Bon, puisque j'ai été invoqué et que ça fait un moment que ça traîne, parlons histoire.
Et plus spécifiquement, arrêtons-nous sur une image étonnante : un vieux Monsieur, même pas général, couvert de drapeau canadiens accueilli en héros... dans une petite ville des Pays-Bas :
Ce joyeux papy se nomme Léo Major.
Alors, me direz-vous, qu'a-t-il fait d'étonnant (et on ne souffle pas au fond ) ? Revenons un peu en arrière.
Léo Major part mal dans la vie. D'abord, parce qu'il est québecois, ce qui signifie qu'il s'exprime avec un accent qui fait rire tout le monde (sauf les Québecois). Ensuite, parce qu'il est l'aîné d'une famille de treize enfants, ce qui est chiant puisqu'il a toujours quelqu'un à surveiller. Ensuite, parce que son père trouve que c'est un branlotin, ce qu'il lui explique régulièrement aidé de son fidèle ceinturon©, idéal pour faire comprendre tout son désarroi à son prochain. Pour lui, son fils est une mauviette, et ça, c'est impardonnable. Au vu de la nouvelle génération de 2017, le père de Léo aurait probablement directement utilisé son ceinturon© pour se pendre, il aurait gagné du temps.
Aussi, dès que Léo en a l'âge, il se barre du foyer familial, pour aller bosser à la ferme, puis aller dans les chemins de fer où il pose de la dynamite parce que c'est rigolo, les grosses explosions
Mais ce n'est pas assez pour Léo. Car arrive la Seconde Guerre mondiale. Et Léo décide de s'engager, pour expliquer au monde que ça suffit de se moquer des Canadiens.
Ici, Léo Major s'apprêtant à abattre des humoristes français faisant des imitations de Québecois.
Léo rejoint hélas le régiment de la Chaudière, ce qui ne sonne pas très sérieux et ne l'aide pas à obtenir le respect.
Malgré tout, Léo ne se décourage pas. Envoyé en Angleterre, il s'entraîne durant trois ans et se spécialise pour devenir biclassé commando/tireur d'élite.
Et le 6 juin 1944, il va montrer qu'il est prêt
Ici, les Canadiens débarquant à Juno Beach après que Montgomery leur ait fait croire qu'il y avait un palet de hockey à y trouver.
Sur la plage, les Allemands les attendent avec des mitrailleuses qui sulfatent les premières vagues de Canadiens anglophones
En représailles, les Canadiens débarquent Léo Major.
Léo, aidé de ses petits camarades, va chercher des explosifs, les fourre dans le bunker allemand, fait péter le tout et... amène un bulldozer pour défoncer le mur et finir les mecs
Les Allemands sont quelque peu perplexes.
"Comment ça des bulldozers ? Mais enfin, ils s'en servent pour d'autres trucs, non, genre pousser des obstacles, non ? C'est quoi cette histoire de bulldozer qui ouvrent nos bunkers ? "
Mais ça, c'était le matin du 6 juin. Parce que du coup, Léo doit encore occuper son après-midi. Heureusement, lorsque Léo part en reconnaissance il tombe sur ceci :
Un semi-chenillé allemand en vadrouille. C'est joli, ça ferait bien dans le salon. Léo snipe le chauffeur mais juste pour le blesser car il a encore besoin de lui pour conduire, son binôme de sniperie abat le mitrailleur, et le dernier allemand se rend. Il n'y a plus qu'à ramener le bousin dans les lignes alliées ! Léo et son camarade doivent faire coucou très fort pour ne pas qu'on leur tire dessus, et quand ils arrivent, les Canadiens anglophones les félicitent pour cette belle prise. Allez, descendez du véhicule maintenant !
"Tu peux-tu toucher à ton cul ? C'est mon tabarnak de chariot, t'as-tu qu'à t'en trouver un ! "
Et Léo va livrer sa prise non pas à de vulgaires anglophones, mais à son commandant à lui, ce qui permet au Québecois de faire les kékés durant des heures
Bonus : le véhicule contenait des documents pour décrypter les communications ennemies. Ça fait moins de 24 heures que Léo a débarqué, mais il a déjà passé une bonne journée.
Hélas pour lui, quelques jours plus tard, une patrouille de SS tombe sur lui et sa patrouille, et une grenade ennemie a raison de son œil gauche. Le médecin lui annonce qu'il est bon pour un ticket retour pour les terres bénies où les rivières sont de sirop d'érable et les collines de gras de caribou. Un tireur d'élite qui a perdu un œil, c'est embêtant.
Mais Léo a la réponse.
M'en fous, j'tire de l’œil droit !
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Léo repart donc à la guerre, et même sa page wikipédia n'évoque que du bout des lèvres, comme ça, comment il a défoncé un char qui ne lui revenait pas durant la bataille de Normandie, ainsi qu'une certaine quantité de SS qui tentaient de s'en prendre à ses copains en se cachant dans les fourrés, où Léo est venu se cacher avec eux histoire de rire un peu, ce gros taquin.
Envoyé aux Pays-Bas plus tard dans le conflit, on lui annonce qu'on a une mission pour lui : 50 soldats anglais partis en reconnaissance ont disparu. Léo explique donc gentiment qu'il va les ramener. Oui, tout seul, pourquoi ?
Léo s'enfonce dans la zone allemande, et tombe sur une patrouille de deux germains. Il sort d'un fourré, prêt à les insulter en Québecois, ce qui paralyse l'un, et amène l'autre à tenter de lui tirer dessus. Léo l'abat pour lui apprendre la vie, et utilise l'autre... comme appeau à Allemands. Du genre :
"Appelle tes chums à l'aide.
- Was ? Mais che...
- TU VAS TU APPELER À L'AIDE TON GANG ?"
L'Allemand appelle. Un mec se pointe : il l'abat. Un second mec s'amène : il l'abat. Un troisième ? Il l'abat encore.
Le reste de la garnison allemande se rend.
"Comment ça toute une garnison capturée par un homme ? Ça fait presque cent hommes ! Écoutez, il faut arrêter de m'appeler pour me raconter des conneries, maintenant "
Accessoirement, Léo avait gagné le concours d'imitation de Pierre Desproges du régiment deux années successives.
Montgomery veut le décorer
Léo Major lui répond qu'il refuse, ne voulant pas être décoré par un officier qu'il juge "militairement incompétent"
Mais ce n'est toujours pas fini
En 1945, envoyé en Allemagne, alors qu'il aide à déplacer les corps d'ennemis vaincus, le véhicule de Léo saute sur une mine. Léo a le dos brisé en trois endroits. On lui propose de rentrer au pays : cette fois-ci, Léo détourne une jeep et se barre aux Pays-Bas pour se cacher dans une famille rencontrée là-bas le temps de se remettre. Puis il rejoint son unité, qui justement, a été affectée à la Hollande.
Le 13 avril 1945, le régiment de la Chaudière est bloqué devant Zwolle, ville de 50 000 habitants transformée en place forte par les Allemands. Les Canadiens se font massacrer sans résultats. Décision est prise de bombarder la ville. Une dernière patrouille est donc envoyée pour repérer les positions ennemies : Léo Major, ainsi que son meilleur ami, Willie.
Seulement voilà : alors qu'ils approchent nuitamment de la ville, Willie les fait repérer. Probablement une indigestion de gouda et un pet un peu sonore qui alerte les Allemands. Toujours est-il que les Allemands ouvrent le feu, et tuent Willie.
Ils viennent de tuer le meilleur ami de Léo Major.
Léo :
Les Allemands :
Léo :
Les Allemands :
Léo :
Léo abat l'un des Allemands en représailles. Recharge. En abat un second. Les Allemands comprennent qu'il n'est pas content, sautent dans leur véhicule et s'enfuient dans Zwolle.
Léo Major décide de les poursuivre
Léo rentre en ville et se met à défoncer les portes à coups de pied. Il balance des grenades, mitraille les plafonds, bref, il fait comprendre que ça va chier. Les Allemands envoient des patrouilles d'une dizaine d'hommes essayer de comprendre ce que c'est que ce bordel : Léo leur tombe dessus.
"Tsé, z'avez tué mon chum. Alors tu peux-tu te rendre, ou je peux te smash ta face "
Bizarrement, les Allemands se rendent. Il les ramène dans ses lignes, puis retourne à Zwolle : à lui seul, il capture ainsi pas loin de 100 types, tout en continuant à défoncer des portes, des gueules, vider des chargeurs et lancer des grenades. Bref, il sème le chaos et la destruction dans toute la ville
D'ailleurs, à Zwolle, il y a un quartier général de la SS.
Léo Major y pénètre.
Quelques minutes plus tard, des officiers s'enfuient par les fenêtres : sur les 8 officiers supérieurs qui s'y trouvaient, il vient de s'en faire 4.
À Zwolle, il y a aussi un quartier général de la gestapo.
Léo Major y pénètre.
Quelques minutes plus tard, les Canadiens peuvent apercevoir le bâtiment de la gestapo qui brûle dans la nuit.
Au petit matin, tous les Allemands se sont enfuis, pensant à une attaque générale, et effrayés par les rumeurs d'un Canadien furieux qui massacre tout ce qu'il croise. Pour cette action, Léo recevra la médaille pour laquelle il avait envoyé chier Montgomery. Là, on est prêt à lui faire remettre par la reine d'Angleterre elle-même s'il en a envie.
Les Allemands, eux, sont fatigués.
"Une ville ent... écoutez, ne m'appelez plus. "
C'était encore une journée normale pour le sémillant Léo Major
Mais ce n'est toujours pas fini
La guerre est finie. Léo est rentré aux Etats-Unis, où il redevient... simple ouvrier.
Mais les Canadiens le rappellent en 1950 : c'est la guerre de Corée, et ils voudraient donner l'exemple en ayant un héros de guerre qui reprend du service. Pour amadouer Léo, ils lui proposent de former un groupe d'éclaireurs qui n'auront pas à obéir à un autre chef que lui. Léo est toujours blessé au dos, toujours borgne mais... il repart !
Seulement voilà : en 1951, les troupes chinoises capturent la colline 355, une position stratégique importante, et mettent en déroute la 3e division américaine qui défendait jusqu'alors la position. On appelle Léo Major pour lui demander s'il pourrait aider. Léo demande :
- 18 hommes de son choix
- 1 bouteille de rhum par homme
- 1 semaine de permission pour chacun d'entre eux au retour
Léo part pour la colline à la nuit tombée. Au matin, les Canadiens constatent que la colline... est aux mains des hommes de Léo
Les Chinois sont dégoûtés. Ils ont fui en paniquant car en réalité, Léo a infiltré leur ligne, et en voyant les tirs partir de leur propre camp, ils ont pensé la position déjà tombée et ont fui. Se faire prendre une colline par 18 mecs qui sentent la poutine.
Ils ordonnent une contre-attaque... avec deux divisions. Soit 14 000 hommes. Elle échoue.
Ils recommencent. Léo et ses hommes les repoussent encore.
Ils recommencent. Léo leur remet une branlée.
Durant 3 jours, les 18 hommes vont repousser... 7 contre-attaques. Les Chinois finissent par laisser tomber, parce que c'est rigolo tout ça, mais en fait, c'est lourd
Léo Major vient de repousser 14 000 hommes, 7 fois (j'insiste), avec 18 mecs. La 3e division américaine, qui tenait la colline avant lui, avait échoué... avec 10 000 hommes. On lui remet une nouvelle tripotée de médailles.
Après la guerre de Corée, Léo Major a repris le cours de sa vie, et ses exploits furent tellement improbables qu'il fallut attendre des années pour que tout le monde veuille bien y croire (libérer une ville seul et repousser 14 000 mecs à 18, bon). Chaque année, dans la ville de Zwolle, il est célébré comme un héros. En effet, c'est le seul homme de toute l'Histoire connue à avoir libéré une ville entière, seul.
Pour info, le panneau de sa rue à Zwolle :
Et une dernière image : le Monsieur est mort en 2008. Il a été enterré au cimetière militaire, avec ses vieux copains.
Voilà pour aujourd'hui
Et j'en profite pour la petite annonce qui va bien : vous m'y avez poussé je l'ai fait, j'ai commencé à faire de petites vidéos sur les histoires de ce genre sur Youtube, Le petit théâtre des opérations en mode film muet pour pouvoir les regarder en glandant au taf ou pour vos potes qui ont du mal avec la lecture de pavés. Et c'est ici, même s'il n'y en a que deux pour l'instant. On verra si Léo Major est la prochaine, justement.