Stukka a écrit :
Puisque cela fait un petit moment et qu'il y a eu des invocations, parlons un peu d'un portrait fort intéressant qui fera plaisir à nos amis belges lisant le topic (et éventuellement anglais) .
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Mais qui est ce Monsieur qui a eu le droit à un aussi joli portrait de sa trombinette pourtant visiblement entamée ? Donnons-lui tout de suite un nom : Adrian Carton de Wiart
Un brave garçon, ce Adrian. Puisque né à Bruxelles et originaire d'une noble famille locale, enfant, son père tient à ce qu'il dispose de la meilleure éducation possible. C'est donc bien naturellement qu'il finit par arriver à Oxford, dans l'un des meilleurs établissements du cru, où il pourra étudier en paix et obtenir des diplômes qui lui permettront de profiter d'une vie aussi longue que riche.
Sauf que voilà, Adrian a un rêve bien différent d'un confortable bureau londonien : Adrian veut meuler des gueules
Nous sommes en 1899, et le bougre a 19 ans lorsqu'il rejoint l'armée britannique sous le faux nom subtil et léger de "Trooper Carton" et en expliquant que maiiiiis si, j'ai 25 ans, fépataput', recrute-moi mec, tu vas pas le regretter.
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Ici, Trooper Carton et son beau chapeau qui allait l'obliger à trouver d'autres manières de gagner le respect d'autrui.
Le noble papa d'Adrian est donc fort surpris lors de la réunion parent-prof du collège de son fiston, d'apprendre que son noble rejeton n'est pas très présent en cours, puisqu'il est en Afrique du Sud à tuer des boers au fusil et à la baïonnette au lieu de réviser sa littérature anglaise avec ses petits camarades, ce qui n'est pas très sérieux. Mais les boers ne l'entendent pas de cette oreille et parviennent à caler une balle dans l'estomac de notre ami, ainsi qu'une seconde dans l'aine. Adrian rentre donc à la maison sur une civière pour reprendre ses études à Oxford.
Là, vous vous dites qu'il a dû penser "Bon, j'arrête les conneries, deux balles dans des endroits stratégiques, on va p'têt' se calmer et reprendre des études de compta ".
Mais non. Adrian se dit plutôt "Si j'ai été touché, c'est que je n'étais pas assez rapide pour esquiver les balles ni assez fort pour les arrêter avec mes abdos : je vais faire plus de sport. "
Adrian ne reste donc brièvement qu'à Oxford, puisqu'il retourne aussitôt dans l'armée pour meuler des margoulettes et occuper tout son temps libre à pratiquer à peu près tous les sports possibles et imaginables (sauf le Body Attack ou le Cross Fit : c'est un garçon qui se respecte tout de même).
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Adrian retourne donc botter des culs, au point qu'il reçoit promotion sur promotion, et qu'il se forge une légende d'officier aussi grossier que casse-cou, malgré ses origines aussi délicates que nobles. Il finit par obtenir la nationalité britannique, et attend un peu d'action un peu plus sérieuse que quelques bastons dans les colonies. Et comme l'Histoire est sympa, l'Histoire décide que c'est le moment de lancer la Première Guerre mondiale.
On l'envoie donc en Afrique, où il est officier au sein d'un Camel Corp, à savoir une unité qui parcourt le désert à dos de chameau avant de tomber sur le museau de tout ce qui aura sous-estimé la surveillance des zones sablées. L'occasion pour Adrian de réussir un certain nombre de coups d'éclats, que l'ennemi, comprenant qu'il a désormais des abdos d'acier, décide d'arrêter brutalement en visant sa tête. Il lui faut donc deux balles dans la tête (une dans un œil, l'autre dans l'oreille) pour qu'enfin, ils arrivent à mettre hors de combat cet officier qui n'hésite pas à sauter sur l'ennemi pour l'arroser à bout portant au revolver.
"Bon, Adrian, une oreille en bouillie et l'oeil tout mort, on va vous rapatrier, là, quand même " lui expliquent gentiment ses supérieurs."
"Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Vous ne seriez pas un petit peu de grosses chochottes ? J'y retourne ! "
Et Adrian finit la campagne avec sa troupe, avant de demander s'il ne pourrait pas aller en Europe, parce que chasser du margoulin dans le désert, c'est rigolo, mais pas assez dangereux.
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Le Camel Corp, à ne pas confondre avec le Camel Comedy Club, l'endroit où l'on peut faire plein de blagues de chameau.
Adrian est donc affecté en Europe en 1915, où il mène lui-même les charges de ses hommes, parce que les mitrailleuses allemandes, c'est surfait.
Une mitrailleuse visiblement en désaccord avec cette affirmation décide de lui éclater la main, ce qui résulte dans plusieurs de ses doigts qui pendouillent assez salement. Envoyé au poste de secours, Adrian exige qu'on lui retire ses doigts sur le champ pour qu'il puisse retourner péter des gueules, fut-ce à coups de moignon. Le médecin lui explique que non, voyez-vous, c'est plus complexe que ça, et d'abord je... mais ? MAIS BORDEL, VOUS FAITES QUOI, LA ?
Adrian vient de s'arracher lui-même les doigts, devant témoins... avec les dents.
Et il repart au combat, parce qu'une main en moins, ça n'empêche pas de faire la guerre, que diable ! Les Allemands tentent bien de l'arrêter, par exemple en lui collant une autre balle dans la tête, une au genou, une dans la hanche, une à la jambe, une seconde à l'oreille... mais vous imaginez bien que ce ne sont pas ces menus détails qui vont l'arrêter. D'ailleurs, en 1916, alors qu'il participe à une opération conjointe avec trois autres régiments, les Allemands ont un plan : tuer les chefs des quatre régiments histoire de briser leur belle coordination Ils en tuent trois. Le quatrième, c'est Adrian Carton de Wiart
Adrian prend donc tout simplement le commandement des quatre unités à lui seul, et court dans les tranchées pour tabasser à l'aide de sa canne tout ce qui fera mine de ne pas vouloir monter en ligne. Ho, et évidemment, il y monte aussi parce que canne ou pas, il y a un Allemand qui va se la prendre sur la gueule. Ah, et oui, on l'aperçoit traversant des tirs de barrage d'artillerie tranquillement pour aller vérifier personnellement que personne ne pleurniche "Gnagnagna je ne vais pas charger parce que bouh, j'ai perdu mes deux jambes" ou autre prétexte ridicule. Ce qui lui vaudra, comme ça, hop, la Victoria Cross. Qui ressemble à ceci, d'ailleurs :
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Promu, re-promu et encore promu, Adrian devient un officier de haut rang. Et est envoyé en Pologne pour aider les locaux qui sont en conflit avec à peu près tout ce qui se trouve plus ou moins près de chez eux. L'occasion pour Adrian de vivre quelques brèves aventures :
- Il est envoyé négocier la paix avec des nationalistes ukrainiens. Ces derniers se disent que hahaha ! On va tendre une embuscade et mitrailler sa voiture de train ! Ce qu'ils font. Tuant de l'officier, oui, mais pas Adrian puisqu'ils ignorent qu'il est vaguement immortel à vue de nez. Carton de Wiart en dira que cela lui a donné "Une mauvaise opinion d'eux". Hmmm. D'accord.
- Il aide les Polonais si bien que même son haut-commandement lui dit qu'ils ne peuvent couvrir tout ce qu'il fait. Tant pis : Adrian s'improvise contrebandier d'élite et fait passer des armes dans des wagons-lits.
- Très demandé par diverses délégations, il finit par devoir se déplacer en avion. Celui-ci s'écrase. Deux fois. Et évidemment, à chaque fois, il s'en sort, merci Lorsqu'en 1920, l'armée rouge, toujours en conflit avec la Pologne, décide de se débarrasser de lui, elle ne déconne pas puisqu'elle lui envoie une pleine palanquée de cosaques, les fameux cavaliers d'élite avec lesquels il ne faut pas rigoler. Et ces derniers essaient de s'en prendre à lui alors qu'il est isolé avec son train d'observation. Mal leur en prend, puisque non seulement Carton de Wiart leur tire personnellement dessus avec son revolver depuis la plate-forme de son véhicule, mais en plus, lorsqu'il tombe du train dans la bataille, ce n'est que pour mieux se relever, courir à fond les ballons pour rattraper son wagon, remonter à bord avec un seul bras et continuer à tirer.
Autant vous dire que les Cosaques sont quelque peu décontenancés
Les Polonais, qui veulent garder ce héros, lui offrent terres et facilités, permettant au brave Adrian de s'adonner à la chasse (à un bras) en paix depuis son manoir.
Mais comme il s'ennuie encore un peu, l'Histoire lui envoie gentiment une Seconde Guerre mondiale http://reho.st/http://assets.vice. [...] 9171/5.jpg
Adrian Carton de Wiart, toujours prêt.
Notre brave officier est obligé d'évacuer très rapidement les lieux, et voit tous ses biens saisis. Mieux encore, les Allemands envoient la Luftwaffe lui casser la gueule des fois qu'il ait envie de reprendre du service à presque 60 ans. Ils envoient des avions mitrailler sa voiture et...
En effet. Il s'en sort encore, merci Il lui faut cependant encore quitter une Europe qui passe sous contrôle nazi pour regagner l'Angleterre. Recherché, il parvient cependant à tromper les autorités qui, non, ne repèrent pas un borgne-manchot âgé avec un accent britannique malgré les avis. À ce stade, on le soupçonnait de cheat codes. Adrian rentre ainsi au pays où il peut aller dire :
"Bon alors, je signe où pour reprendre du service et retourner péter des gueules ? "
Il resigne, ils lui rendent son rang de colonel, et ils le renvoient en Norvège pour aller combattre du nazi. Je vous passe les détails, mais il se retrouve bloqué dans les montagnes de la côte, avec d'un côté un destroyer qui arrose ses troupes, de l'autre, la marine allemande qui débarque des troupes, et par l'arrière, des divisions à ski ennemies qui essaient de l'encercler. Ho, et bien sûr, tout le ravitaillement qu'on lui avait promis n'est jamais arrivé. Pas de problème : notre colonel tient sa position autant que demandé, et brise l'encerclement pour rejoindre la côte lorsque les navires d'évacuation se pointent (avec du retard, comme vous l'imaginez).
Je pense que le meilleur moyen de survivre à l'époque était de se ceinturer avec Adrian Carton de Wiart. Rentré au pays, un mec qui ne doit pas bien être au courant d'à qui il a affaire décide qu'il est "trop vieux pour le service". Il est donc proposé de l'envoyer en Yougoslavie pour servir de conseiller aux antinazis locaux. Seulement, son avion s'écrase. Encore. Et oui, il s'en tire. Encore. Ho, et au fait : il s'est écrasé en mer. Et le mec est manchot.
Hé bien il nage jusqu'à la côte, évidemment
Mais les Italiens le capturent. Il est donc envoyé dans une prison pour officiers, où il décide que c'est nul ici, on ne peut tuer personne. Il tente donc cinq fois de s'évader, dont une fois en creusant un tunnel durant près de sept mois. Lorsqu'enfin, arrive un papier officiel qui annonce qu'au vu de son grand âge, Adrian est libéré ! Il va pouvoir rentrer chez lui ! Les Italiens s'empressent d'aller porter la bonne nouvelle à Carton qui... que... MAIS PUTAIN OU EST-IL PASSÉ ?
Carton de Wiart vient de s'évader
Il parvient à échapper aux Italiens durant une semaine, la police n'arrivant pas à localiser un vieux Monsieur manchot et borgne pété de cicatrices qui ne parle pas un mot d'Italien. Lorsqu'ils le reprennent, Adrian leur explique que ah oui, on voulait le libérer ? Boh, d'après cet ordre de libération, en échange, il ne devait plus participer à la guerre, alors non merci. Les Italiens sont là :
Finalement, ils le libèrent d'eux-même en signe de bonne volonté lors d'une opération diplomatique de haut vol en 1943.
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Ah oui, du coup, il participe aussi à des conférences vaguement importantes, mais on n'est plus à ça près.
Mais Adrian veut retourner se battre On lui dit que écoute, non. Par contre, tu peux aller en Chine conseiller la résistance aux Japonais. Ce qu'il fait, et l'amène, entre autres, à assister à un discours de Mao dans le plus pur style propagande communiste. Sauf qu'en plein milieu, Carton de Wiart se lève et se met à gueuler, en substance et de manière pas très polie selon les observateurs de l'époque que "Ça suffit de faire le kéké, on te voit pas trop combattre les Japonais, dis, grosse chochotte ! "
Mao :
L'assemblée :
Mao :
L'assemblée :
Carton de Wiart :
Mao :
Et Mao d'en rire, même si sur le coup, il a sûrement pensé à le fusiller très fort. La guerre terminée, il rentre chez lui. Il prend sa retraite en 1947, et après la mort de sa première femme, il en épouse une 23 ans plus jeune que lui, parce qu'on ne va pas se laisser mourir Il écrit ses mémoires qu'il intitule "Happy Odissey". Il a tellement de choses à raconter qu'il oublie de parler de détails comme sa Victoria's Cross (qui à ce stade, n'est plus qu'un détail dans sa carrière), ou du fait que au fait, sa première femme, c'était une fucking comtesse autrichienne de haut rang, mais là aussi bon, vous savez, qui s'intéresse à ça ? Il reçoit aussi la proposition d'un petit pigiste pour rédiger la préface de son ouvrage, qu'il accepte. Le type en charge de la préface s'appelle Winston Churchill.
Blessé 11 fois dans 3 guerres différentes, un journaliste lui demande un jour son impression sur celle où il a le plus payé de sa personne, à savoir la Première Guerre mondiale. Sa réponse est limpide :
"Franchement, j'ai apprécié la guerre."
Il meurt en 1963 à l'âge de 83 ans.
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