scOulOu Born Under Saturn | Un point de vue pas spécialement rassurant
http://www.slate.fr/story/221937/u [...] xtor=RSS-2
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Auparavant, on avait assisté à une séquence de prises de position russes qui s'est étalée de juillet à décembre 2021. Elles portent la marque personnelle de Vladimir Poutine et forment une vue cohérente de sa vision du problème et de la façon dont il propose de le régler. Il importe donc de les analyser attentivement.
Cet examen amène à une conclusion alarmante: la Russie s'estime, sur la question ukrainienne, et plus largement sur l'organisation de la sécurité européenne, la victime d'une entreprise hostile multiforme de la part de l'Occident; cette entreprise, dont le cœur est l'avancée sous toutes ses formes de l'OTAN en Ukraine, mais ne s'y limite pas, doit cesser; la Russie doit obtenir la garantie juridique qu'elle prenne fin, et que soit défini avec elle un ordre de sécurité rééquilibré en Europe; si l'Occident ne lui donne pas satisfaction rapidement, la Russie n'aura d'autre choix que de prendre des mesures technico-militaires pour corriger la situation injuste qui lui est faite.
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Il a, le 1er décembre, dans une brève allocution à l'occasion d'une cérémonie de remise de lettres de créances, précisé ses demandes en indiquant que la Russie voulait obtenir des États-Unis et de ses alliés «des accords concrets qui excluront tout élargissement supplémentaire de l'OTAN à l'Est, ainsi que le déploiement de systèmes d'armes [la] menaçant à proximité du territoire russe». Pour ajouter ensuite: «Je voudrais souligner que nous avons besoin de garanties légales précises, de garanties juridiques, car nos partenaires occidentaux n'ont pas tenu les promesses verbales qu'ils nous ont faites.»
Poutine se réfère à l'engagement qui aurait été pris oralement par les Américains dans le contexte de la négociation sur l'unité allemande de 1990 de ne pas élargir l'OTAN à l'avenir. Il n'y a pas eu, semble-t-il, d'engagement explicite de cet ordre à cette époque, où le pacte de Varsovie existait encore et l'élargissement de l'OTAN n'était envisagé par personne.
En revanche, le règlement par traité de l'unité allemande prévoyait que l'infrastructure, les armes nucléaires et les forces stationnées de l'OTAN ne s'étendraient pas au territoire de l'ex-RDA, une façon de signifier que l'Alliance ne prendrait pas avantage du vide laissé par le retrait soviétique. Les Russes peuvent dire, à bon droit, que l'élargissement de l'OTAN n'était pas conforme à l'esprit du règlement de 1990, mais pas qu'il a violé un engagement de l'Ouest.
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Le rejet du leadership de Kiev est donc total, et les Russes ne veulent d'autre interlocuteur dans l'affaire ukrainienne que l'instigateur, à leurs yeux, de l'aliénation de l'Ukraine à l'égard de la Russie: les États-Unis. Vis-à-vis d'eux, les discours de Poutine sont ambivalents: comme dans une querelle de famille, les griefs de toute sorte, réels et imaginaires, accumulés depuis des années ressortent d'un coup avec violence et en désordre; en même temps, Poutine recherche et valorise la relation avec une puissance avec laquelle il lui plaît de poser en égal.
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La deuxième donnée est que le déploiement des forces russes semble dirigé non vers le Donbass, mais vers une portion bien plus large de l'Ukraine, ce qui ouvre plusieurs hypothèses: une invasion du sud de l'Ukraine pour établir une continuité territoriale entre la Russie et la Crimée; la poursuite de ce mouvement vers l'Ouest pour comprendre l'ensemble de la Nouvelle-Russie, cette frange méridionale de l'Ukraine, dont Poutine a espéré, en vain, qu'elle se soulèverait en même temps que le Donbass en 2014; voire une occupation de tout l'Est de l'Ukraine jusqu'au Dniepr, c'est-à-dire jusqu'à Kiev.
À ceci s'ajoute une inconnue supplémentaire, la plus troublante de ce dossier: à quoi peut servir l'option militaire dans cette affaire? Quel que soit le scénario retenu, sur quoi peut-il déboucher? Une nouvelle portion de l'Ukraine rattachée à la Russie? Avec quel projet politique pour les relations entre la Russie et l'Ukraine, la Russie et l'Ouest, sinon une inimitié irréconciliable entre les premiers, et une nouvelle guerre froide entre ces derniers?
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Dans la crise actuelle, l'OTAN porte une responsabilité importante, celle d'avoir fait miroiter à l'Ukraine une perspective d'adhésion aussi irréaliste que dangereuse. En 2008, au sommet de Bucarest, elle avait pris une décision sage qui était de ne pas engager de processus d'adhésion avec un pays qui n'était pas menacé, où elle n'avait pas d'intérêt majeur et qu'elle n'avait pas les moyens de défendre, alors qu'il représentait pour la Russie un intérêt quasiment existentiel.
On doit à la diplomatie britannique le compromis inepte qui a consisté à ne pas admettre l'Ukraine, tout en disant dans le communiqué du sommet: «Nous avons décidé que ces pays deviendraient membres de l'OTAN», formule qui visait aussi la Géorgie. Il en résulte qu'on a eu le pire de deux mondes: des dirigeants russes que cette perspective a au mieux sincèrement effrayés, au pire servis, en les aidant à alarmer l'opinion russe contre l'Occident; une Ukraine pas davantage protégée, et dont les dirigeants ont pu avoir l'illusion qu'ils auraient le soutien de l'Occident en cas d'épreuve de force avec les Russes.
Dès demain, la diplomatie américaine va se trouver face au dilemme soit de risquer une guerre pour défendre la liberté de l'Ukraine d'adhérer à l'OTAN, alors que l'OTAN n'a nulle intention d'exercer cette option; soit de rassurer les Russes sur le fait que l'OTAN ne va pas s'élargir à l'Ukraine; ce qui serait répondre à la demande russe la plus compréhensible et au fond la plus importante, peut-être la seule façon de désamorcer la crise, mais dans des circonstances où ce geste risque de passer pour un acquiescement à la mainmise de la Russie sur l'Ukraine.
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Les perspectives qu'ouvre l'offensive diplomatique russe sur l'Ukraine sont déplorables et potentiellement dramatiques. Rien de bon n'en sortira. C'est dire que les enjeux de la négociation de Genève sont énormes, et les risques de succès faibles: Poutine a fait tapis, tout mis sur la table et s'est –volontairement, on peut le craindre– mis dans une situation où il lui sera difficile de reculer. On peut se dire qu'il bluffe; lui seul le sait, mais il n'en donne pas l'impression, et ce serait hasardeux de parier là-dessus.
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J'ignorais le passage en gras ; encore une brillante réussite de nos """"""amis"""""" britanniques, qui ont décidément été bien avisés de dégager de l'UE. |