bonsoir....
je voulais vous donner un peu de mes nouvelles....la semaine passée a été tres dure, les obseques vendredi ont été eprouvante, Lorelei je me suis permis de lire le texte de charles peguy a l'eglise car il correspondait beaucoup a Gaelle et aussi pour eviter le discours morne et abscons du curée...., l'appetit revient un petit peu avec mes amis, qui d'ailleurs sont tres precieux en ce moment, mais le soir j'ai tout les symptomes du deuil reunis....je n'ai pas repris le travail, je n'en ai pas la force, je venais d'emmenager depuis 3 semaines avec Gaelle, j'envisage de tout quitté car la souffrance est trop vive, comment tenir le choc ? excuser moi pour ce deballage de ma vie mais cela m'aide a tenir..., comment garder le gout de la vie ?
je tenais aussi a mettre ce texte qui me parait tres beau et tres touchant, il vient de ce forum http://www2.ligue-cancer.asso.fr/w [...] dll/~jeune ,
Saby,
Ce geste de venir demander de laide est déjà une force en soi et je ten félicite
Ce nest pas forcément chose facile. Avant tout, rassure-toi
Ce que tu vis est totalement normal (bien que ce ne soit pas normal davoir à le vivre
)
Limpression de ne plus vivre, dêtre transparent, sans but, sans envies, labsence de plaisir aux choses qui faisaient plaisir avant
le sentiment dêtre vidé de toute ton énergie, à tel point que tu te dis, je suis malade ou quoi !!! Ca je connais
en Novembre (au bout de huit mois sans lui), jétais tellement épuisée que jai demandé des analyses de sang, je voulais trouver une raison Rationnelle à cet état, quelque chose de médical, avec une ordonnance et paf ça passe
Mais non, une petite anémie, rien de plus. Alors il faut se ménager avant de craquer complètement, accepter que ce qui se passe là-haut influe sur notre corps et que pendant un temps, nul ny peut rien...
La force quil faut pour se sortir de cette « dépression », na rien de commun avec celle quil faut pour se sortir de celles quon a pu rencontrer avant. Parce-que nimporte quoi serait plus acceptable que lidée de ne plus jamais revoir ce visage, ce sourire, ce regard familiers, de ne jplus pouvoir blaguer avec eux, ou partager des chagrins
tout ce qui fait que cétait une relation unique. Alors que les autres problèmes que lon peut rencontrer laissent une possibilité de lutter, de ne pas se laisser faire. Sur Jsc jai repéré beaucoup de sentiments en commun entre nous qui sommes en quelque sorte amputé(e)s, et les malades : injustice, révolte, fatigue-découragement, quête de sens, espoir qui revient et repart au gré des semaines. Les épreuves de la vie on peut en être acteur la plupart du temps, cest ce qui donne la force de continuer. Alors que là, on ne peut que subir. On naura pas de revanche, pas de possibilité de changer le cours des choses. Et on sait que cest à perpétuité.
Tu souffres tant que tu ne te reconnais plus
Tu te demandes qui tu es, ce qui compte encore pour toi
Tu penses à lui tout le temps. Mais qui pensera à toi, maintenant quil ne peut plus le faire ? Quest-ce quil te reste ? A quoi te raccrocher ? Où sont tes repères maintenant quune immense partie de toi-même est partie avec lui ? Qui va te donner désormais lamour dont tu as besoin, celui que tu as pour lui et quil avait pour toi ? On a bâti quelque chose avec quelquun, on a fait des projets plus ou moins avoués (avec un frère, un père, un enfant, ça va de soi), on a investi plein de choses et cette personne disparaît
et il ny a personne pour la remplacer ! Tu dois te résoudre à faire ton deuil de cette personne vivante, mais aussi de tous ces projets communs, de lavenir que tu avais choisi. Un avenir évident, celui quon croyait avoir le droit de choisir, celui quon croyait mériter sest volatilisé. Tu dois accepter de te plier à un avenir SANS (on ne voit que ce quil manque) qui test imposé. Oui il y a un vide, un vide énorme, et qui ne se comble pas : un champ de ruines. On ne peut pas continuer à vivre ainsi ; ça fait trop mal. Et pourtant, on na pas envie de balayer tout ça pour reconstruire quelque chose de différent à la place. On ne veut de rien dautre, on en veut trop à la vie davoir brisé notre bonheur. Pendant un temps on est au milieu des ruines du passé, et il ny a pas vraiment de présent
Cest linstant zéro, le no mans land. Cest une guerre qui vient de se terminer, et on sort de son abri pour constater que la ville est déserte, tout en cendres, que le trajet familier est méconnaissable : on ne sait plus où on est, où sont nos amis, la famille ? On est survivant sans savoir pourquoi, paumé sans savoir ce quon attend : on ne voit pas comment ça pourrait aller mieux ça ne sera plus jamais comme avant. Tout ce qu'on a refusé d'imaginer, refoulé pendant la maladie vient de se produire. Le passé est un paradis perdu, en comparaison de ce présent sans lui, et le futur est un concept abstrait et impossible à prévoir. Comment faire confiance à lavenir quand il sest déjà écroulé une fois ?
Mais
un jour
cela arrive forcément
tu en as marre de tout ça et tu te dis maintenant ça suffit, la vie a été dégueulasse avec lui, avec moi, mais je ne mérite pas dêtre victime une deuxième fois ! Et là, tu reconstruis petit à petit, forcément cest long et douloureux
car ça implique des renoncements : le bâtiment ne tiendra pas si tu najoutes pas quelques pierres, en en enlevant dautres. A chaque pierre ajoutée ou retirée, ton cur saigne car cela le fait mourir une deuxième fois : rien nest DEJA plus comme avant, mais dun seul coup le changement devient concret, visible
Tout nest déjà plus comme quand il est parti. Cest cela je crois, quon appelle « travail de deuil » expression laide mais je ne crois pas quil en existe de plus belles. Je suis en plein là-dedans alors quau début je ne croyais jamais atteindre cette « étape ». Je pensais que je resterais toujours comme les six premiers mois
Tu dis que ne sors plus, que tu ne fais plus rien
je ne peux pas te jeter la pierre jai fait la même chose que toi ! Pendant six mois, jai cru devenir folle mais je ne supportais plus personne, plus aucune activité. Quon me fasse une réflexion, « je suis mort de rire », « cest mort pour ce soir », et javais envie de gueuler sur la personne den face, quelle ne prononce plus ce mot puisquelle ne sait pas ce que cest
Jen voulais à tout le monde de ne pas être aussi malheureux que moi
de continuer à vivre normalement. Son absence était tellement énorme, et eux semblaient lignorer. Cétait un mur entre nous, et quand on me proposait daller dans un bar avec la musique hurlante, pour se saouler en parlant de tout et de rien en sinsurgeant contre telle ou telle broutille - moi qui ne demandais quà parler de lui je me sentais à des années-lumières ! Ils évitaient le sujet comme la peste (peut-être devrait-on moderniser l'expression : éviter comme le cancer ?)
Leur conversation me semblait tellement superficielle. Quand tu as vu quelquun souffrir et être anéanti en si peu de temps tu ne peux pas revenir à la vie dun « jeune de 20 ans » comme ça, sans transition. Les gens ne se rendent pas compte à quel point on se sent décalé. On a survécu à un massacre, individuel, certes
il faut tout de même du temps pour se réadapter à la vie « normale », sans hôpital, sans angoisse, sans lui ! Tout ce temps, pour moi, sest passé
à saouler les Jsciens
à lire des bouquins sur la maladie le deuil etc., à dormir surtout
tout le temps ! (il y a des gens qui arrêtent de dormir et de manger quand ça va mal, moi cest linverse
) à écrire et à prendre un chat pour avoir une raison de rentrer chez moi le soir, parfois lui parler (si, cest vrai !!! Cétait hyper dur sur le coup, (ça l'est encore mais plus en permanence) : je trouvais que ça ne valait pas la peine de vivre pour ça. Les autres avaient beau me dire, sors, change toi les idées, ouvre tes rideaux, vas voir un psy, travaille etc. tout ce que je voulais cétait les étriper !!! Quils me laissent crier sur ? (pauvres voisins, si vous me lisez lol, mille excuses) tranquille au lieu de sincruster à dormir chez moi !!! Après, cétait bien, jétais tellement fatiguée que je mendormais vite pour mes nuits peuplées de cauchemars. Ce nest pas faute dessayer
mais les gens sont tellement maladroits que parfois ça sapparente à de la cruauté
et nous sommes tellement sensibles. Moi non plus je ne reconnaissais plus cette fille aigrie toujours triste ou en colère, cette fille qui se fâchait avec tout le monde sans jamais admettre aucun tort (et ça marrive encore, même si je me suis habituée à ces nouvelles exigences, et aussi à prendre un peu plus sur moi). Enfin tout ça pour te dire quil y a un temps ou cest parfaitement normal de se sentir complètement inutile, une « vie de dépressif qui pollue la surface de la terre » (=ce que je disais) au moment ou justement on devrait prendre conscience du trésor quest notre vie
Il faut de l'endurance, à ce moment-là.
Ca te bouffe de lintérieur, ce chagrin étouffé, cette colère refoulée sont un « cancer de lâme » comme on dit
Bien sûr, ce ne sera jamais "lextase" comme quand ton frère était encore là jamais on ne regagnera cette insouciance, cette confiance dans la vie
Cest un peu comme la santé, cest une fois quon la perdue quon réalise à quel point elle était importante.
Mais à chaque fois quune tuile me tombe dessus, je prends ça comme un acharnement du destin pour me décourager (pourtant je ny crois pas trop, au destin), et je me suis fait un défi de ne pas me laisser abattre. Cest sûr quau début, tu maurais parlé de défi je taurai ri (ou gueulé ?) au nez, en disant que cest complètement ridicule et trivial comme façon de voir la vie. Pourtant, cest bien un défi que la vie nous a lancé, un défi ou lon perd beaucoup si on renonce. On perd tout ce que nos proches malades ont bataillé en vain pour garder : lespoir, le droit au bonheur, la vie tout simplement. Pour moi ça cest fait comme ça - au bout dun moment, peut être neuf, dix mois, je me suis dit cest simple : ou tu en finis tout de suite, comme ça plus de malheur, plus de cette vie de merde et bonus(sic) tout ton entourage va morfler et comprendre enfin ce par quoi tu passes !
ou tu insistes un peu, et si dans x temps tu nes toujours pas mieux, si tu as toujours aussi peu de joie de vivre, tu te fais shooter aux antidépresseurs, tu vas en maison de repos ou tu laisses tout tomber. Jai choisi la solution B, (le défi) en pensant quà la fin ce serait toujours pareil, toujours aussi atroce et que je finirais par nen plus pouvoir et faire quelque chose pour arrêter ça. Et
surprise, à peine quelque mois après, ça allait mieux. Je crois quen ayant sérieusement envisagé de renoncer
je me suis rendu compte de ce que je risquais de perdre, et ça ma fait peur. Mais ça, ça nest intervenu que récemment, parce-quau début, les premiers mois, je navais PLUS RIEN A PERDRE. Cest ça le danger. Davoir limpression quon ne reconstruira jamais, et quon na plus rien dans sa vie. On PEUT reconstruire, quand on a récupéré de cet épuisement psychologique dû à la maladie et au deuil. Mais on nen est pas capable tout de suite, il faut de la force, et ce temps ou on na plus rien à perdre, ou on se sent complètement seul au monde, cest le plus dur, le plus dangereux, celui qui fait envisager le pire. On na pas forcément, surtout à notre âge, construit grand chose qui tienne la route uniquement grâce à nous. On na pas des enfants qui comptent sur nous, et quon aurait le devoir délever. On na pas les attaches quon aurait si on était plus avancé dans la vie. Et on commence tout de suite fort, par lépreuve la plus dure qui existe, sans avoir le bagage dannées ou lon aurait triomphé dautres épreuves et gardé le goût de la vie malgré tout. Il y en a qui disent que "Dieu" (ou Perlimpimpim ou qui tu veux) n'inflige jamais plus que ce qu'on peut supporter... je ne sais pas ce que vaut cette expression, puisqu'il y a quand même plein de gens qui meurent après en avoir supporté plus qu'ils ne pouvaient, au dessus de leurs forces...
Mais je te promets, Saby, quil y a un après, où ça va mille fois mieux. Le vide devient moins douloureux quand tu arrives à en parler, il devient plus supportable au quotidien si tu ne gardes pas tout en toi indéfiniment
Je reprends toujours le dessus en me disant : lui il voulait vivre, et il na pas pu. Alors sans trop savoir pourquoi, je veux que le même hasard décide de mon sort. Peut-être que jespère ainsi comprendre pourquoi il est mort si jeune, et pourquoi je suis toujours là ? Peut-être que ma vie future me permettra de le comprendre, ou plutôt de le justifier en faisant quelque chose à partir de ce quil a souffert pour rien
Je ne sais pas si ce très long message tapporte quelque chose, jespère quil taide à voir que tu nes pas la seule dans ce cas, que ce qui tarrive est normal. En tout cas je te promets que quand tu as limpression de toucher le fond, ça ne peut pas être pire, au contraire
cest ce qui taidera à remonter. Toute cette douleur, cette inertie ont beau sembler inutiles elles sont inévitables et en cela, utiles. Car en vivant cela, tu avances, tu évolues, et bien sûr, tu nen tireras pas de mieux-être immédiat, mais plus tard quand tu n'y croiras plus. Je ne sais pas si cest une question de temps, ça ma toujours profondément horripilée quon me dise « avec le temps, tu verras, ça ira mieux» etc. parce-que cest comme de dire « loin des yeux loin du cur », comme de dire que notre attachement est soluble au fil des années, quon est inconstant et quon va oublier
Mais oublier est impossible, ne serait-ce que parce-que tu as tant souffert, et ça tu ne loublieras jamais, ça te change pour toujours. Et surtout, évidemment, parce-quon noublie jamais ceux quon a aimé. Ce nest pas vraiment le temps à lui tout seul, le temps ne fait rien sans que tu participes ! Cest la souffrance intérieure, ressentie et vécue en toi (passivement : cest la période que tu vis en ce moment et qui est très dure puisque tu ne peux rien faire), puis exprimée par la parole et autres moyens dexpression (activement : tu commences à « faire des choses » pour taider toi même, être actif taide énormément à te sentir mieux, puisque tu vis ta vie en choisissant de lutter contre ce qui tarrive, ne plus être inerte), qui te feront évoluer vers un mieux-être sans oublier.
Jespère ne pas être trop bordélique mais
jai bien peur que si. Voilà Saby, tout ça est beaucoup trop long et difficile, je sais quen ce moment tu te sens morte à lintérieur
et pourtant si tu ne lâches pas tu seras surprise quun jour, le plaisir te revienne dans quelques choses, avant de te quitter de nouveau, puis de revenir et ainsi de suite
et tu te rendras compte que sans lavoir vu venir tu es à nouveau vivante. Vraiment vivante.