SUR LA CRITIQUE
« Le critique est un homme qui sait lire et
qui apprend à lire aux autres »
(Sainte-Beuve)
Avant propos.
Il y a bien longtemps (en 1949), la critique n’avait pas été très tendre avec une œuvre de Sacha Guitry lequel réagit en publiant un texte intitulé : « Réponse à la vieille carne ».
Ce n’est certes pas ce genre de critique dénigrante partiale et agressive qui présente un quelconque intérêt, mais seulement la critique dont les arguments reposent sur des critères objectifs.
Je me limiterai donc à la critique scientifique qui présente plus d’un point commun avec la Méthode scientifique.
Le raisonnement.
Ses critères.
Un texte critique repose sur un raisonnement construit sans ambiguïté et dont sa logique doit être sans faille. Ce raisonnement doit donc s’appuyer sur des faits réels et perçus comme tels par tous.
Tout raisonnement valable se doit d’être objectif et donc de faire abstraction des opinions de son auteur.
Le raisonnement doit aussi lier ces faits par une suite de déductions irréfutables. En conséquence de quoi, tout raisonnement digne d’intérêt doit respecter les règles de la logique, par exemple être cohérent et non-contradictoire.
Ses sources.
Ce sont les faits sur lesquels repose le raisonnement critique.
Ces sources sont de nature multiples : factuels, des résultats entérinés comme justes par la communauté, des données dûment vérifiées par l’auteur de la critique, et étrangères à tout ajout subrepticement introduit dans le discours.
Son examen.
Bien entendu, la communauté ne peut accepter sans contrôle strict tout texte critique. C’est ce que l’on appelle le « droit de réponse », ce qui suppose que l’auteur du texte critique accepte qu’il puisse être critiqué à son tour.
La critique et la maîtrise de la langue.
Il est évident que pour qu’un texte puisse être discuté, encore faudrait-il que son auteur l’écrivît dans une langue précise et respectueuse de son orthographe, de sa grammaire et de sa syntaxe et bien entendu dépourvue de toute ambiguïté voulue ou involontaire. Enfin, un style fluide encourage sa lecture.
Je n’insiste pas. Sainte-Beuve a tout dit.
La critique et les trucages.
La critique est indispensable pour dénoncer les trucages ou les auteurs malhonnêtes auprès de lecteurs trop crédules, lesquels, bien souvent, croient ce qu’ils ont envie de croire. Bien entendu, on peut faire entrer dans ces trucages les fausses sciences dont se repaissent les naïfs.
Il semble bien que le premier exemple célèbre de trucage soit « l’affaire Lyssenko » montrée comme « l’épisode le plus étrange et le plus navrant de toute l’histoire de la Science » (Jacques Monod, prix Nobel de médecine).
Bien sûr, la critique se déchaîna contre cette supercherie mais, curieusement ne semble pas être aussi connue qu’elle le mériterait.
Il en est de même dans une affaire plus récente, celle de « la mémoire de l’eau », triste tentative de sauver l’homéopathie. Quel gâchis ce dérapage alors que Benveniste fut un biologiste réputé. Ce fait est rare mais malheureusement non unique …
Mais le besoin de croire l’emporte chez certains malgré une critique saine et irréfutable.
Et que dire de la médecine « Ayurvédique » qui date du Ayurveda (आयुर्वॆद), un des quatre vedas, publié en Inde 2000 ans avant J.C et qui compte des adeptes encore de nos jours ? Quand on sait qu’un des ingrédients qui entrent dans la composition des médicaments de cette médecine est le mercure …
On peut s’interroger sur les causes du succès de ces trucages et fausses sciences. Je crois pour ma part que cela provient du fait qu’il faut comprendre les textes critiques ayant montré les supercheries et, bien souvent, les crédules manquent de connaissances pour apprécier la valeur de ces critiques et les charlatans en profitent.
Cela est surtout vrai dans le cas des ouvrages de charlatans annonçant par exemple l’arrivée de la « médecine quantique » ! Comment en effet prouver la supercherie à des profanes ne connaissant pas un mot en mécanique quantique ni en médecine ?
La critique face aux opinions
Dans sa « Critique de la raison pure », Emmanuel Kant distingue le « jugement de réalité » appelé aussi « jugement de fait », et le « jugement de valeur ».
Comme il semble évident qu’il existe autant de jugements de valeur que d’individus, toute critique ne peut que se traduire in fine par une polémique stérile et donc sans intérêt.
De plus, les opinions toutes faites conduisent tout droit à une inévitable fatalité. La politique en donne un bon exemple. Quoi que fasse ou dise le parti BLEU, le parti ROUGE, anti-bleu par définition, se déclarera systématiquement contre et inversement.
Quelques mots sur la critique artistique. Cette critique est vaine car il n’existe pas de critère pour trancher entre les différents jugements ! Par exemple, à quel critère les admirateurs de Picasso se référent-ils pour justifier les « portraits » inattendus peints par Picasso, pour lesquels on ne sait s’ils relèvent de l’ophtalmologie ou de la psychiatrie ?
La critique et le « bon sens" populaire.
Ceci juste pour conclure avec un sourire.
« Tel père, tel fils » mais : « A père avare fils prodigue ». (sans commentaire)
« On ne peut ÊTRE et avoir ÉTÉ ». Eh bien SI ! Si on EST c’est que l’on a nécessairement ÉTÉ.
« La Liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres ». Bien. Mais, symétriquement, j’ai le droit d’en conclure que la Liberté des autres s’arrête là où commence la mienne.
« Merci d’avoir été notre invité » La stupidité de cette formule dispense de tout commentaire.
« A l’insu de mon plein gré ». Le déclin de notre langue en est-il arrivé là ?
Etc.
« Il y a pire que le doute : C’est la certitude. »
(Friedrich Nietzche)