Les hommes préfèrent les blondes. J’en suis bien revenu.
 
Tic tac tic tac.
Il est 23h40.
 
Je ne sais pas comment je suis arrivé là. Comment la soirée avait-elle débuté, déjà ? Ah oui ! Après cette réunion barbante avec les commerciaux de la Sodecco qui voulaient racheter Derly, ma Société, j’avais invité Stella au restaurant.
 
Je les avais envoyés se faire foutre. Jamais je ne vendrais !
 
Stella.
 
Cette jolie fille m’avait fait du pied avec ses espadrilles sous la table, pendant que j’écoutais d’une oreille distraite le bruit sourd du discours de mes concurrents, qui m’expliquaient que j’avais 10 jours pour leur vendre ma société, sous peine d’avoir de gros ennuis, monopole oblige. Ces histoires de concurrence libre et non faussée, c’était pour me faire avaler des couleuvres. Ils me foutaient littéralement le couteau sous la gorge.
 
Mais la seule gorge qui captivait mon attention, à ce moment là, c’était celle de Stella. Avec sa chemisette trop sage pour être honnête, sa jupe trop courte pour être innocente, son regard plus polisson que provocant, elle m’avait bien tapé dans l’œil.
 
Tic tac tic tac. 23h42.
 
Le dîner au restaurant s’était déroulé de manière idyllique. Qu’avions-mangé ? Impossible de m’en souvenir. Un truc parfumé au romarin, de l’aligot, que sais-je encore ?
 
Mes yeux fixés sur sa bouche, je m’étais fait la réflexion qu’il n’était pas difficile de s’éprendre de cette fille. Pas matérialiste pour un sou, de l’humour à en revendre, et un appétit qui me laissait espérer une fin de soirée des plus réjouissante.  
 
Je comptais bien passer la nuit avec elle.  
 
Tic tac tic tac. 23h47.
 
Je l’avais raccompagnée jusqu’à ma voiture, en l’abritant sous mon imperméable, à la fois pour la protéger de la pluie et pour respirer le parfum de ses cheveux. Je sentais qu’elle n’avait pas l’intention de passer la nuit seule. Dans une telle perspective, pour ma part, une seule tactique : ne pas y aller avec le dos de la cuiller.
 
La pluie orageuse nous avait forcés à courir dans la rue, Stella avait souri quand je lui avais dit que ma voiture pouvait devenir amphibie en de tels cas extrêmes.
 
Tic tac tic tac. 23h50.
 
Qui avait embrassé l’autre le premier ? Elle ou moi ? Je ne m’en souviens pas. Je m’étais garé sur une place libre à quelques pas de mon immeuble, rue Marie Curie. Stella s’était approchée de moi, seuls la pluie et nos souffles accordés troublaient le silence.
 
Et puis soudain elle m’avait braqué avec un calibre 45… ensuite…  
Ensuite, c’est le grand vide dans ma tête. Une douleur violente sur le sommet du crâne, un sentiment mêlé d’incompréhension et d’étonnement.
 
Où suis-je ?
 
Je suis assis, pieds et poings liés devant moi, dans un total dépouillement moral, en train de macérer sous mes vêtements encore trempés par la pluie.  
 
Qu’est-ce qu’il m’est arrivé ? Que voulait cette fille ?
 
J’arrive à lire l’heure sur ma montre, malgré le noir total qui m’entoure.
 
Tic tac tic tac. 23h55.
 
Il faut que je reprenne mes esprits. Me souvenir. Reconstituer les éléments de cette soirée un par un.  
 
Putain, mais qu’est-ce que je fous là ?
 
23h59. Tic tac tic tac…
 
Tiens, ça sent la lessive. J’entends les bruits de la rue, un peu plus loin. Quelques véhicules qui passent sur le goudron humide.
Il faut que je demande de l’aide.  
 
Hé ! A l’aide ! au sec…..
 
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Rubrique faits divers du journal, le lendemain matin.
 
« Violente explosion hier soir vers minuit dans la laverie automatique rue Marie Curie. Le corps de Michael Stipey, directeur de la Société Derly, a été retrouvé sans vie, au milieu des décombres. La police mène l'enquête. »
 
Commentaire d’une petite mémé, à la lecture de l’article : « ah ben tu vois, Marcel, la laverie automatique, elle va marcher beaucoup moins bien, forcément ! »
 
Chacun ses soucis !

« Les hommes préfèrent les blondes. Bah elle on peut dire que c’est l’exception. En plus elle est coriace la petite polissonne. », Pensait Rick. Il effectua un tonneau vers la gauche puis réengagea sa poursuite.
- Black leader à Black 6, attention, ma cible arrive dans tes 9h.
- Reçu, Je tente une chemisette.
- La manœuvre est dangereuse 6, tu risques de t’exposer aux autres cibles.
- On l’a vu et revu sur le simulateur. J’engage.

Le chasseur de Black 6 ralentit puis s’éteignit afin d’être le plus discret visuellement.
Les CSF, chasseurs spatiaux furtifs, étaient peints avec un revêtement spécial de couleur noire, afin d’être le moins détectable possible dans le vide spatial. Les pilotes de ces chasseurs du système d’Aliga avaient le plus fort taux de réussite au combat. De plus si les chasseurs étaient pratiquement invisibles pour l’ennemi, ils étaient une source de lumière pour les équipiers. Le revêtement spécial réagissait de manière fluorescente si on le regardait au travers d’un filtre dont la couleur restait un secret bien gardé. De cette manière les équipiers des escadrons Black et White étaient les plus redoutés de leurs ennemis Frogiens, des humains semi-mutants qui avaient la capacité amphibie sans équipement particulier. Cela leur donne un avantage naturel dans leurs attaques commandos qu’ils mènent dans le système d’Aliga.

Le chasseur ennemi, surnommé TTV, s’approcha des 12h de Black 6. Son pilote, Herbert, était calme et attendait patiemment sa cible qui ne la voyait pas. La chef d’escadron Frogienne, Allara, effectuait des manœuvres d’évasion hors du commun, alors que Rick, s’acharnait de tout son talent sur elle. Herbert, était prêt, il ne restait que 1 seconde avant d’effectuer la chemisette. Soudain, le tout terrain volant ennemi changea brusquement de cap et se dirigeait vers Black 6 dans ses 11h, hors de l’angle de tirs de ses canons.

- 6, elle te voit, décroche de là !!! Hurla Rick sur la fréquence radio de l’escadron.

Herbert paniqua et mettait du temps à repartir. Il sentait sa fin venir, et vit sa vie défiler devant ses yeux. Sa naissance, son enfance à la campagne, ses études militaires, sa rencontre avec une certaine Marie Curie à la laverie automatique, cette Marie qui devint un jour sa femme. Herbert s’était épris d’elle au premier regard. Il venait pour la première fois dans une laverie, et n’était pas très doué pour les tâches ménagères. Ne sachant pas vraiment comment laver sa tenue militaire qui n’avait plus beaucoup de zones propres, il vida un paquet entier de lessive dans la machine. Après avoir inondé la moitié de la laverie, la responsable de l’établissement, Marie, vint l’aider dans sa détresse. Elle était belle avec sa robe fuchsia et ses cheveux auburn. Elle sentait bon le romarin. Ils étaient très différents tous les deux, mais leur attirance l’un pour l’autre surpassait ces différences. Elle, poète dans l’âme, elle passait son temps à rêver. Lui, plutôt matérialiste, était attiré par la technologie, du fait de sa jeunesse à la campagne ou il était loin de tout progrès. Deux jours après leur mariage, l’hovercraft qui les emmenait en lune de miel fut pris dans un soit disant accident. Ce fut en fait une prise d’otage des Frogiens, qui visait à capturer le fils du président du directoire, qui partait en vacances avec sa fiancée. Herbert qui était militaire sauva pratiquement la situation, en maîtrisant l’ensemble des terroristes. Malheureusement les pods de secours avaient été piégés et leurs moteurs explosèrent au moment où ils ouvrirent les portes d’accès. Personne ne fut blessé, mais la navette était foutue. Le fils du président, que Herbert pensait qu’il n’était qu’un citadin arrogant et cynique, lâcha une phrase de campagnard qui déclencha le début d’une amitié profonde, « Ah bah là, elle va marcher beaucoup moins bien, forcément. » . Ils attendirent les secours, et quelques semaines après, Herbert monta en grade et devint membre de la garde personnelle du fils du président. Il devint également son meilleur ami. Après 3 années de parfait amour et parfait travail, sa femme, Marie, qui travaillait dans les bureaux administratifs de la capitale d’Aliga, trouva la mort, lors d’un attentat à la lettre piégée, pendant le dépouillement des élections présidentielles du directoire. Le choc fut terrible pour Herbert, qui perdit l’appétit pendant un bon mois. Même son plat préféré, l’Aligot, spécialité culinaire à base de bulbes de terres macérés dans du fromage d’Aliga III, la planète agricole, que sa femme lui préparait avec amour, avait perdu toute sa saveur. Il abandonna son travail, et s’engagea, avec l’aide de son ami dans l’escadron Black, le plus dangereux de tous les escadrons. Il espérait pouvoir venger sa femme en tuant un maximum d’ennemis, mais finalement il n’aurait pas réussi. Il allait mourir, tout comme sa femme. Il ferma les yeux pris de peur.

Le chasseur explosa. Le TTV partit en éclat à une dizaine de mètres du CSF de Herbert. Il fut secoué par l’onde de choc, mais ses boucliers absorbèrent la majorité des dégâts. Il n’y comprenait rien, il aurait du mourir, et pourtant il n’en était rien.

- Faut toujours que je te couvre les fesses mon petit Herbert. Black 2 out.
- José, Didiou, comment t’as fait, ton chasseur était H.S. Tu dérivais.
- J’ai pu réactiver les réacteurs latéraux et les calibre 44, je me suis repositionné pour avoir la blondasse en ligne de mire. Quand toi tu l’avais à 11h, moi j’avais déjà marqué une croix de plus sur mon chasseur. J’ai eu du bol qu’elle m’ignore.
- Merci, tu me fais avaler des couleuvres, tu sais ça. Ça fait trois fois en trois sorties.
- T’essaies toujours de placer des expressions pour paraître citadin hein, laisse tomber, t’es un fermier, tu resteras un fermier pour moi. Mais je t’aime bien quand même. Out.

Kira intervint

- Et bien, José, quand tu déclare ta flamme t’y va pas avec le dos de la cuiller hein. C’est beau comme coming out. Mais je crois que Herbert les préfère avec moins de poil et plus de poitrine.
- Va te faire mettre conasse.
- Oui moi aussi je t’aime. Rick J’ai terminé le dernier chasseur. On fait quoi.
- On attend, Black 4 doit délivrer le paquet. D’ici là silence radio, on doit rester furtif. 5, vas remorquer José. 6, couvre-le. Black leader out.
- Bien reçu chef. Roger out.

Le silence régna sur la fréquence de l’escadron. Roger lança son grappin magnétique sur le chasseur de José afin de le ramener, pendant qu’Herbert le couvrait. Black 1, 2, et 3 attendaient le retour de Black 4 en protégeant leur croiseur. Les tirs que ce dernier lançait à au cuirassier ennemi ne servaient à rien, puisque ses boucliers le protégeaient que trop bien. C’est pour cela que la mission de Black 4 était importante.

- Black 4 à Leader, paquet déposé, je lance la séquence de détonation dans 4,3,2,1.

Les boucliers du cuirassé Frogien tombèrent, les tirs du croiseur transpercèrent alors de part en part le cuirassé, qui implosa sur lui-même, laissant place à un feu d’artifice écarlate.

- Bien joué 4, le disrupteur magnétique à bien fonctionné, dit Rick. Les enfants, on rentre, on a le droit à un repos bien mérité.
- Chef, pourquoi c’est Spoody qu’est allé délivrer le paquet, j’voulais y aller moi. En plus c’est toujours lui qui fait ce genre de trucs.
- Kira, tu sais bien qu’on a tiré à la courte paille, et en plus, Spoody est le meilleur d’entre nous quand il s’agit d’opérations comme-celle ci. Il faut respecter la concurrence libre et non faussée. Quand tu seras à son niveau peut être que je tricherait moins sur la longueur des pailles !
- Comment ça, tu triches ??!!!! S’écria Kira.
- Allons, allons, ne te fâches pas, et puis tu es meilleure que lui à la chasse. Je t’offrirai un verre pour me faire pardonner, tu pourras le siroter sur la passerelle de loisir, au bord de la piscine, avec tes tatanes préférées aux pieds.
- Espadrilles chef, c’est des espadrilles.
- Autant pour moi. Allez les enfants, on se docke.

Les 6 chasseurs rentrèrent dans le croiseur et purent se reposer quelques jours avant la prochaine mission.

 « Les hommes préfèrent les blondes ». Cet Aligot amphibie me fut calibré par un matérialiste polisson dont je m’étais éprise, un soir qu’en chemisette macérée dans la sueur, et à moitié dépouillée, chaussant des espadrilles, j’admirais son calibre au doux fumet de romarin.
 
Agacée par la concurrence libre et non faussée de ma voisine, qu’y allait pas avec le dos de la cuiller pour avaler des couleuvres, et pas que ça, j’lui avait placé un de ces coups de latte dans la mouillette à la cocotte, qu’elle allait marcher beaucoup moins bien après, forcément.
 
En définitive, le matérialiste polisson, mais un peu crétin, fit intervenir Marie Curie dans une laverie automatique, je me demande bien pourquoi.

A coups de Rangers