Des fois il y a des coïncidences heureuses qui renforcent les découvertes, des alignements de planètes qui subliment les éléments. C’est de ça que l’on va parler aujourd’hui, la collision d’une œuvre littéraire et une autre cinématographique pour en tirer un énorme sourire, un émerveillement qui dépasse chaque œuvre individuelle. Quel programme!
Riverboom, Claude Baechtold – 2024 (Disponible sur la Médiathèque Numérique)
Allociné : https://www.allocine.fr/film/fichef [...] 24765.html
Riverboom, c’est l’histoire de deux amis Suisses, l’un journaliste pour le Figaro, l’autre photographe avec un rasoir électrique et « caméscopeur » amateur qui se retrouvent affublés d’un troisième larron Italo-Suisse, photographe de guerre, en 2022 en Afghanistan. La coalition contrôle Kaboul après l’invasion suite aux attentats du 11 septembre, mais nos trois compères décident d’une boucle pour parcourir le pays et découvrir l’impact de la chasse des talibans dans le reste du pays. Et pour vraiment découvrir le pays, ni escorte ni confort, s’adapter à la population locale pour capturer les battements du peuple.
Documentaire sur le reste du pays que l’on ne voit pas aux infos, road movie dans ce pays qui tout au long de l’histoire a été le centre du monde à la croisée des empires et des royaumes, Baechtold mélange tous les formats, de la narration pour raconter son moi intérieur, des photos capturées avec son petit compact qui documente les couleurs de la vie qui règne, celles de guerre dans un noir et blanc Kodak magnifique et les rencontres le journaliste organise sur le chemin. De familles et enfants à des maitres de guerre, de leadeur de clans à des mendiants posés sur des restes d’une ancienne guerre du pays avec les Soviétiques.
Juste avant le visionnage, et totalement par hasard, j’étais plongé dans L’Usage du Monde de Nicolas Bouvier, livre de voyage dans lequel il raconte ses pérégrinations en 1953 et 54, avec son ami peintre Thierry Vernet, à travers la Turquie puis l’Iran et l’Afghanistan. Un livre d’une grande profondeur humaine, sur le rapport aux autres, ce que l’on vient partager et recevoir, et qui dépeint l’Iran et l’Afghanistan comme deux lieux d’une richesse rare. Captivant!
Et Riverboom, pour y revenir, c’est un peu ça, une extension du carnet de voyage de Bouvier (lui aussi Suisse, comme quoi les coïncidences !), un regard passionnant sur l’Afghanistan loin de ce que les infos essaient de nous nourrir, une aventure humaine d’une richesse incroyable qui aide d’ailleurs Baechtold à faire la paix avec lui-même. C’est drôle, hilarant par moment, plein de joies et de fureurs, de rencontres et de découvertes, et ça sue l’humanité sur une route peu tracée.
Riverboom c’est aussi le nom de la rivière qui servira de pivot émotionnel au réalisateur, puis le nom de la maison d’éditions que nos trois amis créeront pour enfin aboutir plus de 20 ans plus tard à ce film documentaire éponyme. Comme quoi, ce flot d’humanité n’aura cessé de les parcourir tout au long de leur vie. Magistral par les émotions qu’il fera ressentir au spectateur, un documentaire superbe !
#TLDR : Dur de faire concis après tant de joie et plaisir à découvrir ce documentaire. Une presque-extension du livre de voyage L’Usage du Monde, c’est un documentaire aux multiples facette plein de rires et de larmes, de rencontres et d’humanité, le tout dans un contexte historique récent. La forme est aussi foisonnante que le fond, et je souhaite qu’elle vous laisse le même sourire qu’à moi et l’envie de découvrir un jour plus apaisé ce pays au carrefour des mondes et des histoires! Superbe!
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"I do not want you to agree, I ask you to think, nothing more" - Pepe Mujica