Après le gaz et l'électricité, pourquoi pas l'Internet à tous les étages, grâce à EDF ? Jugée utopique il y a un an encore, l'idée de délivrer l'Internet en même temps que le courant électrique, et en empruntant le même réseau, est en train de devenir réalité. D'abord parce que la technologie est au point : les développements conduits dans la Manche (lire ci-dessous), à Courbevoie (Hauts-de-Seine) ou encore à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ont dépassé aujourd'hui le stade de l'expérimentation. «Il y a un an, les débits plafonnaient à 1 mégabit par seconde [le double d'une liaison classique haut débit par l'ADSL, ndlr], mais on annonce aujourd'hui du 20 mégabits, et on va vers les 45 et bientôt les 50 mégabits», explique un spécialiste de ces questions chez EDF.
Miracle. Pour parvenir à ce nouveau miracle de la «fée électricité», les habituels transformateurs EDF sont reliés entre eux avec de la fibre optique. On crée ainsi ce que les spécialistes appellent une «boucle locale électrique». L'Internet est acheminé grâce à des modems spécialement adaptés à l'électricité, installés dans les transformateurs et chez les usagers, entre la prise électrique et l'ordinateur.
Sur le plan juridique aussi, le ciel est en train de se dégager. L'ART (Autorité de régulation des télécoms) vient de se livrer à l'étude de la question. Dès lors que l'on fait courir l'Internet sur le fil électrique, on transforme celui-ci en un nouveau réseau télécom. Du coup, si EDF veut l'exploiter, elle doit obtenir une licence, comme n'importe quel opérateur télécom. Or le principe de spécialité, inscrit dans le statut d'EDF, lui interdit pour le moment d'exercer ce métier. «Mais tout le monde est mûr aujourd'hui pour faire sauter ce principe», juge Dominique Roux, membre du collège de l'ART. Jusqu'au président du Réseau de transport d'électricité (RTE), le gestionnaire du réseau, ou encore la Commission de régulation de l'énergie (CRE), le régulateur du secteur, qui seraient acquis à l'idée de ne plus confiner EDF dans sa spécialité. En attendant, la difficulté peut être contournée en logeant ces nouvelles activités dans des filiales, comme EDF l'a fait avant de s'engager plus avant avec le département de la Manche.
Mitigée. Autre exemple, Alterlane, une start-up mise sur orbite par EDF, s'est spécialisée dans l'utilisation des courants porteurs à l'intérieur des bâtiments. «On vient d'équiper 18 écoles à Nice et on est déjà à une centaine d'installations», explique son dirigeant, Robert Frolich. Cet ex-responsable du programme de recherche sur les courants porteurs en ligne d'EDF croit aussi beaucoup au marché des particuliers : «On trouve dans le commerce en Autriche des petits modems à 120 ou 130 euros» qui permettent d'obtenir le haut débit (l'Internet rapide) sur chaque prise électrique de la maison. Les modèles économiques sont encore à l'étude. Mais déjà, le prix des matériels pour équiper les transformateurs (autour de 450 euros le modem) n'est plus un obstacle, estiment les spécialistes.
Qui alors pourrait bien bloquer l'irrésistible ascension du courant ? En tout cas, pas le régulateur : l'Internet sur la ligne électrique «est une réalité avec laquelle il va falloir compter», estime Dominique Roux, qui jette même un regard plutôt favorable sur les développements à venir : «C'est un nouveau réseau qui s'affranchit totalement de celui de France Télécom», et donc, c'est forcément bon pour la concurrence.
Du côté d'EDF, l'attitude est plus mitigée. «Il n'est pas impossible qu'on aille vers un développement plus sérieux», explique-t-on chez l'électricien. Mais «on n'a pas du tout envie d'être opérateur de réseau». L'entreprise publique concédera plutôt l'exploitation «à ceux dont c'est le métier», autrement dit des opérateurs de télécom et d'Internet. Cela dit, chez EDF, on considère qu'il sera «difficile de priver les collectivités locales d'utiliser un réseau de distribution de courant qui leur appartient», si elles le souhaitent. Et donc, «si les collectivités nous demandent de faire des gestes techniques, nous le ferons».
Pression. Et l'on peut compter sur les collectivités territoriales pour mettre la pression. Elles sont même l'élément le plus moteur dans le mariage du courant et de l'Internet. La vague de fond qui porte les utilisateurs, de la PME au simple citoyen, vers le haut débit devrait avoir raison des dernières réticences. On assiste en effet à une vraie ébullition autour des nouvelles technologies pour déployer l'Internet rapide, entre la voie radio (la boucle locale radio pour les longues distances, le Wi-Fi pour la proximité) et le satellite pour les endroits reculés. Il va falloir compter désormais avec l'électricité.
Source: Libération => http://www.liberation.fr/page.php?Article=113249
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