Citation :
Interview avec un anarchiste après l'annonce du résultat des élections
Q : Une réaction à chaud sur le vote de dimanche ?
Avec les non-inscrits, les abstentionnistes et le vote blanc, nous dépassons les 50 des français en âge de voter.
Encore une fois notre mouvement se confirme comme la première force politique du pays, le résultat est donc plus qu'encourageant.
Q : On constate quand même une légère baisse, de plus de 2, de vos résultats par rapport aux élections précédentes.
Même si cette baisse est très faible, nous en prenons acte et allons en analyser les causes pour en tirer les conclusions nécessaires.
Mais n'oubliez pas que nous dénions toute légitimité à l'âge légal requis pour être électeur, et que si l'on prend en compte l'influence grandissante depuis quelques années de nos idées chez les jeunes, cela contrebalance ce recul de quelques points. Mais nous n'allons pas chicaner sur les chiffres, un français sur deux nous accorde sa confiance et c'est cela le message qu'il faut retenir de cette journée électorale.
Q : Vous croyez vraiment qu'un français sur deux est anarchiste ?
Contrairement à beaucoup d'autres mouvements politiques, nous restons lucides et ne cherchons pas à trafiquer la réalité. Qui peut dire combien de votants partagent vraiment les idées des partis pour lesquels ils votent ? Basons-nous sur les chiffres dont nous disposons, le reste n'est que spéculation.
Q : Comment expliquez-vous cette confiance massive des Français à votre égard ?
Les français sont de plus en plus nombreux à vouloir une vraie démocratie et non un simulacre de démocratie. Ils ont compris que la vraie transformation sociale, égalitaire, libertaire, à laquelle ils aspirent ne viendra pas des partis. Ils croient de moins en moins que le système soit réformable. Les français font tout simplement preuve d'objectivité et de bon sens.
Q : Pourtant ces succès électoraux incontestables ne se traduisent pas dans la rue et les luttes, comment l'expliquez-vous ?
Nous sommes les premiers à le regretter, mais nous disons : chaque chose en son temps. Il s'agit pour nous d'arriver maintenant à réintroduire l'idée de lutte active. Nous n'avons pas encore réussi à briser la culture de passivité à laquelle tous les partis de gouvernement travaillent depuis toujours. N'oubliez pas que notre succès de dimanche, nous le devons uniquement à notre travail acharné sur le terrain, car nous sommes les seuls à être totalement exclus des grands médias, et nous sommes les seuls également à ne disposer d'aucun soutien financier pour nos campagnes ; dans ces conditions, que plus de 50 des français soient avec nous est un exploit qui en dit long sur la pertinence et l'influence de nos idées.
Q : Après vos succès électoraux, on vous reproche parfois de vous endormir un peu sur vos lauriers, êtes-vous prêts à assumer vos responsabilités ?
Un français sur deux, la responsabilité est écrasante, c'est un fait. Mais il faut toujours se rappeler que nous ne sommes pas un parti ou un conglomérat de partis. Nous contestons la notion de citoyen mais nous croyons en celle de responsabilité, et chaque être humain a la responsabilité d'agir conformément à ses idées non seulement les jours de vote mais également au quotidien.
Q : Avec environ 5 des suffrages exprimés, la liste LCR-LO fait un vingtième de votre score, est-ce que cela pourrait modifier les relations que vous entretenez avec la LCR ou LO ?
Non, nous n'avons jamais cherché à profiter d'une quelconque façon de notre position hégémonique. La LCR et LO se battent contre les même ennemis que nous. Pour le reste nous avons beaucoup de divergences, et aujourd'hui comme hier, nous restons convaincus que le léninisme et le trotskisme ne sont pas porteurs d'un projet qui correspond à nos idées. Nous sommes par ailleurs enclins à penser que parmi les électeurs de la LCR et de LO tous ne sont pas trotskistes. Mais encore une fois, nous ne voulons pas extrapoler à partir des chiffres.
Q : Avec 20 des français derrière eux, les partis de gauche semblent destinés à revenir au pouvoir, qu'en pensez-vous ?
Cette parodie de démocratie est ainsi faite qu'on peut arriver au pouvoir même avec 10 seulement de français derrière soi. Nous, nous refusons tant le pouvoir que la dictature des majorités ou des minorités. Que les partis dits de gauche reviennent un jour au pouvoir est une évidence, ils y resteront quelques années, puis la droite reviendra, et ainsi de suite.
Q : Ainsi de suite jusqu'à la fin des temps ?
Sûrement pas, mais cela continuera encore un moment puisque, comme je vous le disais à l'instant, il nous reste encore à faire passer du soutien passif au soutien actif ces 50 de français qui sont avec nous. Nous progressons dans cette direction mais nous savons que cela peut être encore assez long.
Q : Un mot sur la remontée du PC ? Vous chassez un peu sur ses terres parfois, non ?
Nous n'avons pas, et depuis longtemps, de très bonnes relations avec les partis communistes en général. La remontée du PCF est à la fois une bonne nouvelle, car elle confirme la volonté de changement du peuple, et une mauvaise nouvelle, car elle indique que quelques français, qui sont sûrement sincères dans leur désir de transformation radicale de la société, croient encore que voter pour le parti communiste peut faire avancer les choses. Un parti qui n'a pas de programme et avec un bilan pareil au gouvernement, ça devrait pourtant susciter des hésitations.
Nous ne chassons sur les terres ni du PCF ni de personne. Pour le PCF, nous laissons le soin aux trotskistes de s'en occuper. Mais il est vrai que d'élections en élections, les communistes qui nous rejoignent sont de plus en plus nombreux, et sans que nous n'ayons besoin de partir à la chasse.
Q : Un mot sur le second tour ? Pas d'appels à voter contre le FN ? Le danger fasciste ne vous effraie pas ?
Les anarchistes n'ont de leçons à recevoir de personne en matière de lutte contre le fascisme. Nous avons toujours été les premiers à combattre le fascisme sur le terrain. Et si, depuis que l'anarchisme existe, il a toujours été violemment réprimé par les fascismes de tous bords, il y a de bonnes raisons à cela. La lutte contre le fascisme ne se fait pas dans les urnes. Et puis, même si c'est de la spéculation, nous considérons que sur les 8 de français qui votent pour l'extrême-droite, beaucoup moins en partagent vraiment les idées, un gros quart de ces votants-là tout au plus.
Q : Un dernier commentaire sur les élections ? Quels sont vos objectifs électoraux pour l'avenir ?
Dans quelques années nous aimerions passer la barre des 70 de Français en notre faveur. Nous n'en sommes plus très loin et nous sommes raisonnablement optimistes. Mais encore une fois les élections ne nous intéressent pas particulièrement, elles ne sont pour nous qu'un indicateur de l'état d'avancement de nos idées dans la société.
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