Un article publié dans les pages de LIBERATION daté du 26/02/04
qui je pense va grandement FORTEMENT vous intéresser.
Marc Cabiling fait parti d'un petit club d'une centaine de veinards, tous ou presque logés à Paris dans le XIIIe arrondissement. Marc dispose d'une connexion Internet à super haut débit pour zéro euro par mois. Mieux que toutes les offres affriolantes lancées ces derniers temps. Sa chance, il l'a saisie, «un peu par accident». Ce spécialiste en développement dans une petite société high-tech pianotait un jour de décembre sur son PC portable, quand il a «accroché, comme il dit, un signal wi-fi». Pour le profane, wi-fi est une technologie fort en vogue capable de faire communiquer sans fil et à très haut débit toutes sortes d'instruments (ordinateurs, assistants personnels, chaînes hi-fi...). Il permet de partager une connexion Internet entre plusieurs PC, aussi bien à la maison que dans les cafés ou les aéroports (hot spots), mais aussi à l'air libre.
Antenne. Dans le cas de Mark Cabiling, le signal venait du dehors comme descendu du ciel et il a tout de suite repéré l'origine du signal. Sur son PC, s'est affiché la page d'accueil d'Ozone, la petite start-up à l'origine de ce réseau haut débit tout à fait inédit. On lui demande de s'identifier. Ce qu'il fait. Mais le signal est très faible. Sa fenêtre, située sur la rue Nationale, est mal orientée. L'antenne wi-fi de son quartier, plantée sur le toit d'un immeuble à trois cents mètres de là, regarde vers les façades de l'autre côté de sa rue. Et le signal, réfléchi par l'immeuble d'en face, lui revient assourdi. Qu'à cela ne tienne, l'ingénieur d'Ozone va venir fixer gracieusement sur sa fenêtre une minuscule antenne pour amplifier les ondes.
Aujourd'hui, Marc Cabiling est devenu un prosélyte et il pavoise : «J'ai un débit moyen de 2,5 mbps avec des pointes à 4 mbps, et surtout la même vitesse dans les deux sens.» Soit cinq fois mieux qu'une connexion standard (ADSL à 512 kbps) pour la réception et même 20 fois mieux en émission. Pour l'instant, seul un quartier du XIIIe arrondissement de Paris, vers la porte d'Ivry, est couvert (voir sur www.ozoneparis.net). Mais Ozone commence à tisser la toile (1). En vue, une extension vers la place d'Italie, vers le quartier Latin et le nord de Paris. «On cherche en ce moment des points hauts», explique Loïc Dequay, l'ingénieur.
Rafi Haladjian, le fondateur d'Ozone, précise : «On est au tout début du démarrage. Mais on veut couvrir tout Paris.»
Financement. Sa démarche n'est pas pour autant de devenir un énième opérateur de réseau. Mais plutôt l'exact contraire. Il n'a pas encore découvert la formule qui fera de l'opération wi-fi une activité rentable ou même juste équilibrée. Pourtant, Rafi Haladjian n'est pas un rêveur, il a créé en 1994, avec Francenet, un des premiers fournisseurs d'accès Internet. Puis il développe une start-up, Fluxus, revendue un bon prix en 2001 à British Telecom. Les minuscules bureaux d'Ozone sont installés fort à propos à l'entrée de l'immeuble de British Telecom à Paris dans le XIIIe, juste à l'aplomb du «backbone» de l'opérateur britannique, une grosse fibre optique dans laquelle s'engouffre le trafic wi-fi du quartier pour communiquer avec le monde Internet.
Ozone paie pour cette liaison, mais ne la facture à personne. Son fondateur est dans une démarche expérimentale. «A terme, tous les objets du quotidien (la montre, le réfrigérateur, la télé...), et pas seulement les ordinateurs ou les téléphones mobiles, vont devenir communicants. C'est ce qu'on appelle un réseau "pervasif". Ozone veut construire ce réseau-là.» L'expérimentation wi-fi n'est qu'une première étape. La technologie wi-fi n'est pas parfaite, mais elle se prête bien au développement d'un réseau pervasif : comme les éléments de base sont bon marché, chacun peut construire son bout de réseau. «Avant, seuls les riches pouvaient créer une infrastructure.
L'UMTS (la téléphonie mobile de troisième génération), dessiné d'en haut et hypercoûteux, en est, dit-il, le parfait exemple. «Au contraire, le réseau pervasif n'appartient à personne, c'est une construction collective.» A l'association Paris sans fil, Guénaël Amieux suit avec intérêt la progression. Animateur du mini-réseau Goncourt (deux, trois personnes dans cinq immeubles reliés par wi-fi et se partageant la même connexion ADSL), Guénaël connaît la difficulté. «Nous voulions créer des petits réseaux de quartier et les relier entre eux, mais ce schéma s'est révélé plus complexe que prévu.» Il est ravi que Rafi Haladjian s'attelle à cette tâche-là : «Rafi a l'intuition que c'est dans cet écosystème des réseaux pervasifs que naîtra l'Internet de demain.» Bientôt, tous les objets vont spontanément dialoguer, et «il est impensable que des opérateurs taxent toutes ces conversations».
(1) mcblog.free.fr/ozone