BoraBora a écrit :
En France en 2006, 1 100 livres ont été publiés par semaine, en moyenne.
La bonne nouvelle qui découle de cette surproduction démentielle (et qui continue de croître), c'est qu'il bien plus facile de se faire éditer aujourd'hui qu'il y a 10, 20 ou 30 ans. Cela tient surtout aux techniques d'impression qui ont permis de faire des petits tirages plus rentables et ont permis l'émergence d'une multitude de petits éditeurs (je rappelle : plus de 1 000 actuellement en France).
La mauvaise nouvelle, c'est que le problème s'est maintenant déplacé sur la visibilité des livres :
1 - Les petits éditeurs distribuent leurs livres à la mano. On prend la voiture et on démarche, tout à la fois commercial et livreur. Sachant qu'un petit éditeur n'emploie que rarement plus d'une personne pour faire ce boulot (quand ce n'est pas le boss lui-même, seul employé de la boîte), on conçoit aisément que seule une poignée de librairies auront le titre. Presque personne n'entendra parler du livre, puisque la seule source d'information sera ce fameux commercial, qui ne s'adresse qu'aux professionnels, et de surcroît à très peu d'entre eux. Evidemment, la grande distribution et les maisons de la presse ne seront même pas démarchées.
Très peu de gens auront l'occasion de voir le livre, donc d'éventuellement l'acheter. Et ce dans un panel déjà très limité d'acheteurs de livres (1 Français sur 2 ne lit rien), et qui plus est dans une toute petite fraction de ce panel (les femmes qui ont perdu un enfant et ont envie de lire un livre sur ce sujet).
2 - Une fois un livre mis en place en librairie, il ne va pas la garder longtemps, cette place. On parle souvent de la durée de vie d'un livre qui serait de 90 jours. Parce que 3 mois est le temps minimum que doit attendre un libraire pour renvoyer ses invendus. C'est faux pour deux raisons.
D'abord parce que ce délai obligatoire de 90 jours est une légende. La SODIS (groupe Gallimard) pratique le 30 jours. Volumen (groupe Seuil) et Union Distribution (groupe Flammarion/Actes Sud) obligent à une autorisation de retour, et reprennent de ce fait n'importe quoi de n'importe quelle date. Interforum (groupe Presses de la Cité) et Hachette ne vérifient rien. Aucun libraire n'attend plus de 30 jours pour renvoyer les titres invendus qu'il ne tient pas à garder.
La deuxième raison, c'est que la durée de vie d'un titre dépend de la volonté du libraire de le réassortir. Si le titre est vendu dans la semaine, celui-ci n'aura pas forcément envie d'en reprendre un exemplaire. Et il se trouve que pour beaucoup de titres, en particulier la majorité des ouvrages non fictionnels, c'est ce qui se passera. Tout simplement parce que la semaine suivante lui arriveront 100 nouveaux titres. Donc dans cet exemple, le bouquin aura eu quelques jours de "vie" seulement (dans le sens "présentation au public" ).
On en est à un point où la surabondance de titres et de médias prescripteurs est telle que beaucoup de livres n'ont que quelques heures de vie, au mieux 3 ou 4 jours. L'exemple type est une bonne critique dans Le Monde, qui précipitera des acheteurs dans les librairies au retour du boulot, après avoir lu l'article dans les transports. Le lendemain ? Terminé. Celui qui s'était dit "Tiens, ça a l'air intéressant, je vais me l'acheter" mais ne l'a pas fait aura entendu une bonne critique sur France Culture en prenant son petit déj' et aura envie de ce livre, et plus de celui d'hier. Et le matin recommencera le même manège chez le libraire : 5 personnes lui demanderont le livre (alors qu'il n'en avait qu'un exemplaire, voire aucun) avant midi. L'après-midi, terminé, on est déjà passé à autre chose. On peut remplacer Le Monde par "20 minutes" et France Culture par Canal+, évidemment. Ce n'est pas une question de qualité du média ou de la prescription, c'est une conséquence de la surproduction de titres.
L'une des corrolaires de cette situation, c'est qu'un livre qui n'est pas arrivé chez le libraire la veille des articles/émissions est mort-né. Or je vois tous les jours des gens nous demander des ouvrages qui ont été recommandés sur XXX ou par YYY, et qui ne sont pas encore sortis. Quand ils arrivent enfin, 2 ou 3 jours après, c'est fini, ils sont bons à renvoyer. Un cas extrême : j'ai discuté il y a quelques semaines avec l'auteur d'un ouvrage remarquable sur la folie en milieu carcéral, sorti l'année dernière. Cette femme a fait une étude d'une telle qualité que ce livre a fait la une du Monde. C'est tellement rare que tous les médias un peu sérieux se sont empressés de faire à leur tour une critique enthousiaste du bouquin. Las... l'éditeur avait merdé et le livre n'était pas prêt à être distribué. Il est sorti un mois plus tard, donc un mois trop tard. Enorme flop. Pour un livre qui a fait la une du Monde.
3 - Même en admettant que ton livre serait distribué partout, il faut savoir raison garder. Un nouvel auteur Gallimard s'estime heureux avec des ventes de 1 000 exemplaires. Quand tu dis que ça intéresserait bien plus de 100 personnes, c'est vrai dans l'absolu. Mais l'absolu n'est pas la réalité.
Citation :
La plupart, pour avoir assister à des groupes de paroles concernant ce drame, sont à la recherche de témoignages, de livres.
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Ce que ton expérience permet de dire, c'est que la plupart des femmes qui ont fréquenté des groupes de paroles semblent à la recherche de livres. Mais la plupart des femmes qui perdent un enfant ne fréquentent pas de groupes de paroles. 
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