau, c'est être incapable de décrire le scénario évolutif qu'il représente.
Au final, je suis extremement dubitatif quant à la possibilité d'utiliser le fait que la langue basque n'appartienne pas au groupe indo-européen pour en déduire quoi que ce soit sur l'origine ethnologique et anthropologique du Peuple Basque.
Voilà le peu que je sais sur ces questions.
A+
Gilles.