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  ballon d'essai: roman de fantasy

 


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ballon d'essai: roman de fantasy

n°7019160
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 18-11-2005 à 13:21:05  profilanswer
 

    Tout jeune écrivain, je suis en train de travailler sur un roman en quatre tomes dont je souhaite envoyer les manuscrits aux maisons d'édition. Ce roman se déroule dans un monde analogue au XVIème siècle et est de veine Fantasy. J'aimerai avoir, si possible, quelques commentaires sur mes premiers chapitres que je présente ici. Alors à vos claviers!
 
 
Prologue
 
 
 
 
    Les gradins de marbre noir s’emplissaient peu à peu de silhouettes drapées de vastes manteaux d’ombres. Sous leurs sombres capuchons, ne transparaissaient que quelques paires d’yeux aux éclats inquiétants, certains pareils à des braises ardentes, d’autres à des éclats de glace. Le grand amphithéâtre entourait une arène circulaire au sol lisse de pierre noire. Un vaste dôme, percé d’une ouverture en étoile à cinq branches, couvrait l’édifice. L’étrange lieu était éclairé par de hautes flammes bleues ne dégageant aucune chaleur. Elles émergeaient de larges fosses entourant l’arène. Au centre, se dressait une petite colonne à la forme torturée, cerclée d’épine, qu’un disque de marbre venait couronner. Sur celui-ci était déposé un parchemin jauni scellé de sept sceaux noircis par le temps.
    Bientôt, le brouhaha qui emplissait les gradins diminua en intensité pour disparaître et laisser place à un silence de mort. Les deux battants d’une haute porte décorée de figures grimaçantes s’ouvrirent sans bruit dans l’un des coins de l’arène, laissant place à un être revêtu d’un long manteau bleu nuit à capuchon. Il s’avança dans l’amphithéâtre pour venir se placer devant la colonne centrale, laissant derrière lui une traînée glacée sur le sol de marbre. Une main squelettique aux longs ongles noirs sortit des replis du manteau pour venir caresser doucement le parchemin scellé. Le silence qui régnait dans l’arène fut alors brisé par une voix froide comme le gel :
    - Voilà trois mille ans, j’ai scellé de sept sceaux la Prophétie des Déchus. Je ne comprenais pas alors la portée de ces mots. Mais mes yeux se sont ouverts. J’ai attendu ces trois mille ans pour pouvoir à nouveau les contempler. Le temps est venu !
Nulle exclamation ne vint saluer l’étrange déclaration. Nul ne bougeait ou ne disait mot parmis la sombre assemblée.
    - Cette nuit est celle de la révélation. La nuit ou le signe sera vus de tous de par la Terre entière. L’étoile du sang et du chaos descend sur nous !
Aussitôt un faisceau écarlate s’abattit de l’ouverture creusée au sommet du dôme de l’amphithéâtre, pour venir baigner de sa lueur le parchemin scellé.
    - Il est temps ! Que soit brisé le premier sceau ! Que la marche inéluctable vers la fin de tout commence !
De ses mains desséchées, l’être s’empara du parchemin baigné d’une lueur sanglante et l’éleva au-dessus de sa tête. L’assemblée jusque la silencieuse commença à s’agiter. Des hurlements bestiaux se faisaient entendre, saluant l’étrange rituel, gonflant en intensité comme une vague avant qu’elle ne s’abatte. L’être saisit dans l’une de ses mains le premier sceau noircit, et d’un coup sec, le broya, laissant retomber ses fragments à même le sol. Une secousse terrible ébranla l’amphithéâtre. Des nuages vaporeux aux teintes pourpres s’élevèrent des restes du sceau, s’agglutinant les uns aux autres pour prendre la forme d’un grand cavalier tenant une épée dans la main droite. Le visage de ce fantôme de fumée rouge n’était qu’un crâne grimaçant, un crâne dont émanait une terrible rage. L’être qui l’avait libéré continuait de faire raisonner sa voix froide sous le dôme de l’amphithéâtre :
    - « Sept maux viendront frapper l’humanité.
Le premier portera la Guerre, lame effilée qui déchire les chairs des hommes. » Guerre ! Je t’ai invoqué ! Va, cavalier de sang, et emplis le monde de ta rage ! Que les hommes connaissent le chaos et la destruction !
Obéissant à l’injonction de son invocateur, le cavalier fantôme se dispersa en nuages de fumée rougeâtre qui s’élevèrent vers le sommet du dôme. Sous les hurlements de joie frénétiques de l’assemblée, ils s’engouffrèrent dans l’ouverture, vers le firmament, salué par l’éclat sanglant de l’étoile écarlate.
 
     
 
 
 
 
 
 
 
 Le premier sceaux sera brisé.
 La Guerre, lame effilée qui déchire les chairs,
 Etendra son ombre sur le monde.
 
 
 
 
 
Chapitre I
 
 
    Un vent léger sifflait entre les hautes branches des arbres centenaires. La jeune femme avançait d’un pas rapide sur le petit sentier à peine visible, relevant sa robe afin qu’elle ne vienne pas s’accrocher aux ronces. L’inquiétude la gagnait à chaque pas. Au-dessus de la voûte sylvestre, le soleil avait depuis longtemps franchi le firmament et commençait lentement sa descente vers l’Ouest. Midi était largement passé et les enfants n’étaient toujours pas arrivés. Bien sur, ils connaissaient parfaitement les bois de Méru, et aucune créature de la forêt ne se serait aventurée à leur faire du mal mais Jeanne ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour eux.  
    La jeune femme finit par s’arrêter pour souffler quelques secondes, prenant appuis sur le tronc d’un grand hêtre. Ses cheveux d’un noir de jais cascadaient dans son dos sans entraves. Son visage au teint mat était d’une beauté sauvage donnant une impression de force brute, cependant de ses grands yeux verts émanaient douceur et bonté. Elle était vêtue d’une robe simple, d’un bleu azur, et à sa ceinture pendait une aumônière de cuir dans laquelle elle gardait les herbes et les poudres avec lesquelles elle préparait potions et remèdes.  
    Ayant repris son souffle, elle continua sa marche, suivant l’étroit sentier envahi de ronces et d’herbes folles qui sinuait, tel un long serpent, entre les arbres. Elle allait bientôt arriver à la clairière des Loups. Les paysans de Besou l’appelaient ainsi car il se racontait que les mâles bêtes avaient pour habitude de s’y réunir chaque nuit, au pied du grand chêne qui trônait en son centre. Lorsqu’elle déboucha enfin dans le vaste cercle d’arbres, quittant l’ombre des sous-bois, la jeune femme fut aveuglée l’espace d’un instant par une vive lumière blanche. Une lumière qui n’était pas celle du soleil, qui n’avait rien d’agressif et ne lui faisait aucun mal aux yeux. Une lumière qui l’empêchait simplement de voir ce qui pouvait se passer dans la clairière, tout en lui procurant une sensation apaisante. L’étrange phénomène dura encore quelques secondes, puis tout redevins clair. La lumière s’évanouit laissant apparaître la vaste clairière, au centre de laquelle s’élevait un chêne immense à la magnifique ramure émeraude. Au pied de l’arbre vénérable se trouvaient deux enfants, étendus dans l’herbe. Jeanne s’approcha doucement en souriant. Elle ne se montra cependant pas assez discrète. Une brindille craqua sous son pied. A ce bruit, les deux enfants se redressèrent d’un bond pour se précipiter vers elle en criant de joie :
    - Jeanne ! Jeanne !  
La jeune femme qui les avait pris dans ses bras, les contempla avec bonheur. Tous deux se ressemblaient énormément. A vrai dire, ils étaient nés le même jour de la même mère. Un garçon du nom de Clément et une petite fille du nom de Lisie. Ils avaient tous deux de grands yeux rappelant le bleu des lacs de montage, mais la ou le garçon arborait une chevelure solaire, sa sœur avait des cheveux aussi sombres que la plume du corbeau. Jeanne les avait quasiment élevés depuis la mort de leur mère. Celle-ci avait rendu l’âme en leur donnant naissance. La jeune femme avait toujours trouvé injuste que deux vies aient dut être payée au prix d’une autre. Tous les remèdes de tante Mélie n’y avaient pourtant rien fait, et les deux petits étaient nés orphelins. N’ayant pas de père connu, ils avaient été pris sous leur aile par les villageois de Besou et tous deux avaient grandi chez l’un des métayers du village, Gaston Hauregard, au milieu de sa ribambelle d’enfants. Mais c’était surtout tante Mélie et Jeanne qui les avait élevés, leur donnant une éducation et remettant à Gaston l’argent pour assurer leur subsistance. Et aujourd’hui était un jour particulier. C’était le jour de leur septième année. Sept ans déjà, jour pour jour, qu’ils étaient apparus, tels deux étoiles, dans la vie de Jeanne. Elle avait treize ans ce jour où elle avait aidé tante Mélie, qui jouait le rôle de sage-femme pour le village, à mettre au monde ces deux charmants garnements. C’était elle qui c’était occupé d’eux à la mort de leur mère avant qu’on ne les mette en nourrice chez Gaston. La femme du métayer venait alors également de mettre au monde un enfant et elle avait, de fait, pu les allaiter tous trois.  
    Reposant les deux enfants à terre, Jeanne les prit par la main pour les conduire sur l’étroit sentier qui s’enfonçait au cœur des bois.
    - Alors ? Que faisiez-vous dans cette clairière alors que Tante Mélie et moi nous rongions les sangs ?
    - C’est la lumière. » répondit Clément.
    - Elle nous a parlé. » renchérit Lisie.
    - Une lumière ? Et qui vous aurez parlé ? N’est-ce pas un gros mensonge ?  
    - C’est pas un mensonge Jeanne ! J’te jure ! » s’exclama Clément indigné, affichant une mine boudeuse, aussitôt imité par sa sœur.
    - Allons Clément, avoue que c’est une chose difficile à croire. Une lumière qui vous aurez parlé. Et que vous aurait-elle dit ?
Abandonnant aussitôt sa mine renfrognée, Clément se fit soudain perplexe.
    - Je sais plus.
Ils se tourna vers sa sœur, mais celle-ci parraissait tout aussi décontenencé.
    - C’est…c’est comme si c’était un rêve. » dit-elle d’une toute petite voix, « Les mots se sont envolés comme une volée de moineaux. Mais c’était si doux…
    - Oui…et chaud…comme quand tu nous prends dans tes bras…
    - Rien ne pouvait nous faire du mal…il…il nous protège…
    - Qui ça ? » demanda Jeanne interloqué.
    - Lui… » fut tout ce que purent lui répondre les deux enfants.
Jeanne hochat lentement la tête. Quand on connaissait tous les secrets qui entouraient l’ascendance de ces deux petits, et elle-même n’en savait qu’une infime partie, une apparition aussi étrange n’avait rien de vraiment incroyable. Tante Mélie devait en savoir beaucoup plus mais elle avait toujours refusé d’en parler à sa nièce. Jeanne la soupçonnait de vouloir la préserver de quelque danger. Mais les propos des enfants éveillaient maintenant une sourde inquiétude. Toutefois, elle n’arrivait pas à saisir pourquoi. Mieux valait attendre de voir tante Mélie. Elle saurait quoi en penser.
    - Et Jeanne, tu crois qu’il nous emmènera au ciel…lui ? » demanda soudain Lisie.
    - Pourquoi ma chérie ?  
    - Si on montait au ciel on verrait maman non ?
Jeanne aspira une grande goulée d’air. Le lien étrange qui reliait les deux enfants à leur mère s’était maintenu par delà les barrières de la mort. Comme si elle avait toujours été là, ombre bienveillante dont tous deux pouvaient ressentir la présence.
    - Dis Jeanne, c’est comment dans le ciel ? Tu crois que maman est bien là-haut ? » demanda Clément.  
Ce n’était pas la première fois qu’ils posaient cette question, mais ils aimaient entendre la réponse.
    - Oui mon chéri, je suis sure que votre maman est très bien la-haut et qu’elle est heureuse, car elle est dans le Jardin de l’Unique.
    - Et il est comment ce jardin ?
Combien de fois lui avaient-ils posés cette question ? Et combien de fois leur avait-elle répondu ? Elle ne comptait plus.
    - C’est un Jardin merveilleux ou s’épanouissent les plus beaux arbres, les plus belles plantes et les plus belles fleurs de la Création. Leur parfum est enchanteur et celui qui le respire oublie tous soucis et tous mauvais moments. Leurs mille couleurs remplissent le cœur de bonheur et de joie. Leurs fruits sont si bons qu’ils rassasient toute faim. Il y coule des rivières de miel et de lait. Une musique douce et apaisante se fait entendre à chaque instant.  Ce sont les Anges qui jouent cette musique céleste. Ils sont les plus proches servants de l’Unique. On dit qu’ils sont d’une beauté indescriptible et d’une grande bonté.  
Clément et Lisie l’écoutaient, attentifs et ravis.
    - Vous voyez les enfants, votre maman est heureuse là ou elle est. Elle souhaite sûrement que vous le soyez aussi. Alors aujourd’hui nous allons fêter votre anniversaire. Tante Mélie a préparé des tartes aux framboises.
    - Oui ! » éclatèrent-t-ils tous les deux en même temps. « On adore les tartes !
En parlant, ils s’étaient avancés au cœur des Bois de Méru, sur le petit sentier qui disparaissait entre les herbes folles. Ils débouchèrent bientôt dans une nouvelle clairière, plus petite que la précédente au centre de laquelle trônait, appuyée contre un chêne massif, une maisonnette à l’apparence bancale. Elle était construite en pierre avec un toit d’ardoises grises. Ses murs étaient dévorés par la mousse et deux petites fenêtres rondes encadraient sa vieille porte de chêne. Un petit enclos, sur le côté de la maisonnette, renfermait quelques poules, et devant se dressait une vaste pierre plate, reposant sur quatre autres plus petites, qui faisait office de table. Autour d’elle, six gros rondins servaient de siège, et sur cette table était posées deux tartes aux framboises encore fumantes. Les enfants lâchèrent les mains de Jeanne et se précipitèrent avidement vers les pâtisseries. Au même moment, une petite vieille toute recroquevillée, qui marchait en s’appuyant sur une canne de bois noueux, émergea de la maisonnette. Elle était à peine plus grande que les enfants et était vêtue de vieilles nippes usées de couleurs sombres. Son visage, bien que marqué par la vieillesse, gardait une grande beauté et son étrange regard aux reflets dorés donnait une impression de sagesse mêlée d’étrangeté. Elle portait d’une main une troisième tarte qu’elle s’empressa de poser sur la table avant que les enfants ne se précipitent dans ses bras.
    - Enfin vous voilà, petits garnements. » dit-elle d’une voix chaleureuse, un léger sourire au coin des lèvres. « Je commençais à croire que vous ne vouliez plus manger de mes tartes et j’allais en faire cadeau aux poules !
    - Non, tante Mélie! Ne fait pas ça ! On les aime tes tartes. » Protestèrent-ils d’une même voix
Jeanne sourit devant les protestations véhémentes des jumeaux. Tante Mélie gâtait toujours Clément et Lisie, leur faisant pâtisseries et friandises à chaque fois qu’ils venaient. Tous deux le lui rendaient bien en les dévorant jusqu’à la dernière miette.  
    Beaucoup de souvenirs revinrent à l’esprit de la jeune femme. Lorsque-elle même était petite fille et venait comme eux se pendre au coup de la vieille dame. Elle avait toujours connu tante Mélie ainsi, depuis le jour ou la vieille femme l’avait recueilli dans les ruines d’un village incendié par des pillards Seldjoukans prés de vingt ans plus tôt. Tante Mélie l’avait ramenée dans cette petite maisonnette et l’y avait élevée, lui enseignant les secrets des plantes et de la forêt, lui réapprenant à vivre en la libérant de ses terreurs d’enfant. Et voilà qu’elle-même, petite orpheline, s’était retrouvée responsable de ces deux enfants orphelins. Le destin jouait parfois d’étranges tours.
    Tante Mélie avait installé Clément et Lisie sur deux sièges et les enfants commençaient à lui raconter leur étrange aventure. Jeanne les regarda faire quelques minutes puis entra dans la maisonnette. Celle ci comprenait une pièce principale, une chambre ou la jeune femme dormait avec tante Mélie, et un sellier ou elles entreposaient leurs provisions et les herbes dont elles faisaient usage pour leurs potions et leurs onguents. Jeanne se dirigea vers celui-ci et franchit la petite porte en se courbant au passage pour éviter de se cogner contre la poutre basse. Autour d’elle flottaient les senteurs apaisantes, capiteuses ou plus acres des centaines d’herbes conservées par tante Mélie. La jeune femme se dirigea vers un coin sombre de la pièce et souleva un sac de drap grossier qui semblait traîner négligemment. Il dissimulait un coffret de bois sculpté de superbes arabesques. La jeune femme le prit et l’ouvrit, contemplant son contenu. Sur un lit de velours, étaient déposés deux pendentifs d’or représentant pour l’un un lion et pour l’autre une lionne. Tous deux avaient des yeux de rubis. Si l’on observait les deux bijoux de plus prés on pouvait constater qu’ils s’emboîtaient parfaitement et pouvaient n’en former qu’un seul. Ces pendentifs avaient appartenues à la mère de Clément et Lisie. Elle avait remis le coffret à Jeanne et tante Mélie juste avant de rendre l’âme, leur faisant promettre de remettre les deux bijoux aux enfants lorsque ceux ci seraient arrivés en leur septième année. Elles avaient donc caché le coffret dans le sellier attendant le jour convenu pour les remettre à Clément et Lisie.  
    Un bruit dans son dos fit se retourner Jeanne. Sur le seuil du sellier, tante Mélie l’observait, une lueur inquiète dans le regard.
    - Ainsi les enfants auraient vu une lumière, une lumière qui leur aurait parlé ? » dit-elle d’une voix sourde en fixant intensément sa nièce.
    - C’est ce qu’ils m’ont raconté tantine. » Elle l’avait toujours appelée ainsi. « Mais ce ne serait pas la première fois qu’ils racontent des sottises…
    - Toi qu’as-tu vus ? » l’interrompit la vieille dame.
    - J’ai bien été aveuglé quelques instant par une étrange lumière blanche…
    - Alors c’est celà.  
Les épaules de tante Mélie s’affaissèrent. Elle semblait soudainement accablé par un grand poids.
    - Qu’y a-t-il tantine ? » s’inquiéta Jeanne.
La vieille dame soupira longuement.
    - De sombres évènements se profilent à l’horizon ma petite Jeanne, j’en ai peur. Notre vie risque de changer bientôt, et de façon définitive. » Elle hocha la tête sombrement. « Tu fais bien de sortir ces pendentifs. Il est grand temps que leur héritage leur revienne. Si nous attendions encore il est possible que nous n’ayons plus jamais l’occasion de le leur remettre.
Sur ces mots tante Mélie se retourna et quitta le cellier en hochant tristement la tête. Jeanne referma le coffret et le tira de sa cachette. Emboîtant le pas à la vieille femme, elle rejoignit les enfants à l’extérieur. Tous deux étaient en train de manger chacun une grosse part de tarte aux framboises. Lorsque Jeanne s’assit devant la grande pierre plate qui servait de table Clément et Lisie relevèrent d’un même mouvement la tête, révélant des lèvres et des joues barbouillées de jus de framboise. La jeune femme posa alors devant elle le coffret de bois et leur sourit.
    - Les enfants » dit tante Mélie dont le visage avait retrouvé un air joyeux. « Aujourd’hui est un jour particulier. C’est le jour de votre septième anniversaire. Et comme il est de coutume pour un tel événement nous vous avons préparé des cadeaux.
Clément et Lisie abandonnèrent aussitôt leur part de tarte, attendant avec impatience de découvrir quels étaient ces mystérieux cadeaux. En effet il n’était pas de coutume d’offrir quoi que ce soit les jours d’anniversaires avant la septième année. Sept ans était l’âge ou l’on considérait que l’enfant était désormais à même de se débrouiller seul.. Les cadeaux qu’on lui offrait alors symbolisaient cette nouvelle indépendance. Tante Mélie sortit de sous ses hardes deux petits paquets entourés de grandes feuilles de hêtre, le tout solidement serré par des cordelettes de chanvre. Elle en donna un à chacun des enfants. Impatients, les jumeaux défirent rapidement les nœuds et découvrirent sous les feuilles deux pierres étranges, semblables à des larmes. La pierre de Lisie était d’un vert profond, celle de Clément était quant à elle semblable à un diamant. Les enfants les observèrent un moment, émerveillés, avant de se précipiter vers tante Mélie pour la couvrir de baisers.
    - Merci tantine, tu es trop gentille avec nous !
    - Oui, oui, les enfants, mais vous allez m’étouffer. Rasseyez-vous, je n’ai pas fini.
Clément et Lisie revinrent à leur place.
    - Ces pierres, les enfants, ne sont pas de simples cailloux qui seraient fait pour la décoration. Lorsqu’un grand cerf meurt par une nuit de pleine lune, il se forme au coin de chacun de ses yeux une pierre aux grands pouvoirs. La pierre verte qui est la tienne Lisie est née dans l’œil droit du cerf. Celui qui la possède peut, grâce à elle, retrouver son chemin s’il est perdu, et s’il le souhaite, la pierre le conduira par la route la plus sure. Quant à la pierre semblable à un diamant que tu as reçu Clément, elle est née dans l’œil gauche du cerf et a le pouvoir d’éclairer les lieux les plus sombres.  
Clément et Lisie regardaient maintenant leurs cadeaux comme des trésors précieux.
    - Prenez en soins les enfants. Elles vous seront utiles un jour.  
Un bref instant Jeanne crut voir passer dans le regard de tante Mélie une douleur mêlée de pitié. De leur côté Clément et Lisie fourraient déjà leurs pierres magiques dans leurs petites poches comme pour les cacher à la vue d’un quelconque voleur.
    - Nous avons autre chose pour vous les enfants…mais ce n’est pas exactement un cadeau.
Ils redressèrent la tête, intrigués. Jeanne ouvrit alors le coffret et en tira les deux pendentifs. Se levant, elle passa le premier, représentant un lion, au cou de Clément. Puis elle passa le second, représentant une lionne, au cou de Lisie. Les deux enfants la laissèrent faire en silence, observant avec ravissement ce nouveau don. Lorsque Jeanne eut fini, Tante Mélie les fixa avec gravité.
    - Il y a sept ans, lorsque votre mère vous mit au monde, elle nous confia ces deux pendentifs avec pour mission de vous les remettre quand vous seriez en âge. Votre mère m’a demandé de vous dire qu’ils étaient dans votre famille depuis des siècles. Ils sont l’emblème d’une ancienne et puissante lignée dont vous êtes les derniers représentants. Le lion symbolise le courage du guerrier, la sagesse du souverain. La lionne représente la douceur de la mère mais également la rage que celle-ci déploie pour protéger ses enfants. Tous deux sont indissociable et se complètent. Et vous, mes enfants, vous vous complétez, tous comme vos pendentifs.  
L’évocation de leur mère avait ramené un masque de gravité sur le visage de Clément et Lisie. Contrairement aux autres enfants, ils avaient très vite compris ce que signifiaient la mort, et ce don transmis par leur mère disparue les touchait plus que tout autre. Tous deux observaient maintenant avec attention leur pendentif, les caressant, suivant les courbes et les angles comme pour en imprégner leur mémoire de façon définitive. Après quelques minutes de silence, ils se rapprochèrent l’un de l’autre et, élevant chacun leur pendentif, les joignirent. Nul déclic ne se fit entendre, mais un son bref, pareil à celui d’une flûte s’éleva, comme pour marquer la jonction des deux  bijoux qui n’en formaient désormais plus qu’un, lion et lionne enlacés dans une étreinte pleine de tendresse.
    - Frère et sœur, unies à jamais. » déclara tante Mélie d’une voix grave. « N’oubliez jamais ce que vous êtes l’un pour l’autre les enfants. Je crois que beaucoup de choses vont dépendre de votre force à lutter ensemble.
Un long silence suivit ces mots que même les pépiements des oiseaux et les bruits de la forêt ne vinrent pas troubler. Soudain, tante Mélie retrouva son sourire et sa voix chaleureuse.
    - Et maintenant les enfants, fêtons dignement votre anniversaire. Je suis sure que vous mourez d’envie de manger encore quelques parts de tarte !
Comme par enchantement, le lien qui unissait les deux pendentifs disparut. Clément et Lisie se regardèrent quelques instant, tels des enfants tirés d’un long sommeil. Enfin, comme s’ils saisissaient d’un coup le sens des paroles de tante Mélie, ils tendirent leur assiette, attendant avec impatience la tarte promise. Jeanne soupira, soulagée de voir la tension qui quelques instant plus tôt les tenaient encore s’être dissipée.
    Ils passèrent un agréable après-midi. Après avoir mangé leur content de tarte, les deux petits goinfres allèrent jouer avec Jeanne dans la clairière et les bois autour de la maisonnette. Tante Mélie resta, quant à elle, installée sur son siège, observant leur manège et leurs jeux d’un regard tendre.  
    Lorsque enfin le ciel se teinta de pourpre, annonçant la fin du jour, Clément et Lisie firent leurs adieux à tante Mélie et reprirent la route de Besou, accompagnés par Jeanne. Après une petite heure de marche à travers la forêt, ils atteignirent l’orée des bois de Méru. Jeanne s’arrêta et s’agenouilla devant les enfants, alors que le soleil disparaissait lentement à l’horizon.
    - Rentrez vite maintenant, et ne vous arrêtez pas en chemin. Bientôt les Feux Follets sortiront de leurs trous, et si vous ne faites pas attention ils vous emporteront dans les marais pour vous noyer.
    - On n’a pas peur d’eux, tu sais Jeanne. » répondit aussitôt Clément, fier de montrer son courage.
    - Je sais Clément mais cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas dangereux. Et puis l’oncle Gaston et la tante Berthe pourraient s’inquiéter.
Jeanne les attira à elle et déposa sur le front de chacun un baiser.
    - Allez vite maintenant !
Après un dernier adieu, les enfants partirent, main dans la main, sur le chemin de terre qui les conduisait vers le village de Besou. Celui-ci n’était qu’à quelques centaines de pas de l’orée des bois, cacher par deux hautes collines qui encadraient le chemin, tels des géants endormis. Jeanne attendit de voir disparaître au détour de la route les petites silhouettes sautillantes pour reprendre sa route à travers les bois.
    Le chemin du retour fut l’occasion pour Jeanne de réfléchir à tous ce qui c’était passé d’étrange cet après-midi. Cette lumière que les enfants prétendaient avoir vu, l’inquiétude de tante Mélie, les étranges cadeaux qu’elle avait offert aux enfants et tant d’autres choses. Tout cela devait avoir une signification qui échappait encore à la jeune femme. La seule chose qui lui apparaissait clairement était qu’un danger se profilait désormais au-dessus des enfants. Une ombre s’avançait et Jeanne pouvait presque la sentir.  
    Au-dessus d’elle la voûte céleste se remplissait lentement d’étoile, et lorsqu’elle atteignit enfin la maisonnette, la nuit avait couvert le monde de son sombre manteau piqueté de diamants. Tante Mélie était la, installée sur la pierre plate qui ordinairement servait de table. Elle scrutait le ciel avec attention, semblant faire abstraction de toute autre chose. Ne voulant pas la déranger, Jeanne s’efforça d’être la plus discrète possible, mais alors qu’elle s’apprêtait  à franchir le seuil de leur demeure, la voix grave de la vieille femme l’arrêta brusquement.
    - Ils vont avoir besoin de toi Jeanne. De terribles épreuves les attendent et tu devras veiller sur eux.  
Jeanne se retourna et vint se placer au côté de sa tante.  
    - Quelles épreuves tantine ? Que va-t-il leur arriver ? » demanda-t-elle.
    - Cela je ne saurai le dire…mais les signes ne trompent pas. « En ce jour les jumeaux, derniers descendants de la lignée maudite de Kalamon, auront franchi sept années. Alors dans le ciel sans lune naîtra l’étoile du sang et du malheur. »
Jeanne la vis alors. Une fleur écarlate avait éclot au firmament, astre sanglant plein de sombres promesses. Sa tante continuait à débiter son étrange sentence.
    - « Feu et bêtes viendront les arracher à leur retraite et du choix du démon dépendra leur vie. »
Soudain, tante Mélie, avec une agilité que Jeanne ne lui connaissait pas, se redressa et sauta au bas de la pierre.
    - Les temps de malheur approchent ma petite et nous aurons alors besoin de toutes nos forces. Allons dormir veux-tu.
Sur ces mots, elle lui caressa la joue avant d’entrer dans la maisonnette. Jeanne resta encore quelques minutes dehors, les yeux fixés sur l’étoile écarlate, se demandant quelle influence celle-ci pourrait bien avoir sur son destin et sur celui de Clément et Lisie. Comment aurait-elle put se douter qu’au même moment, à des centaines de lieue de la, un mercenaire à la chevelure flamboyante et un jeune prince observaient le même astre sanglant, se posant tout autant de questions.
 
 
 
 
 
Chapitre II
 
 
    Une écœurante odeur de mort, à laquelle venait se mêler le parfum de la poudre à canon, s’élevait au-dessus de la petite plaine encaissée entre de hautes collines boisées. Le fracas des armes ne s’était pas encore tu mais déjà les charognards se précipitaient vers leur banquet de chair morte. Le guerrier à la chevelure flamboyante observait le spectacle depuis l’orée du bois de Lernac. Derrière lui ses trois compagnons ne disaient mot. Parmis les cadavres qui jonchaient la plaine se trouvaient les corps de camarades au côté desquels ils avaient combattu durant les trois longs mois de cette folle campagne. Maintenant les corbeaux en faisaient leur pitance alors que les derniers combats s’achevaient au pied d’un moulin en ruine. Le hérisson de fer formé par les lanciers du capitaine Lindaer, ultime carré de résistance d’une armée naguère si puissante, venait de se disloquer et les cavaliers aquitaniens, bardés d’acier, massacraient les fuyards, n’épargnant personne. Le soleil qui disparaissait à l’horizon répandait sa lueur écarlate, ajoutant une teinte sanglante à ce tableau dressé par un peintre fou.
    Qui eut pu imaginer, trois mois plutôt, une conclusion aussi désastreuse à l’expédition des Princes Réformateurs de Bohemia. La glorieuse armée qui comptait alors prés de vingt mille hommes de troupe avait quitté Münndig, prenant la route du Sud, sûre de ses forces et de ses victoires futures contre les serviteurs de l’Eglise impie. Mais la campagne avait vite tourné au drame quand de fortes pluies étaient venues ralentir l’avancée des troupes et pourrir les réserves de blés mal protégés. L’armée, mal nourrie et épuisée par des marches incessantes sous une pluie battante, s’était avérée incapable de combattre. Elle avait plié face aux troupes des cités Piséennes, liguées sous l’étendard de l’Archipatriarche et de l’Eglise Arnalite. La défaite de Valline avait obligé l’armée des Princes Réformateurs à fuir vers l’Ouest et à franchir les marches du royaume d’Aquitanie. C’est dans la plaine de Lernac que cette course s’était achevée. Les troupes Bohemiannes désorganisées s’y étaient heurtées aux cavaliers aquitaniens. Devant le désastre annoncé, le guerrier à la chevelure flamboyante et ses compagnons avaient préféré la fuite et la honte à la mort et à l’honneur. Ils étaient mercenaires et n’avaient nulle envie de mourir en terres étrangères pour une cause en laquelle ils ne croyaient pas. Ils avaient donc abandonné leur corps de troupes, gagnant le couvert de la forêt, profitant de la fureur des combats pour passer inaperçus. Ils avaient ainsi put assister, depuis leur poste d’observation, à cette bataille perdue d’avance qui avait si vite tourné au massacre. Elle s’achevait ainsi, dans le soleil couchant, la nuit venant jeter son voile pudique sur la scène du drame.  
    L’homme se tourna vers ces compagnons, tous trois dressés sur leurs chevaux, les yeux fixés sur le sanglant tableau, comme pour le graver dans leur mémoire.  
    Il y avait là Erach le Balafré, un homme grand, sec, au profil tranchant comme la lame d’un couteau. Son surnom était du à la large balafre qui courait de son œil gauche jusqu’à son menton, souvenir d’un spadassin dardanois qui avait eu, en retour, la tête tranchée net par la redoutable rapière du mercenaire. Erach était un tueur impitoyable dont le regard bleu azur était aussi froid que la glace.  
    A ces côtés se tenait Metter Mains-Lestes, plus court que son compagnon, mais plus souriant. C’était un habile détrousseur qui lançait les couteaux comme nul autre, et il n’avait pas son pareil pour séduire les demoiselles, usant de son verbe adroit et de son regard rieur.  
    Enfin, les surmontant tous par la taille et la musculature, Ludof le Roc se dressait sur sa puissante monture, seule capable de supporter son poids. L’homme, grand de plus de sept pieds, évoquait aisément un ogre de conte pour enfants. Ses mains, large comme des battoirs, pouvaient broyer le crane d’un homme. Une épaisse barbe blonde cerclait la vaste bouche dans laquelle il engloutissait d’impressionnants monceaux de nourriture et des tonneaux entiers de bière. Dans son dos se profilait la silhouette d’une hache de guerre à double lame dont il jouait avec ardeur sur les champs de bataille.  
    C’étaient la les compagnons de l’homme aux cheveux rouges comme les flammes de l’enfer, aux yeux noir comme la nuit et au triste sourire. Karlon était son nom mais certains le surnommaient capitaine Vivemort en raison d’une mortelle habileté à l’épée. Nul ne savait d’où il venait et jamais il ne s’était laisser aller à une quelconque confidence sur sa jeunesse. Pourtant les trois hommes qui l’accompagnaient lui vouaient une confiance aveugle et l’auraient suivi jusque dans les précipices infernaux s’il les y avait conduit.
    Il tira sur les rênes. Son massif destrier noir fit volte face pour s’enfoncer dans l’épais sous-bois.  
    - Laissez donc les cadavres ou ils sont. Il est temps d’aller offrir nos services ailleurs. » lança-t-il sans prendre la peine de se retourner.  
Metter opina du chef, son éternel sourire moqueur sur les lèvres :
    - De toute façon, si les hommes du roi d’Aquitanie nous tombent dessus, je doute qu’ils nous accordent la moindre chance de nous expliquer. Ils nous passeront par le fil de l’épée avant même que nous ayons le temps de leur expliquer notre changement de statut ! » Et il partis dans un grand éclat de rire avant de faire virer sa monture, suivant ses camarades sous le couvert des grands chênes.  
 
    Ils avancèrent dans l’obscurité naissante pendant quelques temps, cherchant un sentier. Autour d’eux, les sous bois s’emplissaient lentement de ténèbres et les oiseaux nocturnes faisaient déjà entendre leurs sinistres chants. La chaleur avait déserté le couvert des arbres laissant place à un air froid et mordant qui faisait maintenant espérer aux quatre compagnons une flambée réconfortante. A cela venait s’ajouter la faim. Ils n’avaient pas fait de vrai repas depuis déjà quelques temps et leurs estomacs s’appliquaient à le leur rappeler avec véhémence.
    Karlon avançait en tête, guidant tranquillement sa monture. Ses compagnons connaissaient son étrange capacité à voir dans l’obscurité aussi bien qu’en plein jour, ils le suivaient donc sans crainte. Soudain, il stoppa sa marche, dressant la main dans un geste qui voulait tout à la fois signifier la halte et le silence. Erach, Ludof et Metter suivirent alors du regard la direction qu’il leur indiquait. Une lumière tremblotait entre les grands arbres. Karlon s’était déjà glissé à terre, silencieux comme un chat. Il leur fit signe de l’imiter. Bientôt tous quatre s’avançaient au côté de leur monture, tachant de taire les bruits qui auraient pus les faire repérer par ceux qui avaient allumé ce feu. A mesure qu’ils approchaient, ils entendaient monter la musique d’un violon accompagnée de chansons, parfois couvertes par des rires gras et des exclamations injurieuses. Les quatre mercenaires voyaient maintenant le grand feu, allumé au centre d’une vaste clairière cerclée d’arbres centenaires. Autour de celui-ci s’agitait une foule d’ombres dansantes. Ils s’approchaient, avide de profiter de la chaleur des flammes, quand Karlon leur fit de nouveau signe de s’arrêter. Une nouvelle fois il tendit la main, leur indiquant une forme sombre, ramassée au pied d’un arbre, à quelques pas de l’orée du bois. C’était un guetteur qu’ils n’auraient jamais découvert sans le regard perçant de leur chef. Karlon fit un bref signe de la main à Metter qui opina du chef, remettant les rênes de sa monture entre les mains de Ludof. Le mercenaire se glissa furtivement entre les troncs des grands arbres, prenant bien garde de ne pas apparaître dans la lumière projetée par le feu. Il pouvait être encore plus silencieux que Karlon quand il le désirait, une capacité qu’il avait acquise quand il vivait encore de rapines et des vols. Une ombre parmis les ombres, voilà ce qu’il était. Ces précautions s’avérèrent cependant inutiles. Le guetteur, dérogeant à sa tâche, s’était endormi et ne semblait porter aucune attention aux alentours, emmitouflé qu’il était dans son grand manteau de laine. Metter s’approcha tout de même avec une lenteur calculée. Ayant réussi à se glisser dans le dos de sa victime, il dégaina l’un de ces multiples poignards, et, avec un art consommé, asséna à sa victime un coup du pommeau arrondi de son arme. Si le guetteur n’était pas complètement endormi, ce coup le plongerait pour un long moment dans un sommeil sans rêves.  
    Ses compagnons rejoignirent le jeune homme. Ils n’étaient plus maintenant qu’à quelque pas de l’orée du bois et pouvaient observer la scène depuis l’ombre dans laquelle ils se fondaient. La clairière devait faire une cinquantaine de pas de diamètre. En son centre flambait un grand brasier qui semblait s’élever jusqu’au ciel étoilé, entretenu par trois femmes qui y jetaient à intervalle régulier des brassées de petits bois ou de grosses bûches. Autour du feu, prés de cinquante gaillards, à l’aspect peu engageant, se gorgeaient d’alcool, dansaient ou s’égosillaient en chantant quelques chansons paillardes. Vêtus pauvrement, souvent en haillons, ils arboraient des trognes de brigands. Certain étaient couturé de cicatrices, d’autres avaient une oreille ou un œil en moins. Tous, malgré la décontraction apparente, étaient armés jusqu’au dent. Pistolets et poignards dépassaient de leurs ceintures ou pendaient souvent une épée ou une rapière. Un homme attirait cependant l’attention, son calme et son allure tranchant sur l’ambiance festive. Assis sur une vaste pierre plate il contemplait la scène avec désintérêt. De grande taille et maigre comme un clou, il était vêtu d’un pourpoint écarlate. Un vaste chapeau décoré d’une plume noire lui couvrait le crane et une fine moustache ornait son visage peu amène. A ses côtés se tenait le violoniste dont ils avaient pus entendre la musique.
    Karlon fit signe à Metter de rester auprès des chevaux. Pour la confrontation qu’il s’apprêtait à avoir, il préférait avoir à ses côtés Ludof et Erach, plus impressionnant que l’ancien voleur, même si ce dernier n’en était pas moins redoutable. Metter les attendrait sous le couvert des arbres, prêt à agir en cas de difficulté.  
    Il s’avança, suivi de ses deux compagnons, quittant l’ombre protectrice pour entrer dans la lumière du brasier. Nul ne sembla les remarquer, les hommes continuant leur ronde sans se préoccuper des nouveaux venus. Les trois mercenaires avaient atteint le cercle qui entourait le feu quand la musique cessa, le violoniste ayant soudain arrêté de jouer. Les joyeux gaillards qui, quelques secondes auparavant, s’amusaient encore, entouraient maintenant les nouveaux venus, leurs armes dégainés, des sourires mauvais sur leurs faces effrayantes. Karlon leva ses deux mains, paumes ouvertes :  
    - Paix, nous ne cherchons pas le combat. Pour ça, nous avons eu notre compte aujourd’hui ! » dit-il d’une voix calme et posée.  
Un claquement de doigts se fit entendre et les rangs des soudards aux haleines avinées s’ouvrirent, ménageant un chemin jusqu'à la massive pierre plate sur laquelle était installé l’homme que Karlon avait remarqué. Il souriait, un air cruel sur la face, tout en se lissant la moustache.  
    - Voilà donc les survivant de cette pitoyable armée qui n’a pas vu le soleil se coucher. » dit-il avant d’éclater d’un rire cruel. « Vous voilà dans une fâcheuse situation, perdu en pays ennemi. Si les soldats du Duc de Roelan vous découvrent, ils vous pendront en place publique, comme de vulgaires brigands !
    - Votre sort ne sera donc sans doute pas différent du notre ! Surtout quant on constate la facilité avec laquelle nous nous sommes introduit ici. Avec d’aussi bons veilleurs vous ne verriez pas venir un régiment royal. » lui répondis Karlon.  
Le sourire du chef des soudards disparu pour céder la place à un rictus hideux. Il se releva d’un bond rapide, tirant son épée du fourreau pour venir en appuyer la lame sur la gorge du mercenaire.  
    - Tu n’as peut être pas choisis le bon endroit ni le bon moment pour de tel propos mercenaire ! Toi et tes hommes êtes venus vous jeter dans la gueule du diable, et ce diable porte le nom d’Erzus.  
Karlon vit une lueur de folie passer dans le regard de l’homme alors que la pointe de son épée commençait à tracer une strie sanglante sur sa gorge. A ces côtés, ni Erach, ni Ludof n’avaient réagi. Les deux hommes avaient assez de sang froid et de confiance en leur chef pour ne pas faire de gestes inconsidérés. Karlon continua à arborer le même sourire, plongeant ses yeux dans ceux de son adversaire. Ne voyant pas de réaction, celui ci appuyait de plus en plus sur son épée, cherchant le hurlement qui contenterait son esprit sadique. Le petit jeu aurait pus se poursuivre encore longtemps mais une main saisit soudain le poignet d’Erzus, le forçant à baisser sa lame. C’était le violoniste qui était intervenu. Erzus, rageur, se retourna, le poing levé, prêt à frapper. Mais il se ravisa, comme interrompu par un doute soudain.  
    - Ne recommence plus jamais Hugo ! » finit-il par lâcher, avec colère.
Karlon jeta un coup d’œil sur celui qui venait d’intervenir. Le violoniste était bel homme. De taille moyenne, il avait de grands yeux verts, des cheveux d’un noir de jai réunis en une courte natte, des traits bien découpés et un vaste sourire. Il portait une tenue de chasse sombre et de hautes bottes en cuir. Une épée de belle facture pendait à son côté, son pommeau finement ouvragé représentant un cygne noir aux ailes déployées et aux yeux de rubis. Le jeune homme l’avait aidé, et avait par la même sauvé la vie de son chef. Un signe d’intelligence, songea le mercenaire.  
    Erzus avait fini par reprendre empire sur lui-même, abandonnant son affreux rictus.
    - Quelle folie vous à donc conduite parmis nous mercenaires ? Vous auriez du vous rendre compte que nous ne sommes pas des enfants de chœur. Les seules églises que nous ayons jamais vues, nous les avons brûlées !
Autour de lui, ses hommes partirent d’un grand éclat de rire. Erzus lissa sa moustache avant de reprendre.  
    - Si vous ne donnez pas de bonnes raisons à cette visite, vos têtes viendront bientôt décorer ma selle. » Il eut un sourire avant de rajouter : « L’odeur ne me gène pas.  
    - Nous ne connaissons ni le pays, ni ses habitants. Nous avons à peine mangé depuis huit jours. Nous sommes épuisés et transis de froid. Voilà les seules raisons qui nous ont conduit prés de ce feu. » répondit Karlon.
    - Et vous espériez que je vous offrirai l’hospitalité peut-être ? Toute chose à un prix mercenaire, tu es bien placé pour le savoir ! Et la seule chose que vous pourriez m’offrir en paiement est votre vie. Que je sache, je n’ai pas besoin de vous donner quoi que ce soit pour la prendre.  
    Derrière Karlon, Ludof et Erach veillaient, observant la foule des brigands, prêts à agir. Ils affectaient toujours de paraître calmes et sereins, gardant leurs mains loin de leurs armes.  
    Karlon plongea de nouveau son regard sombre dans celui d’Erzus qui, mal à l’aise, abandonna son masque d’arrogance pour arborer une mine inquiète.  
    - Nous prendre la vie pourrait te coûter cher. » déclara le mercenaire d’une voix glaciale. « Beaucoup de tes séides pourraient en mourrir Erzus. As-tu les moyens de t’offrir un tel divertissement ? Dans une rencontre avec les soldats royaux quelques hommes peuvent faire la différence. Il vaudrait mieux pour toi épaissir les rangs de ta petite bande plutôt que les réduire, non ?
    - Et quelle est ta proposition mercenaire ? Tu souhaiterais, avec tes hommes, rejoindre notre bande de voleurs et de pillards ? Les joies de la guerre ne te conviennent plus ?
    - Tout ce que je souhaite Erzus, c’est survivre. Comme tu me l’as si bien fait remarquer, je ne donne pas cher de notre peau si des soldats de ton Duc de Roelan nous tombe dessus et la potence sera sans nul doute notre seule récompense pour avoir participé à cette guerre. Nous sommes mercenaires et en ces temps troublés, être mercenaire ou pillards revient au même. Tant que l’on trouve de quoi se nourrir et vivre, le reste importe peu.
    Erzus acquiesça tout en lissant sa moustache.
    - Il est vrai que nos activités divergent peu. Après tout, vous faites la guerre dans l’espoir de piller les vaincus. Mais entrer dans ma bande ne se fait pas ainsi. Je veux déjà connaître vos noms.
    - On m’appelle Karlon. La montagne derrière moi se nomme Ludof, et le grand sec à la balafre, c’est Erach.
    - Bien, je tacherai de ne pas l’oublier. Mais avant tout, sachez une chose, je ne veux pas dans ma bande de geignards qui tremble à la moindre bagarre. J’espère que vous savez vous battre.
    - Nous sommes mercenaires Erzus, le combat est notre vie, notre gagne pain. Libre à toi de vérifier !
Le sourire cruel fit sa réapparition sur le visage du brigand.
    - Mais j’y compte bien Karlon, j’y compte bien. Tu m’as l’air tout à fait capable de représenter tes compagnons pour cela. » Puis, se tournant vers le violoniste : « Puisque tu n’avais pas l’air de vouloir que je le tue Hugo, tu pourras t’en charger toi-même.  
Le jeune homme hocha sobrement la tête.  
    - Fait-nous donc une démonstration de tes talents à l’épée, mercenaire. » s’exclama Erzus. « Si tu échoue, Hugo t’ouvrira proprement le ventre !
    - Et si je gagne ?
    - Gagner ! » Erzus éclata de rire. «  Hugo est le meilleur bretteur que je connaisse. La terre de cette clairière se gorgera sous peu de ton sang et nous nous ferons des colliers de tes tripes. Mais si par miracle tu l’emportais, alors je tiendrai ma promesse, toi et tes amis seraient considérés comme des frères, membres de notre petite confrérie du crime.
Le chef des brigands se leva brusquement.  
    - Faites place, vous autres, que nous assistions au spectacle !  
Autour de Karlon et ses deux compagnons, le cercle des pillards s’élargit pour laisser vide un espace large d’une dizaine de pas. Karlon se pencha vers ses amis et leur parla dans un murmure :  
    - Ne vous préoccupez pas de moi. S’il devait m’arriver quelque chose arrangez-vous pour rejoindre Metter et partez le plus loin possible. Inutile de jouer les héros !  
Erach et Ludof hochèrent la tête. Tous deux savaient bien qu’il était inutile de discuter avec leur chef. Après lui avoir donné une tape dans le dos pour l’encourager, ils vinrent rejoindre les rangs serrés des brigands.
    Sous l’œil narquois d’Erzus, Karlon et son adversaire s’avancèrent au centre du cercle. Le mercenaire fit glisser sa lame hors du fourreau. C’était une vieille épée qui l’avait toujours bien servie, enlevée sur le corps d’un soudard quinze ans plus tôt. Un soudard qui avait violé sa mère avant de la tuer. Mais la pauvre femme n’était pas partie seule, enfonçant en mourrant un couteau dans la gorge de son bourreau. De ce jour, Karlon était devenu mercenaire, parcourant sans cesse les routes pour fuir les ombres de son passé.  
    La pointe de l’épée dirigée vers le sol, Karlon observa son adversaire qui n’avait toujours pas sortis sa lame. Le violoniste attendait, immobile, l’assaut du mercenaire, un léger sourire sur le visage. Cette assurance n’impressionnait pas Karlon. Son surnom de Vivemort, il l’avait gagné par le compte macabre de ses adversaires tombés sous sa lame, victimes d’une danse mortelle de l’épée. Mais ce soir, Karlon ne voulait pas tuer. Il y avait eu assez de mort dans cette journée pour ne pas en rajouter un de plus. Mais pour cela il allait lui falloir résister à l’attrait de la Danse.
    Le violoniste ne faisant aucun geste, Karlon se résolut à attaquer. Sa lame siffla comme un serpent, fusant vers l’épaule du jeune homme mais elle n’atteignit jamais sa cible. Vif comme l’éclair, son adversaire avait tiré son épée du fourreau et bloqué le coup avant d’enchaîner sur une contre attaque. Karlon para à son tour et s’ensuivit un échange qui dura cinq bonnes minutes, les deux épéistes se testant l’un l’autre dans une série d’attaque et de parades rapides. Puis les deux duellistes se séparèrent.  
    Le violoniste était très doué, plus que la moyenne, ce qui inquiétait le mercenaire. L’appel de la Danse s’en faisait d’autant plus fort. Et aucun adversaire n’avait jamais survécu à un affrontement avec Karlon lorsque celui-ci se laisser aller à cette étrange transe mortelle qui rendait ses coups et ses parades d’une précision surnaturelle. Résister à son appel demandait au mercenaire une concentration absolue.
    Cette fois le violoniste pris l’initiative, chargeant son adversaire avec fureur, son épée décrivant des courbes mortelles. Karlon paraît habilement les coups, une partie de son esprit s’attachant à réfréner l’appel pressant de la Danse. Il ne voulait et ne pouvait pas y céder. Son esprit, occupé à ces deux taches, se trouvait limité dans son aptitude au combat et la botte soudaine de son adversaire faillit lui coûter la vie. Le violoniste, vif comme un chat, avait dévié l’épée de Karlon de sa lame, trouvant une ouverture pour son attaque. La pointe de l’épée traversa l’air, visant l’œil du mercenaire avec une précision diabolique. Les digues, patiemment construite par Karlon dans son esprit pour réfréner ses instincts de tueur, cédèrent soudain et la Danse envahit son corps, faisant vibrer toutes les fibres de son âme. Avec une rapidité surprenante, il évita le coup qui ne laissa qu’une petite strie sanglante sur sa joue droite. Dans le même temps, sa lame entama une danse qu’il savait mortelle pour son adversaire, enchaînant les coups et ne laissant à celui ci aucune chance de riposter. Le violoniste perdait du terrain, tout son esprit et son corps tendu dans le seul but d’échapper aux coups précis du mercenaire. Deux combats se déroulaient en parallèle, l’un au centre de la clairière illuminée par le grand feu, l’autre dans l’esprit de Karlon. Il lui fallait réfréner, repousser la Danse, où son adversaire allait mourir. Au prix d’un effort de volonté intense, il réussit enfin, repoussant l’appel sanguinaire. Mais cet effort le vida de toute énergie, le laissant sans défense. Sa lame s’arrêta en pleine action, et retomba à son côté sous le regard étonné des spectateurs jusque la fascinés par l’inquiétant ballet. Sa lutte contre lui-même l’avait laissé épuisé et incapable de continuer le combat. Son adversaire le toisa avec surprise pendant quelques secondes, ne comprenant pas un si brusque arrêt, puis il rentra son épée au fourreau avant de venir soutenir le guerrier épuisé. Erzus, jusque-la silencieux et attentif, se leva, en hurlant.  
    - Tue-le ! Il a renoncé à se battre, tu lui dois la mort Hugo !
    - Vous auriez du regarder ce duel avec plus d’attention. » répondit calmement le jeune homme. « S’il l’avait désiré, je ne serai plus de ce monde à cet instant. C’est le meilleur épéiste qu’il m’ait été donné d’affronter. Je me considère comme vaincu. Il a gagné sa place et celle de ses amis dans ta bande Erzus.  
La lueur de folie que Karlon avait déjà vue dans les yeux du chef des brigands réapparut l’espace d’un instant, sa main se crispant sur la garde de son épée, puis elle passa. Erzus avait retrouvé son mauvais sourire.  
    - Qu’il en soit ainsi ! Mais rappelle-lui bien qui est le chef, et toi aussi tache de t’en souvenir ! Ton insolence pourrait me lasser Hugo. » Puis il se tourna vers l’assemblée des brigands. « Vous avez entendu, bande de gueux ! Nous accueillons dans notre auguste confrérie de nouveaux membres ! Essayez de leur faire bon accueil, buvez avec eux et amusez-vous !  
    Les gaillards répondirent par de grands cris de joie, admiratifs qu’ils étaient des talents de Karlon.
    Le violoniste avait remis son adversaire, encore sonné, aux soins de ses deux amis qui écartaient les opportuns venus les féliciter pour leur intronisation. Karlon s’installa sur un tapis de mousse pour se remettre doucement de son effort. Repousser ses irrépréssibles pulsions l’avait laissé sans force. Erach les abandonna et revint quelques instants après avec Metter tout sourire.
    - Alors chef, on a encore fait des siennes !
    - Laisse le se reposer imbécile! » lui répliqua Erach. « Il a eu une journée difficile et tes facéties n’arrangeront rien. Va plutôt nous chercher de la bière.
    - Mon pauvre Erach, déjà aigri à ton âge ! Quelle tristesse ! Souris, tu verras à quel point ça peut changer la vie.
Le grand balafré lui jeta un regard qui aurait suffi à geler le sang dans les veines de n’importe quel individu sensé, mais Metter connaissait son compagnon et le gratifia d’un vaste sourire provocateur.
    - Tu n’es qu’un pitre Metter. Une bonne correction ne te ferait pas de mal de temps à autre !
    - Oh oui Erach ! Corrige-moi ! » répliqua le jeune homme avant d’éclater de rire.
Imperceptible au début, une esquisse de sourire finit par se dessiner sur le visage d’ordinaire figé du grand balafré. Puis il secoua la tête d’un air désespéré devant le grand éclat de rire qui secouait Metter et Ludof. Karlon aussi souriait. Il aimait voir ses compagnons dans cet état d’esprit, surtout après une journée telle que celle qu’ils avaient traversée.
    - Je vais bien. » Leur dit-il. « Allez donc boire un coup avec nos nouveaux compagnons et amusez-vous.
Les trois mercenaires le regardèrent, l’air peu convaincu, mais il leur lança un regard autoritaire et ils finirent par le laisser là pour rejoindre les brigands autour du grand feu et entreprendre de vider verre sur verre en leur compagnie. Karlon les observa quelques instants. Ludof semblait impressionner les pillards par sa capacité à absorber des quantités astronomiques de bière sans sembler le moins du monde en souffrir. Erzus, lui, avait rejoint sa place, arborant un calme apparent. De temps à autre son regard venait s’appesantir sur Karlon. Un regard plein de haine dans lequel venait également se mêler une folie inquiétante. Il était clair que sans l’intervention du violoniste, le chef de la bande aurait ordonné à ses hommes de tuer le mercenaire et ses compagnons. Cette situation ne cessait d’ailleurs d’étonner Karlon. Hugo devait tenir Erzus par un quelconque moyen pour pouvoir ainsi se permettre de telles libertés avec le chef de la bande.  
    Le mercenaire, ayant repris son souffle, se releva. Il se dirigea vers l’orée des bois, aux limites de la clairière, s’éloignant du grand feu de camp. Au-dessus de lui, pas un nuage ne venait s’interposer devant les étoiles qui brillaient, telle des diamants fixés sur un dais sombre. En observant le disque d’argent de la lune, Karlon se mit à songer au futur. Lui et ses compagnons avaient servi comme mercenaire dans une armée qui n’existait plus. Désormais ils étaient des pillards, des brigands. Et demain ? Bourreaux, violeurs, assassins…Sa vie n’avait jamais été qu’une suite de choix anarchiques et désordonnés depuis ce jour maudit où la maison de son enfance avait disparu dans les flammes d’un incendie. Ce jour où une bande de mercenaires, soudards, chien de guerre avait déferlé sur son village. Combien étaient morts ? Aucune importance. Une seule vie comptait et elle avait été prise sans qu’il puisse rien y faire. Penser de nouveau à sa mère était une souffrance pour Karlon qui s’empressa de rejeter ces souvenirs dans les lieux sombres et inaccessibles de sa mémoire. Il était devenu mercenaire et quinze ans durant il avait écumé les champs de batailles de Bohemia, servant dans les armées des Princes qui se déchiraient pour quelques bouts de territoires n’ayant d’importance que dans leurs esprits avides de pouvoir. Et puis tous cela avait cessé. La petite secte des Réformateurs, inspirées par d’anciennes hérésies, avait grandi dans le Sud de l’Aquitanie puis avait gagné toute la Bohemia. D’abord le peuple, aspirant au salut, avait rejoint ses rangs puis les seigneurs et enfin les Princes qui n’y avaient vus qu’un moyen de secouer le joug de l’Eglise Arnalite. L’idée d’une guerre sainte contre l’Eglise impie avait finalement germées pour aboutir en fin de compte au désastre de Lernac. Karlon avait quitté la Bohemia avec ses compagnons, sans espoir de retour. Désormais l’Aquitanie était son nouveau terrain de jeu.
    Silencieux et discret, le violoniste s’était glissé aux côtés de Karlon.
    - Beau duel. Ta pratique de l’escrime est surprenante et m’a pris au dépourvu. » déclara le jeune homme. « Les sages disent qu’il ne faut jamais sous-estimer son adversaire…ni non plus le surestimer d’ailleurs. Je ne ferais pas deux fois la même erreur.
    - Il s’en est fallu de peu que je ne vous tue. » répondit Karlon, le regard perdu dans les étoiles.
    - J’en ai conscience oui. Le plus surprenant est que durant toute la première partie de notre duel tu ais semblé avoir tout fait pour te retenir. Et puis cette lueur démente a traversé ton regard…et j’ai cru ma dernière heure venue.
    - Pourquoi nous avoir protégé messire Hugo ? Si Hugo est bien votre nom. » dit alors Karlon pour changer de sujet. Parler de son étrange faculté le dérangeait.
    - Hugo, c’est cela oui. Pour te répondre, je dirai qu’Erzus est un fou doublé d’un idiot. S’il avait ordonné à ses hommes de vous tuer, il en aurait perdu une bonne moitié. Il ne fait aucun doute que vous avez l’expérience du combat et de la guerre, alors mieux vaut que vous soyez avec nous que contre nous.
    - Le plus étonnant étant qu’il vous ais écouté. Je n’aurai pourtant pas parié beaucoup là dessus.
    - Il me doit sa place. Il y a encore deux semaines cette bande était dirigée par un dénommé Gorgus. Stupide mais fort comme un bœuf. Erzus était son second. Je me rendais à Divon lorsque je suis tombé entre leurs mains. Gorgus a voulu faire démonstration de sa force devant ses hommes, j’ai donc du le tuer. Erzus s’est empressé de prendre la place de son prédécesseur et de me proposer d’entrer dans sa bande. Je n’ai pas vraiment eu le choix. Une vie de brigand ou…la mort.
    - Je vois » dit Karlon en hochant la tête. « La proposition d’Erzus n’était pas innocente et il compte sur toi pour le défendre si jamais un concurrent venait à contester son autorité.
    - Tu as tout compris, il ne peut plus se passer de moi, il est donc bien obligé de m’écouter quand je lui demande quelque chose.
Le mercenaire hocha la tête, réfléchissant au propos du jeune homme.
    - Tu es un personnage assez étrange Hugo. Violoniste et bretteur de talent. Brigand involontaire qui ne cherche pas à échapper à sa situation.

mood
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Posté le 18-11-2005 à 13:21:05  profilanswer
 

n°7019171
minusplus
Posté le 18-11-2005 à 13:22:07  profilanswer
 

y'a pas d'images ?

n°7019250
tchenrezi
Posté le 18-11-2005 à 13:30:53  profilanswer
 

C’est un roman.. Sinon avec des images, on appelle cela une bande dessinée je crois mais je suis pas sur.
Pour rester dans le sujet, les premiers chapitres sont intéressants mais il est difficile d'apporter un jugement constructif sur quelques lignes. Cela semble prometteur en tous cas

n°7019317
Profil sup​primé
Posté le 18-11-2005 à 13:39:33  answer
 

Salut,
 
L'histoire a l'air sympa mais j'avoue que c'est dans l'expression que j'ai retrouvé un truc qui me rebute souvent, c'est l'uasage quasi systèmatique d'adjectifs après chaque nom commun, c'est bien d'être descriptif mais c'est bien aussi de le faire petit à petit, un exemple sur le premier paragraphe :
 

Karlon a écrit :


 
    Les gradins de marbre noir s’emplissaient peu à peu de silhouettes drapées de vastes manteaux d’ombres. Sous leurs sombres capuchons, ne transparaissaient que quelques paires d’yeux aux éclats inquiétants, certains pareils à des braises ardentes, d’autres à des éclats de glace. Le grand amphithéâtre entourait une arène circulaire au sol lisse de pierre noire. Un vaste dôme, percé d’une ouverture en étoile à cinq branches, couvrait l’édifice. L’étrange lieu était éclairé par de hautes flammes bleues ne dégageant aucune chaleur. Elles émergeaient de larges fosses entourant l’arène. Au centre, se dressait une petite colonne à la forme torturée, cerclée d’épine, qu’un disque de marbre venait couronner. Sur celui-ci était déposé un parchemin jauni scellé de sept sceaux noircis par le temps.


 
Même si dans l'exemple ci dessus certains sont indispensables, je trouve que ça fait quand même énormément d'adjectifs :/
 
Mais bravo pour ton courage, et bonne continuation! :)

n°7019387
kaloskagat​os
Posté le 18-11-2005 à 13:46:48  profilanswer
 

minusplus a écrit :

y'a pas d'images ?


 
 
 :whistle:
 
 
edit: pour être plus constructif je suis d'accord avec yoannletroll pour la lourdeur (très relative) de l'emploi des adjectifs systématiques


Message édité par kaloskagatos le 18-11-2005 à 13:48:46
n°7019832
deidril
French Geek Society Member
Posté le 18-11-2005 à 14:38:29  profilanswer
 

Moi j'aime bien.
 
Sans vouloir faire un commentaire orthographique détaillé, je dirais la même chose que ci dessus : une overdose d'adjectifs qui parfois, fait que ton écriture semble maladroite plutot qu'avisée.
 
Egalement : la ponctuation et l'organisation des termes dans les descriptions me laisse pantois. Style ou maladresse je ne sais pas.
 
Je m'explique .
 

Citation :


Henri, suivi de prés par son garde du corps, franchit les portes s’ouvrant sur les jardins intérieurs du palais, salué au passage par les hommes d’armes de la Garde Royale.


 
s'écrit pour moi

Citation :


Suivit de près par son garde du corps et salué au passage par les hommes d’armes de la Garde Royale, Henri franchit les portes s’ouvrant sur les jardins intérieurs du palais.


 
Après chacun fait comme il veut, mais ta manière de construire les phrase donne l'impression que tu essayes de donner un style, mais finalement : ca le fait pas.


Message édité par deidril le 18-11-2005 à 14:39:24
n°7467720
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 20-01-2006 à 09:33:50  profilanswer
 

Droit de réponse...deux mois après...il est temps...
D'abord quant à la critique de yoannletroll, effectivement mes premiers chapitres sont marqués par un style assez descriptif. C'est la marque de mes premiers pas dans le monde de l'écriture. Mon style c'est affiné et allégé par la suite. J'étais encore parasité par les exemples d'auteurs nous livrant des descriptions grandioses...j'en suis un peu revenu...au-delà de tout ça, j'aime bien mon Prologue et j'avoue avoir du mal à trop y toucher...mais merci pour la remarque.
Pour les remarques de Deidril sur la ponctuation et l'organisation des termes dans les descriptions, ce n'est pas une question de style mais bien de maladresse...et j'y travaille...j'ai la chance d'avoir un papa qui a déjà publié et qui me fait une relecture éditeur de mon manuscrit en ce moment...j'en prends plein la gueule mais, tout comme les critiques que je reçois ici, ça me permets d'avancer. Pour ce qui est de l'extrait que tu présentes Deidril, ta correction est peut-être plus juste grammaticalement parlant mais je reste sur ma position. Ma version a, à mon humble avis, plus de sens dans ma version que dans la tienne...
Vala...et comme je suis toujours à la recherche de commentaires, jvous présente le troisième chapitre non tronqué et les deux suivants.

n°7467726
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 20-01-2006 à 09:35:08  profilanswer
 

Chapitre III
 
 
    Le son de ses pas se répercutait sur la voûte de pierre du grand couloir qui menait aux jardins intérieurs du Palais-Regalis. C’était un jeune homme de grande taille, prés de six pieds de haut, à la prestance de seigneur. Il avait une barbe noire soigneusement taillée, des yeux gris aux nuances minérales. Ses traits semblaient ciselés dans le marbre. Ses vêtements, sans être ostentatoires, témoignaient d’un certain luxe. Il portait un pourpoint de velours noir décoré de motifs tissés de fils d’or représentant l’ours de Vassare, des chausses noires et de solides bottes de cuir. Quelque pas en arrière marchait un homme qui devait bien faire une tête de moins que lui. Il était vêtu d’une grande cape de couleur sombre et portait un chapeau aux larges bords dont l’ombre venait, en partie, dissimuler son visage. Il semblait impassible mais ses grands yeux noirs étaient sans cesse en mouvement, fouillant les moindres coins d’ombre. Le premier était le Prince Henri de Barleon, héritier du trône de Vassare. Le second se nommait Etienne Arcel et était le garde du corps du Prince.  
    Dans le couloir, les dames, vêtues de robes de soie et de satin richements ouvrées, se retournaient sur leur passage avec des petits rires discrets. Henri avait l’habitude, son physique et son charme y étaient pour beaucoup, mais c’était surtout son rang qui en faisait un parti recherché. Henri de Barleon était fils du Duc de Barleon, lui-même frère du précédent monarque. Cela faisait de lui le cousin de l’actuel Roi Ferdinand II et le plaçait en deuxième position dans la liste des héritiers du trône d’Aquitanie. Pourtant le jeune Prince ne se souciait nullement des sollicitations de ces dames et n’en tirait aucun avantage, son cœur étant déjà captif d’autres filets.
    Aux regards admiratifs succédaient les regards de haine lancés par certains courtisans. Si Henri était l’un des héritiers du trône, ses croyances lui valaient de solides rancœurs en ces lieux. Messalie de Talas, Reine de Vassare, sa mère, l’avait élevé dans le culte Réformateur, hors de l’Eglise Arnalite et de son dogme inflexible. Hors, les traditionalistes Arnalites étaient nombreux à la Cour de Lutellis et ne voyaient en lui qu’un hérétique méritant au mieux une mort rapide par l’épée, au pire une mort lente sur les bûchers de l’Inquisition. Mais le jeune Prince ne se souciait pas plus de ces regards haineux que des sollicitations des dames de la Cour. Il se sentait protégé en tant que cousin du Roi.
    Henri, suivi de prés par son garde du corps, franchit les portes s’ouvrant sur les jardins intérieurs du palais, salué au passage par les hommes d’armes de la Garde Royale. Les jardins intérieurs s’étendaient dans l’aile Sud du Palais-Regalis et étaient cerclés par de hauts murs. Des arcades, permettant de s’abriter des chauds rayons du soleil d’été en faisaient le tour. Les buissons soigneusement taillés formaient un ensemble d’allées à l’aspect labyrinthique décorées de parterres de fleurs multicolores, de fontaines et de statues. Henri s’engagea directement dans l’une de ces allées. Il y avait peu de monde dans les jardins en cette heure vespérale. Les courtisans étaient pour la plupart réunis dans la grande salle laissant les autres parties du palais à l’abandon. Une situation qui convenait parfaitement au jeune Prince qui n’aspirait qu’a un peu de tranquillité. Après de nombreux virages dans le labyrinthe des allées, les deux hommes atteignirent un petit espace dégagé au centre duquel se dressait une statue représentant l’Ange aux deux visages, Najus le Dispensateur, gardien des vérités et des mensonges. Une ombre se tenait à ses pieds. Elle était vêtue d’une mante de soie verte dont la capuche avait été rabattue sur le visage. La silhouette était incontestablement féminine.
    Etienne Arcel, sur un signe de son maître, recula de quelque pas, se coulant dans l’ombre. Henri s’avança et s’arrêta devant l’inconnue. Il pris ses mains dans les siennes, puis l’attira à lui. La capuche glissa alors d’elle-même, révélant un visage de porcelaine illuminé par de grands yeux verts. Une cascade d’or en formait le cadre parfait. Henri la contempla avec ravissement.
    - Chaque jour que Dieu fait apporte à votre si charmant visage de nouvelles beautés ma dame.
    - Et chaque jour que Dieu fait apporte de nouvelle saveur à vos si douces paroles mon aimé.
Tous deux se regardèrent tendrement pendant quelques instants avant d’échanger soudain un baiser fougueux qui tranchait avec les courtoises paroles qui l’avaient précédé. Puis ils s’enlacèrent tendrement, la tête de l’un sur l’épaule de l’autre, et ils restèrent ainsi un long moment, savourant cet instant de tendresse comme un trésor. Ils se séparèrent enfin pour s’asseoir l’un à côté de l’autre sur un banc de pierre au pied de la statue.
    - Tu as donc put échapper aux cerbères de notre tante ? Elle n’aimerait pas te savoir en ma compagnie Marie.
    - Ma tante te ferait jeter au fond du plus profond des cachots de la plus lointaine forteresse du royaume si elle savait, et le fait que tu sois héritier de la Vassare et son neveu n’y changerait rien !
    - Elle préférerait te voir au bras d’un vrai Arnalite, tel que le Duc de Roelan. Un gardien de la Foi, protecteur de l’Archipatriarche.  
Henri prononçait ces mots avec un dégoût manifeste. Les muscles de son visage s’étaient tendus. Il aimait Marie comme un fou et se tuerait pour elle sans la moindre hésitation, mais leur tante, la terrible Elise de Mecini, n’accepterait jamais l’idée d’un mariage entre eux deux. Elle haïssait Henri et sa famille qu’elle considérait comme de dangereux contestataires à l’unité du royaume. Elle avait tout tenté pour que jamais les deux jeunes gens n’entrent en contact en dehors des cérémonies officielles, mais rien n’y avait fait. Ils avaient finis par se trouver et s’était aimé.
    - Oui, elle m’en a encore parlé ce matin. Néris de Roelan lui a demandé ma main avant de partir mener la campagne dans l’Est contre les Princes Réformateurs de Bohemia. Elle souhaite nous voir marié avant la nouvelle année.
    - Mariés ! Impossible !  
Tout l’esprit d’Henri se révoltait contre cette idée. Imaginer sa bien aimée s’avancer vers l’autel au bras de ce fol arrogant lui était insupportable. Il ne s’en était pas rendu compte mais ses mains serraient celles de Marie avec tant de force qu’une grimace de douleur apparut sur le visage de la jeune femme.
    - Henri ! Tu me fais mal.
Le jeune homme prit conscience de son geste et lâcha les mains de Marie avec gène, baissant les yeux. La jeune femme le regarda avec douceur et remit ses mains dans les siennes les serrant à son tour, mais avec plus de délicatesse.
    - Notre cousin s’oppose à l’idée d’une telle union Henri. Il déteste Roelan et n’acceptera jamais de lui céder ma main.
Henri redressa la tête, une lueur d’espoir dans les yeux.
    - De plus Ferdinand a toujours eu beaucoup d’affection pour toi. Peut-être nous soutiendra-t-il. » rajouta la jeune femme.
    - Ma douce Marie, tes paroles sont comme le souffle léger du vent qui ravive les braises et fait renaître la flamme. Se pourrait-il qu’un jour, malgré tous les obstacles que la vie semble déposer sur notre chemin, nous soyons unis pour toujours ?
    - L’Unique est plein de bonté, sa main est sur nous et nous protègera Henri.
Le jeune prince se rapprocha et déposa sur ses lèvres un tendre baiser.
La jeune femme passa sa main sur son visage, lui caressant longuement la joue.
    - J’ai peur pour toi mon aimé. Il se trame en ce palais de nombreux complots et je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit.
    - Nous sommes en sécurité Marie. Qui oserait s’en prendre à l’héritier de Vassare, cousin du roi ? Il faudrait être fou.
    - Fou oui, où bien fanatique. Et nombreux sont dans ce cas entre ces murs.
    - Jamais ils n’oseraient Marie, ce serait mettre le feu au pays entier. Même ta tante qui me hait ne prendrait pas ce risque. Presque toute la noblesse des terres du Sud est passée aux Réformateurs.
    - Les fanatiques n’entendent pas la voix de la raison Henri. Ils n’en ont que faire. Tu devrais quitter la Cour et reprendre la route de la Vassare. Sur tes terres et entouré de tes vassaux tu seras à l’abri.  
    - C’est hors de question ! Ils n’ont pas le choix. La noblesse du Sud est le rempart qui a permi au royaume de résister aux assauts des Seldjoukans. Déclencher une guerre civile se serait leur offrir l’Aquitanie.
    - Je te le répète Henri, ils n’en ont que faire. Et la guerre dans l’Est va renforcer leur volonté. Si Roelan revient vainqueur, ce sera pour les traditionalistes et leur Sainte Union un encouragement à combattre les Réformateurs. Et s’il est vaincu, la peur qui en résultera conduira tout aussi inexorablement à la guerre.  
    Les paroles de Marie étaient pleines de bon sens. L’éducation que lui avait donnée sa tante avait fait de la jeune femme une fine observatrice des réalités politiques. Cependant Henri ne voulait pas entendre ses avertissements, à plus forte raison maintenant qu’il connaissait les projets de la reine mère. L’idée de ce mariage arrangé entre sa bien aimée et un homme aussi dangereux que Roelan le révoltait. Il était hors de question pour lui de quitter la Cour.  
    - Marie, tu ne pourras me convaincre. Ils n’oseront jamais s’en prendre à moi. Je resterai à tes côtés.
La jeune femme détourna la tête, un air las sur le visage.  
    - Pourquoi ne veux-tu pas comprendre Henri ! Ta vie est en danger, j’en suis persuadée.  
Des larmes tremblèrent au coin de ses yeux et bientôt elle ne put plus se retenir. Le Prince la prit dans ses bras et la serra doucement contre lui.
    - Il ne m’arrivera rien Marie, je te le jure.
    - Ne dis plus rien Henri. Je vais devoir retourner auprès de ma tante. Si elle ne me voit pas à ses côtés ce soir, elle enverra ses gardes me chercher. Profitons de ce moment s'il te plait. Juste toi et moi, ensemble.
Ils restèrent ainsi un long moment serré l’un contre l’autre. Enfin la jeune femme se sépara du Prince, faisant deux pas en arrière.
    - Je dois partir Henri. Pense à ce que je t’ais dit. J’ai peur pour toi.
    - Ne t’inquiète pas Marie. Après tout, Etienne veille sur moi. Et puis ton frère ne permettrait jamais une telle chose.
    - Tu es trop désinvolte Henri.
    Sur ses mots, la jeune femme rabattit la capuche de sa mante et s’enfonça dans les ombres, disparaissant derrière un buisson avant qu’Henri n’ait put faire un geste. Le prince resta songeur pendant quelques minutes. Les craintes de Marie ne pouvaient qu’être exagérées. Bien sur il y avait de fortes tensions entre Réformateurs et Traditionalistes mais de la à dégénérer en guerre civile tout de même. De même nombreux étaient ceux qui souhaiteraient le voir mort, lui un Réformateur en deuxième position dans l’ordre de succession au trône, mais aucun ne tenterait quoi que ce soit. Après tout la survie du royaume même se trouverait mise en jeu. Henri secoua la tête. Marie se faisait des idées, elle l’aimait et craignait pour sa vie à l’excès. Cette idée était en même temps réconfortante. Sa bien aimée tenait à lui, et après tout c’était bien la seule chose qui importait.
    Henri quitta l’ombre de la statue de Najus et reprit le chemin menant vers le palais intérieur. Une ombre se glissa derrière lui, silencieuse et discrète. Etienne Arcel continuait imperturbablement sa garde.
 
    Un petit groupe se tenait devant les portes donnant sur les couloirs intérieurs du Palais. Ses membres tenaient un conciliabule intriguant en cette heure tardive. Henri les distingua bientôt et n’eut aucun mal à les reconnaître. Ces hommes étaient tous de farouches traditionalistes Arnalites. Chacun portait, brodé sur son pourpoint de velours, une épée environnée de flammes, surmontée de l’Oculus Arnalite, symbole de la Sainte Union. La Sainte Union était une sorte de ligue regroupant certains membres de la noblesse ralliés aux thèses extrémistes des prédicateurs qui promettaient les flammes du bûcher aux Réformateurs. C’était pour la plupart des fanatiques qui se prétendaient les défenseurs du Royaume d’Aquitanie. Leur chef était Néris de Roelan, homme cruel et impitoyable qui ne croyait qu’en lui-même et ne cachait pas ses ambitions sur le trône. En effet, ses ancêtres avaient régné sur l’Aquitanie prés de quatre siècles auparavant. Henri détestait cet homme non seulement parce qu’il n’avait aucun honneur mais surtout parce qu’il désirait depuis longtemps épouser Marie de Mecini, nièce d’Elise de Mecini et cousine de Ferdinand II, son aimée. Henri soupçonnait Roelan de vouloir, par une telle union, s’ouvrir une route vers le trône.
    A la tête de la petite camarilla qui s’était rassemblée devant les portes des jardins du Palais, Henri reconnu le comte Charles de Valetis et le baron Richard de Cargonne. Le premier était vêtu d’un pourpoint violet. Un collier de barbe noire, finement taillé, cerclait son visage. Ses yeux verts semblaient ceux d’un serpent. En fait,  tout son être évoquait une créature froide, calculatrice, reptilienne. C’était un homme dangereux, séide de Néris de Roelan depuis fort longtemps. Richard de Cargonne, lui, était grand, fortement battis, revêtus d’un pourpoint et d’une cape écarlate. Une épaisse barbe blonde, mal entretenue, mangeait ses traits épais. Ses petits yeux porcins semblaient profondément incrustés dans son visage. C’était un duelliste redouté qui n’aimait rien tant que plonger sa lame dans le ventre de quelque malchanceux adversaire. De nombreuse fois déjà il avait tenté de provoquer Henri, espérant le pousser à la faute, mais le jeune homme avait toujours résisté à la tentation.
    Le prince, suivi de son ombre fidèle continua à s’avancer vers les portes donnant sur l’intérieur du palais. Le voyant venir les Unionistes se déployèrent en arc de cercle, lui barrant le chemin. Charles de Valetis arborait comme à son habitude un sourire étrange qui provoquait toujours chez ses interlocuteurs un sentiment de malaise. Quant à Cargonne, il fixait ses petits yeux porcins sur Henri avec un air mauvais.
    - Quelle bonne surprise ! Le Prince de Vassare en personne ! Que faite vous donc à une heure aussi tardive dans ces jardins votre altesse ?
La voix de Valetis était froide, on aurait presque put y entendre les sifflements d’un serpent.
    - Et vous même, comte, quel complot tramait vous avec vos amis ? » répondit aussitôt Henri.
    - Si tu le savais hérétique, tu prendrais la route de ton pays fangeux dés ce soir, sans idée de retour ! » s’exclama Richard de Cargonne, de sa grosse voix.
    - Allons mon ami. » l’interrompit Valetis. « Tu parle au Prince Henri de Barleon. Nous nous devons de respecter l’un des héritiers du trône. »
Mais les paroles de Valetis n’eurent pas l’effet escompté sur son compagnon.
    - Ce bâtard ! Héritier du trône ! Je lui arracherais les boyaux avant qu’il n’ait l’occasion de mettre sa couronne !
La main du colosse s’était déjà saisie de la garde de sa rapière et il esquissait le geste de la sortir quand une ombre bondit avec l’agilité d’un fauve au milieu de l’assemblée. Ecartant les pans de  sa cape, Etienne Arcel avait fait jaillir dans sa main un pistolet. Son canon venait de se poser sur le front de Cargonne.
    - Un pas de plus baron et votre cervelle viendra décorer les pourpoints de vos amis.
Il avait dit ces mots d’une voix calme, ses yeux sombres plongés dans ceux de Cargonne. Autour d’eux, nul n’osait faire un mouvement. Tous étaient stupéfaits par ce qui venait de se passer. Henri finis par sortir de son état de stupéfaction.
    - Etienne, range ton arme et cesse de menacer le baron. C’est un noble, ne l’oublis pas.
    - Un noble qui vous aurait tranché la gorge sans vous laisser le temps de vous défendre altesse. » répondit le spadassin. « Je n’ai fais que mon devoir.
Cargonne fulminait, n’osant rien tenter tant que le canon du pistolet restait pointé sur son front. Valetis s’approcha et posa sa main sur celle du colosse.
    - Lâchez votre épée baron, nous sommes entre gens de bonne compagnie, et il ne saurait y avoir de rixes entre ces murs.
Cargonne ne semblait pas vouloir obéir. Toute son attention se portait maintenant sur Arcel. Il voulait sa tête pour venger l’affront dont il se croyait victime. En face, le garde du corps, obéissant à l’injonction de son maître, ramenait doucement le pistolet à lui pour le faire disparaître dans les plis de sa cape. Croyant saisir une occasion, Cargonne voulut sortir sa lame, mais il en fut incapable. La main de Valetis, posée sur la sienne, maintenait une poigne de fer, lui empêchant tout mouvement. Henri observait la scène avec étonnement. Le comte avait une constitution plutôt fragile à côté de celle du colosse qu’était Cargonne, et pourtant ce dernier se trouvait incapable de faire le moindre geste. Valetis se rapprocha du baron et chuchota à son oreille. De là où il était, Henri aurait juré avoir entendu les sifflements d’un serpent. Le visage rubicond de Cargonne devint soudain blanc comme un linceul, ses petits yeux semblant s’enfoncer encore plus profond dans ses orbites. Sa main avait cessé de tenir son épée, et lorsque Valetis le lâcha, il tituba quelque seconde comme un homme ivre.
    - Excusez-nous pour ce regrettable incident votre altesse. Le baron a parfois le sang chaud, et le vin ne lui réussit pas. » reprit Valetis de sa voix glaciale.
Etais ce le vin qui avait mit Cargonne dans un tel état ? Henri en doutait. Des choses étranges se passaient entre les murs du Palais-Regalis. Les paroles de Marie lui revenaient maintenant en tête et les complots qu’elle craignait prenaient soudainement une consistance inquiétante. Henri observait le comte qui arborait toujours son énigmatique sourire. Quelque chose en lui, lui hurlait de prendre son épée et de trancher cette tête, mais une autre part de lui-même le suppliait de fuir à toute jambe loin de ces lieux.
    - Cela ne va pas votre altesse ? » S’entendit-il soudain demander.
C’était Etienne Arcel. La voix de son garde du corps tira Henri de ses sombres pensées. Sur un geste de Valetis, les Unionistes s’étaient écartés, laissant libre un passage pour le Prince. Le comte, fixant toujours Henri de ses yeux de serpent, exécuta une révérence, l’invitant à passer. Henri, ne voulant pas rester une seconde de plus face à l’étrange personnage, s’empressa de franchir les portes du palais, suivit de prés par Arcel. Alors qu’ils s’enfonçaient dans le couloir, la voix de Valetis résonna sous la voûte :
    - Veuillez encore nous excuser, votre altesse. J’espère que vous profiterez de cette soirée et des suivantes. La vie est si courte en ce bas monde.
Henri poursuivit son chemin, un frisson lui parcourant le dos. Etienne Arcel c’était rapproché.
    - Prenez garde à cet homme monseigneur. Il tient plus du serpent que de l’être humain. Cargonne est idiot mais lui…sa seule présence vous glace le sang.
Henri hocha la tête. Il ne s’expliquait pas l’étrange sensation qu’il avait ressentie devant le comte. Cette panique ne lui était pas habituelle, non plus cette envie soudaine de meurtre. L’espace d’un instant il aurait juré que Valetis n’avait rien d’un humain. Le comte lui avait semblait être un serpent aux froides écailles et à l’esprit tortueux et malfaisant. Mais c’était folie que de songer à de telle chose. Henri secoua la tête, comme pour chasser ces étranges pensées. Valetis ne serait pas humain ? Comment une telle bêtise avait put lui traverser la tête ? Et serais ce le cas, quelle créature serait-il ? Un monstre, un démon ? Non, décidément tous cela n’était que folie.  
    Plus Henri s’éloignait des jardins et plus sa crainte diminuait. Lorsque-il atteignit les portes s’ouvrant sur la grande salle du palais elle avait complètement disparue. Tous cela était de la faute de Marie et de ses peurs de complot et de meurtre. Elle avait réussi à lui faire avaler ses sottises et il avait marché, en arrivant presque à craindre que le comte n’en veuille à sa vie. S’arrêtant au seuil de la vaste salle où résonnait le bruit des conversations des convives, Henri partit d’un grand éclat de rire, attirant l’attention de quelques courtisans. Il riait de lui-même, de sa bêtise qui lui avait fait croire aux histoires d’une folle jeune femme qui avait sûrement du lire trop de roman d’aventure.  
    Heureux d’avoir retrouvé ses esprits, le jeune homme pénétra d’un pas assuré dans la grande salle tendue de vastes bannières aux armes royales. Deux grandes tables de chênes, recouvertes par des nappes de soie bleues, accueillaient les courtisans qui se gavaient, sans faire de façon, des nombreux plats aux senteurs variés qu’une batterie de serviteurs en livrée venait leur présenter. D’autres serviteurs passaient entre les tables, proposant aux convives vins et boissons diverses. Henri se dirigea vers la droite. Là, en bout de table, se tenait une joyeuse assemblée de jeunes nobliaux du Midi, tous compagnons fidèles du Prince. A son approche, ils se levèrent comme un seul homme, le saluant de leurs coupes de vin.
    - Et bien votre altesse, ou étiez vous encore passé ? » lui demanda un grand bonhomme aux joues rouges et au pourpoint taché de vin, fils du Comte d’Orac, un des conseillers de sa mère.
    - Je prenais l’air dans les jardins mon cher comte.  
Tout en disant ces mots, Henri risqua un regard vers la table royale ou il avait d’ordinaire une place réservée. Elle était complêtement vide. Ni le roi, ni sa mère, ni sa cousine ne s’y tenait.
    - Vous voulez plutôt dire que vous êtes allé courir la gueuse ! » se gaussait un autre homme à la fine moustache noire et au pourpoint jaune qui était lui Marquis de Beaugère.
Henri se retourna vers les joyeux buveurs et, s’emparant d’une coupe pleine, s’exclama :
    - Trinquons mes compères !  
Tous levèrent leurs coupes.
    - Et à quoi trinquons-nous mon Prince. » demanda le comte d’Orac.
    - A l’amour mon cher comte ! A l’amour, le seul, le vrai. Celui qui vous ensorcelle et vous tient captif mieux que les chaînes de l’Enfer elles-mêmes !
Sur ces mots les coupes s’entrechoquèrent.
 
    Henri ouvrit les yeux. Il était allongé sur son lit. Sa tête le faisait atrocement souffrir. Il se leva avec difficulté et se dirigea en titubant vers la vasque de cuivre posée sur une chaise prés de son lit. Il s’aspergea le visage. Le contact de l’eau froide réveilla ses souvenirs. Il était resté un moment à boire avec ses amis dans la grande salle. Le vin avait fini par lui monter à la tête. Il avait chanté, dansé et peloté les servantes, jusqu’au moment où il s’était senti mal. Arcel l’avait alors conduit dans un lieu où il avait pu soulager ses entrailles, avant de le ramener jusqu'à sa chambre. Le fidèle serviteur devait sans doute veiller devant sa porte maintenant. Henri se secoua, comme pour chasser son mal de tête. Ce n’était pas la première fois qu’il achevait une soirée dans un si triste état, mais il y avait quelque chose le dérangeait. La joie qu’il avait ressentit quelques heures auparavant lui semblait factice, comme si une sourde et indéfinissable menace avait plané sur lui. Il avait beau vouloir se convaincre que tous cela n’était du qu’aux craintes exagérées de Marie, rien n’y faisait.  
    Le jeune homme s’avança jusqu’à la fenêtre grande ouverte. Dehors, le ciel nocturne était dégagé, aucun nuage ne venant occulter la lumière des étoiles. Henri aimait à les contempler, et souvent, il s’imaginait voir le portrait de sa bien aimée au milieu de celles-ci. Ces moments la étaient pour lui synonyme d’apaisement. Mais pas ce soir.
    Les mains d’Henri agrippèrent soudain le rebord de la fenêtre avec force, son regard se fixant sur un point du ciel. Là, se tenait une étoile à nulle autre pareille, une étoile couleur de sang. Henri frissonna et son cœur se serra. Cette étoile semblait être apparue pour lui, lui annonçant de terrible lendemain, confirmant les sourdes craintes qui le saisissait. Comment aurait-il pu deviner qu’à des centaines de lieues de la, un mercenaire à la chevelure flamboyante et une jeune femme aux yeux verts observaient la même étoile écarlate.
 

n°7467733
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 20-01-2006 à 09:36:08  profilanswer
 

Chapitre IV
 
 
    …Les toits de chaume des maisons avaient rapidement pris feu et les flammes s’étaient bientôt répandues dans tout le village. Autour de lui les gens criaient, hurlaient en essayant d’échapper aux soudards. Quelques hommes résistaient vaillamment, mais que pouvaient leurs faux et leurs fourches faces aux cuirasses et aux épées des soldats. La plupart d’entre eux baignaient maintenant dans leur sang. Lui s’avançait tranquillement au milieu de cet indescriptible chaos, l’épée à la main. Il avait déjà vécu cette situation une fois, mais il était alors de l’autre bord. Il faisait parti de ceux qui cherchaient à fuir et à vivre. Aujourd’hui il était soudard parmis les soudards. Il était un tueur qui n’avait jamais tué.  
    Cela faisait à peine un mois qu’il était entré dans cette bande de mercenaires. Leur chef, le capitaine Narsur, avait perdu beaucoup d’homme au cours d’une bataille entre deux Princes Bohemians. Il recrutait des combattants, et lui était passé par la. Bien que n’ayant pas encore participé à un seul combat, il avait été engagé. Sa première action en tant que mercenaire était le pillage d’un modeste village prés de la frontière. Pas d’acte héroïque en perspective, mais il s’en moquait, tout comme il se moquait de la souffrance de ces gens. Après tout lui aussi en était passé par la et il avait survécu. Un cri de femme attira son attention sur sa droite. Une pauvresse que deux mercenaires violaient en pleine rue. Sa main se crispa sur la garde de son épée. Une envie soudaine de meurtre monta en lui. Il commença à se déplacer vers la droite, mais une autre part de son esprit l’arrêta en plein élan. Ce n’était pas elle, ce ne pouvait pas être elle. Elle était morte. Alors à quoi bon ? Tuer ces deux hommes ne serviraient à rien, quant à leur victime, tout était de sa faute. Elle aurait fuit bien plus tôt si elle avait été maligne. Il passa la main dans sa chevelure flamboyante puis reprit sa marche. Il y avait moins de cris maintenant. Les morts ne crient pas.  
    La place qui occupait le cœur du petit bourg était presque déserte. En son centre se dressait une vieille église de pierres blanches. Ses épaisses portes de chênes étaient closes. Aucun pillard ne semblait s’y être intéressé jusqu'à présent. Les flammes, poussées par le vent, commençaient à en noircir les murs. Il se dirigea vers les portes du bâtiment et tenta de les ouvrir. Elles devaient être barricadées car il ne put les faire bouger. Quelque chose au fond de lui s’éveilla. Il ne supportait pas l’idée de ne pouvoir avancer. Ces portes closes le mettaient en rage. Prenant son élan, il donna un violent coup de pied. Les portes craquèrent avant de s’ouvrir à la volée, inondant de lumière l’intérieur de l’édifice. Il resta immobile devant le spectacle qui s’offrait à lui. Devant l’autel étaient rassemblés une vingtaine de personnes. Des femmes et des enfants. Tous imploraient l’Unique de leur venir en aide et levaient les yeux vers l’Oculus, un globe d’or représentant un œil environné de foudre. Alors qu’il entrait d’un pas tranquille dans l’église, il les vit aller se terrer contre l’autel. Un homme se dressa entre lui et la petite assemblée. Il était grand et maigre, de rares cheveux grisonnants couvrant tant bien que mal son crâne ridé. Il était vêtu d’une grande robe sombre, comme en portent les prêtres, et à son cou pendait, au bout d’une fine chaîne d’argent, un Oculus. L’homme tendait les bras en croix :
    - N’avance pas démon ! Ton âme n’est-elle pas encore assez souillée par tes meurtres et tes crimes ! Veux-tu encore ajouter à tes forfaits le lâche assassinat de femmes et d’enfants !
Il contemplait le vieil homme avec indifférence. Assassiner femmes et enfants ne l’intéressait pas.
    - Ne ressent-tu donc rien, engeance maudite de l’Unique ! Tes péchés ne consument donc pas tes entrailles !
Ces imprécations le fatiguaient. Il ne souhaitait pas tuer, juste faire taire cet insupportable vieillard. Sa main partit à une vitesse fulgurante et vint frapper la joue du prêtre. La violence du coup jeta le vieil homme à terre. Celui-ci ne prononça plus un mot, abasourdi par le geste du jeune homme. Il passa de nouveau la main dans sa chevelure flamboyante puis se retourna pour sortir de l’église. Alors qu’il avançait vers les portes enfoncées, il sentit un mouvement dans l’air. Au fond de lui s’éveilla aussitôt cet instinct surhumain qui lui avait déjà une fois sauvé la vie. Il se retourna, vif comme l’éclair, l’épée en main. Un jeune garçon, qui ne devait pas avoir plus de douze ans, se précipitait vers lui, un couteau dans la main, la rage sur le visage. Quelque chose au plus profond de son être hurla pour l’empêcher de commettre l’irréparable mais il ne pouvait plus arrêter la force qui déferlait maintenant en lui et prenait le contrôle de son corps. La Danse mortelle s’était emparée de lui. Il para sans effort, d’un mouvement souple et fluide, la pathétique attaque du gamin, puis se retournant avec autant de rapidité que de grâce, il laissa siffler sa lame. La tête du gamin vola loin de son corps, aspergeant de sang le sol de pierre. Le prêtre s’était relevé, le visage décomposé par l’horreur, et se précipitait vers le corps de la malheureuse victime. Poussé par cette puissance qui avait prit le contrôle de son corps, il trancha au passage la gorge du vieillard. Celui-ci vint s’écrouler sur le corps sans tête. La Danse l’abandonna aussi vite qu’elle était venue ne laissant derrière elle qu’un esprit ravagé, épuisé, comme la terre l’est après le passage d’un torrent furieux. Titubant, il sortis de l’église, passant devant ses deux victimes sans les voir. Dehors, une averse furieuse avait commencé à s’abattre, étouffant les flammes qui dévoraient le village. Il continua à marcher de son pas hésitant et traversa la place jusqu’au lavoir. Là, après avoir laissé tomber son épée à terre, s’appuyant de ses deux mains sur la margelle, il contempla l’image que l’eau lui renvoyait. Une face inhumaine, semblable à un crâne décharné couvert de cuir sombre, dotée de crocs tranchants faits pour déchirer les chairs. Ses yeux étaient deux braises, profondément enfouies dans ses orbites. Il voulut hurler, mais aucun son ne sortait de sa bouche…
 
    Karlon se redressa sur sa couche, le cœur battant la chamade et le souffle court. Il était en sueur malgré le froid de la nuit, et son front était brûlant, comme s’il était victime d’une forte fièvre. Le mercenaire s’efforça, en respirant profondément, de reprendre empire sur lui-même et de chasser la terreur qui l’avait saisie. Combien de fois avait-il souhaité effacer cet atroce souvenir de sa mémoire, mais rien n’y faisait. Toujours les mêmes images qui revenaient le hanter, incessamment, comme pour lui rappeler le poids de ses fautes  
    Il rejeta sa couverture de laine chaude et se redressa d’un bond souple. La nuit était tombée, il devait donc s’être assoupi depuis au moins deux heures. Le paysage alentour était une succession de colines et des saillies rocheuses émergaient du sol ça et là. Au loin, vers l’Ouest, une vaste et sombre forêt barrait l’horizon. Karlon observa quelques instant la dizaine de feux de camps allumés dans la petite dépression où ils s’étaient réfugiés. Combien étaient-ils désormais ? Une trentaine tout au plus. Moitié moins que lorsque Karlon et les siens s’étaient joint à la bande de coupes jarrets d’Erzus.  
    Au début tout était allé pour le mieux. Ils vivaient en détroussant quelques caravanes de marchants ou en pillant les fermes isolées. C’était une vie dure et sans joie mais ils s’en contentaient. Vint le jour où ils s’attaquèrent à un convoi d’or destiné aux caisses royales. C’était une idée d’Erzus qui n’avait pas voulu écouter les conseils de prudence d’Hugo et de Karlon. L’attaque avait été une réussite et l’or avait coulé à flot, mais toute rose a des épines. Le bailli qui avait en charge la province de Licardie n’avait pas tardé à leur expédier ses soldats. La menace Bohemiane ayant été écrasée, il n’avait plus eu besoin de les mobiliser pour d’autres missions. Erzus, trop sur de lui et sourd aux appels à la prudence n’en poursuivit pas moins ses attaques, si bien qu’ils finirent par tomber dans un traquenard tendu par les hommes du bailli. A un contre cinq, face à des soldats biens équipés et entraînés au combat, ils n’avaient eu aucune chance. Sans l’intervention de Karlon et d’Hugo qui avaient entraîné dans une fuite désespérée une bonne moitié de la bande, tous eussent été pris et seraient morts pendus. Poursuivis par les troupes royales auxquelles venaient souvent s’ajouter les hommes des seigneurs locaux, ils avaient du fuir vers le Nord-Ouest, sur prés d’une cinquantaine de lieues pour aboutir finalement dans ce piètre refuge dissimulé aux regards curieux. Leurs poursuivants avaient semblait-il abandonné leur chasse depuis deux jours, ils avaient donc enfin put se reposer après cette course désespérée.  
    Autour de l’un des feux se distinguaient quatre silhouettes. Erach, Metter et Ludof, accompagnés par un violoniste aussi habile avec l’archet qu’avec une rapière. Hugo passait désormais le plus clair de son temps en leur compagnie et semblait apprécier leur conversation. Cet homme restait, pour Karlon, un indéchiffrable mystère. Les questions qu’il se posait à son sujet étaient légion. D’où venait-il ? Pourquoi restait-il dans la bande d’Erzus alors qu’il aurait put partir depuis longtemps ? D’où lui venait cette habileté à l’épée, et au violon ? Et combien d’autres mystères encore, mais le jeune homme pratiquait l’art de l’esquive à merveille, évitant toujours d’avoir à répondre ou détournant la conversation au bon moment. Si bien qu’après presque un mois de vie commune, le mercenaire n’en savait toujours pas plus sur lui. D’un naturel plutôt méfiant, Karlon aurait donc dut se garder davantage de cet étrange personnage, pourtant il ne pouvait s’empêcher de l’apprécier. Il y avait chez cet homme quelque chose d’inexprimable qui lui donnait l’impression d’être face à un proche, un semblable, un double même.
    Karlon passa la main dans sa chevelure flamboyante. Laissant le campement derrière lui, il se dirigea vers un bosquet de noisetiers qui se trouvait au Nord du campement, derrière une petite colline. Après quelques minutes de marches il atteint son but. Du bosquet émergeait un petit ruisseau d’eau claire courant et bondissant sur le sol rocheux. Le mercenaire s’agenouilla et commença à s’asperger le visage de cette eau fraîche. Cela lui faisait du bien. Finalement il se décida à plonger directement sa tête dans le ruisseau et l’y laissa quelques instant. Enfin, il s’ébroua avec vigueur et vint s’asseoir sur un rocher. Le calme était revenu en lui. L’irruption de ses souvenirs était toujours un moment terrible. Cela faisait longtemps que cela ne s’était pas produit. On avait beau être un chien de guerre, on avait beau avoir tué des hommes par centaines sans éprouver la moindre pitié, il était impossible de se remettre d’une telle vision. Karlon contempla longuement ses mains. Elles avaient tant de fois donnée la mort. Pourtant rien n’était comparable à cette première fois. Ses premières victimes avaient été un enfant et un vieil homme sans défense. Pouvait-il y avoir acte plus cruel ? Karlon soupira longuement avant de lever les yeux pour contempler le ciel étoilé. Elle était toujours là, le narguant depuis le firmament, sa lueur sanglante semblant toujours s’étendre comme si elle cherchait à absorber les autres étoiles. Un ogre parmis les astres, voilà ce qu’était l’étoile écarlate.
    - Sang et mort, violence et destruction. Cela émane de cette étoile…tout comme de vous…
Karlon se leva et se retourna avec vivacité, sortant dans le même mouvement son épée du fourreau. A quelque pas derrière lui se tenait un homme de grande taille, vêtu d’une robe sombre de moine. Un capuchon rabattu sur son visage en masquait les traits.
    - Paix, je ne souhaite nullement me battre.
    - Qui êtes vous et que faites-vous à cette heure tardive en un lieu aussi désolé ?
L’homme s’avança de quelques pas et Karlon put mieux distinguer son visage. La peau était sombre. Une barbe noire, taillée en pointe, encadrait ses traits. Quant à ses yeux, ils semblaient deux puits de ténèbres.  
    - Bohémian n’est ce pas ? Votre accent est caractéristique. » Le moine hocha la tête. «  Et que peut bien faire un Bohémian en ces terres désolées ? Seriez vous l’un de ces mercenaires dont l’armée fut défaite il y a peu par le bon Duc de Roelan ?
Karlon tenait toujours son épée entre lui et le moine. Il sentait chez cet homme quelque chose d’inquiétant et de malsain. S’il était moine ce ne devait sans doute pas être un saint homme.
    - N’avez vous point de langue pour répondre ?
Le ton de l’homme s’était fait impérieux.
    - N’oubliez pas qui tient l’épée. » lui répondit Karlon : « Que vous soyez homme d’église ne m’empêchera pas de vous l’enfoncer dans le ventre !
    - Seriez vous également l’un de ces hérétiques qui déforme les paroles de l’Unique ?
L’homme partit d’un rire macabre. Son regard de ténèbres se vissa à celui du mercenaire et sa voix se fit aussi froide qu’une bise venue du Nord.
    - Non, vous n’êtes pas homme à croire. Dieu ou diable, cela vous importe peu. Vous êtes un mercenaire, je le vois. Seul l’or et la perspective d’un bon pillage vous intéressent. Mais un mercenaire ne va pas seul. Vos compagnons ne doivent pas être loin ?  
Karlon recula de quelques pas, tenant toujours sa lame entre lui et le moine. L’étrange personnage éveillait en lui une sourde inquiétude, et pourtant la mort était sa compagne de toujours.  
    - Il est possible que je ne sois pas seul, mais en quoi cela ferait-il vos affaires ?
    - Remettez donc au fourreau cette lame, mercenaire. C’est de l’or que je vous offre, à vous et à vos camarades. Je gage que vous en avez besoin.
Karlon fixa encore quelques instant le moine qui lui faisait face. Après tout, il avait raison. Le mercenaire ne croyait en rien. Ni en un Dieu de bonté qui aurait permis la mort de sa mère. Ni en un Diable tentateur poussant les hommes à commettre leurs crimes. L’homme seul était responsable, et il n’avait besoin d’aucune aide pour faire preuve d’une cruauté qui lui était toute naturelle. Alors à quoi bon ! Si ce moine avait de l’or et se proposait de leur offrir, pourquoi refuser ? Il rangea son épée.
    - Si vous parlez d’or, il y a sans doute moyen de s’arranger. Suivez-moi !
Le mercenaire reprit d’un pas rapide la direction du campement, l’homme sur ses talons. Ils arrivèrent bientôt en vue du petit campement. Les feux brûlaient encore mais avaient faibli en intensité. La plupart des brigands s’étaient trouvés une couche dans l’herbe jaunit et dormaient maintenant.
    - Conduis moi à ton chef, mercenaire.  
Karlon se dirigea vers le plus grand des feux autour duquel Erzus, toujours vêtu d’écarlate, se tenait en compagnie des quelques hommes qui lui étaient encore attachés après la série de désastres qui avaient émaillé les derniers jours.  
    - Que nous ramène-tu la mercenaire ? Tu as trouvé un compagnon de jeu ? » susurra le chef des brigands en lissant sa fine moustache.
 Les hommes qui l’entouraient éclatèrent d’un rire moqueur. Karlon leur jeta un regard glacial avant de parler.
    - J’ai trouvé ce moine qui rodait autour de notre campement. Il m’a dit vouloir nous proposer de l’or.
    - De l’or ! Et d’où le sortirait-il ? De sa robe de bure miteuse !
Les rires fusèrent, mais le moine restait d’un calme et d’une froideur imperturbable.
    - Torche, Frameur. » dit Erzus, appelant deux de ses hommes. « Brûlez-moi les pieds de ce drôle puis égorgez-le. Il apprendra qu’il ne faut pas se moquer d’Erzus
Les deux soudards s’apprêtaient à se lever quand le moine les regarda de ses yeux sombres. Ils ne firent plus un geste, paralysés par le regard de l’inquiétant personnage.
    - Mon nom est Tarnos, et je fais partis de l’ordre pieux des Tanathoriens. » disant cela, il tira de sous sa robe un oculus d’or environné de flamme. « Mon ordre a pour mission de combattre les hérésies qui menacent la vraie foi. Comme vous l’a dit votre compagnon j’ai effectivement de l’or à vous offrir.
Il prit sous son vêtement une bourse de cuir qu’il jeta sur les genoux d’Erzus. Les tintements métalliques qui se firent entendre ne laissaient pas de doute quant à son contenu. Erzus s’empressa de desserrer les cordons pour vérifier la chose. Son regard s’illumina et il releva aussitôt la tête.
    - Et que devrons nous faire pour votre service pieux moine ?
Un sourire fugace apparut sur les lèvres du dénommé Tarnos.
    - Juste une petite chose, tout à fait dans vos cordes d’ailleurs. Il y a non loin d’ici un petit village d’une centaine d’âmes. Les habitants sont des hérétiques de la pire espèce. Ils s’adonnent à un culte païen que l’Eglise pensait éteint. Pillez, violez, tuez, brûlez et que pas un n’en réchappe. La seule chose que je désire ce sont deux enfants d’environ sept ans. Frère et sœur. Vous me les remettrez, et vous toucherez le double de ce que je vous ai déjà donné.
    - Etrange demande de la part d’un moine.  
Karlon se retourna pour voir qui avait parlé. C’était Hugo, entouré par Metter, Erach et Ludof, tous venus aux nouvelles. Tarnos s’était également retourné et gratifiait le violoniste de son sombre regard.
    - Depuis quand des brigands et des assassins se posent-ils des questions de ce genre ?
    - Depuis qu’ils craignent les retombées de leurs gestes. Qui sème le vent récolte la tempête. Ceux qui sont ici le savent mieux que quiconque.
Disant cela, Hugo jeta à Erzus un regard éloquent. Le chef des brigands détourna les yeux.
    - Et quel risque pouvez-vous courir à piller un petit village isolé ? Si personne ne s’échappe vous n’aurez rien à craindre.
    - Il a raison Hugo ! » s’écria Erzus en se levant d’un bond. « Il nous propose du bon et bel or pour cette besogne ma foi réjouissante. Tu ne vas pas commencer à faire ton difficile !
Le violoniste c’était rapproché du feu et faisait face au moine.
    - Et depuis quand un moine use-t-il des services d’hommes tel que nous ?
    - Je n’ai pas à me justifier devant vous. La Sainte Eglise Arnalite m’a chargé d’extirper l’hérésie où qu’elle se trouve. Peu importent les moyens. Il se trouve que mes hommes sont dans le Nord et je n’ai pus leur faire parvenir de message à temps, j’agis donc avec les moyens qui sont les miens.
Hugo tourna la tête et regarda Karlon qui s’était reculé de quelques pas. Celui-ci passa la main dans sa chevelure avant de répondre d’une voix rauque.
    - Nous avons tout perdu dans notre fuite et cela ne peut aller que de mal en pis. Alors pourquoi pas.
A ces mots le moine avait souri mais c’était le sourire d’un carnassier et non celui d’un homme de Dieu. Hugo hocha la tête.
    - Et bien, puisque tout le monde semble s’être accordé…mais une dernière chose frère Tarnos. Qui vous dit que nous ne vous égorgerons pas une fois l’affaire close avant d’emporter votre or ?  N’oubliez pas qui nous sommes. Vous ne comptez sans doute pas sur notre miséricorde ?
Le moine avait gardé son sourire carnassier.
    - Je ne me fais aucune inquiétude pour cela. Vous n’êtes que de pauvres misérables qui tiennent à leur peau, et si jamais l’envie vous prenait de faire quoi que ce soit de la sorte, vous découvririez assez vite la vanité d’une telle tentative.
Il avait parlé d’une voix cassante comme la glace, et aucun dans l’assemblée ne douta de ses propos. Karlon lui-même avait frissoné en l’entendant parler. Les hommes qui s’étaient rassemblés autour du feu préféraient maintenant s’éclipser, une lueur d’inquiétude sur les visages. Seul Erzus gardait son sourire, persuadé d’avoir renoué avec la chance. Il avait proposé au moine de s’asseoir auprés de lui et lui offrait déjà son outre de vin.
Karlon rejoignit ses amis. Ils marchèrent silencieusement jusqu’à leur propre feu.
    - Ce gars la est froid comme un glaçon. Quand il pisse ça doit geler directement en sortant ! » s’exclama Metter, quand tous le monde fut assis.  
Quelques rires sourds fusèrent mais les regards restaient sombres.
    - Il n’a rien d’un moine en tous cas, si ce n’est la bure. »  déclara Erach. « Il a la démarche d’un fauve et le regard d’un tueur.
    - L’ordre des Thanatoriens est chargé de la lutte contre les hérésies. Ce sont des êtres sans âmes et sans cœur. Des monstres !
Tous se tournèrent vers Hugo qui venait de parler. Son regard était perdu dans les flammes, ses doigts crispés sur l’archet de son violon.  
    - Qui ne pense pas comme ils le désirent, qui dévie de leur inflexible dogme, qui ose remettre leur propos en cause est immanquablement condamné à la torture et au bûché. Pitié, compassion, honneur sont de vains mots pour ces créatures.
Le violoniste redressa la tête et les embrassa du regard, un regard enflammé d’une rage contenue que Karlon n’avait jusque la jamais discernée.
    - Méfiez-vous de ce moine. C’est un démon sous forme humaine.
Ces mots dit, il se renferma dans un silence que rien ne put briser.
 
    Lorsqu’il s’allongea sur sa couche, Karlon regarda à nouveau le ciel étoilé. L’astre rouge y brillait toujours, prometteur de nouvelles journées de sang et de malheur. Un malheur qui, il en était persuadé, arriverait par lui. Et le premier pas dans cette voie était d’avoir passivement accepté l’offre de l’inquiétant Tarnos. Mais que pouvait-on contre un destin qui vous entraînait inexorablement vers les abîmes insondables dissimulés au fond de vous-même. Karlon ferma les yeux, tâchant de trouver un sommeil fuyant au milieu de ce tourbillon d’inquiétantes pensées.
 
Chapitre V
 
 
    Le soleil achevait sa course et commençait à s’enfoncer par delà la terre et les océans, illuminant le ciel de ses ultimes éclats vermillon. Jeanne marchait vite sur le petit chemin conduisant à Besou, entraînant dans son sillage les deux enfants qui galopaient tant bien que mal sur leurs courtes jambes. Ils n’avaient que trop tardés.
    La jeune femme avait lancé, en cette mi-septembre, les deux garnements dans une chasse aux champignons qui les avaient conduit au cœur des bois du Méru. Ils avaient découvert moult cèpes et girolles qu’ils s’étaient empressés de ramener à tante Mélie afin qu’elle en fasse de délicieuses omelettes. Mais entre temps l’après-midi avait filé sans qu’ils ne s’en aperçoivent. Lorsque Jeanne avait vu le soleil sur le point de disparaître à l’horizon elle avait pris la main de ses petits protégés et les avait entraînés dans une course folle sous la ramure des grands arbres.
    Ils étaient sortis du sous-bois et s’avançaient maintenant sur le chemin de terre. Jeanne avait cessé de courir et, tout en continuant à avancer, reprenait son souffle. Mais alors qu’ils atteignaient les deux hautes collines dissimulant le village à leurs yeux se firent brusquement entendre des hurlements terrifiants, des cris de peur et de panique. Une odeur de cendre et de brûlé flottait dans l’air. Prise d’une inquiétude soudaine, Jeanne s’arrêta.
    - Restez là les enfants ! » dit-elle à Clément et Lisie. « Je vais voir ce qui se passe. Ne bougez surtout pas !
La jeune femme s’empressa de franchir les quelques pas la séparant de la petite éminence qui lui permettrait de voir Besou. Le spectacle qu’elle découvrit la laissa tétanisé par l’horreur. Sous ces yeux le petit village n’était plus qu’un enfer de feu et de flamme. Le chaume qui formait la toiture des petites maisons brûlait avec vigueur illuminant des scènes d’un autre monde, comme un écho aux terribles souvenirs de son enfance. Des hommes, des enfants baignaient dans leur sang en plein milieu du chemin boueux qui traversait le village, d’autres se faisaient égorger par des soudards bardés de cuir et d’acier. Jeanne vit un enfant qu’elle connaissait pour l’avoir guéris d’un mauvais rhume il y avait deux hivers de cela, tenter de s’échapper hors du village en courant. Il n’avait pas fait dix pas qu’un pillard à la vilaine barbe noire lui tirait dans le dos avec son arquebuse, l’abattant en pleine course. Plus loin une jeune femme se débattait entre les mains de deux hommes qui essayaient de l’immobiliser pour mieux abuser d’elle. Lorsqu’elle tourna la tête dans un mouvement brusque, Jeanne reconnut la petite Marie. L’une de ses compagnes de jeu quand elle était enfant. La jeune femme se sentit trembler. Toutes les fibres de son corps lui hurlaient de fuir, de courir se réfugier dans les bois mais elle en était incapable. L’horreur de cette scène de fin du monde la submergea. Elle tomba à genoux, telle un pantin désarticulé et les larmes coulèrent bientôt à flot, inondant ses joues.  
    Combien de temps resta-t-elle à contempler impuissante le massacre, elle n’aurait su le dire. Une voix, jusque là étouffée par l’horreur, tentait de se faire entendre au fond de son esprit. Mais Jeanne ne voulait pas écouter, prisonnière qu’elle était de sa douleur. Malgré tout la voix augmentait en puissance. Et soudain l’appel éclata comme un coup de tonnerre assourdissant, couvrant tout le reste :
    - Les enfants ! Clément ! Lisie !
Jeanne se releva, titubante, encore choquée par le spectacle qui se déroulait sous ses yeux. La nuit était tombée et dans le ciel noir, l’étoile écarlate brillait maintenant de tous ses feux, illuminant le village de sa lueur sanglante. Les enfants ! Elle les avait oubliés. Il fallait les protéger à tout prix, les éloigner du danger. La jeune femme se précipita pour les retrouver, mue par une soudaine énergie. Mais lorsqu’elle atteint le lieu où elle les avait laissés, ils n’étaient plus là. Elle qui devait les protéger les avait laissés partir. Et où pouvaient-ils être allé si ce n’est vers le village, inquiets pour leurs parents adoptifs, leurs frères et sœurs. Jeanne ne prit même pas le temps de réfléchir. Elle se lança sur leurs pas.
    Besou continuait à brûler. La jeune femme, au lieu de passer dans le village même où les pillards se laissaient aller à leur soif de destruction et de massacre, le contourna. La métairie de Gaston Hauregard était située un peu à l’écart du bourg. Il ne fallut que quelques minutes à Jeanne pour l’atteindre. En flamme elle aussi, elle éclairait la nuit tel un phare, mais nul autre bruit que le crépitement du brasier ne se faisait entendre. Jeanne se précipita dans la cour de la ferme cerclée par une petite murette de pierres grises. Les enfants étaient là, recroquevillés sur le corps sans vie du grand Gaston, pleurant sans bruit celui qui avait été comme un père pour eux. Non loin, d’autres corps étaient étendus. Jeanne reconnut avec effroi l’épouse de Gaston, leurs trois filles et leurs deux grands garçons. Aucun membre de la petite famille n’avait été épargné. La jeune femme s’approcha de Clément et Lisie. Elle les enserra tendrement, sans rien dire. Quelques minutes silencieuses passèrent ainsi, puis Jeanne se décida à briser le silence.
    - Les enfants, nous ne pouvons pas rester ici. C’est trop dangereux. Les monstres qui ont fait cela pourraient revenir.
Elle avait à peine finit qu’un ricanement lugubre se fit entendre.
    - Trop tard pucelle. Je suis de retour !
Jeanne et les enfants redressèrent la tête. Un homme était sorti de la ferme en flamme. Vêtu d’écarlate, il semblait un démon tout juste émergé de l’enfer. Dans sa main droite il tenait une rapière dégouttant encore du sang de ses victimes. De sa main gauche, il se lissait une fine moustache noire. Dans ses yeux une lueur folle dansait.
    - Je vais commencer par t’égorger pucelle.  
Un rictus horrible déformait ce visage qui aurait put paraître beau.  
    - J’aime voir saigner les truies. Puis, je m’occuperais de ces petits. Je leur ferai découvrir des jeux passionnants. Je suis sur qu’ils s’amuseront comme des fous.
Jeanne qui s’était placée, tel un bouclier, devant les enfants ne put réprimer un hoquet de dégoût.  
    - Je vous interdis de les toucher! Je ne vous laisserai pas leur faire du mal !
Un sourire pervers apparut sur le visage de l’homme.
    - Et comment compte-tu m’en empêcher avec dix pouces de bon acier dans le ventre !
L’homme s’approcha à pas lent, comme un fauve savourant la peur de sa victime prise au piège. Ses yeux fous s’étaient vissé à ceux de Jeanne et ne les quittaient plus. Il s’avançait toujours, pas à pas, et soudain il s’élança, bondissant vers sa proie la rapière levée. Jeanne avait fermé les yeux, attendant le coup fatal. Mais la mort ne vint pas. Le bruit de deux lames d’acier se heurtant éclata à ses oreilles, lui faisant rouvrir les yeux. Un autre homme avait bondit entre elle et son agresseur, bloquant son attaque avec sa propre épée. Il était grand, puissant et sa chevelure était rouge comme les flammes du brasier.  
    - Ce sont des enfants Erzus ! N’en as-tu pas tué assez aujourd’hui !
Le dénommé Erzus essayait d’écarter le nouveau venu tout en vociférant.
    - Ote-toi de la mercenaire ! N’oubli pas qui je suis ! Ils sont à moi ! A moi tu entends !
L’homme à la chevelure de feu frappa Erzus de sa main libre. Destabilisé, celui-ci vola à quelques pas de là. Lorsqu’il se releva, son rictus de haine s’était encore accentué. Il semblait maintenant une caricature d’être humain.
    - Je le savais ! Je l’ai su dés le début ! Tu n’es qu’un traître ! Un lâche ! J’aurais du dire à mes hommes de t’égorger avec les gorets qui te servent de compagnons ! Je vais te tuer Karlon, puis je te dépècerai et je me ferai une selle de ta peau !
    - Tu ne sais donc qu’éructer des menaces que tu n’aurais même pas le cran de mettre en œuvre.  
La voix de l’homme était calme et froide.  
    - Pauvre fou. Je ne te laisserai ni toucher à cette femme, ni à ces enfants. Essaie quoi que ce soit et tu rendras gorge.
Ces mots, lapidaires, eurent l’effet escompté sur Erzus. Il se recroquevilla sur lui-même, et la folie abandonna son regard pour laisser place à la crainte.
    Jeanne s’était agenouillée, serrant contre elle Clément et Lisie qui observaient avec effroi et curiosité la scène qui se déroulait sous leurs yeux. Trois hommes émergèrent à leur tour de la nuit et des ombres. L’un semblait tout écraser par sa taille et sa masse, un autre portait une large balafre au visage, le dernier faisait quant à lui plus penser à un lutin farceur de conte de fée qu’à un être humain.
    - Tout va bien Capitaine ? » demanda le balafré.
    - Oui. » répondit le dénommé Karlon. «  Je viens de signifier à notre chef de bande ma décision de quitter sa petite troupe.
    - Pas trop tôt ! Ces traînes misères commençaient à me fatiguer…même pas capable de tenir un peu la boisson ! » dit alors le géant.
Le plus petit partit d’un grand rire.
    - J’aime ta conception de « tenir un peu la boisson » Ludof ! S’ils ne vident pas deux bons tonneaux de bière avec toi c’est peine perdue !
Karlon secoua la tête faisant mine d’être consterné.
    - Allons-y. Je veux mettre le plus d’espace possible entre nous et ce serpent.
Il se tourna vers Jeanne et les enfants et leur lança un regard bienveillant qui rassura la jeune femme.
    - Quant à cette demoiselle et aux deux enfants, nous allons d’abord les conduire en sécurité.
Jeanne se releva, tenant les jumeaux par la main. Saluant son sauveur ; elle lui dit :
    - Je vous en serai gré monsieur, mais nous vous devons déjà tellement.
    - Ce n’est rien. J’ai de vieilles dettes à régler avec mon passé. Cela m’aidera à les payer.
Puis il se dirigea vers la sortie de la ferme qui achevait lentement de brûler. C’est alors qu’un mouvement attira l’attention de Jeanne. Erzus avait tiré de sous sa cape écarlate un pistolet et le pointait vers le dos de Karlon. Mais elle n’eut pas le temps de crier. Avant même qu’un son ne sorte de sa gorge, avant même qu’Erzus n’ait le temps d’appuyer sur la gâchette de son arme, une fleur de sang vint éclore au milieu de sa gorge. Son pistil était d’acier. Dans un râle pathétique, Erzus s’effondra. Derrière lui se tenait son bourreau, l’épée à la main. C’était un beau jeune homme aux yeux ensorcelants. Il dégagea de sa ceinture de cuir un mouchoir blanc avec lequel il entreprit de nettoyer soigneusement sa lame. Karlon s’était retourné :
    - J’espérai qu’il ne tenterait pas une telle bêtise.
    - C’était peine perdue. La stupidité, la folie et l’arrogance se disputaient les faveurs de son esprit. » répondit le jeune homme.
Karlon hocha la tête avant de faire un signe au plus petit de ses combattants.
    - Metter, vas chercher nos chevaux et amène les prés des deux collines, à l’Ouest du village. On se retrouvera là-bas.
    - Bien Capitaine !
Et le petit homme fila, disparaissant dans les ombres de la nuit.
    - Quant à nous messieurs, nous allons escorter cette jeune damoiselle et ses deux enfants.  
Le géant et le balafré hochèrent la tête
    - Tu es avec nous Hugo ? » Rajouta-t-il en regardant le jeune homme.
    - Erzus est mort, je suis donc libre de toute entrave. Allons-y !
Karlon sourit. Puis il regarda dans la direction de Jeanne qui tenait toujours les enfants par la main.
    - En avant mademoiselle. Je passerai devant. Ludof prendra les enfants avec lui et Hugo restera prés de vous. Erach fermera la marche. Il s’agit d’être prudent. Il y a pas mal de monde qui traîne dans le coin…des personnes mal intentionnées.  
    Ayant dit cela il partit en avant d’un pas sûr et rapide. Le géant prénommé Ludof s’approcha de Jeanne, et avec un grand sourire il souleva de terre Clément et Lisie. Les deux enfants ne semblaient pas le moins du monde effrayés. Ludof les prit dans le creux de ses bras. Ils semblaient si fragiles ainsi, entre les mains de cet homme qui aurait put broyer un boulet de canon à mains nues. Le géant partit sur les pas de Karlon et Jeanne le suivit,  le dénommé Hugo à ses côtés. Quant à Erach, il disparut dans les ombres, mais Jeanne pouvait sentir sa présence derrière elle.  
    Ils se dirigèrent vers le Nord du village et les deux collines jumelles. Le grand brasier qui engloutissait Besou illuminait la nuit projetant des ombres effrayantes. Ils avançaient en silence veillant à rester dissimulé aux regards des pillards et soudards qui vaquaient à leur triste besogne. Ils n’étaient plus très loin des collines lorsque jaillit brusquement devant Karlon, une haute et sombre silhouette. Elle semblait sorti de nulle part. Karlon s’était aussitôt arrêté, sortant dans le même geste son épée du fourreau. Une voix froide se fit entendre.
    - Ou allez-vous donc ainsi mercenaire ? Auriez vous trouvé ce que je recherche ?
    - Passez votre chemin moine et laissez-nous avancer.
Le brasier de Besou illumina un instant la silhouette et Jeanne put voir un homme à la peau sombre vêtu d’une robe de bure. Ses yeux semblaient deux puits de ténèbres.
L’homme désigna Ludof et ses petits protégés.
    - Sont-ce la les enfants ? Oui, ce doit être eux !
Il fit un pas en avant mais la lame de Karlon s’interposa.
    - Nous ne vous donnerons pas ces enfants moine. Passez votre chemin.
    - Nous avions conclu un marché avec votre chef.
    - Erzus est mort. Votre marché ne vaut plus rien.
Le moine hocha la tête.
    - Je vois. Vous désirez plus d’or alors. Cela est négociable.
L’éclat d’une lame brilla sous la gorge du moine. Le balafré l’avait contourné sans bruit et le tenait maintenant sous la menace de sa rapière.
    - Tu n’as pas encore compris. Nous ne te donnerons pas ces gosses, même si tu nous promettais tout l’or du monde. » dit-il d’une voix suave.
Une lueur de rage passa dans les yeux noirs du moine.
    - Vous faites une grossière erreur !
Erach eut un sourire carnassier.
    - Et que comptes-tu faire avec ma lame sous la gorge. Tu ferais mieux de disparaître avant que je ne te gratifie d’un second sourire.
De ce qui suivit Jeanne allait se souvenir toute sa vie : le moine écarta la rapière d’une main comme s’il c’était s’agit d’une simple épée de bois puis donna un grand coup à Erach. Le mercenaire vint atterrir, sonné, à quelques pas de là. Le moine se retourna avec une rapidité féline pour parer l’attaque de Karlon mais celui-ci n’avait pas bougé. Il alors retira d’un coup sa robe de bure et se retrouva nu face à eux, un effrayant sourire sur les lèvres.
    - Vous pensiez peut-être pouvoir échapper à ma colère ! Pauvres fous ! Vous allez découvrir la peur !
Alors Jeanne vit l’incroyable se produire. Le corps du moine fut parcouru par d’étranges protubérances. Il changeait, se remodelait pour adopter une nouvelle forme. Tous le regardaient en silence. Il tomba en avant, ses mains et ses pieds se tordant atrocement pour prendre en quelques secondes la forme de puissantes pattes de molosse. En lieu et place de ses ongles avaient jailli des griffes noires et luisantes aussi tranchante que le fil d’un rasoir. Son visage s’allongea pour laisser place à une atroce gueule aux crocs dégoûtant de bave. L’être qui était devant eux n’avait plus rien d’humain. C’était une espèce d’horrible chien au cuir écarlate, tout en muscle, grand comme un veau. Il n’avait conservé de sa précédente apparence que ses deux yeux noirs, deux puits de ténèbres. Le monstre grogna et se lança en avant, les crocs tendus vers la gorge de Karlon. Le mercenaire ne réussit à éviter l’attaque que de justesse. Maintenant le monstre se trouvait face à Ludof et aux enfants. Il bondit aussitôt vers eux à la grande frayeur de Jeanne, mais il ne put les atteindre. Le dénommé Hugo s’était élancé, la rapière hors du fourreau. Il lui entailla l’épaule, le stoppant dans son élan. La créature roula sur elle-même avant de se redresser sur ses pattes, prête à attaquer de nouveau. De son épaule dégoûtait un sang noir et épais. Karlon était venu se ranger au côté d’Hugo, prêt à supporter un nouvel assaut. Soudain d’atroces hurlements résonnèrent dans le lointain. La bête sembla hésiter puis, leur jetant un regard de haine pure, fit volte-face en direction de Besou. Ils la regardèrent s’éloigner dans la nuit, craignant à chacune de ses enjambées qu’elle ne se retourne pour revenir les attaquer.  
Ce fut Ludof qui brisa le silence.
    - Mais c’était quoi ce bestiau ? Jamais vu une chose pareille !
    - Peut importe ce que c’est, il reviendra. Ce ne doit pas être le genre à laisser échapper sa proie. » répliqua Karlon qui avait remis l’épée au fourreau. « Nous ferions mieux de disparaître le plus vite possible.
Hugo acquiesça.
    - Oui, il reviendra, et il ne sera sûrement pas seul.  
Il fit une pause avant de reprendre d’une voix lugubre.  
    - J’ai déjà vu de telles créatures…Elles servent la mort…Jamais elles ne lâchent leur proie…Rejoignons vite Metter.
Sur ces mots, ils reprirent leur marche. Leurs craintes s’étaient accentuées maintenant. Ils couraient presque, la peur de découvrir la créature derrière eux leur servant d’aiguillon. Après des minutes qui leur parurent des heures, ils atteignirent enfin les collines surplombant le village. Le dénommé Metter n’était pas encore arrivé. Karlon les conduisit à l’abri d’un bosquet de hêtre dans l’ombre duquel ils purent se dissimuler. Clément et Lisie, toujours silencieux, vinrent à nouveau se réfugier dans les bras de Jeanne alors que leurs sauveurs se réunissaient pour un conciliabule à peine audible.  
    La jeune femme ne savait comment réagir, une foule de questions se bousculant dans son esprit. Ces hommes qui l’entouraient lui avaient sauvé la vie. Mais ils avaient fait partis de la bande qui avait attaqué Besou. Pouvait-elle leur faire confiance ou bien étaient-ils des soudards comme les autres qui avaient joué avec elle et les enfants un jeu cruel ? Et qui était cette créature qui les avait attaqués ? Que pouvait-elle bien vouloir aux enfants ? Instinctivement, Jeanne se doutait que tout cela était en rapport avec l’apparition de la mystérieuse étoile écarlate et que les graves événements pressentis par tante Mélie étaient en train de se mettre en œuvre. Elle ne songeait même plus au village en flamme et à ses habitants massacrés. Seuls importaient les enfants maintenant.
    Karlon, reconnaissable à sa chevelure flamboyante, s’était approché d’elle. Il semblait un homme solide et dangereux. A ses côtés se tenait Hugo, plus souriant et plus plaisant.
    - Je ne me suis pas encore présenté mademoiselle. » déclara le premier. « Mon nom est Karlon.
    - Quand à moi je me nomme Hugo. Et vous mademoiselle ? Quel peut être votre charmant prénom ?
    - Jeanne » répondit-elle. Désignant les deux enfants, elle rajouta. « Voilà Clément et Lisie.  
    - Nous sommes enchantés de faire votre connaissance Jeanne, bien que les circonstances aient été bien peu favorables. Avez vous un endroit où aller ? Nous vous avons emmené sans prendre le temps de poser la question.
    - Oui, je vis au cœur de la forêt avec ma tante.
    - Bien, nous vous y conduirons. Tarnos pourrait revenir, et si j’en crois Hugo vous aurez alors besoin de notre protection. » déclara Karlon.
Soudain, Clément et Lisie se levèrent dans un même mouvement et vinrent s’accrocher aux jambes du mercenaire.
    - Tu nous protègera du méchant chien dit ?
Karlon, surpris, ne semblait pas savoir quoi faire. Il passa maladroitement sa main dans ses cheveux.
    - Oui…oui. Je ne le laisserai pas s’approcher.
Les sourires des enfants furent comme un baume pour Jeanne après cette nuit d’horreur.  
    La jeune femme se releva et fit quelques pas hors du bosquet de hêtres. Les hautes collines lui cachaient Besou mais le rougeoiement de l’incendie les courronnait tel de somptueux diadèmes de grenat. Combien était mort cette nuit et pourquoi ? Pour ces deux êtres innocents se serrant maintenant contre les jambes du grand guerrier qui leur avait sauvé la vie ? Comment pouvait-on croire en la bonté de l’Unique en un tel moment ? L’injustice devait trôner en ce monde se dit-elle. Et elle désignait ses victimes de son froid doigt qui avait pour nom hasard.  
    Hugo l’avait rejoint.
    - Nous sommes responsables de ce qui est arrivé. Nous avons accepté la triste besogne que ce monstre nous a proposée.
Jeanne le regarda avec surprise.
    - Alors pourquoi nous avoir sauvé ? » demanda-t-elle au jeune homme.
    - Ma foi, pour Karlon je n’en sais trop rien. Peut être par dégoût de cette vie que nous menions. Quant à moi, je l’ai suivi…l’envie d’un changement je crois…ou peut-être pour faire quelque chose qui rattraperait mes fautes aux yeux de l’Unique.
    - Votre passé est-il si chargé que ça ?
Il sourit.
    - Vous n’imaginez même pas Jeanne. Vous permettez que je vous appelle par votre prénom ?
Elle hocha la tête.
    - Oui…vous n’imaginez même pas. Je ne suis pas quelqu’un de vraiment…comment dire…fréquentable.
Un bruit de galop le fit taire. Un cavalier émergea entre les deux collines entraînant avec lui quatre autres montures.
    - Voilà Metter.
Ses compagnons les rejoignirent.  
Le cavalier sauta au bas de son cheval. Son visage était livide et ses mains tremblaient. Karlon le prit par les épaules et le regarda dans les yeux.
    - Que s’est-il passé Metter ?
    - Des monstres…Ils étaient en train de massacrer la bande d’Erzus…Des molosses monstrueux…je n’ai jamais vu ça…j’ai…j’ai juste eu le temps de prendre les chevaux et de m’enfuir.
    - Les amis de Tarnos sont arrivés plus tôt que prévu à ce qu’il semble. » dit Hugo. « Et il est allé les rejoindre. Cela veut dire qu’ils vont sans doute se lancer très vite sur nos traces puisque ce sont ces deux gamins qui les intéressent. Nous ferions mieux de ne pas traîner ici.
    - Oui. En selle tout le monde ! Jeanne, voulez-vous bien venir avec moi pour que nous ouvrions le chemin. » demanda Karlon tout en se hissant sur un massif destrier noir.
Jeanne opina du chef et pris la main de l’homme aux cheveux de feu qui la souleva et l’installa devant lui. Lisie était montée avec Hugo, et Clément avec Ludof. Ils s’enfoncèrent silencieusement sous le couvert des arbres des bois du Méru.
 
    Le chemin qui menait jusqu’à la maisonnette de tante Mélie ne parut jamais aussi long à Jeanne. Chaque bruit la faisait sursauter et chaque fourrée semblait dissimuler un monstrueux molosse. Les bras puissants de Karlon autour de sa taille la rassuraient. Il n’en était pas moins inquiétant lui-même. Son étrange aptitude à voir dans le noir comme en plein jour impressionnait Jeanne. Elle lui préférait Hugo, plus charmeur et plus avenant. Ce dernier chuchotait à l’oreille de Lisie qui pouffait de rire de temps à autre.  
    Bientôt, ils virent trembloter une faible lumière entre les arbres devant eux. Jeanne reconnut les lieux. Il s’agissait de la Clairière aux loups. Karlon avait stoppé sa monture et fait signe aux autres de s’arrêter.
    - Il y a une personne prés d’un grand arbre. » lui dit le mercenaire en chuchotant. « Elle tient une lanterne et est entourée par des loups. Ils ne semblent pas menaçants.
Jeanne fut parcouru par un frisson. Après l’horrible homme rouge, après l’effrayant molosse, quelle mauvaise farce le destin comptait-il encore lui jouer ? Etait-ce un de ces meneurs de loups contre lesquels l’avaient mis en garde les paysans de Besou. Un de ces hommes qui commandait aux fauves et les lâchait sur les personnes un peu trop curieuses.
    - Avançons. Les loups sont des charognards, ils n’attaquent pas les hommes. » déclara Karlon d’une voix calme.
Il poussa son destrier en avant et ils pénétrèrent dans la clairière. Une petite forme recroquevillée brandissant une lanterne se tenait au pied du grand chêne où quelques jours plus tôt Jeanne avait retrouvé les enfants. A leur approche des ombres s’éclipsèrent rapidement sous le couvert des arbres. Les loups. Jeanne frissonna de nouveau. Sa tante avait beau lui avoir répété cent fois que jamais les loups ne s'attaquaient aux  hommes, Karlon avait beau penser de même, elle ne pouvait oublier toutes les histoires racontées au coin du feu, à Besou. Le loup y était présenté comme un démon animal, enlevant les petites filles dans les bois, dévorant les troupeaux et leurs jeunes bergers.  
    La silhouette se redressa, révélant un visage. Jeanne fut si surprise qu’elle faillit tomber au bas de la monture. C’était sa tante qui tenait la lanterne et portait sur eux un regard plein de mystères.  
    Jeanne s’empressa de descendre de cheval et se précipita dans ses bras. Les barrières qui jusque-là avaient tenu se brisèrent et des flots de larmes coulèrent. La petite vieille garda la jeune femme dans ses bras quelques minutes, la réconfortant.
    - Si tu savais ! C’était horrible ! Je…je…  
Et elle repartit en sanglot.
    - Je sais ma fille, je sais. Les loups me l’ont dit. Ils ont vu tout ce qui c’est passé. C’est pourquoi je suis venu à votre rencontre.
    - Les loups ? Mais comment ?
    - Tu es bien innocente petite fille, et c’est bien ainsi. Les loups ne sont pas mauvais. Depuis longtemps ils sont mes amis, mes oreilles et mes yeux dans cette vaste forêt.  
La vieille femme prit Jeanne par les épaules.
    - Il va te falloir être forte ma petite. De grands malheurs sont en marche et si nous voulons empêcher que le grand désastre n’arrive, il va falloir agir.
Jeanne se calma et cessa de pleurer. Dans les traits de sa tante se mélangeaient une triste résignation et une inébranlable volonté. La vieille femme posa son regard sur Karlon.
    - Ainsi le choix fut fait…et voilà le sauveur de Clément et Lisie.
Le regard aigu de tante Mélie sembla mettre le mercenaire mal à l’aise. Le reste de la petite troupe était arrivé et ils se rassemblaient autour d’eux. Les enfants s’étaient à leur tour précipité vers la vieille femme et s’étaient accrochés à elle.  
    - Ils sont tous morts tante Mélie. » dit Lisie d’une petite voix.
Tante Mélie les regarda tendrement et se mit à genoux devant eux puis, posant ses mains sur les cœurs des deux enfants, leur dit doucement.
    - Ils seront toujours là, avec vous. Pensez à eux, et ils penseront à vous. Maintenant, ils ont rejoint le Jardin. Ils sont avec votre maman. Vous penserez à eux n’est-ce pas ?
Les deux enfants hochèrent la tête, tristement.
    - Bien. Maintenant vous allez partir pour un grand voyage. Vous devrez être très courageux.
    - Tu ne viendras pas avec nous ? » demanda Clément.
    - Non mon ange, mais Jeanne ira et veillera sur vous.
Jeanne sursauta, surprise. Sa tante semblait déjà avoir tous prévus, décidant pour elle. Voilà maintenant qu’elle devait quitter son pays, sa terre, ses forêts, pour l’inconnu.
Tante Mélie s’était redressée et la regardait.
    - Il le faut ma petite Jeanne. Trop de choses sont en jeu. Tu dois veiller sur eux et les conduire à Tehors. Tu en auras pour trois jours de marche vers l’Ouest à travers les bois.
Jeanne hocha la tête, résignée. Elle devait protéger les enfants.  
    - Et que ferai-je à Tehors ?
    - Tu iras voir un vieil ami à moi, le père Andreas, un prêtre. Je t’ai déjà amené chez lui, souviens-toi.
En effet, Jeanne avait déjà rencontré à de multiple reprise l’étrange personnage. Tante Mélie se rendait souvent à Tehors, lors du grand marché, pour vendre ses potions et ses herbes. Et quand Jeanne venait avec elle, elle l’amenait chez ce vieux prêtre excentrique et toujours souriant.
    - Explique lui ce qui c’est passé, il saura t’aider.
Nul ne disait mot. Tante Mélie se retourna vers Karlon, le fixant de nouveau.
    - En sauvant ces enfants vous en êtes devenu responsable…En avez vous conscience ?  
Le mercenaire regarda Clément et Lisie silencieusement pendant quelques secondes.
    - Je…je crois oui. Cela ne devait pas être un hasard…
    - Comment vous appelez-vous ?
    - Karlon. » répondit le mercenaire.
    - Les protègerez vous Karlon ?
    - Je ne sais vraiment pas pourquoi mais…oui, je le ferai. Je les accompagnerai jusqu’à Tehors.
    - Bien. » dit-elle, satisfaite. « Ces enfants sont en grand danger. Les loups m’ont parlé. Ils ont vu les créatures qui les traquent.
    - Que sont-elles ? » demanda Jeanne.
    - Des êtres dont il ne vaut mieux pas croiser la route. Des limiers infernaux, les chiens des Déchus. Leur apparence humaine n’est qu’illusion faîtes pour tromper les esprits faibles. Ils traqueront leurs proies jusqu’à la mort.
Jeanne frissonna. Hugo avait dit la même chose.
    - Ils n’ont pas encore pénétré dans les bois, mais cela ne saurai tarder. Il vous faut repartir maintenant.
    - Mais, et toi tantine ?
La vieille femme eut un sourire.
    - Mon destin me conduira sur ma voie, et ce n’est pas celle que tu dois suivre mon enfant. Nous nous reverrons peut-être. Viens la que je t’embrasse.
Jeanne se rapprocha. C’était la première fois qu’elle allait vraiment être séparée de cette femme qui l’avait trouvé dans un village en ruine et l’avait recueillit avant de l’élever. Elle la serra dans ses bras. Nulle larme ne coula cette fois. Jeanne savait au fond d’elle-même que sa tante avait raison. Elle devait être forte et dure. Seuls importaient les enfants maintenant. La jeune embrassa la vieille tendrement et toutes deux se séparèrent. Puis tante Mélie déposa deux baisers sur les fronts de Clément et Lisie.
    - Soyez courageux les enfants. Je veillerai sur vous, n’ayez crainte. Et n’oubliez surtout pas les dons qui vous avez recu. Les larmes du cerf vous serront utiles.  Faites-en bon usage.
Elle s’approcha alors de nouveau de Karlon, plongeant son regard dans celui du mercenaire.
    - Je vous les confis. Je suis sure que vous saurez prendre soins d’eux. Le pouvoir qui est le vôtre ne doit pas servir que la mort. Il doit être utilisé pour la protection et non pour la destruction.
L’homme à la chevelure flamboyante vacilla un instant, comme si la vieille femme avait vu en lui ce que nul autre n’avait découvert auparavant. Il finit par hocher la tête.
    - Pour ce qui est de vos hommes, voyez avec le père Andreas. Il vous donnera l’or qui les contentera.
Le regard de tante Mélie passa sur chacun de ceux qui étaient dans la clairière au pied du grand chêne. Il se fixa sur Hugo.
    - Quant à vous jeune musicien, il vous faudra choisir entre le cœur et le devoir. Que votre don se mette au service de la bonne cause.
Hugo sembla aussi troublé que l’avait été Karlon. Il ne répondit pas et préféra remonter en selle, silencieux.
    - Allez maintenant. J’essaierai de retenir vos poursuivants.
Tous imitèrent Hugo et bientôt ils quittaient la clairière. Jeanne se retourna en arrière. La petite silhouette recroquevillée de sa tantine disparut dans les ombres de la nuit.  
    Elle était seule désormais, et elle avait la responsabilité de deux enfants menacés par  des puissances obscures qui les traqueraient partout. L’Unique seul savait ce qui l’attendait.
 

n°7467767
Ombre_et_P​oussiere
sont les mamelles de la guerre
Posté le 20-01-2006 à 09:42:41  profilanswer
 

Perso et meme si je suis d'accord avec les critiques susmentionnées je ne dirais qu'un truc : La suite ! la suite !
  C'est très accrocheur et le principe des cavaliers de l'apocalypse me plait beaucoup. Bon en tant que fan de fantasy je dois pas etre totalement impartial mais pas grave j'assume. Juste une toute petite critique pour chipoter : Les noms des personnages me semblent pas mal contemporains pour des gens du XVIème. Bon après comme je dis c'est vraiement du chipotage....


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Buenos Dias ! Yo m'appel Inigo Montoya ! Tou as Toué Mon pèrrrre ! Prrréparrre-toua à mourrrrrirrrrr !
mood
Publicité
Posté le 20-01-2006 à 09:42:41  profilanswer
 

n°7471786
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 20-01-2006 à 18:02:58  profilanswer
 

Les nom des personnages? Lesquels?

n°7473777
Maelig
Posté le 20-01-2006 à 22:54:43  profilanswer
 

J'ai lu (très rapidement, je dois l'admettre, pour cause de fatigue) ton début de roman. Globalement, c'est assez bon je crois. J'ai toutefois quelques remarques à te faire :
- les noms des personnages, comme c'est indiqué dans le post précédent... Je pense que tu as fait des efforts pour en trouver qui soient cohérents avec le monde que tu as choisis, mais certains ne collent toujours pas. Je pense à Clément, entre autres. Même si ce prénom existait à l'époque, il est encore plus courant aujourd'hui! Je pense que tu devrais faire des choix plus originaux, plus "désuets", ce serait un bon point.
- l'attitude des enfants, qui me semble elle-aussi être très contemporaine. Le "tantine", par exemple, me gène un peu.
- le mot "moult" dans la phrase Ils avaient découvert moult cèpres me paraît légèrement exagéré  :p  
Sinon, tu as l'air d'avoir de bonnes idées. Il faudra que je revienne le lire plus attentivement, et en ayant davantage de temps! Continue!

n°7476460
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 21-01-2006 à 12:28:57  profilanswer
 

Pour ce qui est des noms des personnages, en particulier Clément...je ne sais pas si c l'habitude (aprés avoir écrit prés de 600pages...) mais j'arrive pas à m'en défaire, pourtant un ami m'avait déjà fait la remarque...bref, si un éditeur me remarque...et me fait le même commentaire, je finirai sans doute par céder.
Pour ce qui est du "tantine", ça fait un moment que je me posais la question...tu viens sans doute de lui porter le coup fatal...

n°7476481
Mario_
Vive le pingouiboulga !!
Posté le 21-01-2006 à 12:33:50  profilanswer
 

Karlon a écrit :

Tout jeune écrivain, je suis en train de travailler sur un roman en quatre tomes dont je souhaite envoyer les manuscrits aux maisons d'édition. Ce roman se déroule dans un monde analogue au XVIème siècle et est de veine Fantasy. J'aimerai avoir, si possible, quelques commentaires sur mes premiers chapitres que je présente ici. Alors à vos claviers!


Fais gaffe, si tu publies ton ouvrage auparavant, en entier ou en partie, tu risques de ne jamais être édité (voire de faire l'objet d'une plainte si l'éditeur en question l'apprend plus tard par lui-même) :o

n°7482421
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 22-01-2006 à 08:54:21  profilanswer
 

Je sais, je sais. Je n'avais pas l'intention d'en présenter plus. Le but était simplement de repérer mes points faibles...et j'ai été servi. J'ai encore pas mal de boulot. Mais les prémices de mon histoire ont l'air de plaire, c déjà une bonne chose.

n°7482530
Mario_
Vive le pingouiboulga !!
Posté le 22-01-2006 à 10:16:18  profilanswer
 

Mais même s'il n'y en a pas plus et que tu envoies un final très modifié à un éditeur, tu risques gros, j'en ai bien peur :/
 
Mais bon courage quand même ;)

n°7489381
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 23-01-2006 à 07:22:41  profilanswer
 

Bah, on verra bien...j'en suis pas encore là

n°7809672
polgara la​ sorciere
Posté le 03-03-2006 à 21:49:39  profilanswer
 

:love: j'ai carrément accroché c clair  :pt1cable:  
continue kon puisse avoir la suite!!!!!!!!!!
bonne chance pour trouver un éditeur :hello:


Message édité par polgara la sorciere le 03-03-2006 à 21:50:41
n°7903499
Petit Chou
j'aime le chocolat
Posté le 15-03-2006 à 19:14:32  profilanswer
 

Comme le dit si bien Polgara, ton extrait était vraiment super ! Mais à quand la suite ??

n°8268089
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 27-04-2006 à 11:04:34  profilanswer
 

La suite...comme me l'a fait gentimment remarquer Mario, il est possible que le fait de publier l'intégralité de mes écrits sur ce site me sois dommageable, donc j'éviterai, mais qui sait, peut-être aurez-vous la chance de le trouver un de ces quatre en librairie. J'ai envoyé mon manuscrit à deux éditeurs (en précisant avoir publié mes premiers chapitres sur ce site...je joue la carte de l'honnêteté...verra bien). L'un des deux m'a jeté en affirmant que je n'entrais pas dans la ligne éditoriale mais l'autre l'a retenu pour le comité de lecture...jai donc réussi à franchir la première étape, celle qui voit 90% des manuscrits finir à la poubelle. Je croise les doigts pour la suite...

n°8268249
Mario_
Vive le pingouiboulga !!
Posté le 27-04-2006 à 11:18:16  profilanswer
 

Bonne chance pour la suite en effet. Si ça t'intéresse, il y a un topic qui recense pas mal d'éditeurs. Si ça passe pas chez l'un, ça peut toujours passer chez l'autre ;)


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Soyons ouverts d'esprit, mais pas au point de laisser notre cerveau s'enfuir.
n°8268458
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 27-04-2006 à 11:45:20  profilanswer
 

Oui, j'ai déjà été y faire un tour et je garde ça sous le coude. Pour le moment j'ai visé deux des plus gros: Mnémos et Bragelonne. Comme on dit, qui ne tente rien n'a rien. Le tout étant de savoir s'ils sont prêt à publier une saga en quatre tomes...soit environ 1600 pages...et encore...

n°8298554
IG-11
fortissimi sunt belgae
Posté le 01-05-2006 à 18:17:45  profilanswer
 

Cher Karlon,
 
Je n'ai pas encore eu le temps de lire ton texte (mea culpa), trop pressé que je suis aujourd'hui.
 
Cependant, je désire te faire part à la fois de mes plus vifs encouragements et de mon expérience personnelle.
 
Il se trouve que j'ai écrit un roman il y a quelques années, dans un style que mon meilleur ami qualifiait de "fantasy-réaliste" (se rapprochant plus d'une métaphore uchronique que du combat de dragons et du déchaînement de forces obscures). J'ai proposé mon texte à une dizaine d'éditeurs, de tous types et calibres, dont évidemment Mnémos et Bragelonne. De la suite des événements, je me permets de dire ce qui suit : ne jamais refuser de prime abord d'éventuelles modifications par l'éditeur (ça refroidit celui-ci et te priverait d'une opportunité) ; bien cibler les éditeurs potentiels, connaître leur catalogue ; faire relire par des lecteurs "expérimentés" dans le domaine (des amis "impartiaux" si possible, qui sauront, mieux que toi, distinguer entre ton originalité et tes emprunts à tes auteurs de référence) ; après clôture du premier volume, essaie peut-être de laisser reposer la bête quelque temps avant d'opérer une dernière relecture et paufiner le tout avant l'envoi. Je sais bien que l'excitation de présenter son "bébé" est grande, mais mieux vaut éviter de donner à lire un "prématuré" ;-).
 
Pour terminer, ne renonce jamais. Je suis passé à deux doigts d'obtenir un avis favorable, mais je n'ai pas osé accepter d'importantes modifications et il y a eu un désaccord entre le comité de lecture et l'éditeur. Et comme le marché croule littéralement sous le poids des manuscrits de fantasy, l'offre excède largement la demande... Si tu crois avec ferveur dans l'originalité de ton oeuvre et dans ses qualités littéraires, le temps ne doit pas être pour toi un obstacle. Ne prends pas les éventuels refus pour définitifs : persévère. C'est en tous cas ce que je fais de mon côté, puisque, après avoir laissé mariné le texte durant deux ou trois ans, je compte m'y réattaquer ;-).
 
Voilà, bon courage, continue de travailler, reste ouvert aux critiques intelligentes mais tiens bon sur les points fondamentaux de ton scénario.
 
PS : Le fait d'avoir publié une partie du manuscrit, même sur le Net, est mal vu en général par l'éditeur. D'un autre côté, s'il ne s'agit que d'un "teaser", je ne pense pas que cela pose un grave problème. De plus, inutile d'insister sur ce point lors de la négociation du contrat ;-).
 
PS 2 : Méfie-toi des éditeurs "à compte d'auteur". Càd : fuis tout éditeur qui te dit que ton oeuvre est magistrale sans argumenter et qui t'invite à avancer des fonds pour le premier tirage. Tu ne dois pas un rond à un éditeur, c'est lui qui devra te rémunérer. Je dis ça parce que nombre d'auteurs sont trop focalisés sur l'envie d'être publié et oublient que le milieu de l'édition n'est pas exempt d'aigrefins...

n°8318410
Karlon
Aut caesar, aut nihil
Posté le 03-05-2006 à 23:27:56  profilanswer
 

Merci pour tous ces conseils. Ils seront suivis n'en doute pas. Pour ce qui est de la question des modifications, c'est un point qui ne me trouble pas. Mon père a déjà publié (tout autre genre de littérature) et m'a abondamment prévenu quant à cette question. Pour le reste je ne compte pas lâcher et j'ai deux bonnes raisons pour cela:
    - malgré un style qui demande encore à être travaillé, je sais que je ne me débrouille pas trop mal...du moins un certain nombre d'avis en ce sens, entre autre de la part de mon padre (qui est loin d'être tendre contrairement à ce que pourrait laisser croire la filiation...pas le genre à admirer bêtement les oeuvres de son fiston!), me donnent confiance
     - pour ce qui est du scénar, la question de son originalité ne me perturbe pas trop, je suis moi même grand lecteur de fantasy et ma grande crainte en la matière était justemment de faire de la redite, j'ai donc fais bien attention à cette donnée...je l'ai fait lire à de nombreux amis, certain n'ayant aucun goût pour la fantasy, d'autres étant au contraire des lecteurs acharnés...ils ont tous appréciés sans pour autant être avares de critiques et de remarques
Bref, j'ai la chance d'être assez bien entouré et d'avoir la hargne d'un pitbull. Je ne me fais aucune illusions. Je tente ma chance. Qui vivra, verra!

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