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Un article des Echos daté du 23 avril 2008 :
L'audit interne, vivier de hauts potentiels
[ 22/04/08 Les Echos ] Avec la mise en place de nouvelles contraintes réglementaires, les entreprises ont renforcé, ces dernières années, leurs équipes de contrôle interne. Notamment l'audit interne, une fonction exigeante mais prestigieuse, véritable tremplin de carrière.
Ils sont à peine 40 collaborateurs, diplômés des plus grandes écoles d'ingénieurs et de commerce et rattachés directement à Bruno Lafont, le PDG du groupe. Corps d'élite pour certains, « oeil de Moscou » pour d'autres, la direction de l'audit interne de Lafarge dispose d'un statut à part. Opérations comptables, financières, achats, politiques commerciales, procédures qualité, inspection des cimenteries, ressources humaines... « Nous pouvons être amenés à contrôler l'ensemble des processus de gestion, partout dans le monde. Nous avons accès à toutes les informations, que ce soit au niveau du groupe comme de ses filiales », explique Jean-François Sautin, directeur de l'audit interne de Lafarge. En 2007, 60 missions ont été réalisées par le service. Chacune a conduit à la réalisation d'un rapport à destination de la direction générale et du comité d'audit du groupe, détaillant les anomalies rencontrées, ainsi que les recommandations préconisées par ses inspecteurs.
C'est là une tendance de fond. « La fonction d'audit interne monte en puissance au sein des entreprises. Tant au niveau de son champ d'intervention que de ses effectifs », explique Jean-Pierre Hottin, associé du pôle conseil de PricewaterhouseCoopers. Positionné comme l'ultime niveau de contrôle (après ceux effectués par les opérationnels, les services de contrôle de gestion et les autres départements de contrôle métiers), l'audit interne est une fonction encore jeune. En 2005, un tiers des services en place avaient moins de cinq ans, selon une étude de l'Institut français de l'audit et du contrôle internes (Ifaci), qui regroupe 3.500 auditeurs, issus de 600 entreprises. La même année, on dénombrait 2,85 auditeurs pour 1.000 salariés, contre 2,3 en 2002.
Regard extérieur indispensable
Cette montée en puissance est favorisée par le renforcement des contraintes juridiques : la loi Sarbanes-Oxley aux Etats-Unis (2002) et la loi sur la sécurité financière (2003) en France ont imposé un renforcement des contrôles internes au sein des groupes cotés. Et, aujourd'hui, l'affaire Kerviel - du nom de l'ex-trader de la Société Générale, accusé d'être à l'origine d'une perte de 4,9 milliards d'euros - rappelle les dégâts que peut occasionner un contrôle interne déficient.
Résultat : les directions recrutent. AXA France compte aujourd'hui 45 auditeurs contre une vingtaine il y a cinq ans à peine. Même phénomène au Crédit Agricole, qui compte 90 collaborateurs au sein de son inspection générale. « D'une part, les produits et les processus métiers se complexifient. D'autre part, la taille du groupe augmente régulièrement, du fait de notre croissance externe. Il est normal que les moyens dédiés aux fonctions de contrôle se renforcent », explique Philippe Dumont, inspecteur général du groupe bancaire. Le mouvement touche même les sociétés non cotées. Les Galeries Lafayette ont entièrement revu leur politique de contrôle interne en 2005. Aujourd'hui, une direction autonome de 7 auditeurs est chargée de contrôler la politique d'investissement du groupe, ses actions de publicité, sa gestion de la relation client, ses process comptables et financiers, le fonctionnement des magasins... Des actions menées en toute indépendance puisque la direction de l'audit interne est directement rattachée au directoire du groupe et non à la direction générale. « Cela nous permet d'avoir un regard extérieur critique, qui peut parfois déranger ou agacer, mais qui est indispensable », explique Beatriz Sanz Redrado, directrice de l'audit du groupe.
« Ils apprennent vite »
Prestigieuse, la fonction est surtout élitiste. L'inspection générale du Crédit Agricole embauche chaque année une vingtaine de jeunes diplômés via un concours spécifique. Après une présélection sur CV, les candidats sont invités à passer plusieurs épreuves écrites (tests de logique, synthèse, anglais), puis un entretien de personnalité. Bilan : « Sur 800 CV reçus, seuls 20 candidats ont été admis à l'Inspection générale », explique Philippe Dumont. Même chose au sein de Renault, dont la direction de l'audit interne - 40 inspecteurs - est composé en majorité de jeunes diplômés. « Ils ont l'avantage d'être mobiles géographiquement et ils apprennent vite, ce qui est essentiel dans notre métier », relève Farid Aractingi, directeur audit et management des risques du constructeur. En six semaines à peine, les jeunes inspecteurs doivent vérifier des process qui leur sont parfois complètement étrangers au départ, travailler en lien direct avec des grands patrons d'unités et de métiers, pour finalement présenter leurs critiques et pistes d'amélioration auprès de la direction générale et du comité d'audit du groupe.
Devant l'exigence de la fonction, certains groupes préfèrent faire appel à des collaborateurs plus expérimentés. Au sein de Michelin, les deux tiers des 25 auditeurs internes ont déjà une expérience métier. De même, chez AXA France, où les cadres n'accèdent à la fonction qu'à leur troisième poste en interne en moyenne. Mais quel que soit son profil, l'auditeur peut envisager sa carrière sereinement. « Le passage à l'audit interne est clairement un accélérateur de carrière. Il fournit une connaissance des différentes activités du groupe et exige une efficacité professionnelle très forte. C'est une pépinière de talents », explique Elie Harari, directeur de l'audit interne d'AXA France. Chez l'assureur, les auditeurs effectuent en moyenne quatre ans dans la fonction, avant d'accéder à des postes à responsabilités et de management. Même démarche au sein du groupe Crédit Agricole dont le directeur général, Georges Pauget est un ancien de l'inspection générale. La voie royale, en quelque sorte.
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