Merci.
Lhomme se distrait dans lespace des contingences. Cet espace est lempan dans lequel il peut se mouvoir. Esseulé, lhomme, à force de sépanouir, prend conscience de sa finitude : le voilà, après quil a surgi au monde, emprisonné entre lau-delà, espace des nécessités dont Dieu est le parangon et len deçà, le tombeau des Chimères symbolisant limpossibilité. Entre ces deux points, lobjet obscur de ma quête, le support fragile de ma liberté. Ces deux zones apparaissent comme des espaces dans lesquels je ne peux pénétrer, même muni dune conscience téméraire soucieuse délucider. Pourtant, ces zones obscures ont des contours flous : il mest difficile den cerner les formes propres, les limites, je naperçois au loin que des silhouettes floues, dont je tente dextirper ce que je peux. Mais léchec est de mise, inéluctable issue dune perspective, dune croisade insanes : je me heurte donc à ces sournoises barrières, et prend conscience de ma misère, de ma faillite. Il est donc vrai que, dans le monde tel quil se présente à nous, il existe bon nombre dobstacles et que certains de ces obstacles sont des frontières infranchissables, que lon ne peut outrepasser. Serait-ce à dire que la liberté, cest ne rencontrer aucun obstacle ? Pourtant, certes ce monde moffre des entraves, mais je suis enclin à penser que jy suis libre. Dailleurs, dire quêtre libre cest ne rencontrer aucun obstacle est une attitude nihiliste quant à la liberté humaine. Plusieurs questions, profondément enterrées jusqualors, surgissent, et il importe que la philosophie singénie à y répondre. Est-on libre dans un monde dénudé dobstacles ? Comment se comporter face aux obstacles pour atteindre la liberté ? Quest-ce quêtre libre ?
Un monde sans obstacles, un monde dans lequel lhomme pourrait se mouvoir à sa guise, selon sa volonté propre, sans jamais rencontrer quelque entrave que ce soit, ne saurait être semble-t-il de prime abord un monde dans lequel lhomme pourrait assumer pleinement sa liberté. Car, à linstar de Sartre, si on affirme que « la liberté, cest le choix », un monde nu de tout obstacle ne mènerait aucunement lhomme à la liberté. Sil ne rencontre point de difficultés, les choix que sengage à faire lhomme, avec la prétention dagir et dinvestir le monde, sont vidés de toute leur saveur singulière et substantielle. Le processus du choix implique une implication profonde du sujet face à un monde, vécu comme plénitude, quil décide de prendre en charge et , ce choix pris, lhomme sengage dans une ligne de fuite vers lavenir résolument différente des autres lignes de fuite qui soffraient à lui. Autrement dit, cest dans la diversité, la multitude, labondance la plus fouillée que réside le choix et, en conséquence, la liberté sartrienne. En revanche, un monde dénudé, vidé de tout obstacle, vidé de sa substantifique moelle, qui se présenterait à lhomme, sous les attraits de la facilité, est purement et simplement mirage de liberté, ou plutôt reflet dune liberté trahie puisque non assumée. Un tel monde est un vice : les choix nengagent plus lindividu dans sa prise en charge du réel et de la vie puisque nul danger ne lassaille, nul autre ne le menace. Vivre dans un monde ainsi constitué, cest, force est de le constater, faire le deuil de sa liberté. Lhomme parviendrait certes à se mouvoir dans un tel univers, mais il voguerait au bon vouloir des flots, il naurait pas plus de prises et demprise sur ce monde que nimporte quel autre être alors que, dans le monde dans lequel nous vivons, avec le cortège dentraves qui en découlent, lhomme assume sa mission et sa liberté
Ne pas rencontrer dobstacles nest donc pas salvateur pour lhomme. Un monde dénudé serait un support plein de platitude, un objet qui manquerait cruellement de saveur et de singularité, ce qui ne saurait satisfaire lhomme. Dailleurs, ne pas rencontrer dobstacles est, aussi paradoxal que cela puisse paraître, entraver lourdement le processus dexploration de la nature humaine, annihiler son émancipation multiple et, par là même, amenuiser sa liberté si ce nest la briser funestement
Car, comme le constate lucidement Rousseau dans son Discours sur lorigine et les fondements de linégalité parmi les hommes, lhomme est naturellement et fondamentalement paresseux. Sil nen allait que de sa propre volonté, il resterait à létat de nature, il se complairait à ne pas assumer la fonction d « animal politique » que lui accorde Aristote, il stagnerait dans létat végétatif au milieu duquel il a été initialement jeté . Cependant, Rousseau, dans Du Contrat social, prétend que le passage nécessaire et émancipateur de létat de nature à la vie en société sest effectué lorsquun seuil critique a été atteint. Pongé dans une situation dans laquelle lhomme devait employer plus de forces pour sy maintenir quil ne le pouvait du fait des résistances croissantes, des obstacles posés par le monde à létat de nature -, lhomme fut contraint daccéder à létat de la vie en société. Cest ainsi que la présence dobstacles, de prime abord entraves à la liberté humaine, a été salvatrice pour lhomme et lhumanité. Elle a conduit lhomme à sorganiser, à engager la lutte, à assumer sa nature, puis à se transmuter. Qui plus est, il nest nulle perte de liberté dans ce changement : au contraire, la liberté naturelle, concept flou, est remplacée par une liberté au sein de létat de vie en société et à laccession aux droits entendus au sens de droits positifs. Les obstacles sont donc apparus ici comme des objets nécessaires à lhomme pour assumer sa nature, son essence. Lon peut généraliser cette thèse et cette conception. Lhomme, tel que le pense Sartre dans lExistentialisme est un humanisme, « sera tel quil se voudra » car «il ny a pas de nature humaine » : « lhomme surgit au monde. Il nest dabord rien, il ne sera quensuite ». La vision humaniste de Sartre dun homme tout-puissant sur son être, plein récipiendaire de sa liberté, suggère que, pour acquérir la liberté de se façonner, de se modeler suivant limage quil projette, lhomme doit dabord désirer. Ce désir, de proche en proche, va faire naître la volonté de se transcender. Mais, pour se transcender, encore faut-il avoir conscience de sa nature fondamentalement immanente : cest un impératif qui ne peut être satisfait dans un monde sans obstacles dans lequel lhomme, plein dorgueil, se prétendrait libre et tout-puissant. La liberté dêtre tel que lon se veut, et donc dagir comme on le veut, passe nécessairement par le vécu dun homme dans un monde qui ne se donne pas comme tel, mais qui séchappe, qui fuit, réticent à lidée de se faire dompter par lhomme. Et lon se rappelle alors, tel un murmure, un bruissement lointain mais riche de sens, les paroles de Pascal dans Les Pensées : « La grandeur de lhomme est grande en ce quil se connaît misérable. Un arbre ne se connaît pas misérable ». Autrement dit, lhomme a la capacité singulière, en ayant conscience de sa finitude, de son imperfection, du chemin quil reste à parcourir malgré les obstacles pour le mener à la liberté. Sil ny avait pas dobstacles, lhomme ne vaudrait pas plus que cet arbre dont parle Pascal et dont il décrit la misère, le carcan de son ignorance
Larbre, lui, ne rencontre pas dobstacles, mais il nest pas libre
Si les obstacles sont nécessaires pour que lhomme puisse être libre, comment se comporter face à eux ? Quelle est leur position dans le processus de libération de lhomme ?
Le monde recèle dentraves et dobstacles qui, à tout moment, assaillent lhomme, le menacent, tendent à rompre le fragile équilibre dans lequel il est jeté et quil a, de ses propres mains, édifié. Ces obstacles, qui sont autant de barrières pour lhomme, sont perçus par les sens de lhomme : de leur aura émanent des signes, signes que lhomme se doit dinterpréter, de décrypter, de déchiffrer, afin de se servir des obstacles pour atteindre un stade de plus en plus avancé de liberté. Cest là tout le sens du poème « Correspondances » de Baudelaire des Fleurs du Mal : « La nature est un temple où de vivants piliers/Laissent parfois sortir de confuses paroles/Lhomme y passe à travers des forêts de symboles/Qui lobservent avec des regards familiers ». Pour reprendre les termes mêmes de Bacon, lhomme doit se faire «interprète et ministre de la nature », ce nest quà ce prix quil saffranchit des obstacles et en tire profit pour choisir, engager sa conscience souhaitant agir et investir la nature, accéder à la liberté. Devant le foisonnement des signes du monde, lhomme assume sa qualité substantielle dHomo sapiens, cest-à-dire homme contemplatif devant la nature, soucieux dentreprendre à sa guise. Mais lhomme sengage résolument dans laction et non dans quelque attentisme, immobilisme stériles. Les obstacles que le monde offre sont des trésors : ils recèlent de signes, donc de sens, que lhomme se doit dexplorer. Néanmoins, comme laffirme Aristote dans Parties des animaux, « ce nest pas le hasard, mais la finalité qui règne dans les uvres de la nature ». Loin de nêtre quun chemin qui ne mène nulle part, derrière cette exploration, lon pressent quil est autre chose : cette opacité présente des obstacles, par linterprétation humaine, est le foyer certain dune luminosité à venir. Cela nous rend maître de la nature : on en maîtrise les flux, en se plaçant dans un système dinterdépendance et déchanges pour faire corps. Ce déchiffrement, support fragile et objet obscur de la quête humaine, nest pas vain : il lui permet dacquérir des pouvoirs sur la nature, de lanalyser. Autrement dit, en interprétant les obstacles, on se sert des obstacles pour naviguer et se mouvoir à notre gré dans ce monde. « Reculer pour mieux sauter », dirait le sage en nous sermonnant avec ses vieux adages toujours criant de vérité.
Comment engager ce procès de connaissance avec les obstacles pour acquérir, toujours avec plus de vigueur, la liberté jusquà atteindre son stade ultime ? Cest là une tâche difficile et ardue : cela suppose et nécessite des efforts. Car, il faut se détourner des illusions du monde dont on pourrait si facilement se bercer. Brentano, dans Psychologie dun point de vue empirique, prétend que « tout acte mental est caractérisé par la référence à un contenu, la direction vers un objet ». A sa suite, Husserl, son élève, martèlera à tout un chacun que « toute conscience est conscience de quelque chose ». Etre libre, cest donc prendre sa conscience comme moyen dinvestigation pour sadapter au monde. Le processus de clarification passe par la dynamique de lextériorisation, puis à la prise de conscience des autres et des éléments divers du monde comme objets de pensée. En revanche, la conduite la plus mal à propos pour faire face à tous ces obstacles est lévanouissement, cest-à-dire lintériorisation extrême vue comme situation limite de lêtre -, ce moment où je ferme la fenêtre sur le monde par peur, par crainte, par angoisse des obstacles : car, où est la liberté dans ce comportement ? Sartre, dans Esquisse dune théorie des émotions, analyse lévanouissement : on annihile sa propre liberté, cest un processus dévastateur dautodestruction de la liberté. Certes, on prend la liberté de s évanouir, mais cela est fait au détriment de toute liberté daction à venir. Le chemin que lhomme doit emprunter, pour vivre sa liberté comme émancipation, cest donc de prendre les obstacles comme objets de pensée, dengager sa conscience réfléchie dans la lutte, et de faire des choix.
Lon peut aussi, à linstar du génie artistique, bousculer les obstacles, briser les barrières, se délivrer du carcan de règles et de lois qui nous emprisonne. Les obstacles, quoi quil en soit, comme le fait remarquer Wittgenstein dans ses Remarques philosophiques, forment un cadre, constituent un encadrement dans lequel on est libre de se mouvoir : selon lui, ce sont les règles de la grammaire qui confèrent sa liberté au langage. Lon peut cependant briser ce cadre dobstacles, le renverser : lon nannule pas les obstacles, mais lon accomplit pleinement notre liberté humaine dans une dynamique dépanouissement. Cest ainsi quAragon affirme, dans Les Yeux dElsa, « quil ny a de poésie quautant quil y a méditation sur le langage, et à chaque pas, réinvention de ce langage. Ce qui implique de briser les cadres fixes du langage ; les règles de la grammaire, les lois du discours ». Voilà donc lautre attitude possible à adopter face aux obstacles qui, rappelons-nous en, sont nécessaires à la liberté humaine : il sagit, pour laisser place à la fougue de la liberté artistique et humaine, de les rompre. Cest emporté par cette mécanique libre de création que Rimbaud écrit « Mais des chansons spirituelles voltigent partout des groseilles ». Lutilisation de « parmi » eût été grammaticalement correcte, mais le poète, pénétré par la torpeur de la Voyance, viole les règles, brise les obstacles, renverse les barrières. Là encore, les obstacles sont nécessaires à lémancipation, à laccession à la liberté. Au seuil de cette partie, il apparaît clairement quêtre libre, ce nest pas ne pas rencontrer dobstacles. Refuser les obstacles et les difficultés, cest être son propre fossoyeur, cest nier notre liberté. En revanche, on se doit dengager un procès de connaissance face à ces obstacles, de les faire rentrer dans les système du moi, de lassujettir à son emprise, à sa souveraineté. Comprendre lobstacle, cest le réduire puis le classer, le faire entrer dans mon système dinterprétation. Cette interprétation du monde est le fondement cest-à-dire le pilier inflexible et solide de notre liberté. Car, comme le soutient Dilthey dans Le Monde de lesprit, « nous appelons compréhension le processus par lequel nous connaissons un intérieur à laide de signes perçus de lextérieur par nos sens ». Cette interprétation est en outre loccasion pour nous daccroître notre connaissance du monde, ce qui, nous aurons soin de le préciser par la suite, est là encore une nouvelle possibilité daccroître notre liberté.
Quest-ce donc quêtre libre ? Etre libre, cest mettre en marche la puissante machine de la volonté, du libre-arbitre. Pour Nietzsche dans La Volonté de puissance, « la volonté est un appétit insatiable de manifester sa puissance ». Lêtre est en marche lorsquil sest engagé sur le chemin lourd de sens de la liberté, et rien ne larrêtera. La liberté est le reflet de la puissance, on entrevoit ici le jeu de miroirs quil existe entre ces deux concepts. Manifester sa puissance, cest accroître son emprise sur le monde, cest posséder la vie, ce monde, cest percer les arcanes et pénétrer les tréfonds de lunivers. Lhomme na donc de cesse, en prenant en charge le réel, de manifester sa puissance et de cheminer vers une liberté de plus en plus avancée (la liberté ; en effet, nest pas un concept statique). Cest le constat que fait, en quelque sorte, Hans Jonas dans Le Principe de responsabilité : « La cité humaine, jadis une enclave à lintérieur du monde non-humain, se répand sur la totalité de la nature et en usurpe la place ». Lhumanité ne cesse de déborder de ses sphères initiales dinfluence : la quête est lancée, la frontière ultime na de cesse dêtre repoussée. La liberté humaine, face à ce jaillissement limpide et coordonné de puissance, ne cesse de grandir. Lhomme se rend possesseur de la nature : il se rend maître non seulement de sa planète, mais bientôt du système solaire. Force est de constater que le Graal dune humanité qui embrassera lunivers vu comme plénitude, totalité et finalité, qui vivra lavènement de sa liberté de se mouvoir ne cesse de se rapprocher même si, nen doutons pas, ce Graal est un idéal en rupture avec ce que sera la réalité finale, une norme vers laquelle on tendra de façon asymptotique. Par la « volonté de puissance », on se rend possesseur de la nature et, par là même, on coupe court à tout déterminisme nécessité entendue dans son rapport de causalité. En maîtrisant les flux de la nature, en embrassant le monde, on appréhende et on saisit la nature : on la comprend. En comprenant la nature de plus en plus, on se rapproche de lintelligence omnisciente de LEssai concernant les probabilités présentée par Laplace comme étant la substance pleinement libre qui, tant bien que mal, en maîtrisant la nature, a brisé toute chaîne de rétention.
La liberté sinscrit également dans le cadre de la temporalité. Bergson, dans LEvolution créatrice, affirme que « la conscience est un pont jeté entre le présent et lavenir ». Etre libre, cest tirer profit du passé pour construire lavenir en vivant librement le présent. Cest donc placer ces trois « moments » du temps sur un même rapport dinterdépendance féconde. Selon le poète suédois Tranströmer, « Le temps nest pas une distance en ligne droite, mais un labyrinthe, et si on sappuit au mur, au bon endroit, on peut entendre des pas précipités et des voix, on peut sentendre passer, là, de lautre côté. » La liberté apparaît donc comme étant le reflet de la capacité de lêtre à voguer dans le temps. Revenons en aux obstacles. La liberté est un enchevêtrement permanent de choix. Plus ce processus sera maîtrisé, plus lhomme sera libre. Naviguer aisément dans le temps apparaît donc comme étant essentiel : quon se rappelle, à propos des obstacles que lon a aujourdhui à surmonter et qui se sont jadis présentés devant nous, que lon a déjà eu affaire à eux. Cela évitera de réengager le processus de choix quant à cet obstacle : lhomme y gagnera donc en liberté, et ce nest quà ce prix quil atteindra une liberté souveraine. La liberté est un apprentissage permanent , apprentissage par des héritages, des discours, des maîtres.
Etre libre, cest choisir son approche du monde, son approche des obstacles. Néanmoins, lhomme ne peut accéder à la souveraine liberté. Le processus de libération de lêtre est un processus de transmutation de lhomme. Nietzsche laffirme, par lintermédiaire de lincarnation de Zoroastre le prophète dans Ainsi parlait Zarathoustra, « lhomme est une corde tendue entre lanimal et le surhomme, une corde au-dessus dun abîme ». Lhomme cherche le chemin le conduisant à lextrême degré de la liberté. Mais lhomme précède la souveraine liberté, visée comme fin de la quête démancipation, il la précède, la borde, mais sefface devant elle : là où lhomme transcende sa nature par le truchement de lascension de la montagne de la liberté, il nest plus question de lhomme, lhumanité nest plus de mise, il sagit du surhomme. Tout un chacun doit vouloir, dans une dynamique dappétit de liberté, subir cette transformation salvatrice, car cest là que lhomme trouvera le salut. Nietzsche nous somme de devenir surhomme « Lhomme est quelque chose qui doit être surmontée. Quavez-vous fait pour le surmonter ? [..] Le surhomme est le sens de la Terre ».
En définitive, nous pouvons apporter une réponse claire au problème posé. Etre libre, ce nest pas se complaire dans un monde sans aucun obstacle. Vivre dans un tel monde, cest faire le deuil de la liberté car il ny a pas de choix substantiels possibles. Cest aussi, force est de constater, ne pas être fondamentalement libre puisque cest trahir la nature humaine ou, tout au moins, ne pas assumer son essence et ne pas devenir tel que lon veut se forger : nulle liberté de se concevoir, de se construire et donc dagir. La liberté est donc à rechercher au sein dun réel, tel celui qui est proposé à lêtre jeté au monde, qui ne soffre pas à nous dans une facilité illusoire, qui ne se donne pas comme plénitude immédiatement : lon doit, via une activité de médiation, en engageant un processus discursif dinterprétation des signes du monde et du cortège de significations qui en découle, accroître notre connaissance du monde, décrypter les obstacles et les entraves, pour se mouvoir à son gré, plus librement. Lon peut aussi, dans une activité de libération témoignant dune liberté toujours plus profonde, bousculer les obstacles mais ils sont toujours autant de prises possibles sur le réel, dappuis pour maîtriser le monde et sauver sa liberté. La conscience, en tant quinstrument dinvestigation, joue un rôle essentiel dans cette quête : cest grâce à elle que lon décrypte les obstacles, que lon extirpe de leur cur la quintessence qui nous permettra de savoir comment agir dans la plus totale liberté. Au final, quest-ce quêtre libre ? Etre libre, cest tirer profit de la connaissance de la nature et de notre environnement, cest se servir de ce pilier comme tremplin pour voler vers la liberté, tout cela dans une optique de « volonté de puissance » ; la liberté est donc conçue et vécue comme la capacité à sextirper des illusions, à se transmuter en surhomme par le dévoilement, léclaircie du réel. Ce processus sinscrit dans la temporalité. Il nécessite des efforts, et une singulière capacité à se servir du temps.