Faramir Covfefe. What else ? | evildeus a écrit :
On est d'accord, mais bon le fait de repousser au maximum une condamnation n'est pas vraiment une nouveauté, on a des exemples bien de chez nous aussi. Je serai pas avocat de Trump et les juges devraient être plus ferme avec lui, après je suis pas à leur place et ce n'est pas simple contrairement à ce que tu laisses supposer. Vivement qu'il soit définitivement condamné
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Je n'ai pas compris à quoi tu faisais allusion dans la partie que j'ai mise en gras...je ne vois pas ce que je t'ai laissé supposer, si tu pouvais m'éclairer. Pour le reste je pense que toi et moi on n'est pas vraiment d'accord en fait. Si je ne trahis pas ta pensée, tu expliques que Trump s'en sort mieux que la plupart des justiciables parce qu'il a du pognon et de bons avocats. Et que sa situation est comparable à celle d'autres hommes influents avec du pognon ailleurs, chez nous par exemple.
C'est précisément ce que je conteste: je ne trouve pas que le cas de Trump soit comparable à quelque chose qu'on ait déjà vu par ailleurs, chez nous ou non. Sa richesse (très largement exagérée), son influence politique ne suffisent pas à expliquer (amha) le traitement dont il fait l'objet et les largesses qu'on lui accorde. Encore moins le talent de ses avocats On n'a jamais vu aux US ou chez nous un justiciable avec 91 chefs d'inculpation (ou même largement moins) s'autoriser à insulter et menacer publiquement tous les protagonistes de ses affaires (et même au-delà, les familles aussi sont visées) sans être inquiété par la justice et qui coûte des millions de dollars aux contribuables pour organiser la protection des juges, avocats, témoins, procureurs, etc. juste parce qu'on le laisse faire ce qu'il veut.
On n'a jamais vu un violeur diffamer sa victime avec une telle constance et tenter d'étouffer la vérité à ce point, sans là aussi que la justice arrive à le faire taire. C'est même lui qui tente de faire taire les autres, à cet égard il vient juste de déposer une plainte à l'encontre d'un journaliste US qui rappelait sa condamnation pour viol à l'antenne sur une chaîne importante en prétendant que ce dernier (George Stephanopoulos) l'avait publiquement diffamé en évoquant sa condamnation et insultait les femmes réellement victimes de viol, sous-entendu E. Jean Carroll est une affabulatrice (pour ce faire, il avait envoyé sur le plateau Nancy Mace, une ULTRA MAGA qui aurait été victime de viol...dit-elle sur le plateau..et s'est récemment illustrée en traitant Hunter Biden de "sans couilles" au cours des auditions bidons visant à faire impeach son père).
On n'a jamais vu un ancien Potus insurrectionniste, qui commence TOUS ses meetings par une version dévoyée de l'hymne américain dans laquelle les J6 "hostages" et "prisonniers politiques" sont honorés comme des héros et de grands patriotes, être autorisé à aller jusque devant la Scotus pour plaider son immunité absolue et expliquer (comme l'avait fait son brillant avocat Sauer devant la Cour d'appel fédérale) qu'il devrait même avoir le droit de buter ses opposants politiques parce que s'il ne le pouvait pas cela serait inconstitutionnel (tip: l'immunité présidentielle absolue n'existe pas dans la Constitution).
On n'a jamais vu non plus un ancien Potus insurrectionniste continuer à apporter "aide & soutien" aux insurrectionnistes condamnés (cf. 14e amendement section 3 que la Scotus a rendu inapplicable par une magouille honteuse) en faisant ce que je décris dans le paragraphe précédent ou en leur promettant pardons et réparations de la nation devant le traitement inhumain et injuste dont ils auraient été les victimes alors qu'ils purgent des peines de prison tout à fait normalement. Et que la seule chose anormale dans tout cela c'est que le principal commanditaire ne soit pas avec eux derrière les barreaux.
On n'a jamais vu un ancien Potus se barrer avec des documents confidentiels et des secrets d'État, refuser de les rendre, en cacher et faire obstruction à la justice pour des motifs qui relèvent en gros de la trahison mais protégé jusqu'à présent par une juge complice qu'il a nommée.
On n'a jamais vu non plus un ancien Potus expliquer qu'il est légitime de ne pas respecter la Constitution US quand ça l'arrange (il l'a écrit j'ai cité son message truité sur son réseau d'ignares dans un ou deux anciens posts) ou qu'il a l'intention de devenir dictateur au premier jour de sa réélection triomphale et de modifier la Constitution.
Je pourrais continuer longtemps mais bref. Tu peux prendre le problème dans tous les sens, jamais tu n'arriveras à me convaincre que dans le cas Trump la justice américaine fonctionne normalement, qu'il n'y a "rien de spécial" comme tu disais. Je pense que c'est le contraire qui est vrai, tout est "spécial" quand il s'agit de Donald. Il met en oeuvre les techniques de mafieux qu'il a apprises plus jeune dans le cocon familial, lors de ses voyages d'affaires à Moscou dans les années 80 et auprès de son mentor en coups de putes extra-légaux Roy Cohn; il met la pression en permanence aux institutions judiciaires, à ses acteurs, les jette en pâture à ses Magogols et les diffame publiquement ce qui débouche sur des menaces réelles, parvient même à faire en sorte que des procureurs soient virés ou fassent l'objet d'auditions publiques interminables & humiliantes comme c'est arrivé à Fani Willis, permettant de jeter le doute sur sa probité et de la placer y compris physiquement en position d'accusée dans le box à devoir répondre à des questions sur sa vie privée.
Alors pourquoi est-ce que cela marche ? Pourquoi est-ce qu'on lui permet tout cela et bien davantage ? Parce qu'il a du pognon, des suiveurs et de l'influence politique ? Je crois que cela ne suffit pas à expliquer ce qui se passe. Je crois par contre que Donald a tellement violenté les institutions (j'ai failli écrire "violé", lapsus révélateur) que chaque jour qui passe où il demeure impuni celles-ci flanchent un peu plus, par accommodements successifs de certains acteurs chargés de les faire fonctionner. D'autant plus que, pour l'avoir écrit mille fois ici, le ver est dans le fruit avec la présence de nombreux insurrectionnistes à divers postes de l'État (Mike ce Magogol n'est que le plus visible). Si on ajoute à cela qu'au lendemain du 6 janvier la réponse politique et judiciaire qui aurait dû être ferme et rapide a au contraire été molle et beaucoup trop tardive, cela a ainsi permis au trumpisme, qui est un insurrectionnisme anti-démocratique "idiocratique" à forte composante complotiste, de s'enkyster à tous les échelons — y compris donc dans l'appareil judiciaire. C'est cette idiocratie complotiste anti-démocratique qu'on a déjà vu à l'oeuvre dans les centaines de procédures judiciaires que Trump a initiées un peu partout pour contester le résultat des élections, pour remettre en cause le vote électronique, pour remettre en cause le vote de certaines catégories de personnes, pour repousser toujours plus loin l'application du Rule of Law et ainsi arriver au final à l'objectif de déstabiliser les normes de droit les plus établies jusqu'à peut-être en arriver à l'étape où les crimes de Donald seront jugés recevables ou nuls et non avenus ou encore protégés par une immunité qui n'existe pas en droit — cf. sa demande toujours en vie grâce à la Scotus actuelle, corrompue jusqu'à la moëlle, d'immunité absolue.
Encore une fois Donald ne fait même pas l'effort de plaider qu'il est innocent dans ses multiples affaires: il conteste les juges, les procs, les témoins, les jurés, il dépose des tas de requêtes dilatoires par ses avocats pour ralentir ou essayer de faire annuler des charges ou disqualifier les procureurs (il l'a encore fait hier dans le bureau du juge Merchan à NY où il a accusé le bureau du DA de trucs gravissimes). Quand il n'y arrive pas il retourne à la case menace, là par exemple comme il vient de diffamer le juge Merchan et sa fille le niveau et le nombre de menaces reçues pour le juge et sa famille vient subitement d'augmenter:
https://www.nbcnews.com/politics/do [...] -rcna78401
Et quand il finit par plaider sur le fond c'est surtout pour dire que les lois ne s'appliquent pas à lui car il a le droit de se comporter en criminel. Tout cela se fait publiquement devant les caméras avides de la télévision dès que c'est possible (c'est-à-dire trop souvent), il va même fréquemment jusqu'à tenir des confs de presse sous forme de soliloque auto-satisfait sur les perrons des prétoires. Il me paraît évident que toutes ces choses qu'on lui permet affaiblissent les institutions et ruinent la confiance des citoyens qui se demandent pourquoi il y a une justice pour tout un chacun et une justice d'exception pour Donald. Et il n'y a pas que lui désormais, il a déjà enfanté tout un tas d'épigones qui localement saturent les tribunaux, veulent changer les règles en s'asseyant sur le contrat social américain...j'ai déjà évoqué quelques cas, le plus récemment celui de la nominée MAGA pour le poste de chargé de l'éducation et des écoles pour la Caroline du Nord par exemple.
Aparté: je reviens un instant sur la décision de la Cour d'appel de NY hier. Le plus choquant ce n'est presque pas qu'ils aient décidé de faire une faveur énorme à Donald, le plus choquant c'est qu'il n'y a pas un mot pour expliquer, justifier, motiver. J'imagine qu'ils ne sont pas tenus de le faire mais ça laisse une impression poisseuse où la faiblesse le dispute à la peur qui elle-même le dispute à l'impunité. Les accommodements, les renoncements encore et toujours qui permettent à Donald de gagner du terrain au détriment de la Justice. Les petites défaites qui préparent la capitulation finale du Rule of Law.
Je pense donc que ce dont nous sommes témoins c'est d'abord un processus auto-destructeur dont l'agent orange du chaos est le messie auto-proclamé (cf. ce qu'il a posté hier voir tout en bas) et que c'est ce mouvement de fond et la peur qui se sont emparés de certains esprits qui sont principalement responsables de cette déliquescence institutionnelle et de l'accélération du processus. C'est le manque de courage, le manque de foi dans les institutions, de volonté farouche d'appliquer les lois, les petits ou grands accommodements avec les textes fondamentaux qui maintiennent en vie l'édifice démocratique américain depuis 246 ans, qui préparent et précèdent la capitulation finale du Rule of Law. Et tout cela n'a que peu à voir avec le talent de Trump, de ses avocats ou son pognon.
Ce qui se passe aux US avec Trump est amha très différent des phénomènes classiques de justice à deux vitesses qu'on a pu observer partout et à toutes les époques auxquelles tu faisais, je pense, allusion. Là on n'est pas juste dans l'iniquité, on est dans la tentative de renversement du Rule of Law et de son remplacement par le Rule of Trump. Je ne dis pas que cela va arriver, je dis que c'est le risque et que les US sont plus près de l'abyme qu'en 2020.
La chose sur laquelle on peut s'accorder en revanche c'est qu'il est absolument nécessaire que son impunité cesse et qu'il soit condamné sinon cela pourrait déboucher sur un scénario d'effondrement démocratique.
PS: désolé pour le pavé, je me suis un peu laissé aller. Pour me faire pardonner, pauvre pécheur que je suis, le message de l'Orange Jesus pour ses fidèles
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Politiquement parlant, je suis ambidextre.
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