Pour les conseils méthodologiques, regarde un peu plus bas sur la page précédente...
Pour te mettre sur la voie, voici une introduction très simple, niveau terminale (insuffisant pour une prépa), sur ton sujet : tes pistes sont intéressantes, j'y reviendrai très bientôt...
(*)L’existence apparaît immédiatement comme une condition nécessaire de la vie. En effet, pour vivre, il faut nécessairement exister, c’est-à-dire être là, être présent, présence qui d’ailleurs se constate dans l’expérience. Existence et vie sont deux concepts d’ordre ontologique qui s’opposent au néant (cf. Platon, Aristote, Descartes). Ainsi, même dans le cas de l’hypothèse d’une vie après la mort, qui suppose, comme dans la conception platonicienne, une existence "séparée", c’est-à-dire délivrée de l’obstacle du corps (avec ses passions aliénantes), une existence sur un autre plan de réalité, celui de l’essence, l’être est la condition même de la vie (éternelle), qui apparaît alors comme une modalité de l’existence.
Cependant, si l’existence est la condition nécessaire pour penser la vie, il apparaît aussi qu’elle échoue à définir l’essence même de la vie, à rendre compte avec justesse de sa spécificité. Un être vivant ne se contente jamais de "seulement" exister. En tant qu’il est un être animé, le vivant est mue par un principe de finalité interne (Kant, Critique de la faculté de juger), finalité qui peut être considérée comme une stratégie biologique pour se préserver de la mort. En ce sens, la vie est un processus biologique commandé par le besoin, depuis la nutrition jusqu’à la reproduction.
Mais en définitive, cette valorisation de la vie, aux dépens de l’existence, ne repose-t-elle pas sur une conception étroite de l’existence ? L’existence humaine peut-elle se réduire à la vie biologique ? Pour donner un sens à la vie humaine, ne faut-il pas concevoir une vie spirituelle : exister, consisterait alors à réaliser sa vie, c’est-à-dire, d’abord, à se dégager justement du mouvement mécanique du besoin (cf. Primo Levi) pour pouvoir enfin agir vraiment, c’est-à-dire librement (en assumant ses choix existentiels sans jouer la "mauvaise foi", cf. Sartre, La Nausée, l'Existentialisme est un humanisme) ?
(*) Il semble justifié de rapprocher ces deux concepts, car "vivre" et "exister" renvoient immédiatement au fait d’être par opposition au non-être. Ce sont donc des concepts d’ordre ontologique (du grec onto-logos, étude de l’être) qui s’opposent tous deux au néant. Mais leur appartenance au même domaine ne signifie pas qu’ils désignent la même chose : le minéral existe mais ne vit pas tandis que le végétal et l’animal existent et vivent. Si l’existence est pensable sans la vie, peut-on penser la vie sans l’existence ? Exister désigne d’abord le fait d’être là, d’être présent, présence qui se constate dans l'expérience. Ce qui nous autorise à dire que le soleil existe, c’est sa présence dans le champ de notre perception comme une réalité observable. Dire de Dieu qu’il existe, c’est aussi reconnaître qu’il est là, présent comme une réalité sensible au coeur du croyant. Dire que j’existe, c’est là aussi m’éprouver comme présent dans le monde. J’éprouve mon existence comme une certitude indubitable, comme le dit Descartes, à chaque fois que je pense, car pour penser, il faut bien que j’existe : "cette proposition : je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit" (cf. Méditations métaphysiques, II). L’existence se présente donc comme un concept premier, fondateur, qui rend pensable le concept de vie. Pour vivre, il faut nécessairement exister, être là, à titre de réalité. La vie apparaît donc comme une modalité de l’existence, c’est-à-dire une certaine manière d’exister. Mais si l'existence est une certaine façon de sortir du néant, on peut dire qu'être excellemment un homme, c'est réaliser son essence préalable, c'est-à-dire faire passser à l'acte la forme universelle de l'humain, réaliser en acte les valeurs propres à notre essence d'être humain : vivre selon la raison (cf. Aristote). Selon cette logique, l'existence terrestre n'est qu'un passage : l'âme serait une essence vivante dont la vie serait indépendante de l’existence terrestre. Cette croyance est fondée sur le postulat d’une existence indépendante de l’âme, âme que la mort biologique du corps n’affecterait pas. Epicure rejettera cette idée d’une vie après la mort, en utilisant un argument matérialiste : si l’âme est matérielle, elle est mortelle comme tout corps ; puisque la mort supprime toute forme d’existence, il ne saurait y avoir de vie après la mort. Inversement, Platon, qui présente l’immortalité de l’âme comme "un beau risque à courir" (cf. Phédon), postule une autre forme d’existence pour l’âme après son passage sur la terre, une existence purement spirituelle convenant parfaitement à sa nature immatérielle, à son essence spirituelle. C’est donc parce que l’on croit à une existence possible après la mort, que l’on peut parler de vie éternelle. Inversement, c’est en s’opposant à toute autre forme possible d’existence que terrestre que l’on invalide la croyance en une vie après la mort. Dans les deux cas, l’idée de vie a toujours pour condition décisive l’idée d’existence.
Si l’existence est la condition nécessaire pour penser la vie, cette condition nécessaire est-elle cependant suffisante pour la définir et en rendre compte dans sa spécificité ? En effet, dire de la plante qu’elle vit, c’est reconnaître, en plus de son existence de fait, son essence ou sa nature d’être vivant. Le concept de vie nous renseigne sur la nature de l’être végétal, en permettant de le distinguer, par exemple, de l’être minéral qui existe mais ne vit pas. En revanche, l’existence ne se présente pas comme un concept instructif. Ce n’est pas, dira Kant, un attribut, un prédicat de l’être. "L’existence est la position absolue d’une chose" (cf. L’unique fondement possible d’une démonstration de l’existence de Dieu). Dire que la plante existe, c’est seulement dire qu’elle est "posée" dans l’expérience comme un être réel et non simplement comme un être possible. L’existence n’est pas une caractéristique de la plante qui appartiendrait à sa définition. En effet, que cette plante existe ou non, du point de vue de la connaissance, elle se définira toujours de la même manière. En revanche, dire que la plante vit, c’est attribuer à la plante un prédicat qui permet de la définir. Vivre n’est pas seulement exister : vivre est une modalité de l’existence, une certaine manière d’exister propre à certains existants. Qu’y a-t-il donc dans ce concept de vie qui soit irréductible au concept d’existence ? Parmi les êtres naturels, on distingue les êtres animés (végétaux et animaux) des êtres inanimés (minéraux). Vivre, c’est d’abord être animé par opposition à ce qui est inerte. Etre animé, c’est être en mouvement. La vie se définit par le mouvement. Le mouvement est d’abord une catégorie de l’espace : déplacement du corps, déplacement interne de certains éléments, par exemple la circulation de la sève ou du sang. Mais le mouvement est aussi une catégorie du temps dans lequel le vivant naît, se développe et meurt. Cette dynamique propre au vivant ne consiste donc pas en une animation désordonnée (comme les mouvements des molécules) mais en une animation organisée ou finalisée. Kant, dans la Critique de la faculté de juger, analysera cette finalité propre au vivant qui, à la différence des êtres inanimés ou inertes (du latin, in ars, sans art), se présente comme un être dont l’organisation interne ne peut être pensée que par un principe de finalité interne suivant lequel "tout est fin et réciproquement aussi moyen" (§ 66). Cette finalité peut être comprise comme une "stratégie" biologique par laquelle le vivant cherche à se préserver de la mort. Comme le développe Bichat, "la vie, c’est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort" (cf. Recherches physiologiques sur la vie et la mort). Bichat définit la vie comme une résistance, une lutte en vue de la conservation, de sorte que les différentes parties accomplissent des fonctions qui assurent la conservation du tout. La mort devient ce par rapport à quoi on peut définir cette activité qu’est la vie. Mais la mort n’est pas extérieure à la vie ; elle est déjà à l’oeuvre dans la vie en tant que processus de destruction cellulaire. Exister désigne donc un état, vivre un processus : se conserver, s’accroître, se reproduire, vieillir et mourir. En conséquence et curieusement, la mort fait partie des caractères qui distinguent l’existence de la vie. Seuls, en effet, les vivants meurent ; ce qui possède le faciès même de la mort, comme une pierre par exemple, ne mourra pas, tandis que ce qui présente le faciès de la plus saine et de la plus grande vitalité sera conduit inexorablement à la mort. Telle est la condition même des vivants : "un jour tu es, un jour tu ne seras plus" (cf. Robert Musil, L’Homme sans qualités). L’idée d’existence ne suffit donc pas à exprimer le sens biologique de la vie. Mais ce sens biologique suffit-il, pour autant, à définir la vie de ce vivant original qu’est l’homme ? L’homme ne nous invite-t-il pas à repenser la notion d’existence ?
Message édité par l'Antichrist le 21-10-2009 à 10:01:09