Blanchet a écrit :
Voici le début d'un texte que je publie. Pour le retrouver il suffit de rechercher le titre sur google.
Je compte en publier une quarantaine de pages ici. N'hésitez pas à me dire si ça vous plaît! A pluch
Dans l’ombre des portes
Laissons la lumière aux sauveurs de mondes et aux libérateurs de princesses. Pour nous, les ombres de Tiramon, il reste la fierté du devoir accompli. Prologue Comme chaque jour, depuis qu’il était en âge de marcher, il travaillait aux champs. Il avait grandi et s’était épaissi au fil des années. Il avait trouvé une femme et de leur union était né son premier fils. Aujourd’hui, elle portait leur second enfant. Ce paysan était un homme heureux… Il ressentait un bonheur simple que seuls peuvent vivre les gens dont le monde oubliera l’existence. La journée avait été longue. L’homme était sur le chemin de retour quand des hurlements en provenance du village brisèrent le calme habituel du crépuscule. Brusquement, la sérénité de l’homme s’évanouit. Son cœur se serra à l’idée que sa famille puisse être en danger. Il posa ses outils au sol à l’exception de sa fourche, et avança en direction des maisons. Il avait fait quelques pas lorsque son attention fut attirée par des bruits derrière lui. Il était en train de se retourner lorsque la main de l’ermite qui vivait près du village se referma sur son bras. Le vieillard, le regard rougit par les larmes, murmura à l’homme que le village était en proie à la rage de deux trolls affamés.
L’ermite ne lui laissait aucun espoir de retrouver vivant un seul autre témoin de la scène. D’après le vieil homme, aucune personne présente au moment de l’attaque n’avait eu la chance de pouvoir s’enfuir. Il assura même avoir aperçu le cadavre de la compagne du paysan. Pourquoi ne pas fuir ? Un fol espoir retenait l’homme : celui de sauver son enfant. Par miracle, il avait peut-être été épargné… Le paysan se remit en route vers le village dans un état de tension extrême. Quand il arriva, la nuit était tombée. Tout était désormais silencieux. Une maison avait pris feu et des corps sans vie, parfois dépecés, jonchaient les ruelles. Tout était en ruine. La communauté, hier paisible et joyeuse, venait d’être anéantie.
Un sentiment d’horreur s’était emparé de l’homme. Son émotion troublait ses gestes et son jugement. Il était sur le point de tourner les talons quand il aperçut sa femme, gisant dans une mare de sang, le visage tourné vers le ciel. L’homme sentit sa terreur se muer en rage. Il ne s’était jamais plaint de son destin, il n’avait jamais fui les difficultés, il n’avait jamais offensé qui que ce soit et avait toujours prié les dieux, pourquoi son existence était-elle donc en miettes ?
A cet instant, l’espoir de retrouver son fils vivant était la dernière chose qui le raccrochait à la vie. Il se rapprocha encore de sa demeure. Il tourna à l’angle de sa ruelle et s’apprêta à parcourir les derniers mètres qui le séparaient de chez lui, lorsqu’il découvrit, dans la pénombre, un troll occupé à dévorer le bras d’un cadavre. Cette créature faisait plus de trois mètres de haut, elle était couverte de poils et des bras d’une longueur disproportionnée se balançaient le long de son corps. Ses mains griffues semblaient capables de saisir le tronc d’un homme et sa face bouffonne ressemblait à celle d’un ours enlaidie d’un énorme groin. Tout à coup, le Troll releva la tête et la tourna vers le paysan. Il ouvrit la gueule et un cri puissant résonna dans la nuit. Le monstre chargea et l’homme leva sa fourche, défiant courageusement cet adversaire trop puissant. Avec une dextérité inespérée, l’homme parvint à suivre les changements de trajectoire du troll et lui enfonça profondément la fourche dans la cuisse. Le choc fut si violent qu’un homme touché ainsi aurait immédiatement cessé le combat, mais les trolls sont des créatures bien plus coriaces : la blessure ne retarda même pas l’attaque de celui-ci. Il griffa sauvagement le fermier au niveau du thorax. Le sang jaillit à gros bouillon des artères tranchées et l’homme s’effondra, mort. Le troll retourna à son repas.
Un couple dépareillé
Par un clair matin de printemps où la rosée emplissait encore l’air, deux grandes silhouettes parcouraient les champs. La première appartenait à un elfe sombre du nom de Kali. Il arborait sa toge de mage noir aux reflets dorés et un sourire charmeur. Il semblait tellement fier et décontracté qu’un passant l’aurait pris pour un seigneur elfe se rendant à quelque rendez-vous galant. La seconde était celle d’un homme-ours à l’origine incertaine répondant au nom d’Haaken. Il était vêtu, ce jour-là comme les autres, d’une cotte de mailles et d’un long manteau de voyageur. Il avait encoché une flèche sur son arc long. Haaken était d’une stature nettement supérieure à la moyenne des hommes. Ses mouvements rapides et précis ne laissaient aucun doute sur sa longue expérience des champs de bataille mais son visage avait encore la fraicheur de la jeunesse. Trois cavaliers sortirent d’un petit bosquet que le duo venait de dépasser. - Des orcs des armées de Dénéthor, annonça calmement Haaken à Kali. Je commence par celui de devant.
Il décocha sa flèche. Le premier orc tomba, transpercé au niveau de la gorge. Les deux autres chargèrent, espérant arriver au contact avant que le guerrier ait fini de réarmer. - Et pendant que tu y es, tu t’occuperas aussi des deux autres, je ne vais pas sacrifier mes pouvoirs à chasser les mouches ! Le guerrier foudroya le mage du regard tout en achevant d’encocher son second trait -Mage ou pas, tu vas arrêter de prendre cet air supérieur, Kali.
Tu perds peut-être du pouvoir mais moi, je perds des flèches… Il tira pour la seconde fois alors que les chevaux n’avaient parcouru que la moitié de la distance. Un autre orc tomba, une flèche fichée dans l’œil. D’un geste vif, le guerrier rechargea à nouveau mais le troisième orc fit demi-tour. Contre toute attente, Haaken tourna son arme vers Kali et lui dit froidement : - Kali, lance-lui un sort, c’est un ordre, cette mission n’est pas terminée et il va aller prévenir les autres.
Le sourire de Kali se mua en un rictus amer. Il n’appréciait visiblement pas d’avoir une arme braquée sur lui. Il marmonna quelques syllabes et une sphère enflammée apparût dans sa main. Il fit mine de la lancer sur Haaken, puis, modifiant habilement son mouvement au dernier moment, l’envoya en direction de l’orc qui fuyait désormais au grand galop. En moins de deux battements de cœur, le globe fût sur l’orc et une explosion puissante emporta le cavalier et sa monture. - Alors, tu es content ? Ce sort aurait pu en tuer dix comme lui, déclara Kali en enfourchant le cheval le plus proche. - Je suis d’accord avec toi, Kali, tu aurais donc mieux fait d’employer un tour moins puissant, répondit Haaken, en allant chercher son cheval un peu plus loin. Mais Kali aimait avoir le dernier mot et conclût la conversation - Arrête de me faire la morale, Haaken. J’ai vraiment hâte que tout ça soit fini… j’en ai vraiment assez de t’avoir sur le dos. Tu m’exaspères.
C’est dans cet état d’esprit échauffé que le couple découvrit alors un village dévasté. Les ruines fumaient encore et un grand nombre de cadavres à moitié dévorés gisaient dans les ruelles…
- Ne restons pas là, Haaken, dit Kali. Comme tu l’as dit, nous avons une mission à terminer. Je n’aimerais vraiment pas croiser les bêtes qui ont fait ça ! A peine Kali avait-il terminé sa phrase qu’un cri de détresse s’éleva d’une des maisons détruites. Il s’agissait d’une voix d’enfant et Kali savait déjà que cet appel ne pouvait pas laisser Haaken indifférent. Sans même lui adresser un regard, le guerrier descendit de cheval et dégaina ses armes de corps à corps : une épée large et un grand bouclier. Des grognements monstrueux s’élevèrent des ruines de la maison d’où l’enfant avait crié. Haaken hurla à son tour pour attirer l’attention, préférant affronter ses adversaires à découvert. En fixant attentivement l’intérieur de la maison, il reconnut une forme et s’en étonna : - Kali, je ne comprends pas : ce sont des trolls…je croyais que la lumière du jour les transformaient en pierres. - Pas toujours, répondit Kali d’un ton sombre, mais ça n’est pas du tout bon signe, je suis désolé pour le gamin, mais on devrait…
L’un des trolls interrompit la phrase du mage en défonçant l’encart de la porte de la maison pour se ruer sur Haaken. L’autre bête restait en retrait. Il était manifestement trop tard pour qu’Haaken évitât le combat et Kali avait trop besoin de cet allié pour rapporter l’objet de leur quête à Tiramon. Kali prépara donc un sort de brisure d’os pendant que le monstre et Haaken engageaient le combat. Haaken nota que le monstre ne portait pas d’arme, ce qui était plutôt un handicap pour lui : il ne savait pas si la bête allait l’attaquer de ses griffes acérées ou tenter de le mordre.
Durant quelques secondes, Haaken tourna autour du troll, évitant quelques attaques. Profitant de ce répit, Kali lança son maléfice mais le troll y résista. - Economise-toi, Kali, dit Haaken, je pense que je vais m’en sortir.
Fais plutôt attention au second monstre, je crois qu’il t’a vu. Effectivement, l’autre troll avait disparu et tentait vraisemblablement de prendre Kali à revers. Le mage fit demi-tour en emmenant les deux chevaux. Kali aperçut le second troll qui le suivait. Il décida de fuir du village pour l’attirer derrière lui. A cheval, il pensait qu’il lui serait facile de distancer le monstre pour revenir ensuite. Mais sa manœuvre allait prendre du temps et Kali se prit à espérer qu’Haaken n’avait pas été trop optimiste.
Pendant les premiers instants du combat, Haaken se contenta de défendre et de jauger son adversaire. Il avait affronté de nombreux ennemis, mais peu de créatures dotées d’une telle force. Les coups du troll avaient une telle puissance qu’Haaken ne pouvait les bloquer. Il était donc contraint d’esquiver encore et encore. Par contre, le troll était assez lent et ses attaques étaient peu variées. Dès qu’il fut en mesure d’anticiper les mouvements de la créature, Haaken passa à l’offensive. Au moment où la bête relevait une nouvelle fois ses bras avec l’intention de les rabattre sur lui, Haaken bondit en avant et frappa à proximité du cœur. Sa lame franchit le cuir et s’enfonça profondément, manquant même de rester coincée dans l’un des os.
Pour aggraver la plaie, Haaken se décala sur le côté et ressortit son arme en tranchant profondément le flanc de la bête. Le troll rugit de douleur en se replaçant face à lui. L’impact psychologique de ce premier choc fut immédiat : la bête réalisa que la blessure occasionnée par son adversaire était grave, et la fébrilité s’empara d’elle. Au contraire, Haaken, en guerrier expérimenté, ne perdit pas sa concentration à la suite de cette première réussite. Sauf incident, la victoire n’était plus qu’une question de temps. Le troll même gravement blessé n’était pourtant pas sans défense. La mise à mort dura de longues minutes. Le troll finit par s’effondrer, tranché et transpercé de multiples manières, non sans avoir infligé à Haaken quelques griffures bénignes.
Haaken l’acheva puis entra dans la maison. Un enfant d’une dizaine d’années était recroquevillé dans un coin, sain et sauf. Ses mains tenaient vaillamment un petit couteau. Haaken le souleva calmement et sortit de la maison. C’est à ce moment que Kali, le regard affolé et le bras gauche ensanglanté, revint en galopant vers Haaken. - Vite, vite, l’autre est juste derrière, tu ne veux pas te battre contre lui aussi quand même ? Haaken assit rapidement l’enfant sur le cheval et monta derrière lui. A peine étaient-ils en selle que l’animal se lança au galop en hennissant. Il semblait à peu près aussi terrorisé que Kali. - Et mes parents? Murmura l’enfant, ils sont blessés, je les ai vus. - Tes parents sont morts, affirma Haaken d’un ton grave. Il n’en était évidemment pas certain mais il valait mieux que le petit le considérât.
Haaken préférait épargner bien des ennuis à l’enfant en balayant d’emblée chez lui tout espoir de retrouvailles. Entre les armées orcs et les monstres, la région semblait en effet bien trop hostile pour un enfant. Les jours suivants, Haaken consacra beaucoup d’attention à l’orphelin dont le nom était Syl. Bien plus qu’un simple guerrier, Haaken était un aventurier expérimenté. Il était initié aux ruses des voleurs autant qu’à l’art du combat. Sa dévotion au Phœnix Renaissant, la divinité la plus saine du feu, lui conférait même certains pouvoirs mineurs de soins et de lumière. Comme Haaken avait constaté que Syl était en état de choc, il fit preuve d’une grande douceur, essayant de le faire rire et de jouer avec lui. Cette attitude fut efficace puisque l’enfant sortit peu à peu de son mutisme. Trois semaines de voyage suivirent durant lesquelles, chaque soir, Haaken et Syl jouaient à cache-cache, prétexte à l’enseignement de méthodes de dissimulation.
Kali restait à l’écart, jetant régulièrement des regards méprisants à Haaken.
Une nuit, Syl fut réveillé par une discussion houleuse entre les deux compères :
- Le petit nous encombre, nous perdons du temps… On devrait le laisser dans le prochain village qu’on croisera, dit Kali d’une voix tintée d’énervement.
- Je suis désolé pour la blessure que t’a infligée le troll, mais, objectivement, le petit n’est pas un fardeau notable, répliqua Haaken. Je ne comprends pas pourquoi sa présence te dérange.
- Haaken, combien de fois m’as-tu fait la morale sur le fait que notre mission doit être notre seule préoccupation ? Je ne suis pas sûr qu’Olendata et Lonel trouveraient normal que tu ramasses tous les marmots que la misère met sur ta route. Et puis, que comptes-tu faire de lui? Un esclave, peut-être ?
- Tu as trop bu. Toi, tu serais sûrement assez minable pour faire ça à un orphelin. Mais pas moi.
- Bien sûr, tu n’es pas un vulgaire bandit de grand chemin. Tu es Haaken le magnifique. Un bon, un juste, un « sans reproche ». Kali marqua une pause avant de poursuivre d’une voix bien plus sarcastique. Rappelle-moi donc ce que tu as fait à la reine de Kotobel.
- Que vient-elle faire dans notre conversation ? Tu sais t’y prendre pour remuer les fosses à purin, répondit Haaken à la fois outré et menaçant. Tu es satisfait de toi, j’espère, Kali. Comment l’as-tu appris ?
- J’ai mes informateurs… Puisqu’on aborde ce sujet, raconte-moi donc ta version de ce qui s’est passé ce soir-là…
- Non, toi, dis-le-moi. Je ne parlerai pas de ça sans être certain que tu sais vraiment l’essentiel de cette histoire. Tu sais si bien prêcher le faux pour apprendre le vrai !
- On dit que l’assassin de la reine fut d’une violence immonde. Tu as même été banni de plusieurs contrées à cause de celà. Aucun de mes crimes n’est comparable. Comment peux-tu me traiter de minable en me regardant dans les yeux? - Je ne te dirai rien de plus, tu sais déjà ce que tu as envie de savoir, conclut Haaken d’une voix plus retenue. Sache que la journée dont tu parles me hantera jusqu’à la mort. Mais n’oublie pas que je prie le Phœnix, une déité purificatrice. Que ça te plaise ou non, je garde l’enfant jusqu’à Tiramon. Je te rassure, noble elfe noir, suppôt de la maléfique araignée, il ne sera jamais mon esclave…
Et avant que Kali ait pu rétorquer quoique ce soit, Haaken mit fin à la conversation en déclarant : « Je vais me coucher. »
Entendant Haaken revenir, Syl se retourna et fit semblant de dormir.
Il n’était pas sûr d’avoir tout compris, mais Haaken devait avoir fait quelque chose d’affreux. Pourtant, Haaken était la seule personne encore vivante qui s’intéressât un peu à lui. Cette nuit-là, Syl fut traversé par un ensemble de sentiments bien difficilement supportables pour un enfant de dix ans: de tous, la solitude était bien le pire… Pourtant, il décida avant de s’endormir qu’il ne ferait dorénavant confiance qu’à lui-même. Les autres, quels qu’ils soient, étaient un danger. Il fallait s’en protéger pour survivre.
Les jours suivants, Syl se mura dans un silence total qui inquiéta Haaken. Aux heures de repas, Syl ne venait jamais et lui imposait de le chercher. Ce qui devint de plus en plus difficile au fil du temps. Pourtant, Syl n’abandonna pas le tandem.
Arrivée à Tiramon
Un mois et demi de voyage s’était écoulé lorsque les faubourgs de Tiramon se dessinèrent au loin. Syl était encore trop jeune pour noter que les maisons des faubourgs de la ville étaient nettement plus hautes que celles de son village. Il fut par contre en mesure de se rendre compte rapidement que l’étendue de la cité était bien plus grande que celle de son village. Les trois voyageurs descendaient une montagne qui surplombait la ville. Une forêt dense les séparait encore de leur objectif. La route qu’ils empruntaient plongeait dans la masse végétale quelques centaines de mètres plus bas.
Kali et Haaken avaient stoppé leur monture et admiraient le paysage. Alors qu’ils se préparaient à reprendre la route, Haaken se tourna vers Kali et lui demanda :
- Que penses-tu des gobelins qui campent dans la forêt ?
Haaken tendit la main vers les arbres et Kali remarqua effectivement des mouvements.
- Crois-tu qu’ils sont là pour nous ? continua Haaken
- J’aimerais bien aller leur demander mais Dénéthor, le mage auquel nous avons dérobé la sphère, est un devin, il n’a rien dû laisser au hasard. Si ces gobelins sont là pour nous, ils doivent être assez dangereux pour nous éliminer.
Kali regarda alors Haaken avec un petit sourire en coin. Il entra sa main dans sa robe et en ressortit un talisman aux formes complexes.
- Sais-tu ce que c’est ?
- Non, je n’en ai pas la moindre idée…
- C’est un embrouilleur
Haaken hocha la tête cherchant dans sa mémoire la signification de ce mot. Tout à coup, son visage s’assombrit : il venait de se rappeler la signification de ce nom. - Comment as-tu eu ça ? Demanda Haaken à Kali. C’est un objet magique empêchant les prophéties, c’est ça ?
- Effectivement : l’embrouilleur tient son nom de sa capacité à empêcher les visions. Si cela peut te rassurer, je ne l’ai pas chapardé, c’est notre gentille mécène Olendata qui me l’a confié, ironisa Kali
- Comment un tel objet peut-il fonctionner ? Et pourquoi attends-tu seulement maintenant pour l’utiliser ? Si Dénéthor est vraiment un devin, pourquoi ne nous a-t-il pas attrapés quand nous étions chez lui ?
- Dénéthor n’aurait pas pu savoir avec certitude qui nous envoyait s’il nous avait fait prendre chez lui. Quant à l’embrouilleur, je t’avoue que mes connaissances en magie ne me permettent pas de comprendre la nature exacte de son pouvoir. Les aveux d’incompétence de Kali étaient rares et Haaken décida d’en rester là. Pourtant, une dernière question s’imposa d’elle-même : - Dénéthor est-il en mesure de voir plus loin, après la fin des effets de l’Embrouilleur ? - C’est effectivement le problème reconnut Kali. Nous n’avons que trois heures pour atteindre Tiramon et Olendata. Je suis sûr que les visions de Dénéthor ne passent pas les portes de la cité. Par contre, il est fortement probable que nous serons tués si nous ne franchissons pas les passages éthérés dans le temps imparti.
Kali lança le sort de l’embrouilleur. Lorsqu’il acheva son incantation, le ciel sembla s’éteindre pendant une seconde. Comprenant que le compte à rebours venait de commencer, Haaken et Kali s’élancèrent au galop vers la cité. Alors qu’ils se rapprochaient de l’embuscade tendue par les gobelins, Haaken fit signe à Syl de se taire et le groupe quitta la route afin de prendre au dépourvu les gnomes dégénérés.
Les deux mercenaires furent surpris par la taille de la troupe qui les attendait. Ils distinguaient plus d’une vingtaine de gobelins dans leur champ de vision, ce qui leur fit penser que la totalité de la troupe était deux à trois fois plus importante. Ils avaient peu de temps devant eux, mais Dénéthor avait sûrement semé d’autres obstacles sur leur route et les gobelins connaissaient peut-être leur nature. Il était donc important de tenter de leur soutirer le plus possible d’informations.
Haaken finit par distinguer un gobelin plus massif que les autres, et dont la parure indiquait ostensiblement la haute naissance. Il s’agissait sans doute possible d’un hobgobelin, fils de la lignée des rois gobelins. Le plan que le duo mit en place était simple : Kali conféra à Haaken l’apparence d’un petit gobelin. Ainsi camouflé, le guerrier devait se glisser dans le camp jusqu’au chef, le capturer et le ramener, protégé par les sorts de Kali.
Malheureusement, tous les plans nécessitent une part de chance pour aboutir, et, cette fois-ci, le tandem en manqua : Haaken dépassa une trentaine de guerriers gobelins lorsque l’un d’entre eux lui adressa la parole. Haaken ne pouvait pas comprendre, il essaya de passer son chemin en l’ignorant. Ce n’était apparemment pas la réaction attendue puisqu’une quinzaine de gobelins tirèrent leurs armes. Voyant que la situation leur échappait, Kali commença à invoquer un sort de grande ampleur afin d’effrayer la horde. Pendant ce temps, Haaken s’adossa à un rocher et entama un combat périlleux. Syl observait la scène qui devint peu à peu surréaliste. Haaken, qui avait repris son apparence normale, était contraint de parer plus d’une dizaine de coups chaque fois qu’il voulait attaquer. Mais cette situation ne l’empêchait nullement de tuer systématiquement. Près d’une dizaine de gobelins étaient déjà au sol quand le sort de Kali commença à prendre effet : le ciel se couvrit rapidement d’épais nuages, puis, quelques secondes plus tard, une pluie de braises s’abattit sur la horde.
Haaken était au milieu de la pluie et les tisons ricochaient sur ses épaules. Contrairement aux gobelins, il gardait son calme. Le chef des gobelins avait compris depuis longtemps que les assaillants étaient ses cibles, il vint donc combattre l’homme pour tenter de le retenir le temps que ses troupes se ressaisissent. Ce fut une erreur terrible puisque Haaken le désarma à l’instant où ils croisèrent le fer. Dans la foulée, l’aventurier assomma le gobelin. Il le jeta sur ses épaules et commença à courir alors que les flèches fusaient autour de lui. Deux d’entre elles touchèrent l’hobgobelin et le blessèrent légèrement. Pendant ce temps, Kali ne resta pas inactif : il lança un sort de mur de feu entre Haaken et les archers. La pluie enflammée et le mur finirent d’ailleurs par déclencher un incendie qui couvrit la fuite des mercenaires. Haaken avait installé Syl sur la selle de Kali et était lui-même monté avec l’hobgobelin. Ils traversèrent la forêt, semant définitivement leurs poursuivants, ils ne firent halte qu’à la lisière pour interroger l’hobgobelin.
Un interrogatoire est souvent un moment pénible, même en tant que témoin. Syl était bien trop jeune pour assister à une telle scène. Il fut profondément choqué par l’inhumanité que déployèrent Kali et Haaken. Malheureusement, ces derniers savaient que le temps jouait contre eux et leurs sentiments pour les gobelins n’étaient guère différents de ceux qu’ils éprouvaient pour les cafards et les blattes. Pour commencer, Haaken attacha le gobelin et le réveilla en le frappant de plusieurs coups de pied. Pour briser le mutisme dans lequel le gobelin s’était muré, Kali le brûla avec une torche, puis le taillada avec une dague. Mais cela n’était pas suffisant : le prince gobelin gardait fièrement le silence. Révolté par leur brutalité de ses protecteurs, Syl se mit à hurler et pleurer. En réponse, Haaken déclara d’un ton irrité qu’il était temps de se remettre en route. Une fois n’est pas coutume, Kali prit Syl par la main et l’installa sur son cheval.
Dès que Kali et Syl furent parti, Haaken revint près du gobelin attaché. Il dit à la créature, dans un demi-sourire :
- C’est bien, tu as résisté à la torture, maintenant je vais te tuer de dépit, et on verra auprès de qui tu pourras t’en vanter.
Haaken tira son épée et se rapprocha. Puis il saisit le gobelin par les cheveux et se prépara à le frapper quand ce-dernier rompit le silence.
- A proximité de la porte de Tiramon, deux tireurs d’élite attendent un groupe composé d’un mage, un guerrier et un enfant. Ils sont postés la-bas depuis une dizaine de jours. Je ne sais rien de plus..
Haaken n’avait plus aucune raison de tuer l’hobgobelin. Bien sûr, celui-ci pouvait mentir, mais peu de gobelins ont assez de courage pour le faire quand leur vie en dépend.
Malgré toute la grandeur politique de Tiramon, les faubourgs de la cité sont quelconques. Ce sont des successions de maisons à deux ou trois étages plus ou moins étendues. Les rues sont petites, sommairement entretenues et rarement dallées.Tiramon est décrite par les géographes d’une multitude de mondes et il est donc nécessaire de préciser la nature de la cité : Tiramon est un carrefour éthéré. La légende veut qu’un Titan du nom de Samatar ait élu domicile dans une antre du plan des dieux dont chaque issue menait vers un univers distinct. Le peuple des Ozguls, réputé pour sa vaillance, l’aurait défié et vaincu. Il se serait emparé de son antre afin d’y établir sa capitale. Derrière le mythe, il semble en fait que les mages Ozguls aient atteint à une époque un niveau de connaissance magique unique. Ce savoir leur aurait permis d’installer leur ville au carrefour de plusieurs mondes.
Les faubourgs de la cité sont donc différents selon le monde de provenance du voyageur. Nulle porte ne protège de l’entrée dans ces faubourgs. Par contre, il faut franchir une porte éthérée pour arriver dans la ville elle-même. Ces portes sont étranges pour le visiteur sans savoir. Bien que gardées par une escouade de gardes, on peut en faire le tour et elles semblent n’être qu’un ornement de la cité. Par contre, le voyageur cultivé demande qu’on les lui ouvre moyennant une taxe raisonnable.
Le problème principal d’Haaken et Kali consistait à franchir la porte de Tiramon avant la fin de l’effet de l’embrouilleur et il ne leur restait qu’une demi-heure quand ils arrivèrent aux faubourgs. Des tireurs d’élite les attendaient, et Kali n’avait plus de pouvoir pour dissimuler leur apparence. Haaken était épuisé et n’avait plus l’énergie d’aller les trouver pour les affronter, il n’en avait d’ailleurs probablement pas le temps. L’idéal aurait été de franchir les portes dans un carrosse mais ce moyen de transport était interdit aux particuliers. Seules les caravanes de marchandises avaient l’autorisation d’aller et venir librement dans la cité. La situation sembla soudain complexe aux deux compères.
Ils remarquèrent alors une caravane de vignerons qui parcourait les faubourgs en direction de la porte éthérée. Elle progressait lentement à cause des conditions de trafic catastrophiques ce matin-là et de l’ébriété avancée des négociants… Ceux-ci s’arrêtaient d’ailleurs fréquemment pour tenter de vendre une partie de leur chargement aux auberges des faubourgs.
Haaken et Kali avaient encore une carte dans leur manche : leurs bourses pleines d’or.
Pris d’une inspiration soudaine, Kali fonça dans une herboristerie, et en ressortit avec une fiole.
Il s’adressa à Haaken avec un sourire radieux.
- Que diriez-vous, maître ivrogne, de passer les portes noyé dans la vinasse ?
- Je n’ai rien contre, répondit Haaken lui rendant son sourire, mais pourrais-tu m’expliquer quel est ton plan ?
- Ceci est une potion permettant de respirer dans l’eau…mais aussi dans tous les liquides, dit Kali en tendant vers Haaken et Syl la fiole qu’il venait d’acheter. Nous en avons assez pour nous deux et l’avorton. S’il te reste assez d’or pour convaincre les négociants de nous laisser une place dans un tonneau de leur meilleur vin, je suppose que nous passerons les portes sans encombre. Peu de gardes oseraient souiller un grand cru à la recherche de clandestins... Et même s’ils nous découvraient de l’autre coté, ce ne serait pas bien grave puisque nous sommes au service de la ville. Le chef des négociants était facile à reconnaitre : il avait la plus forte voix de tous et ses beuglements graves dépassaient le brouhaha ambiant. Le stress de l’embouteillage et l’alcool rendaient son visage tellement rouge qu’il semblait maquillé.
Haaken et Syl descendirent de cheval devant lui. A ce moment, la porte était encore à une cinquantaine de mètres de l’avant de la caravane et il ne restait plus que quelques minutes avant la fin de l’effet de l’embrouilleur. Le timing était extrêmement serré. Haaken savait que beaucoup de choses dépendaient d’une réponse rapide et positive du négociant. Il arbora le sourire le plus joyeux qu’il avait à sa disposition et s’adressa au chef de la caravane.
- Maître négociant, je souhaiterais faire une plaisanterie à l’un de mes amis qui garde les portes à l’intérieur de la cité. Je viens d’accomplir une mission pour la ville et j’ai parié que je reviendrai d’une manière qui le surprendrait. Je sollicite votre concours : je voudrais sortir avec mes amis d’un de vos plus beaux fûts. L’effet serait garanti !
La proposition ne semblait pas du goût du négociant dont le visage devint encore plus écarlate.
- Guerrier, tu ne te rends même pas compte que ta plaisanterie puérile sacrifierait un breuvage dont même ta langue n’est pas digne. Tu n’aurais d’ailleurs probablement pas de quoi m’acheter un malheureux verre de mon précieux nectar.
- Si c’est un problème d’argent, ne vous inquiétez pas. Je vous paierai de mes deux chevaux et de dix pièces d’or.
Le négociant se calma instantanément et prit un air confus.
- Monseigneur…Oh excusez-moi, Monseigneur. Mais comment aurais-je pu savoir ? Vous masquez si bien votre apparence que je vous prenais pour l’un de ces mercenaires étrangers.
Haaken était effectivement un mercenaire étranger servant Tiramon mais il n’avait pas le temps de bavarder ni de son statut, ni de l’état de ses finances. Il paya rapidement, appela Kali qui donna son cheval sans se plaindre. Le duo et l’enfant burent la potion et entrèrent dans une volumineuse barrique. Les dernières minutes avant l’atteinte des portes semblèrent durer une éternité à Haaken et Kali. Les potions permettaient aux trois de respirer comme si le vin était fait d’air. Mais les vapeurs et la diffusion de l’alcool leur tournèrent la tête. A peine les portes franchies, le tonneau fut ouvert et le négociant leur dit de sortir. Contre toute attente, même si les trois avaient effectivement atteint l’autre côté de la porte, ils n’étaient toujours pas en sécurité : une escouade de gardes pointait leurs arbalètes vers eux. Malgré la situation tendue et l’inconfort qu’il ressentait dans ses vêtements imbibés de vins, Syl ne put réprimer une exclamation d’émerveillement quand Haaken le fit sortir du fût : la cité apparaissait désormais dans toute sa magnificence à ses jeunes yeux enivrés. L’architecture du cœur de la ville était tout à fait différente de celle des faubourgs. Les maisons étaient de toute beauté, œuvres de maîtres architectes. L’esthétique semblait être l’une des préoccupations majeures des habitants de la ville et quelle que soit la direction où portait le regard, il rencontrait forcément une des innombrables statues, arcades ou fontaines ornementales. La ville était surplombée d’un ciel vert pâle aussi lumineux que si l’été régnait sur la ville. En revanche, malgré l’importante luminosité, aucun soleil n’était visible dans le ciel.
Le chef du groupe de gardes s’adressa à eux sur un ton extrêmement froid. - Vous avez délibérément tenté de franchir les portes sans autorisation, j’aimerais connaître le fin mot de l’histoire dans la mesure où vous ne vouliez sûrement pas me faire une « plaisanterie ».
- Nous avons été envoyés en mission par les Yeux, répondit Haaken d’une voix franchement pâteuse. Cette mission était fort périlleuse et nous n’avions pas d’autre solution pour passer : des archers embusqués nous auraient tiré dessus si nous nous étions présentés aux portes. Pourriez-vous nous conduire jusqu’au quartier général des Yeux ?
« Les Yeux » était le nom donné au service secret de la ville. Officiellement, ils étaient une assistance aux gardes. Hiérarchiquement, les Yeux et les gardes avait donc été regroupés dans le corps des « forces intérieures », l’armée Tiramonique constituant les « forces externes ».
Haaken fit un mouvement vers ses poches afin de sortir l’ordre de mission. Il se ravisa en imaginant son état…Le vin qui imbibait ses vêtements n’avait pas dû épargner le document.
- Vous avez franchi les portes de la cité sans autorisation, je vous somme de repartir, déclara le capitaine d’une voix sentencieuse.
Kali et Haaken se regardèrent d’un air perplexe. L’alcool altérait encore leur perception et leurs mouvements mais la peur de mourir avait chassé la douce euphorie qu’ils ressentaient auparavant. L’attention des passants commençait à se cristalliser sur eux et un attroupement se forma. Parmi eux, Kali crut y reconnaitre des Yeux. En effet, les Yeux portaient souvent leur cotte de mailles cuivrée sous une toge, et Kali avait justement entraperçu des reflets métalliques ocres dans la foule. Il haussa le ton de manière à ce que tous puissent entendre.
- Nous vous avons expliqué que des tueurs nous attendent juste derrière cette porte et que nous sommes en mission. Votre incompétence va coûter cher à la ville.
Haaken surenchérit en tapant sur l’épaule de Kali:
- Laisse tomber, Kali. C’est un des hommes de Dénéthor. Nous avions tout imaginé sauf que quelqu’un pouvait nous renvoyer vers lui. Haaken regarda fixement le capitaine. Je ne pense pas, monsieur le traître, que votre visage autoritaire vous sauvera quand nous en référerons aux Yeux. En plus d’être fourbe, vous êtes en effet stupide : les archers nous attendent, certes, mais ils doivent nous empêcher d’entrer dans la ville. Or, nous sortirons de la porte. Plus ils seront intelligents, moins ils seront tentés de nous assassiner…même si nous correspondons au signalement.
Haaken se retourna et se dirigea vers la porte. Il garda son bouclier dans le dos et ne dégaina pas. Mais intérieurement, il se demandait si son pari était correct. Les archers avaient pour mission de les tuer, c’était la seule information qu’il avait. Si Dénéthor avait effectivement prédit qu’ils franchiraient la porte, sa consigne pouvait tout à fait être de tirer sur eux quelle que soit leur provenance. Il était sur le point de franchir la porte quand une voix féminine lui cria de s’arrêter.
Haaken se retourna. Kali et Syl, qui le suivaient, firent de même. Sortant de la foule massée, trois Yeux venaient de se débarrasser de leurs toges. Ils s’avancèrent vers le capitaine dont le regard s’emplit de crainte. La jeune Olendata dirigeait le trio. C’est elle qui avait envoyé Haaken et Kali en mission. Elle s’adressa au capitaine :
- Que vouliez-vous faire ? Je vous avais moi-même prévenu qu’ils viendraient !
Le capitaine recula, cherchant une réponse. Olendata lui ordonna de déposer son arme à terre. Il s’exécuta mais tenta de s’enfuir. La foule le retint. Un silence de mort régnait maintenant sur la place. Olendata demanda. - Votre maître vous a-t-il prévenu que le groupe viendrait par les tonneaux ?
- De quoi voulez-vous parler ? répondit le garde d’un ton apeuré -Vous ne voulez pas avouer…très bien. Rentrez vous-même dedans. Lui dit-elle en pointant le tonneau de vin du doigt.
Le capitaine protesta puis s’exécuta en tremblant. Il s’immergea dans le vin. Pendant ce temps, Olendata s’adressait au groupe. - La protection du sort que je vous avais confié a dû prendre fin alors que vous étiez dans les fûts. Dénéthor a donc pu prévoir que vous y seriez. La solution la plus simple pour vous empêcher d’arriver aurait été de tous les empoisonner mais comme les négociants buvaient eux-même le vin, ils seraient morts et vous ne les auriez jamais rencontrés. Si je ne me trompe pas, il a donc corrompu ce capitaine pour qu’il vous renvoie vers ses tueurs. Les archers doivent donc être préparés à tirer sur les personnes qui sortiront par la porte avec des vêtements imbibés de vin. Olendata se retourna vers le capitaine et lui ordonna de franchir la porte. La réaction de ce dernier fût presque un aveu, il se jeta au sol en priant Olendata de l’épargner.
Mais Olendata n’était pas une personne miséricordieuse. Elle dégaina sa rapière et commença à frapper vers le sol très près du visage de l’homme. Il se redressa mais Olendata continua à le repousser vers la porte. Encore quelques pas et le capitaine finit par la franchir. La flèche qu’il reçut de l’autre côté l’empêcha de poursuivre à la fois sa carrière d’agent double et sa vie. Haaken était blême. Son erreur avait failli lui coûter cher. Il devait beaucoup à Olendata.
Haaken et Kali achevèrent leur mission en remettant à Olendata la sphère de chaos qu’ils avaient pris chez Dénéthor. Ces sphères étaient une menace mortelle pour Tiramon et leur chasse était une des priorité des Yeux…
Les semaines suivantes furent, pour Syl, ses derniers souvenirs d’enfance joyeux. Haaken et lui étaient logés dans une petite maison du quartier des Yeux tandis que Kali avait élu domicile dans une Académie de magie. Haaken et Kali ne s’appréciaient pas beaucoup et Haaken ne semblait pas souffrir le moins du monde de l’absence de son partenaire de campagne.
Pendant cette période, le guerrier fit visiter la ville à Syl. Ensemble, ils allèrent aux différents temples, pêchèrent dans le bras de mer improbable qui bordait la cité et assistèrent à des représentations dans plusieurs théâtres. Syl se rendit compte que le ciel du cœur de la cité était toujours vierge de nuages, et qu’il changeait de luminosité suivant un cycle de vingt-six heures sans qu’aucun astre ne le gouverne. C’était un peu déroutant mais fort agréable.
Plusieurs fois, Haaken et lui passèrent des portes éthérées pour se rendre dans certains faubourgs. Ils y allèrent notamment à l’occasion de l’achat d’une nouvelle arme par Haaken et pour assister à des festivités où Syl aperçut pour la première fois un vol de dragons. Haaken expliqua à Syl le fonctionnement de la ville. Il essaya de lui faire comprendre le principe des portes mais il insista surtout sur le régime de la ville. Il s’agissait d’une démocratie parlementaire : tous les citoyens pouvaient voter et chaque race -Elfes, Nains, Humains, Orcs, etc.- était représentée à l’assemblée par au moins un siège. Haaken expliqua également à Syl que les Ozguls, le peuple qui avait fondé la ville, auraient pu envahir de nombreux mondes mais avaient préféré laisser la liberté aux autres peuples et ne possédaient finalement que peu de terres en dehors des faubourgs de la ville.
La ville était fréquemment en guerre mais les batailles servaient le plus souvent à défendre la cité contre des peuplades belliqueuses.
Haaken prépara Syl à une nouvelle séparation : le mercenaire était fréquemment en mission. Il voulait confier l’éducation du fils de paysan à l’école administrative de Tiramon. Comme le mercenaire risquait d’être absent de longs mois, il avait confié à l’école une partie de son pactole, portion qui couvrait largement les frais de l’ensemble de la formation de Syl.
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