Bonjour. Je me présente sous le pseudo "fan-taisy", j'ai 17 ans, de nationalité belge et j'aime passer mon temps libre à écrire des nouvelles. Ne sachant pas où les poster, j'ai créé ce topique dans l'espoir que vous me les critiquiez ou du moins me disiez ce que vous en pensez, vos impressions. Je suis bien entendu apte à toute critique positive ou négative autant qu'elle soit argumentée et constructive. Je vous remercie d'avance et vous souhaite une agréable lecture (Je l'espère).
Voici ma première nouvelle, Pleurer le clown qui rit, une sorte de satire sociale dans un futur que je vois très pessimiste. Selon vos commentaires ou impressions, je me déciderai à poster ou non une autre nouvelle...
Bonne lecture à tous.
Pleurer le clown qui rit.
Connaissez-vous lexpression : « Pleurer le clown qui rit. » ?
Non ? Mmm, peut-être parce que ce nen est pas une finalement, peut-être
En fait, je viens juste de linventer, couché sur mon misérable lit sans vie, pris par un froid glacial qui recouvre mes pieds pour sétendre peu à peu à travers la couverture sur mes jambes, mon ventre, ma tête
Je fixe le plafond dénué de toute expression, vierge de couleur, de bonheur
Incapable de trouver le sommeil, je repense à cette triste fin de journée qui avait pourtant si bien commencée
Etendu sur ce lit, je pleure le clown qui rit.
Au matin de cette inoubliable journée, le soleil se leva tôt sur la rue Brassin. De multiples rayons lumineux frappèrent à chaque porte ; la rue, tantôt sombre et effrayante, semblait avoir retrouvée une seconde jeunesse, celle du temps où la pollution navait pas encore dévasté le climat, où la chaleur de lété faisait sortir tous les enfants dans la rue et verdissait les jardins dans lesquels les voisins pouvaient à leur guise se rassembler et trinquer à la paisible vie quils menaient.
Cen était fini de tout cela, les pluies diluviennes qui sabattaient maintenant plusieurs fois par semaine, le jour comme la nuit, lété comme lhiver, avaient rendu le quotidien pauvre et bancal. Malgré toutes les installations mises en place pour prévenir des inondations, chacun senfermait chez lui et évitait tout contact avec lextérieur sauf pour le travail «manuel » et les achats dans les grands magasins qui se multipliaient dans tout le royaume. Bien entendu, tous les spectacles, animations de rue et fêtes foraines étaient de plus en plus désertés puis supprimés.
Les rayons pénétrèrent dans une petite pièce misérable composée dun petit lit crasseux qui faisait le coin et dune unique table poussiéreuse sur lequel traînait un ordinateur dun autre siècle. Jonathan séveilla brusquement, lair pantois. Le visage pâle et malade, les yeux cernés, le jeune homme se redressa sur son lit et fixa la fenêtre de sa chambre dépourvue de rideaux. « Le soleil
» Réjouis, il se changea en vitesse, jeta ses sous-vêtements usés en vrac sur le lit et sortit de la pièce en claquant la porte.
Quelques jours auparavant, il avait remarqué une petite affiche entre deux publicités Coca-cola, la plus puissante multinationale du monde qui contrôle les plus gros marchés du royaume. Elle annonçait :
GRANDE REPRÉSENTATION DU CIRQUE DES CLOWNS
Du 14 au 28 mai par la troupe PROFESSIONNELLE,
LES MÉMORABLES « RIRES » OUBLIÉS
Tous les jours, de 14 à 18 heures
AU CENTRE CULTUREL DE SERAING.
PRIX : 15 yens
MERCI ET VENEZ NOMBREUX !!!
Surpris et amusé par cette drôle affiche jaunâtre qui contrastait parfaitement au milieu des magnifiques publicités, Jonathan sétait promis daller voir le spectacle si le temps le permettrait. Visiblement, cétait le cas.
Vêtu dun simple short dété et dune chemise blanche chiffonnée, il avait tout de même pris la précaution demporter avec lui un gros pardessus noir quil tenait fermement dans sa main droite. Le jeune homme se dirigea dun pas sûr vers la gare routière en repensant à la petite affiche qui lavait marqué. « Des clowns
Jen ai beaucoup entendu parler dans mes leçons dhistoire sociale à la fac. Des être grotesques qui se trémoussent devant un public pour les faire rire et oublier les tracas quotidiens. Très bonne idée ! Et ce «rires oubliés» évoqué pour la petite touche dhumour... Ça me rappelle une discussion tenue dans le célèbre forum "hardware"
Vraiment, ça promet ! » (Dans quel topique du forum, alors là, faut pas me le demander...)
Arrivé à la gare, Jonathan fit les cents pas devant larrêt n°2. Il observait des carcasses de bus en rouille, situées tout le long du mur central, datant de lavant-guerre économique, après quoi ceux-ci, jugés trop peu rentables, furent remplacés par des automates-taxis personnels qui permettaient daller beaucoup plus vite et de sarrêter exactement à lendroit voulu.
Pris dans ses rêveries, il navait tout dabord pas remarqué que lun deux venait de stationner devant larrêt. Il eut tout juste le temps de verser les 10 yens dans la portière, de monter en vitesse dans lauto-taxi et de prononcer maladroitement « Centre culturel, Seraing. Et faites vites ! » avant que lengin ne démarre.
Le trajet fut rapide. Jonathan contemplait dun regard distrait les files de maisons et les jardins sans vie qui les accompagnaient, des mottes de terre posées pêle-mêle sur le sol dû aux nombreuses pluies incessantes. Une agitation inhabituelle régnait toutefois dans les rues ; de nombreux enfants samusaient sur les trottoirs : ils jouaient à cache-cache, escaladaient les façades dimmeubles en ruine
« Ça
Quand un soleil éclaire notre vie, tout est toujours plus joyeux ! » Il sourit discrètement à la vue de tant de joie.
Lauto-taxi fit soudain un brusque changement de direction et sarrêta devant un sinistre établissement. La portière souvrit et Jonathan séclipsa à lextérieur, avant la fin du discours de la célèbre et énervante voix qui annonça dun air enjoué : « Centre culturel, Seraing. Merci davoir choisi le moyen de transport Coca-cola, certifié pour sa sécurité (
). Passez une agréable journée ! »« De même pour vous » ajouta ironiquement le garçon pendant que la machine repartait au sens inverse.
Laspect misérable de létablissement choqua tout particulièrement Jonathan. Même le soleil ne parvenait pas à donner un peu de couleur à la façade grise et peu accueillante. Une pancarte sur le dessus, écrite en hâte, affichait : CIRQUE DES CLOWNS.
« Bon, suis arrivé
» Il gravit les quelques marches et pénétra à lintérieur. Un petit corridor donnait à une vaste salle peu éclairée. Assise sur un banc, une vieille dame faisait des mots-croisés près du guichet, au centre de la pièce. Un escalier, au coin, menait à une porte noire.
La femme leva les yeux et sadressa à Jonathan dune voix grinçante.
- Je peux vous aider ?
- Ha, euh, oui. Je viens pour le spectacle. Euh, cest bien ici ?
La vieille dame se radoucit et répondit.
- Oui, oui. Excusez-moi. Cest quon na pas eu beaucoup de visiteur depuis
On a pas mal dennuis et
Enfin bref, cest 15 yens. La représentation commence dans dix minutes. Voici votre ticket.
Mal à laise, Jonathan tendit la monnaie et prit le ticket en échange.
- Euh, ha oui. La porte en face de lescalier. Placez-vous où vous voulez.
Le garçon monta les escaliers.
- Et, euh, bon spectacle !
Derrière la porte, une petite salle partiellement éclairée, daspect miteuse, dont les sièges, installés façon pièce de théâtre, étaient dirigés vers la scène, surélevée. Il y régnait une étrange atmosphère, vide
Une trentaine de personnes tout au plus remplissait la salle. Jonathan sinstalla à une place, dans la rangée du milieu. Au bout dun quart dheure, un homme apparut sur la scène. Visiblement mal à laise, il lui fallut quelques minutes pour se décider à se montrer plus clairement. Enfin, il avança au centre de la scène et, éblouit par la lumière, salua maladroitement le public.
« Bonjour, bonjour ! Bienvenue au merveilleux, au prodigieux, au fabuleux, au magique, au magnifique
cirque des clowns ! Une pause, quelques applaudissements polis- Oui, euh bon, faut vous avouer que jexagère un peu, juste un rien, mais bon...On n'est pas vraiment des clown,quoi
Ben oui, on n'est qu'une bande damis, juste pour samuser, on sprend pas la tête. Quoique des fois
-Un petit coup dil derrière- Y en a, dans la troupe je parle, qui devrait sen servir un peu plus, de leur tête
On est pas sérieux, ok. Mais, à ce point là ! Vous vous imaginez ! Comment peut-on attirer quelquun avec une bête affiche comme ça ! Même pas un clodo en voudrait ! -Un petit regard dans ma direction, moi ?- Ha non, tiens, javais tort... Une pause, des sourires dans ma direction- Oui, mais lpire cest quil n'y a pas que laffiche qui va pas, je serais contant si cnétait que ça ! Mais, vous avez pas vu la vieille pie qui vend les tickets ! Qui a eu lidée dlengager celle-là ? Avec sa ptite humeur de vieille sorcière ! Pas moi, en tout cas ! Enfin, je crois
Euh, mais vous lui dites pas, hein ! Déjà qujai des problèmes avec les autres
Si en plus ils savaient ça
-Une pause, il réfléchit- Je msuis écarté. Désolé. Vous nêtes pas là pour ça. Non, vous venez pour rigoler
-Un petit sourire ironique - Et bien, vous ne serez pas déçus. Ha oui, on rigole, mais on smoque pas ! Non, mais ! Suis-là quje vois qui smoque -Il sort un petit objet rond, rouge- Vous avez compris...
La porte du dessus souvre brusquement. Sous la lampe du projecteur, la vieille dame du guichet savance, furieuse. -Mince, elle la entendu, il parlait trop fort !
- Non, mais quest-ce que tu fous ! Ça te va bien de traiter les gens de cette manière !
Lhomme étourdi, apeuré.
- Non, non jtassure, cétait quune blague, jte jure ! Dites-leur vous !
Vlam, du liquide coule de sa joue, rouge -du sang ? Je me lève, je fais quoi ?- Vlam, une autre lancée !
- Ça tapprendra, tu vas voir de quel bois je me chauffe, moi !
Encore, je reste debout, quest-ce que je fais ! Je regarde les autres spectateurs, une petite fille rit. Elle rit ? Ha ok, compris ! Je ris aussi.
Et paf, cétait parti pour trois heures de délire, de lancée de tomates, de fou rire, de dialogues somptueux à tomber par terre, de quiproquos époustouflants
A la fin de la pièce, Jonathan était bien heureux davoir pensé à prendre son pardessus. « Au moins, il maura servi. » pensa-il en quittant le centre culturel, euphorique.
Jamais encore il navait connu un tel détachement. Autant quil sen souvienne, cétait la première fois quil riait, quil éprouvait une réelle envie de samuser sans penser à la misère qui lattendrait le lendemain. Et il en était reconnaissant, au plus profond de lui-même, reconnaissant. « Quel bonheur quun clown qui rit ! »
Jonathan navait pas lintention de rentrer, pas après ce choc quil avait subi. Il prit à droite et laissa vagabonder son esprit. Chaque pas lui était maintenant précieux. Il savait, il avait enfin appris à apprécier. Une éphémère rencontre, la musique dun matin, le chant dun oiseau et, enfin, la vie sécoule tel un fleuve dans locéan des rêves. Mais, il savait aussi, car la réalité du monde apporte le malheur dun rêve heureux, il savait quautant le matin se lève par la tiédeur du soleil, autant la nuit sannonce froide et solitaire, jamais plus il ne serait heureux
Porter par ses réflexions, il se laissa guider par le cheminement des trottoirs, des ruelles sombres, des jardins publiques. Il marchait sans but ni espoir. Il marchait parce que cétait la destinée de tout homme sur terre : tracer son chemin et le suivre sans repos. La lumière du soleil déclinait peu à peu. Des zones dobscurité se formaient devant lui. La chaleur des rayons ne parvenait plus à contrer le froid de la fin journée, ce froid qui sinstalle dans la chair par les fissures du cur. Le garçon senveloppa de son pardessus taché et débarqua sur une place.
De hauts bâtiments en ruine lentouraient de leur ombre menaçante. Au centre, une ancienne fontaine aux dimensions disproportionnées trônait tel un drapeau sur la plus haute tour du château. Quelques personnes étaient assises sur le trottoir, en face de la plus haute bâtisse qui nétait autre que la Maison Communale. Une petite épicerie, à gauche, attira Jonathan. Il sassit sur une chaise devant la terrasse et se laissa aller à rêvasser.
Au bout dun certain temps, des bruits de pas se firent entendre de lautre côté de la place. Intrigué, Jonathan contempla attentivement, une dizaine au début, puis une centaine de personnes débarquer en masse. Certains portaient des bannières accrochées sur un bout de bois, dautres levaient furieusement leurs bras en signe de colère. Ils se dirigèrent dun pas féroce devant la préfecture et entamèrent une ronde tout autour. « Ben oui, la journée avait trop bien commencé
» pensa tristement Jonathan en observant la foule de gens en colère qui continuait de sagrandir.
Un petit toussotement, derrière lui, attira son attention. Un homme chauve, ridé se tenait devant la porte de lépicerie et observait le sinistre spectacle de ses yeux pénétrants. Il savança à côté de Jonathan.
- Excusez-moi, M. Que se passe-t-il sil vous plaît ?
Le vieil homme fixa Jonathan de ses yeux plein de malice.
- Tiens, tiens. Tu nes pas dici, toi ! Il sagit, mon petit, dune révolte contre lEtat, contre toutes les injustices et les misères de ce monde ! Cette vie nest plus tolérable ! Cest contre le gouvernement quil faut se battre ! Il faut faire quelque chose, et vite !
Il tira un gros cigare de sa poche et le mit dans sa bouche.
- Un ptit ?
- Euh, non, non, merci.
La foule de coléreux grossit encore, on pouvait maintenant entendre des slogans : « A bas lgouvernement ! Une vie pour nos enfants ! » se chanter en chur.
Le vieux sassit sur une chaise. Un petit rictus lui ridait le visage.
- Et, mon ptit, tu trappelles de la chanson, « Respire » Hé, hé, tu vas pas mourir de rire
La seule différence Il approcha son visage de Jonathan- cest quon a encore nos deux yeux sur la tête ! Il était pris dun fou rire.
- Euh, celle dont lauteur sest pendu ?
- Oui ! Hé, il a oublié de respirer ! Ha, ha !
La manifestation avait atteint son apogée. Toute la place semblait trembler devant les hurlements des gens. Soudain, une fanfare sonna au coin de la place. Des individus déguisés débarquèrent. Ils tapaient sur des tambours, jouaient avec des pétards, lâchaient des ballons de toutes les couleurs qui senvolèrent dans le ciel. Le garçon assista à létrange scène, amusé.
Ce ne fut pas le cas de la foule... Tous huaient les pauvres clowns qui tentaient damener un peu de joie sur la place. Ils leurs jetèrent des pierres, leurs crachèrent dessus, le tout ponctué par des gestes grossiers. « Partez, vieux fous ! Comment vous voulez quon se fasse prendre au sérieux avec vos pitreries ! » Jonathan resta stupéfait.
- Grotesque ! Lança le vieux en expirant un considérable tas de fumée.
- Pourquoi ça ? Répliqua Jonathan, médusé. Ils essayent juste dapporter un peu de joie dans leur cur !
Le vieil homme sourit ironiquement.
- Et tu crois vraiment que cest dun peu de joie quon a besoin ? La vie est triste mon petit ! Cest comme ça et on ny peut rien ! Paraître heureux juste pour quelques instants dans une vie misérable, tu crois que ça apporterait un vrai changement ? Ha ! Tu es encore jeune mon petit, mais tu vas bientôt comprendre. Tu sais quoi, jtaime bien. Oui, je te le jure ! Tiens, pour ta peine je vais toffrir un verre gratuit ! Mais, un seul, hein !
Le vieux se leva de sa chaise, fit une tape sur le dos de Jonathan et, tout en se serrant les côtes pour sempêcher de rire, rejoignit son épicerie.
La pluie qui sabattait maintenant en trombe sur la place effaça les dernières taches de tomate qui restaient encore accrochées sur le pardessus du garçon.
« Enfin, lança Jonathan dans un dernier soupir en regardant un petit garçon lancer une pierre qui alla se fracasser dans une fenêtre de la préfecture, çaura été bien le temps que ça a duré
»
Message édité par fan-taisy le 01-05-2006 à 12:13:37