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Einstein était-il un plagiaire ? (Jean Hladik, Comment le jeune et ambitieux Einstein sest approprié la relativité restreinte de Poincaré, Ellipses, 2004) De récents ouvrages ont permis de lever l « occultation » volontaire par certains historiens de la physique du rôle de Poincaré dans la naissance de la théorie de la relativité restreinte. Nous nous proposons, dans ce premier post, dillustrer les différentes étapes de largumentation dun de ces « nouveaux » historiens. Il faut tout dabord constater, simplement, lantériorité des travaux de Poincaré sur les recherches dEinstein : « Entre 1898 et début juin 1905, Poincaré a publié toutes les hypothèses et les formules fondamentales formant la base de la Relativité restreinte. Poincaré est donc bien le fondateur de cette théorie. » Il faut ensuite constater loccultation, par Einstein lui-même, des sources de sa « découverte », afin de sapproprier les découvertes de ses prédécesseurs : « Dans son article, Einstein, ne mentionne aucune référence, ni aux travaux de Poincaré, ni à ceux de Lorentz, alors quil les connaît parfaitement. » « Ceci fut dit en 1922, et il y avait déjà dix ans que Poincaré était décédé. Ainsi Einstein lenterrait une nouvelle fois en prenant à son compte ce qui avait été publié par Poincaré longtemps auparavant. » « Tel quil est présenté, larticle dEinstein serait certainement refusé de nos jours par tous les journaux scientifiques car il ne cite aucun des travaux antérieurs auxquels il emprunte des idées et des résultats. » Il faut enfin constater quil sagissait dune stratégie délibérée de la part dEinstein pour assurer les bases futures de sa propre carrière : « Par contre, on ne peut pas mettre au crédit dEinstein quil eut jamais la moindre reconnaissance envers Poincaré. Il fut au contraire dune ingratitude la plus noire. Après sêtre approprié les idées et les recherches de Poincaré, Einstein ne mentionnera jamais les publications de Poincaré dont il sétait servi. Evidemment, le jeune Einstein nallait pas se dévaloriser lui-même en révélant à tout venant quil sétait entièrement inspiré des idées de Poincaré. Il fallait absolument que la relativité restreinte lui permette dassouvir son ambition : devenir professeur duniversité. Des différents articles quil avait publiés, cétait en effet le seul pour lequel quelquun manifesta assez rapidement un certain intérêt. » Selon Jean Hladik, cette « escroquerie » aurait été motivée par la quasi certitude dune totale impunité : « Einstein sait quil na pas grand-chose à perdre en reprenant à son compte les travaux de Poincaré. Les textes de celui-ci sont en effet épars et certains sont largement oubliés. Sans doute Einstein sait-il que cest une escroquerie de ne pas rappeler lorigine des travaux dont il se sert, et il en ressentira peut-être un certain malaise toute sa vie. » Pour Jean Hladik, « lhistoire des sciences est sujette à révision comme le sont plus ou moins régulièrement divers domaines de lhistoire des hommes. » Le but de son ouvrage est donc « douvrir un procès en révision du jugement des historiens des sciences sur la paternité de la Relativité restreinte. » Le procès a eu lieu et le verdict est sans appel : Einstein sest rendu coupable dimposture. Le mythe a vécu. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Nous avons précédemment fait état du livre de Jean Hladik dans lequel il est démontré comment Einstein sest approprié les travaux de Poincaré. Une incertitude demeure sur le rôle exact dEinstein dans cette « machination ». Un autre historien des sciences, Jules Leveugle (La Relativité, Poincaré et Einstein, Planck, Hilbert, LHarmattan, 2004), a défendu une thèse originale selon laquelle une partie des physiciens et mathématiciens allemands, en particulier Planck et Hilbert, ont décidé docculter le travail fondateur de Poincaré dans la découverte de la théorie de la Relativité restreinte. Ce nationalisme sest exprimé à travers une véritable falsification de la genèse de cette théorie. Dans ce scénario, Einstein ne serait même pas lauteur du fameux article « fondateur » de 1905 sur lélectrodynamique des corps en mouvement. Larticle en question aurait été compilé par dautres et Einstein se serait contenté de le signer. Le choix dEinstein pour la signature serait dû, vraisemblablement, à Planck et Minkowski et les raisons de ce choix seraient inavouables : « Dautres arguments étaient favorables au choix dEinstein. Il fallait en effet prévoir quaprès la parution de cet article, des accusations de plagiat pourraient être portées contre son signataire, étant donné le prestige quavait Poincaré en Allemagne. Si ce signataire avait été membre dune université allemande, ses collègues auraient été mis dans une situation délicate. Ou encore si Poincaré avait reçu un soutien officiel français, le gouvernement de Berlin aurait pu être embarrassé, dans la situation de grave tension où il se trouvait alors avec Paris. Or Einstein présentait le grand avantage de ne pas être membre dune université allemande, et de ne plus avoir la nationalité allemande, ce qui était connu de Minkowski. Il était, grâce à Planck, un honorable Mitarbeiter des Beiblätter. Et enfin, ayant publié des articles de bonne apparence dans les prestigieuses Annalen, Einstein pouvait paraître à ceux qui connaissaient mal les sujets qui y étaient traités comme capable davoir écrit larticle fondateur. » Dans cette hypothèse, Einstein naurait été quun opportuniste prêt à profiter du travail dautrui pour sapproprier une gloriole imméritée : « Quant à Einstein sa situation était alors médiocre. Ses articles de thermodynamique navaient eu aucun écho. Il savait que son article sur le quantum ponctuel de lumière devait susciter chez les physiciens informés un silence réprobateur. Le rôle qui lui était proposé était pour lui une chance inespérée. On voit comment il est entré dans un tourbillon dont il nest plus jamais sorti. » La raison dêtre dune telle machination serait un « nationalisme déchaîné » justifiant toutes les manipulations : « De toute façon, Einstein était préférable à Poincaré, car il ne pouvait porter ombrage ni à Hilbert ni à Planck, et il se trouvait et devait rester dans la sphère germanique. » Il est encore temps, un siècle plus tard, de rendre un juste hommage à cet immense savant que fut Henri Poincaré (1854-1912) en lui restituant, enfin, la paternité de sa découverte. Henri Poincaré fut le digne représentant de la science française. La théorie de la Relativité restreinte est sa création et cest aux historiens à le faire, enfin, savoir.
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