Tout jeune écrivain, je suis en train de travailler sur un roman en quatre tomes dont je souhaite envoyer les manuscrits aux maisons d'édition. Ce roman se déroule dans un monde analogue au XVIème siècle et est de veine Fantasy. J'aimerai avoir, si possible, quelques commentaires sur mes premiers chapitres que je présente ici. Alors à vos claviers!
Prologue
Les gradins de marbre noir semplissaient peu à peu de silhouettes drapées de vastes manteaux dombres. Sous leurs sombres capuchons, ne transparaissaient que quelques paires dyeux aux éclats inquiétants, certains pareils à des braises ardentes, dautres à des éclats de glace. Le grand amphithéâtre entourait une arène circulaire au sol lisse de pierre noire. Un vaste dôme, percé dune ouverture en étoile à cinq branches, couvrait lédifice. Létrange lieu était éclairé par de hautes flammes bleues ne dégageant aucune chaleur. Elles émergeaient de larges fosses entourant larène. Au centre, se dressait une petite colonne à la forme torturée, cerclée dépine, quun disque de marbre venait couronner. Sur celui-ci était déposé un parchemin jauni scellé de sept sceaux noircis par le temps.
Bientôt, le brouhaha qui emplissait les gradins diminua en intensité pour disparaître et laisser place à un silence de mort. Les deux battants dune haute porte décorée de figures grimaçantes souvrirent sans bruit dans lun des coins de larène, laissant place à un être revêtu dun long manteau bleu nuit à capuchon. Il savança dans lamphithéâtre pour venir se placer devant la colonne centrale, laissant derrière lui une traînée glacée sur le sol de marbre. Une main squelettique aux longs ongles noirs sortit des replis du manteau pour venir caresser doucement le parchemin scellé. Le silence qui régnait dans larène fut alors brisé par une voix froide comme le gel :
- Voilà trois mille ans, jai scellé de sept sceaux la Prophétie des Déchus. Je ne comprenais pas alors la portée de ces mots. Mais mes yeux se sont ouverts. Jai attendu ces trois mille ans pour pouvoir à nouveau les contempler. Le temps est venu !
Nulle exclamation ne vint saluer létrange déclaration. Nul ne bougeait ou ne disait mot parmis la sombre assemblée.
- Cette nuit est celle de la révélation. La nuit ou le signe sera vus de tous de par la Terre entière. Létoile du sang et du chaos descend sur nous !
Aussitôt un faisceau écarlate sabattit de louverture creusée au sommet du dôme de lamphithéâtre, pour venir baigner de sa lueur le parchemin scellé.
- Il est temps ! Que soit brisé le premier sceau ! Que la marche inéluctable vers la fin de tout commence !
De ses mains desséchées, lêtre sempara du parchemin baigné dune lueur sanglante et léleva au-dessus de sa tête. Lassemblée jusque la silencieuse commença à sagiter. Des hurlements bestiaux se faisaient entendre, saluant létrange rituel, gonflant en intensité comme une vague avant quelle ne sabatte. Lêtre saisit dans lune de ses mains le premier sceau noircit, et dun coup sec, le broya, laissant retomber ses fragments à même le sol. Une secousse terrible ébranla lamphithéâtre. Des nuages vaporeux aux teintes pourpres sélevèrent des restes du sceau, sagglutinant les uns aux autres pour prendre la forme dun grand cavalier tenant une épée dans la main droite. Le visage de ce fantôme de fumée rouge nétait quun crâne grimaçant, un crâne dont émanait une terrible rage. Lêtre qui lavait libéré continuait de faire raisonner sa voix froide sous le dôme de lamphithéâtre :
- « Sept maux viendront frapper lhumanité.
Le premier portera la Guerre, lame effilée qui déchire les chairs des hommes. » Guerre ! Je tai invoqué ! Va, cavalier de sang, et emplis le monde de ta rage ! Que les hommes connaissent le chaos et la destruction !
Obéissant à linjonction de son invocateur, le cavalier fantôme se dispersa en nuages de fumée rougeâtre qui sélevèrent vers le sommet du dôme. Sous les hurlements de joie frénétiques de lassemblée, ils sengouffrèrent dans louverture, vers le firmament, salué par léclat sanglant de létoile écarlate.
Le premier sceaux sera brisé.
La Guerre, lame effilée qui déchire les chairs,
Etendra son ombre sur le monde.
Chapitre I
Un vent léger sifflait entre les hautes branches des arbres centenaires. La jeune femme avançait dun pas rapide sur le petit sentier à peine visible, relevant sa robe afin quelle ne vienne pas saccrocher aux ronces. Linquiétude la gagnait à chaque pas. Au-dessus de la voûte sylvestre, le soleil avait depuis longtemps franchi le firmament et commençait lentement sa descente vers lOuest. Midi était largement passé et les enfants nétaient toujours pas arrivés. Bien sur, ils connaissaient parfaitement les bois de Méru, et aucune créature de la forêt ne se serait aventurée à leur faire du mal mais Jeanne ne pouvait sempêcher de sinquiéter pour eux.
La jeune femme finit par sarrêter pour souffler quelques secondes, prenant appuis sur le tronc dun grand hêtre. Ses cheveux dun noir de jais cascadaient dans son dos sans entraves. Son visage au teint mat était dune beauté sauvage donnant une impression de force brute, cependant de ses grands yeux verts émanaient douceur et bonté. Elle était vêtue dune robe simple, dun bleu azur, et à sa ceinture pendait une aumônière de cuir dans laquelle elle gardait les herbes et les poudres avec lesquelles elle préparait potions et remèdes.
Ayant repris son souffle, elle continua sa marche, suivant létroit sentier envahi de ronces et dherbes folles qui sinuait, tel un long serpent, entre les arbres. Elle allait bientôt arriver à la clairière des Loups. Les paysans de Besou lappelaient ainsi car il se racontait que les mâles bêtes avaient pour habitude de sy réunir chaque nuit, au pied du grand chêne qui trônait en son centre. Lorsquelle déboucha enfin dans le vaste cercle darbres, quittant lombre des sous-bois, la jeune femme fut aveuglée lespace dun instant par une vive lumière blanche. Une lumière qui nétait pas celle du soleil, qui navait rien dagressif et ne lui faisait aucun mal aux yeux. Une lumière qui lempêchait simplement de voir ce qui pouvait se passer dans la clairière, tout en lui procurant une sensation apaisante. Létrange phénomène dura encore quelques secondes, puis tout redevins clair. La lumière sévanouit laissant apparaître la vaste clairière, au centre de laquelle sélevait un chêne immense à la magnifique ramure émeraude. Au pied de larbre vénérable se trouvaient deux enfants, étendus dans lherbe. Jeanne sapprocha doucement en souriant. Elle ne se montra cependant pas assez discrète. Une brindille craqua sous son pied. A ce bruit, les deux enfants se redressèrent dun bond pour se précipiter vers elle en criant de joie :
- Jeanne ! Jeanne !
La jeune femme qui les avait pris dans ses bras, les contempla avec bonheur. Tous deux se ressemblaient énormément. A vrai dire, ils étaient nés le même jour de la même mère. Un garçon du nom de Clément et une petite fille du nom de Lisie. Ils avaient tous deux de grands yeux rappelant le bleu des lacs de montage, mais la ou le garçon arborait une chevelure solaire, sa sur avait des cheveux aussi sombres que la plume du corbeau. Jeanne les avait quasiment élevés depuis la mort de leur mère. Celle-ci avait rendu lâme en leur donnant naissance. La jeune femme avait toujours trouvé injuste que deux vies aient dut être payée au prix dune autre. Tous les remèdes de tante Mélie ny avaient pourtant rien fait, et les deux petits étaient nés orphelins. Nayant pas de père connu, ils avaient été pris sous leur aile par les villageois de Besou et tous deux avaient grandi chez lun des métayers du village, Gaston Hauregard, au milieu de sa ribambelle denfants. Mais cétait surtout tante Mélie et Jeanne qui les avait élevés, leur donnant une éducation et remettant à Gaston largent pour assurer leur subsistance. Et aujourdhui était un jour particulier. Cétait le jour de leur septième année. Sept ans déjà, jour pour jour, quils étaient apparus, tels deux étoiles, dans la vie de Jeanne. Elle avait treize ans ce jour où elle avait aidé tante Mélie, qui jouait le rôle de sage-femme pour le village, à mettre au monde ces deux charmants garnements. Cétait elle qui cétait occupé deux à la mort de leur mère avant quon ne les mette en nourrice chez Gaston. La femme du métayer venait alors également de mettre au monde un enfant et elle avait, de fait, pu les allaiter tous trois.
Reposant les deux enfants à terre, Jeanne les prit par la main pour les conduire sur létroit sentier qui senfonçait au cur des bois.
- Alors ? Que faisiez-vous dans cette clairière alors que Tante Mélie et moi nous rongions les sangs ?
- Cest la lumière. » répondit Clément.
- Elle nous a parlé. » renchérit Lisie.
- Une lumière ? Et qui vous aurez parlé ? Nest-ce pas un gros mensonge ?
- Cest pas un mensonge Jeanne ! Jte jure ! » sexclama Clément indigné, affichant une mine boudeuse, aussitôt imité par sa sur.
- Allons Clément, avoue que cest une chose difficile à croire. Une lumière qui vous aurez parlé. Et que vous aurait-elle dit ?
Abandonnant aussitôt sa mine renfrognée, Clément se fit soudain perplexe.
- Je sais plus.
Ils se tourna vers sa sur, mais celle-ci parraissait tout aussi décontenencé.
- Cest
cest comme si cétait un rêve. » dit-elle dune toute petite voix, « Les mots se sont envolés comme une volée de moineaux. Mais cétait si doux
- Oui
et chaud
comme quand tu nous prends dans tes bras
- Rien ne pouvait nous faire du mal
il
il nous protège
- Qui ça ? » demanda Jeanne interloqué.
- Lui
» fut tout ce que purent lui répondre les deux enfants.
Jeanne hochat lentement la tête. Quand on connaissait tous les secrets qui entouraient lascendance de ces deux petits, et elle-même nen savait quune infime partie, une apparition aussi étrange navait rien de vraiment incroyable. Tante Mélie devait en savoir beaucoup plus mais elle avait toujours refusé den parler à sa nièce. Jeanne la soupçonnait de vouloir la préserver de quelque danger. Mais les propos des enfants éveillaient maintenant une sourde inquiétude. Toutefois, elle narrivait pas à saisir pourquoi. Mieux valait attendre de voir tante Mélie. Elle saurait quoi en penser.
- Et Jeanne, tu crois quil nous emmènera au ciel
lui ? » demanda soudain Lisie.
- Pourquoi ma chérie ?
- Si on montait au ciel on verrait maman non ?
Jeanne aspira une grande goulée dair. Le lien étrange qui reliait les deux enfants à leur mère sétait maintenu par delà les barrières de la mort. Comme si elle avait toujours été là, ombre bienveillante dont tous deux pouvaient ressentir la présence.
- Dis Jeanne, cest comment dans le ciel ? Tu crois que maman est bien là-haut ? » demanda Clément.
Ce nétait pas la première fois quils posaient cette question, mais ils aimaient entendre la réponse.
- Oui mon chéri, je suis sure que votre maman est très bien la-haut et quelle est heureuse, car elle est dans le Jardin de lUnique.
- Et il est comment ce jardin ?
Combien de fois lui avaient-ils posés cette question ? Et combien de fois leur avait-elle répondu ? Elle ne comptait plus.
- Cest un Jardin merveilleux ou sépanouissent les plus beaux arbres, les plus belles plantes et les plus belles fleurs de la Création. Leur parfum est enchanteur et celui qui le respire oublie tous soucis et tous mauvais moments. Leurs mille couleurs remplissent le cur de bonheur et de joie. Leurs fruits sont si bons quils rassasient toute faim. Il y coule des rivières de miel et de lait. Une musique douce et apaisante se fait entendre à chaque instant. Ce sont les Anges qui jouent cette musique céleste. Ils sont les plus proches servants de lUnique. On dit quils sont dune beauté indescriptible et dune grande bonté.
Clément et Lisie lécoutaient, attentifs et ravis.
- Vous voyez les enfants, votre maman est heureuse là ou elle est. Elle souhaite sûrement que vous le soyez aussi. Alors aujourdhui nous allons fêter votre anniversaire. Tante Mélie a préparé des tartes aux framboises.
- Oui ! » éclatèrent-t-ils tous les deux en même temps. « On adore les tartes !
En parlant, ils sétaient avancés au cur des Bois de Méru, sur le petit sentier qui disparaissait entre les herbes folles. Ils débouchèrent bientôt dans une nouvelle clairière, plus petite que la précédente au centre de laquelle trônait, appuyée contre un chêne massif, une maisonnette à lapparence bancale. Elle était construite en pierre avec un toit dardoises grises. Ses murs étaient dévorés par la mousse et deux petites fenêtres rondes encadraient sa vieille porte de chêne. Un petit enclos, sur le côté de la maisonnette, renfermait quelques poules, et devant se dressait une vaste pierre plate, reposant sur quatre autres plus petites, qui faisait office de table. Autour delle, six gros rondins servaient de siège, et sur cette table était posées deux tartes aux framboises encore fumantes. Les enfants lâchèrent les mains de Jeanne et se précipitèrent avidement vers les pâtisseries. Au même moment, une petite vieille toute recroquevillée, qui marchait en sappuyant sur une canne de bois noueux, émergea de la maisonnette. Elle était à peine plus grande que les enfants et était vêtue de vieilles nippes usées de couleurs sombres. Son visage, bien que marqué par la vieillesse, gardait une grande beauté et son étrange regard aux reflets dorés donnait une impression de sagesse mêlée détrangeté. Elle portait dune main une troisième tarte quelle sempressa de poser sur la table avant que les enfants ne se précipitent dans ses bras.
- Enfin vous voilà, petits garnements. » dit-elle dune voix chaleureuse, un léger sourire au coin des lèvres. « Je commençais à croire que vous ne vouliez plus manger de mes tartes et jallais en faire cadeau aux poules !
- Non, tante Mélie! Ne fait pas ça ! On les aime tes tartes. » Protestèrent-ils dune même voix
Jeanne sourit devant les protestations véhémentes des jumeaux. Tante Mélie gâtait toujours Clément et Lisie, leur faisant pâtisseries et friandises à chaque fois quils venaient. Tous deux le lui rendaient bien en les dévorant jusquà la dernière miette.
Beaucoup de souvenirs revinrent à lesprit de la jeune femme. Lorsque-elle même était petite fille et venait comme eux se pendre au coup de la vieille dame. Elle avait toujours connu tante Mélie ainsi, depuis le jour ou la vieille femme lavait recueilli dans les ruines dun village incendié par des pillards Seldjoukans prés de vingt ans plus tôt. Tante Mélie lavait ramenée dans cette petite maisonnette et ly avait élevée, lui enseignant les secrets des plantes et de la forêt, lui réapprenant à vivre en la libérant de ses terreurs denfant. Et voilà quelle-même, petite orpheline, sétait retrouvée responsable de ces deux enfants orphelins. Le destin jouait parfois détranges tours.
Tante Mélie avait installé Clément et Lisie sur deux sièges et les enfants commençaient à lui raconter leur étrange aventure. Jeanne les regarda faire quelques minutes puis entra dans la maisonnette. Celle ci comprenait une pièce principale, une chambre ou la jeune femme dormait avec tante Mélie, et un sellier ou elles entreposaient leurs provisions et les herbes dont elles faisaient usage pour leurs potions et leurs onguents. Jeanne se dirigea vers celui-ci et franchit la petite porte en se courbant au passage pour éviter de se cogner contre la poutre basse. Autour delle flottaient les senteurs apaisantes, capiteuses ou plus acres des centaines dherbes conservées par tante Mélie. La jeune femme se dirigea vers un coin sombre de la pièce et souleva un sac de drap grossier qui semblait traîner négligemment. Il dissimulait un coffret de bois sculpté de superbes arabesques. La jeune femme le prit et louvrit, contemplant son contenu. Sur un lit de velours, étaient déposés deux pendentifs dor représentant pour lun un lion et pour lautre une lionne. Tous deux avaient des yeux de rubis. Si lon observait les deux bijoux de plus prés on pouvait constater quils semboîtaient parfaitement et pouvaient nen former quun seul. Ces pendentifs avaient appartenues à la mère de Clément et Lisie. Elle avait remis le coffret à Jeanne et tante Mélie juste avant de rendre lâme, leur faisant promettre de remettre les deux bijoux aux enfants lorsque ceux ci seraient arrivés en leur septième année. Elles avaient donc caché le coffret dans le sellier attendant le jour convenu pour les remettre à Clément et Lisie.
Un bruit dans son dos fit se retourner Jeanne. Sur le seuil du sellier, tante Mélie lobservait, une lueur inquiète dans le regard.
- Ainsi les enfants auraient vu une lumière, une lumière qui leur aurait parlé ? » dit-elle dune voix sourde en fixant intensément sa nièce.
- Cest ce quils mont raconté tantine. » Elle lavait toujours appelée ainsi. « Mais ce ne serait pas la première fois quils racontent des sottises
- Toi quas-tu vus ? » linterrompit la vieille dame.
- Jai bien été aveuglé quelques instant par une étrange lumière blanche
- Alors cest celà.
Les épaules de tante Mélie saffaissèrent. Elle semblait soudainement accablé par un grand poids.
- Quy a-t-il tantine ? » sinquiéta Jeanne.
La vieille dame soupira longuement.
- De sombres évènements se profilent à lhorizon ma petite Jeanne, jen ai peur. Notre vie risque de changer bientôt, et de façon définitive. » Elle hocha la tête sombrement. « Tu fais bien de sortir ces pendentifs. Il est grand temps que leur héritage leur revienne. Si nous attendions encore il est possible que nous nayons plus jamais loccasion de le leur remettre.
Sur ces mots tante Mélie se retourna et quitta le cellier en hochant tristement la tête. Jeanne referma le coffret et le tira de sa cachette. Emboîtant le pas à la vieille femme, elle rejoignit les enfants à lextérieur. Tous deux étaient en train de manger chacun une grosse part de tarte aux framboises. Lorsque Jeanne sassit devant la grande pierre plate qui servait de table Clément et Lisie relevèrent dun même mouvement la tête, révélant des lèvres et des joues barbouillées de jus de framboise. La jeune femme posa alors devant elle le coffret de bois et leur sourit.
- Les enfants » dit tante Mélie dont le visage avait retrouvé un air joyeux. « Aujourdhui est un jour particulier. Cest le jour de votre septième anniversaire. Et comme il est de coutume pour un tel événement nous vous avons préparé des cadeaux.
Clément et Lisie abandonnèrent aussitôt leur part de tarte, attendant avec impatience de découvrir quels étaient ces mystérieux cadeaux. En effet il nétait pas de coutume doffrir quoi que ce soit les jours danniversaires avant la septième année. Sept ans était lâge ou lon considérait que lenfant était désormais à même de se débrouiller seul.. Les cadeaux quon lui offrait alors symbolisaient cette nouvelle indépendance. Tante Mélie sortit de sous ses hardes deux petits paquets entourés de grandes feuilles de hêtre, le tout solidement serré par des cordelettes de chanvre. Elle en donna un à chacun des enfants. Impatients, les jumeaux défirent rapidement les nuds et découvrirent sous les feuilles deux pierres étranges, semblables à des larmes. La pierre de Lisie était dun vert profond, celle de Clément était quant à elle semblable à un diamant. Les enfants les observèrent un moment, émerveillés, avant de se précipiter vers tante Mélie pour la couvrir de baisers.
- Merci tantine, tu es trop gentille avec nous !
- Oui, oui, les enfants, mais vous allez métouffer. Rasseyez-vous, je nai pas fini.
Clément et Lisie revinrent à leur place.
- Ces pierres, les enfants, ne sont pas de simples cailloux qui seraient fait pour la décoration. Lorsquun grand cerf meurt par une nuit de pleine lune, il se forme au coin de chacun de ses yeux une pierre aux grands pouvoirs. La pierre verte qui est la tienne Lisie est née dans lil droit du cerf. Celui qui la possède peut, grâce à elle, retrouver son chemin sil est perdu, et sil le souhaite, la pierre le conduira par la route la plus sure. Quant à la pierre semblable à un diamant que tu as reçu Clément, elle est née dans lil gauche du cerf et a le pouvoir déclairer les lieux les plus sombres.
Clément et Lisie regardaient maintenant leurs cadeaux comme des trésors précieux.
- Prenez en soins les enfants. Elles vous seront utiles un jour.
Un bref instant Jeanne crut voir passer dans le regard de tante Mélie une douleur mêlée de pitié. De leur côté Clément et Lisie fourraient déjà leurs pierres magiques dans leurs petites poches comme pour les cacher à la vue dun quelconque voleur.
- Nous avons autre chose pour vous les enfants
mais ce nest pas exactement un cadeau.
Ils redressèrent la tête, intrigués. Jeanne ouvrit alors le coffret et en tira les deux pendentifs. Se levant, elle passa le premier, représentant un lion, au cou de Clément. Puis elle passa le second, représentant une lionne, au cou de Lisie. Les deux enfants la laissèrent faire en silence, observant avec ravissement ce nouveau don. Lorsque Jeanne eut fini, Tante Mélie les fixa avec gravité.
- Il y a sept ans, lorsque votre mère vous mit au monde, elle nous confia ces deux pendentifs avec pour mission de vous les remettre quand vous seriez en âge. Votre mère ma demandé de vous dire quils étaient dans votre famille depuis des siècles. Ils sont lemblème dune ancienne et puissante lignée dont vous êtes les derniers représentants. Le lion symbolise le courage du guerrier, la sagesse du souverain. La lionne représente la douceur de la mère mais également la rage que celle-ci déploie pour protéger ses enfants. Tous deux sont indissociable et se complètent. Et vous, mes enfants, vous vous complétez, tous comme vos pendentifs.
Lévocation de leur mère avait ramené un masque de gravité sur le visage de Clément et Lisie. Contrairement aux autres enfants, ils avaient très vite compris ce que signifiaient la mort, et ce don transmis par leur mère disparue les touchait plus que tout autre. Tous deux observaient maintenant avec attention leur pendentif, les caressant, suivant les courbes et les angles comme pour en imprégner leur mémoire de façon définitive. Après quelques minutes de silence, ils se rapprochèrent lun de lautre et, élevant chacun leur pendentif, les joignirent. Nul déclic ne se fit entendre, mais un son bref, pareil à celui dune flûte séleva, comme pour marquer la jonction des deux bijoux qui nen formaient désormais plus quun, lion et lionne enlacés dans une étreinte pleine de tendresse.
- Frère et sur, unies à jamais. » déclara tante Mélie dune voix grave. « Noubliez jamais ce que vous êtes lun pour lautre les enfants. Je crois que beaucoup de choses vont dépendre de votre force à lutter ensemble.
Un long silence suivit ces mots que même les pépiements des oiseaux et les bruits de la forêt ne vinrent pas troubler. Soudain, tante Mélie retrouva son sourire et sa voix chaleureuse.
- Et maintenant les enfants, fêtons dignement votre anniversaire. Je suis sure que vous mourez denvie de manger encore quelques parts de tarte !
Comme par enchantement, le lien qui unissait les deux pendentifs disparut. Clément et Lisie se regardèrent quelques instant, tels des enfants tirés dun long sommeil. Enfin, comme sils saisissaient dun coup le sens des paroles de tante Mélie, ils tendirent leur assiette, attendant avec impatience la tarte promise. Jeanne soupira, soulagée de voir la tension qui quelques instant plus tôt les tenaient encore sêtre dissipée.
Ils passèrent un agréable après-midi. Après avoir mangé leur content de tarte, les deux petits goinfres allèrent jouer avec Jeanne dans la clairière et les bois autour de la maisonnette. Tante Mélie resta, quant à elle, installée sur son siège, observant leur manège et leurs jeux dun regard tendre.
Lorsque enfin le ciel se teinta de pourpre, annonçant la fin du jour, Clément et Lisie firent leurs adieux à tante Mélie et reprirent la route de Besou, accompagnés par Jeanne. Après une petite heure de marche à travers la forêt, ils atteignirent lorée des bois de Méru. Jeanne sarrêta et sagenouilla devant les enfants, alors que le soleil disparaissait lentement à lhorizon.
- Rentrez vite maintenant, et ne vous arrêtez pas en chemin. Bientôt les Feux Follets sortiront de leurs trous, et si vous ne faites pas attention ils vous emporteront dans les marais pour vous noyer.
- On na pas peur deux, tu sais Jeanne. » répondit aussitôt Clément, fier de montrer son courage.
- Je sais Clément mais cela ne veut pas dire quils ne sont pas dangereux. Et puis loncle Gaston et la tante Berthe pourraient sinquiéter.
Jeanne les attira à elle et déposa sur le front de chacun un baiser.
- Allez vite maintenant !
Après un dernier adieu, les enfants partirent, main dans la main, sur le chemin de terre qui les conduisait vers le village de Besou. Celui-ci nétait quà quelques centaines de pas de lorée des bois, cacher par deux hautes collines qui encadraient le chemin, tels des géants endormis. Jeanne attendit de voir disparaître au détour de la route les petites silhouettes sautillantes pour reprendre sa route à travers les bois.
Le chemin du retour fut loccasion pour Jeanne de réfléchir à tous ce qui cétait passé détrange cet après-midi. Cette lumière que les enfants prétendaient avoir vu, linquiétude de tante Mélie, les étranges cadeaux quelle avait offert aux enfants et tant dautres choses. Tout cela devait avoir une signification qui échappait encore à la jeune femme. La seule chose qui lui apparaissait clairement était quun danger se profilait désormais au-dessus des enfants. Une ombre savançait et Jeanne pouvait presque la sentir.
Au-dessus delle la voûte céleste se remplissait lentement détoile, et lorsquelle atteignit enfin la maisonnette, la nuit avait couvert le monde de son sombre manteau piqueté de diamants. Tante Mélie était la, installée sur la pierre plate qui ordinairement servait de table. Elle scrutait le ciel avec attention, semblant faire abstraction de toute autre chose. Ne voulant pas la déranger, Jeanne sefforça dêtre la plus discrète possible, mais alors quelle sapprêtait à franchir le seuil de leur demeure, la voix grave de la vieille femme larrêta brusquement.
- Ils vont avoir besoin de toi Jeanne. De terribles épreuves les attendent et tu devras veiller sur eux.
Jeanne se retourna et vint se placer au côté de sa tante.
- Quelles épreuves tantine ? Que va-t-il leur arriver ? » demanda-t-elle.
- Cela je ne saurai le dire
mais les signes ne trompent pas. « En ce jour les jumeaux, derniers descendants de la lignée maudite de Kalamon, auront franchi sept années. Alors dans le ciel sans lune naîtra létoile du sang et du malheur. »
Jeanne la vis alors. Une fleur écarlate avait éclot au firmament, astre sanglant plein de sombres promesses. Sa tante continuait à débiter son étrange sentence.
- « Feu et bêtes viendront les arracher à leur retraite et du choix du démon dépendra leur vie. »
Soudain, tante Mélie, avec une agilité que Jeanne ne lui connaissait pas, se redressa et sauta au bas de la pierre.
- Les temps de malheur approchent ma petite et nous aurons alors besoin de toutes nos forces. Allons dormir veux-tu.
Sur ces mots, elle lui caressa la joue avant dentrer dans la maisonnette. Jeanne resta encore quelques minutes dehors, les yeux fixés sur létoile écarlate, se demandant quelle influence celle-ci pourrait bien avoir sur son destin et sur celui de Clément et Lisie. Comment aurait-elle put se douter quau même moment, à des centaines de lieue de la, un mercenaire à la chevelure flamboyante et un jeune prince observaient le même astre sanglant, se posant tout autant de questions.
Chapitre II
Une écurante odeur de mort, à laquelle venait se mêler le parfum de la poudre à canon, sélevait au-dessus de la petite plaine encaissée entre de hautes collines boisées. Le fracas des armes ne sétait pas encore tu mais déjà les charognards se précipitaient vers leur banquet de chair morte. Le guerrier à la chevelure flamboyante observait le spectacle depuis lorée du bois de Lernac. Derrière lui ses trois compagnons ne disaient mot. Parmis les cadavres qui jonchaient la plaine se trouvaient les corps de camarades au côté desquels ils avaient combattu durant les trois longs mois de cette folle campagne. Maintenant les corbeaux en faisaient leur pitance alors que les derniers combats sachevaient au pied dun moulin en ruine. Le hérisson de fer formé par les lanciers du capitaine Lindaer, ultime carré de résistance dune armée naguère si puissante, venait de se disloquer et les cavaliers aquitaniens, bardés dacier, massacraient les fuyards, népargnant personne. Le soleil qui disparaissait à lhorizon répandait sa lueur écarlate, ajoutant une teinte sanglante à ce tableau dressé par un peintre fou.
Qui eut pu imaginer, trois mois plutôt, une conclusion aussi désastreuse à lexpédition des Princes Réformateurs de Bohemia. La glorieuse armée qui comptait alors prés de vingt mille hommes de troupe avait quitté Münndig, prenant la route du Sud, sûre de ses forces et de ses victoires futures contre les serviteurs de lEglise impie. Mais la campagne avait vite tourné au drame quand de fortes pluies étaient venues ralentir lavancée des troupes et pourrir les réserves de blés mal protégés. Larmée, mal nourrie et épuisée par des marches incessantes sous une pluie battante, sétait avérée incapable de combattre. Elle avait plié face aux troupes des cités Piséennes, liguées sous létendard de lArchipatriarche et de lEglise Arnalite. La défaite de Valline avait obligé larmée des Princes Réformateurs à fuir vers lOuest et à franchir les marches du royaume dAquitanie. Cest dans la plaine de Lernac que cette course sétait achevée. Les troupes Bohemiannes désorganisées sy étaient heurtées aux cavaliers aquitaniens. Devant le désastre annoncé, le guerrier à la chevelure flamboyante et ses compagnons avaient préféré la fuite et la honte à la mort et à lhonneur. Ils étaient mercenaires et navaient nulle envie de mourir en terres étrangères pour une cause en laquelle ils ne croyaient pas. Ils avaient donc abandonné leur corps de troupes, gagnant le couvert de la forêt, profitant de la fureur des combats pour passer inaperçus. Ils avaient ainsi put assister, depuis leur poste dobservation, à cette bataille perdue davance qui avait si vite tourné au massacre. Elle sachevait ainsi, dans le soleil couchant, la nuit venant jeter son voile pudique sur la scène du drame.
Lhomme se tourna vers ces compagnons, tous trois dressés sur leurs chevaux, les yeux fixés sur le sanglant tableau, comme pour le graver dans leur mémoire.
Il y avait là Erach le Balafré, un homme grand, sec, au profil tranchant comme la lame dun couteau. Son surnom était du à la large balafre qui courait de son il gauche jusquà son menton, souvenir dun spadassin dardanois qui avait eu, en retour, la tête tranchée net par la redoutable rapière du mercenaire. Erach était un tueur impitoyable dont le regard bleu azur était aussi froid que la glace.
A ces côtés se tenait Metter Mains-Lestes, plus court que son compagnon, mais plus souriant. Cétait un habile détrousseur qui lançait les couteaux comme nul autre, et il navait pas son pareil pour séduire les demoiselles, usant de son verbe adroit et de son regard rieur.
Enfin, les surmontant tous par la taille et la musculature, Ludof le Roc se dressait sur sa puissante monture, seule capable de supporter son poids. Lhomme, grand de plus de sept pieds, évoquait aisément un ogre de conte pour enfants. Ses mains, large comme des battoirs, pouvaient broyer le crane dun homme. Une épaisse barbe blonde cerclait la vaste bouche dans laquelle il engloutissait dimpressionnants monceaux de nourriture et des tonneaux entiers de bière. Dans son dos se profilait la silhouette dune hache de guerre à double lame dont il jouait avec ardeur sur les champs de bataille.
Cétaient la les compagnons de lhomme aux cheveux rouges comme les flammes de lenfer, aux yeux noir comme la nuit et au triste sourire. Karlon était son nom mais certains le surnommaient capitaine Vivemort en raison dune mortelle habileté à lépée. Nul ne savait doù il venait et jamais il ne sétait laisser aller à une quelconque confidence sur sa jeunesse. Pourtant les trois hommes qui laccompagnaient lui vouaient une confiance aveugle et lauraient suivi jusque dans les précipices infernaux sil les y avait conduit.
Il tira sur les rênes. Son massif destrier noir fit volte face pour senfoncer dans lépais sous-bois.
- Laissez donc les cadavres ou ils sont. Il est temps daller offrir nos services ailleurs. » lança-t-il sans prendre la peine de se retourner.
Metter opina du chef, son éternel sourire moqueur sur les lèvres :
- De toute façon, si les hommes du roi dAquitanie nous tombent dessus, je doute quils nous accordent la moindre chance de nous expliquer. Ils nous passeront par le fil de lépée avant même que nous ayons le temps de leur expliquer notre changement de statut ! » Et il partis dans un grand éclat de rire avant de faire virer sa monture, suivant ses camarades sous le couvert des grands chênes.
Ils avancèrent dans lobscurité naissante pendant quelques temps, cherchant un sentier. Autour deux, les sous bois semplissaient lentement de ténèbres et les oiseaux nocturnes faisaient déjà entendre leurs sinistres chants. La chaleur avait déserté le couvert des arbres laissant place à un air froid et mordant qui faisait maintenant espérer aux quatre compagnons une flambée réconfortante. A cela venait sajouter la faim. Ils navaient pas fait de vrai repas depuis déjà quelques temps et leurs estomacs sappliquaient à le leur rappeler avec véhémence.
Karlon avançait en tête, guidant tranquillement sa monture. Ses compagnons connaissaient son étrange capacité à voir dans lobscurité aussi bien quen plein jour, ils le suivaient donc sans crainte. Soudain, il stoppa sa marche, dressant la main dans un geste qui voulait tout à la fois signifier la halte et le silence. Erach, Ludof et Metter suivirent alors du regard la direction quil leur indiquait. Une lumière tremblotait entre les grands arbres. Karlon sétait déjà glissé à terre, silencieux comme un chat. Il leur fit signe de limiter. Bientôt tous quatre savançaient au côté de leur monture, tachant de taire les bruits qui auraient pus les faire repérer par ceux qui avaient allumé ce feu. A mesure quils approchaient, ils entendaient monter la musique dun violon accompagnée de chansons, parfois couvertes par des rires gras et des exclamations injurieuses. Les quatre mercenaires voyaient maintenant le grand feu, allumé au centre dune vaste clairière cerclée darbres centenaires. Autour de celui-ci sagitait une foule dombres dansantes. Ils sapprochaient, avide de profiter de la chaleur des flammes, quand Karlon leur fit de nouveau signe de sarrêter. Une nouvelle fois il tendit la main, leur indiquant une forme sombre, ramassée au pied dun arbre, à quelques pas de lorée du bois. Cétait un guetteur quils nauraient jamais découvert sans le regard perçant de leur chef. Karlon fit un bref signe de la main à Metter qui opina du chef, remettant les rênes de sa monture entre les mains de Ludof. Le mercenaire se glissa furtivement entre les troncs des grands arbres, prenant bien garde de ne pas apparaître dans la lumière projetée par le feu. Il pouvait être encore plus silencieux que Karlon quand il le désirait, une capacité quil avait acquise quand il vivait encore de rapines et des vols. Une ombre parmis les ombres, voilà ce quil était. Ces précautions savérèrent cependant inutiles. Le guetteur, dérogeant à sa tâche, sétait endormi et ne semblait porter aucune attention aux alentours, emmitouflé quil était dans son grand manteau de laine. Metter sapprocha tout de même avec une lenteur calculée. Ayant réussi à se glisser dans le dos de sa victime, il dégaina lun de ces multiples poignards, et, avec un art consommé, asséna à sa victime un coup du pommeau arrondi de son arme. Si le guetteur nétait pas complètement endormi, ce coup le plongerait pour un long moment dans un sommeil sans rêves.
Ses compagnons rejoignirent le jeune homme. Ils nétaient plus maintenant quà quelque pas de lorée du bois et pouvaient observer la scène depuis lombre dans laquelle ils se fondaient. La clairière devait faire une cinquantaine de pas de diamètre. En son centre flambait un grand brasier qui semblait sélever jusquau ciel étoilé, entretenu par trois femmes qui y jetaient à intervalle régulier des brassées de petits bois ou de grosses bûches. Autour du feu, prés de cinquante gaillards, à laspect peu engageant, se gorgeaient dalcool, dansaient ou ségosillaient en chantant quelques chansons paillardes. Vêtus pauvrement, souvent en haillons, ils arboraient des trognes de brigands. Certain étaient couturé de cicatrices, dautres avaient une oreille ou un il en moins. Tous, malgré la décontraction apparente, étaient armés jusquau dent. Pistolets et poignards dépassaient de leurs ceintures ou pendaient souvent une épée ou une rapière. Un homme attirait cependant lattention, son calme et son allure tranchant sur lambiance festive. Assis sur une vaste pierre plate il contemplait la scène avec désintérêt. De grande taille et maigre comme un clou, il était vêtu dun pourpoint écarlate. Un vaste chapeau décoré dune plume noire lui couvrait le crane et une fine moustache ornait son visage peu amène. A ses côtés se tenait le violoniste dont ils avaient pus entendre la musique.
Karlon fit signe à Metter de rester auprès des chevaux. Pour la confrontation quil sapprêtait à avoir, il préférait avoir à ses côtés Ludof et Erach, plus impressionnant que lancien voleur, même si ce dernier nen était pas moins redoutable. Metter les attendrait sous le couvert des arbres, prêt à agir en cas de difficulté.
Il savança, suivi de ses deux compagnons, quittant lombre protectrice pour entrer dans la lumière du brasier. Nul ne sembla les remarquer, les hommes continuant leur ronde sans se préoccuper des nouveaux venus. Les trois mercenaires avaient atteint le cercle qui entourait le feu quand la musique cessa, le violoniste ayant soudain arrêté de jouer. Les joyeux gaillards qui, quelques secondes auparavant, samusaient encore, entouraient maintenant les nouveaux venus, leurs armes dégainés, des sourires mauvais sur leurs faces effrayantes. Karlon leva ses deux mains, paumes ouvertes :
- Paix, nous ne cherchons pas le combat. Pour ça, nous avons eu notre compte aujourdhui ! » dit-il dune voix calme et posée.
Un claquement de doigts se fit entendre et les rangs des soudards aux haleines avinées souvrirent, ménageant un chemin jusqu'à la massive pierre plate sur laquelle était installé lhomme que Karlon avait remarqué. Il souriait, un air cruel sur la face, tout en se lissant la moustache.
- Voilà donc les survivant de cette pitoyable armée qui na pas vu le soleil se coucher. » dit-il avant déclater dun rire cruel. « Vous voilà dans une fâcheuse situation, perdu en pays ennemi. Si les soldats du Duc de Roelan vous découvrent, ils vous pendront en place publique, comme de vulgaires brigands !
- Votre sort ne sera donc sans doute pas différent du notre ! Surtout quant on constate la facilité avec laquelle nous nous sommes introduit ici. Avec daussi bons veilleurs vous ne verriez pas venir un régiment royal. » lui répondis Karlon.
Le sourire du chef des soudards disparu pour céder la place à un rictus hideux. Il se releva dun bond rapide, tirant son épée du fourreau pour venir en appuyer la lame sur la gorge du mercenaire.
- Tu nas peut être pas choisis le bon endroit ni le bon moment pour de tel propos mercenaire ! Toi et tes hommes êtes venus vous jeter dans la gueule du diable, et ce diable porte le nom dErzus.
Karlon vit une lueur de folie passer dans le regard de lhomme alors que la pointe de son épée commençait à tracer une strie sanglante sur sa gorge. A ces côtés, ni Erach, ni Ludof navaient réagi. Les deux hommes avaient assez de sang froid et de confiance en leur chef pour ne pas faire de gestes inconsidérés. Karlon continua à arborer le même sourire, plongeant ses yeux dans ceux de son adversaire. Ne voyant pas de réaction, celui ci appuyait de plus en plus sur son épée, cherchant le hurlement qui contenterait son esprit sadique. Le petit jeu aurait pus se poursuivre encore longtemps mais une main saisit soudain le poignet dErzus, le forçant à baisser sa lame. Cétait le violoniste qui était intervenu. Erzus, rageur, se retourna, le poing levé, prêt à frapper. Mais il se ravisa, comme interrompu par un doute soudain.
- Ne recommence plus jamais Hugo ! » finit-il par lâcher, avec colère.
Karlon jeta un coup dil sur celui qui venait dintervenir. Le violoniste était bel homme. De taille moyenne, il avait de grands yeux verts, des cheveux dun noir de jai réunis en une courte natte, des traits bien découpés et un vaste sourire. Il portait une tenue de chasse sombre et de hautes bottes en cuir. Une épée de belle facture pendait à son côté, son pommeau finement ouvragé représentant un cygne noir aux ailes déployées et aux yeux de rubis. Le jeune homme lavait aidé, et avait par la même sauvé la vie de son chef. Un signe dintelligence, songea le mercenaire.
Erzus avait fini par reprendre empire sur lui-même, abandonnant son affreux rictus.
- Quelle folie vous à donc conduite parmis nous mercenaires ? Vous auriez du vous rendre compte que nous ne sommes pas des enfants de chur. Les seules églises que nous ayons jamais vues, nous les avons brûlées !
Autour de lui, ses hommes partirent dun grand éclat de rire. Erzus lissa sa moustache avant de reprendre.
- Si vous ne donnez pas de bonnes raisons à cette visite, vos têtes viendront bientôt décorer ma selle. » Il eut un sourire avant de rajouter : « Lodeur ne me gène pas.
- Nous ne connaissons ni le pays, ni ses habitants. Nous avons à peine mangé depuis huit jours. Nous sommes épuisés et transis de froid. Voilà les seules raisons qui nous ont conduit prés de ce feu. » répondit Karlon.
- Et vous espériez que je vous offrirai lhospitalité peut-être ? Toute chose à un prix mercenaire, tu es bien placé pour le savoir ! Et la seule chose que vous pourriez moffrir en paiement est votre vie. Que je sache, je nai pas besoin de vous donner quoi que ce soit pour la prendre.
Derrière Karlon, Ludof et Erach veillaient, observant la foule des brigands, prêts à agir. Ils affectaient toujours de paraître calmes et sereins, gardant leurs mains loin de leurs armes.
Karlon plongea de nouveau son regard sombre dans celui dErzus qui, mal à laise, abandonna son masque darrogance pour arborer une mine inquiète.
- Nous prendre la vie pourrait te coûter cher. » déclara le mercenaire dune voix glaciale. « Beaucoup de tes séides pourraient en mourrir Erzus. As-tu les moyens de toffrir un tel divertissement ? Dans une rencontre avec les soldats royaux quelques hommes peuvent faire la différence. Il vaudrait mieux pour toi épaissir les rangs de ta petite bande plutôt que les réduire, non ?
- Et quelle est ta proposition mercenaire ? Tu souhaiterais, avec tes hommes, rejoindre notre bande de voleurs et de pillards ? Les joies de la guerre ne te conviennent plus ?
- Tout ce que je souhaite Erzus, cest survivre. Comme tu me las si bien fait remarquer, je ne donne pas cher de notre peau si des soldats de ton Duc de Roelan nous tombe dessus et la potence sera sans nul doute notre seule récompense pour avoir participé à cette guerre. Nous sommes mercenaires et en ces temps troublés, être mercenaire ou pillards revient au même. Tant que lon trouve de quoi se nourrir et vivre, le reste importe peu.
Erzus acquiesça tout en lissant sa moustache.
- Il est vrai que nos activités divergent peu. Après tout, vous faites la guerre dans lespoir de piller les vaincus. Mais entrer dans ma bande ne se fait pas ainsi. Je veux déjà connaître vos noms.
- On mappelle Karlon. La montagne derrière moi se nomme Ludof, et le grand sec à la balafre, cest Erach.
- Bien, je tacherai de ne pas loublier. Mais avant tout, sachez une chose, je ne veux pas dans ma bande de geignards qui tremble à la moindre bagarre. Jespère que vous savez vous battre.
- Nous sommes mercenaires Erzus, le combat est notre vie, notre gagne pain. Libre à toi de vérifier !
Le sourire cruel fit sa réapparition sur le visage du brigand.
- Mais jy compte bien Karlon, jy compte bien. Tu mas lair tout à fait capable de représenter tes compagnons pour cela. » Puis, se tournant vers le violoniste : « Puisque tu navais pas lair de vouloir que je le tue Hugo, tu pourras ten charger toi-même.
Le jeune homme hocha sobrement la tête.
- Fait-nous donc une démonstration de tes talents à lépée, mercenaire. » sexclama Erzus. « Si tu échoue, Hugo touvrira proprement le ventre !
- Et si je gagne ?
- Gagner ! » Erzus éclata de rire. « Hugo est le meilleur bretteur que je connaisse. La terre de cette clairière se gorgera sous peu de ton sang et nous nous ferons des colliers de tes tripes. Mais si par miracle tu lemportais, alors je tiendrai ma promesse, toi et tes amis seraient considérés comme des frères, membres de notre petite confrérie du crime.
Le chef des brigands se leva brusquement.
- Faites place, vous autres, que nous assistions au spectacle !
Autour de Karlon et ses deux compagnons, le cercle des pillards sélargit pour laisser vide un espace large dune dizaine de pas. Karlon se pencha vers ses amis et leur parla dans un murmure :
- Ne vous préoccupez pas de moi. Sil devait marriver quelque chose arrangez-vous pour rejoindre Metter et partez le plus loin possible. Inutile de jouer les héros !
Erach et Ludof hochèrent la tête. Tous deux savaient bien quil était inutile de discuter avec leur chef. Après lui avoir donné une tape dans le dos pour lencourager, ils vinrent rejoindre les rangs serrés des brigands.
Sous lil narquois dErzus, Karlon et son adversaire savancèrent au centre du cercle. Le mercenaire fit glisser sa lame hors du fourreau. Cétait une vieille épée qui lavait toujours bien servie, enlevée sur le corps dun soudard quinze ans plus tôt. Un soudard qui avait violé sa mère avant de la tuer. Mais la pauvre femme nétait pas partie seule, enfonçant en mourrant un couteau dans la gorge de son bourreau. De ce jour, Karlon était devenu mercenaire, parcourant sans cesse les routes pour fuir les ombres de son passé.
La pointe de lépée dirigée vers le sol, Karlon observa son adversaire qui navait toujours pas sortis sa lame. Le violoniste attendait, immobile, lassaut du mercenaire, un léger sourire sur le visage. Cette assurance nimpressionnait pas Karlon. Son surnom de Vivemort, il lavait gagné par le compte macabre de ses adversaires tombés sous sa lame, victimes dune danse mortelle de lépée. Mais ce soir, Karlon ne voulait pas tuer. Il y avait eu assez de mort dans cette journée pour ne pas en rajouter un de plus. Mais pour cela il allait lui falloir résister à lattrait de la Danse.
Le violoniste ne faisant aucun geste, Karlon se résolut à attaquer. Sa lame siffla comme un serpent, fusant vers lépaule du jeune homme mais elle natteignit jamais sa cible. Vif comme léclair, son adversaire avait tiré son épée du fourreau et bloqué le coup avant denchaîner sur une contre attaque. Karlon para à son tour et sensuivit un échange qui dura cinq bonnes minutes, les deux épéistes se testant lun lautre dans une série dattaque et de parades rapides. Puis les deux duellistes se séparèrent.
Le violoniste était très doué, plus que la moyenne, ce qui inquiétait le mercenaire. Lappel de la Danse sen faisait dautant plus fort. Et aucun adversaire navait jamais survécu à un affrontement avec Karlon lorsque celui-ci se laisser aller à cette étrange transe mortelle qui rendait ses coups et ses parades dune précision surnaturelle. Résister à son appel demandait au mercenaire une concentration absolue.
Cette fois le violoniste pris linitiative, chargeant son adversaire avec fureur, son épée décrivant des courbes mortelles. Karlon paraît habilement les coups, une partie de son esprit sattachant à réfréner lappel pressant de la Danse. Il ne voulait et ne pouvait pas y céder. Son esprit, occupé à ces deux taches, se trouvait limité dans son aptitude au combat et la botte soudaine de son adversaire faillit lui coûter la vie. Le violoniste, vif comme un chat, avait dévié lépée de Karlon de sa lame, trouvant une ouverture pour son attaque. La pointe de lépée traversa lair, visant lil du mercenaire avec une précision diabolique. Les digues, patiemment construite par Karlon dans son esprit pour réfréner ses instincts de tueur, cédèrent soudain et la Danse envahit son corps, faisant vibrer toutes les fibres de son âme. Avec une rapidité surprenante, il évita le coup qui ne laissa quune petite strie sanglante sur sa joue droite. Dans le même temps, sa lame entama une danse quil savait mortelle pour son adversaire, enchaînant les coups et ne laissant à celui ci aucune chance de riposter. Le violoniste perdait du terrain, tout son esprit et son corps tendu dans le seul but déchapper aux coups précis du mercenaire. Deux combats se déroulaient en parallèle, lun au centre de la clairière illuminée par le grand feu, lautre dans lesprit de Karlon. Il lui fallait réfréner, repousser la Danse, où son adversaire allait mourir. Au prix dun effort de volonté intense, il réussit enfin, repoussant lappel sanguinaire. Mais cet effort le vida de toute énergie, le laissant sans défense. Sa lame sarrêta en pleine action, et retomba à son côté sous le regard étonné des spectateurs jusque la fascinés par linquiétant ballet. Sa lutte contre lui-même lavait laissé épuisé et incapable de continuer le combat. Son adversaire le toisa avec surprise pendant quelques secondes, ne comprenant pas un si brusque arrêt, puis il rentra son épée au fourreau avant de venir soutenir le guerrier épuisé. Erzus, jusque-la silencieux et attentif, se leva, en hurlant.
- Tue-le ! Il a renoncé à se battre, tu lui dois la mort Hugo !
- Vous auriez du regarder ce duel avec plus dattention. » répondit calmement le jeune homme. « Sil lavait désiré, je ne serai plus de ce monde à cet instant. Cest le meilleur épéiste quil mait été donné daffronter. Je me considère comme vaincu. Il a gagné sa place et celle de ses amis dans ta bande Erzus.
La lueur de folie que Karlon avait déjà vue dans les yeux du chef des brigands réapparut lespace dun instant, sa main se crispant sur la garde de son épée, puis elle passa. Erzus avait retrouvé son mauvais sourire.
- Quil en soit ainsi ! Mais rappelle-lui bien qui est le chef, et toi aussi tache de ten souvenir ! Ton insolence pourrait me lasser Hugo. » Puis il se tourna vers lassemblée des brigands. « Vous avez entendu, bande de gueux ! Nous accueillons dans notre auguste confrérie de nouveaux membres ! Essayez de leur faire bon accueil, buvez avec eux et amusez-vous !
Les gaillards répondirent par de grands cris de joie, admiratifs quils étaient des talents de Karlon.
Le violoniste avait remis son adversaire, encore sonné, aux soins de ses deux amis qui écartaient les opportuns venus les féliciter pour leur intronisation. Karlon sinstalla sur un tapis de mousse pour se remettre doucement de son effort. Repousser ses irrépréssibles pulsions lavait laissé sans force. Erach les abandonna et revint quelques instants après avec Metter tout sourire.
- Alors chef, on a encore fait des siennes !
- Laisse le se reposer imbécile! » lui répliqua Erach. « Il a eu une journée difficile et tes facéties narrangeront rien. Va plutôt nous chercher de la bière.
- Mon pauvre Erach, déjà aigri à ton âge ! Quelle tristesse ! Souris, tu verras à quel point ça peut changer la vie.
Le grand balafré lui jeta un regard qui aurait suffi à geler le sang dans les veines de nimporte quel individu sensé, mais Metter connaissait son compagnon et le gratifia dun vaste sourire provocateur.
- Tu nes quun pitre Metter. Une bonne correction ne te ferait pas de mal de temps à autre !
- Oh oui Erach ! Corrige-moi ! » répliqua le jeune homme avant déclater de rire.
Imperceptible au début, une esquisse de sourire finit par se dessiner sur le visage dordinaire figé du grand balafré. Puis il secoua la tête dun air désespéré devant le grand éclat de rire qui secouait Metter et Ludof. Karlon aussi souriait. Il aimait voir ses compagnons dans cet état desprit, surtout après une journée telle que celle quils avaient traversée.
- Je vais bien. » Leur dit-il. « Allez donc boire un coup avec nos nouveaux compagnons et amusez-vous.
Les trois mercenaires le regardèrent, lair peu convaincu, mais il leur lança un regard autoritaire et ils finirent par le laisser là pour rejoindre les brigands autour du grand feu et entreprendre de vider verre sur verre en leur compagnie. Karlon les observa quelques instants. Ludof semblait impressionner les pillards par sa capacité à absorber des quantités astronomiques de bière sans sembler le moins du monde en souffrir. Erzus, lui, avait rejoint sa place, arborant un calme apparent. De temps à autre son regard venait sappesantir sur Karlon. Un regard plein de haine dans lequel venait également se mêler une folie inquiétante. Il était clair que sans lintervention du violoniste, le chef de la bande aurait ordonné à ses hommes de tuer le mercenaire et ses compagnons. Cette situation ne cessait dailleurs détonner Karlon. Hugo devait tenir Erzus par un quelconque moyen pour pouvoir ainsi se permettre de telles libertés avec le chef de la bande.
Le mercenaire, ayant repris son souffle, se releva. Il se dirigea vers lorée des bois, aux limites de la clairière, séloignant du grand feu de camp. Au-dessus de lui, pas un nuage ne venait sinterposer devant les étoiles qui brillaient, telle des diamants fixés sur un dais sombre. En observant le disque dargent de la lune, Karlon se mit à songer au futur. Lui et ses compagnons avaient servi comme mercenaire dans une armée qui nexistait plus. Désormais ils étaient des pillards, des brigands. Et demain ? Bourreaux, violeurs, assassins
Sa vie navait jamais été quune suite de choix anarchiques et désordonnés depuis ce jour maudit où la maison de son enfance avait disparu dans les flammes dun incendie. Ce jour où une bande de mercenaires, soudards, chien de guerre avait déferlé sur son village. Combien étaient morts ? Aucune importance. Une seule vie comptait et elle avait été prise sans quil puisse rien y faire. Penser de nouveau à sa mère était une souffrance pour Karlon qui sempressa de rejeter ces souvenirs dans les lieux sombres et inaccessibles de sa mémoire. Il était devenu mercenaire et quinze ans durant il avait écumé les champs de batailles de Bohemia, servant dans les armées des Princes qui se déchiraient pour quelques bouts de territoires nayant dimportance que dans leurs esprits avides de pouvoir. Et puis tous cela avait cessé. La petite secte des Réformateurs, inspirées par danciennes hérésies, avait grandi dans le Sud de lAquitanie puis avait gagné toute la Bohemia. Dabord le peuple, aspirant au salut, avait rejoint ses rangs puis les seigneurs et enfin les Princes qui ny avaient vus quun moyen de secouer le joug de lEglise Arnalite. Lidée dune guerre sainte contre lEglise impie avait finalement germées pour aboutir en fin de compte au désastre de Lernac. Karlon avait quitté la Bohemia avec ses compagnons, sans espoir de retour. Désormais lAquitanie était son nouveau terrain de jeu.
Silencieux et discret, le violoniste sétait glissé aux côtés de Karlon.
- Beau duel. Ta pratique de lescrime est surprenante et ma pris au dépourvu. » déclara le jeune homme. « Les sages disent quil ne faut jamais sous-estimer son adversaire
ni non plus le surestimer dailleurs. Je ne ferais pas deux fois la même erreur.
- Il sen est fallu de peu que je ne vous tue. » répondit Karlon, le regard perdu dans les étoiles.
- Jen ai conscience oui. Le plus surprenant est que durant toute la première partie de notre duel tu ais semblé avoir tout fait pour te retenir. Et puis cette lueur démente a traversé ton regard
et jai cru ma dernière heure venue.
- Pourquoi nous avoir protégé messire Hugo ? Si Hugo est bien votre nom. » dit alors Karlon pour changer de sujet. Parler de son étrange faculté le dérangeait.
- Hugo, cest cela oui. Pour te répondre, je dirai quErzus est un fou doublé dun idiot. Sil avait ordonné à ses hommes de vous tuer, il en aurait perdu une bonne moitié. Il ne fait aucun doute que vous avez lexpérience du combat et de la guerre, alors mieux vaut que vous soyez avec nous que contre nous.
- Le plus étonnant étant quil vous ais écouté. Je naurai pourtant pas parié beaucoup là dessus.
- Il me doit sa place. Il y a encore deux semaines cette bande était dirigée par un dénommé Gorgus. Stupide mais fort comme un buf. Erzus était son second. Je me rendais à Divon lorsque je suis tombé entre leurs mains. Gorgus a voulu faire démonstration de sa force devant ses hommes, jai donc du le tuer. Erzus sest empressé de prendre la place de son prédécesseur et de me proposer dentrer dans sa bande. Je nai pas vraiment eu le choix. Une vie de brigand ou
la mort.
- Je vois » dit Karlon en hochant la tête. « La proposition dErzus nétait pas innocente et il compte sur toi pour le défendre si jamais un concurrent venait à contester son autorité.
- Tu as tout compris, il ne peut plus se passer de moi, il est donc bien obligé de mécouter quand je lui demande quelque chose.
Le mercenaire hocha la tête, réfléchissant au propos du jeune homme.
- Tu es un personnage assez étrange Hugo. Violoniste et bretteur de talent. Brigand involontaire qui ne cherche pas à échapper à sa situation.