Dans notre grande série de vulgarisation pseudo-scientifique de la matière audiophile, je lisais l'autre jour (j'ai appris étant jeune, vous verrez, ça détend), je lisais, me coupais-je, une amusante intervention d'un internaute du Puy-de-Dôme qui demandait pour une antépénultième la nécessité pour amuser ses amis de l'achat d'un combiné amplificateur et enceintes acoustiques qui lui permettrait par-là même de se délecter de quelque reproduction cinématographique vaguement distrayante dans son intérieur coquet en l'absence des-dits amis.
Soit.
Confidence pour confidence, après des années passées sur ce forum, j'ai parfois l'impression d'être un agent des postes et télécommunication en faction au guichet un samedi matin à qui l'on demande avec insistance si le train de dix heure part vraiment au quai numéro dix, avec une baguette par trop cuite s'il-vous-plaît madame alors que le pékin a bien remarqué que j'avais la moustache de huit virgule deux centimètres règlementaire sous le nez et que sa propre connerie pendait au bas du sien dans un désordre indescriptible.
Le bonheur est qu'une fois de plus, notant mon courroux, coucou voilà un collègue qui explique une nouvelle fois que les pâtes sont au rayon frais sans hausser la voix. Je ne sais pas comment il fait.
Hors donc, le pédant sus-cité qui n'a probablement fait aucune recherche sur les précédents jurisprudentiels rédigés depuis des années, pose une nouvelle fois la question : "Quelles enceintes dois-je acheter pour avoir du cinq-un en semaine et sonoriser une salle des fêtes de campagne le samedi soir pour un budget de 400€. Et d'ajouter, le croquignol, qu'il n'avait pas pensé qu'il fallait aussi un amplificateur et que son budget est strictement fonction de ce que mamie a donné à Noël. Je vais me changer, je viens de mouiller ma culotte. De rire. Je n'ai rien contre le Puy-de-Dôme, qui est un pays pas du tout rigolo. Plouf plouf.
Ce sujet soulève un nuage de problématiques digne d'un volcan islandais. Nous passerons sur les limitations du porte-feuille car aucun attentat ne sera commis à l'endroit d'une personne âgée. Ce n'est pas parce que les vieux ont des sonotones qu'ils ont de quoi vous payer dix kilos de son. Pour autant, en aparté, prenez note, jeunes inconscients, que ce type de projet est difficile à mettre en œuvre avec une somme aussi dérisoire ou alors vous n'avez aucune fierté, une piètre idée des lois immuables de l'électroacoustique et une confiance sourde dans les capacités de productions chinoises. Reprenez-vous.
Comme à notre habitude, nous allons concentrer nos efforts sur l'aspect physique et technique de la démarche. On peut être pauvre, ça n'excuse pas l'ignorance.
En ce sens, transformons savamment la question en un élégant : "Peut-on combiner en un système commun haute-fidélité et sonorisation ?" Vous sentez la puissance là ?
Tout d'abord, apprenons à reconnaître le principe de sonorisation de celui de haute-fidélité.
Dans le langage, comme dans le bal populaire, la sonorisation est un concept matériel de reproduction sonore dont le but avoué haut et fort revient à faire entendre un maximum de son à un maximum de gens ; pour un volume donné mais pas toujours propre, surtout à la fin quand Maurice a vomi sa bière comme les baffles ont vomi la purée, toute la soirée et sur tout le monde. On utilise à cette fin du matériel dit costaud. Ces appareils sont tenus d'assurer pendant plusieurs heures un régime élevé en terme de courant pour fournir un volume sonore remarquable, provocant une élévation significative de la température interne, contrainte périlleuse pour les composants électroniques. Le matériel est donc la clef de voute du principe de sonorisation.
Pour un amplificateur, thème du jour, il est donc de bon ton de prévoir dans la construction du modèle une simplification rigoureuse des circuits, la dimension et la capacité généreuse des composants et un système adéquat de circulation d'air favorisant un refroidissement actif de l'électronique. On trouve donc à l'intérieur d'un amplificateur un ou deux ventilateurs chargés d'extraire l'air chaud de l'appareil. Ça rentre frais devant, ça sort chaud derrière immédiatement, un peu comme tata Monique pendant un repas de famille. Les appareils sont souvent entassés les uns sur les autres dans un rack de transport et une évacuation naturelle de l'air de bas en haut n'est pas suffisante pour évacuer les calories produites par les composants électroniques.
Comme le volume de la pièce a sonoriser est souvent de taille généreuse, il faut que le volume sonore soit proportionnel à la taille de la salle, prenant en compte qui plus est le nombre de personnes présentes qui ne manqueront pas de vouloir à tous prix dépasser le volume sonore reproduit par vos enceintes. A ce petit jeu, vous seriez surpris des capacités vocales de votre belle-mère réclamant un kir mûre à la buvette, outrepassant les règles de bienséance en présence de la présidente du club des aînés. Pour ce faire, l'amplificateur est tenu de produit un minimum de courant et, pour les ceux près du poêle, un minimum de watts (RMS sous 8 ohms comme il se doit, mais pas toujours, nous allons y revenir). En général, même un amplificateur chinois premier prix propose fièrement 300 watts par canal en stéréo, il est précisé que vous pourriez obtenir une moitié supplémentaire sous 4 ohms et qu'en bridgeant, ce n'est moins de trois fois la capacité stéréo qui vous est proposée. Le bridge n'est pas pour les petits joueurs, il consiste bien souvent à coupler les parties amplificatrices pour avoir un signal monophonique profitant pleinement des capacités en courant, ceci permettant une puissance bien supérieure. Si vous souhaitez dans ce cas de figure avoir le beurre, l'argent du beurre et une dédicace de Claude François, la logique veut que vous installiez deux amplificateurs bridgés. Vous doublez certes le budget amplification, la puissance est triplée, je vous laisse prendre votre boulier conditionnel qui calculera pour vous l'utilité d'un tel stratagème.
Il en va de même pour les enceintes de sonorisation. Ces baffles sont souvent construites comme un camion de chantier, des renforts aux coins et un moteur plus gros que le chauffeur. Il s'agit de répondre aux même impératifs d'endurance et de puissance sonore que l'amplificateur.
Pendant des heures les haut-parleurs vont devoir assurer des mouvements de va-et-vient dignes d'une production de Marc Dorcel sans jamais s'échauffer et partir en fumée. Les aimants sont donc généreux, les membranes solides et le débattement affolant sans parler du diamètre. On privilégie aussi des tweeters à la mesure de l'événement capables d'encaisser des tensions respectables sans partir en sucette. Ensuite pour compléter efficacement les amplificateurs, ces enceintes sont d'un rendement bien plus élevé que la moyenne. Cent décibels pour un watt à un mètre (100db/w/m) ne sont pas une exception comme cela peut l'être dans un salon, avec parfois du 105 voire 110db/w/m.
Pour arriver à un tel rendement, les enceintes de sonorisation sont équipées de chambres de compressions dans les medium et les aigus. C'est le même système que les mégaphones pendant les manifestations, avec des watts et de la qualité en plus. Pour le grave, les haut-parleurs sont non-seulement de taille généreuse, ils sont souvent placés avant un "toboggan". Ce principe, valable pour toutes les voies, est équivalent au porte-voix, au pavillon des gramophones ou bien plus simplement, à vos mains que vous placez de manière adéquate pour acclamer Chantal et le lapin rose dans une foule en délire.
Ces techniques d'amplification naturelle peuvent aussi être utilisées dans l'ébénisterie des enceintes de salon ; leur mise en œuvre est cependant compliquée et demande un certain savoir faire pour privilégier la qualité sonore. De plus, cela demande un volume important, donc une enceinte proche du mètre cube qui n'est pas pour plaire à certaines bourgeoises coincées, préférant les bijoux à la Callas, où va-t'on, je vous le demande.
Pour couronner le tout, les aimants des haut-parleurs de sonorisation sont ventilés, c'est-à-dire qu'ils sont percés de trous pour faciliter leur refroidissement. Qui a dit : "Comme Monique ?"
Ce que la boîte ne dit pas, c'est que ces décibels sont obtenus à un niveau de distorsion assez élevé qui ferait renverser son caviar biélorusse au premier audioprothésiste croisé chez Fauchon. Il faut cependant savoir que lors des soirées, le niveau de distorsion accepté est nettement plus important qu'en haute-fidélité. On se contrefiche des quelques notes nasillardes pendant un slow alors que vous partagez votre dentier avec votre voisine, la sauvage. Vous êtes bien, vous ne faites pas plus attention aux notes romantiques de André Verchuren qu'à votre première couche confiance, l'accordéon est plus tonique que dia et bon sang, une gaule pareille à quatre-vingt-cinq ans, au diable les parasites hurlés par un amplificateur essoufflé alors que vous ne l'êtes point.
La sonorisation est donc composée d'éléments lourds, solides, puissants et endurants au mépris accepté de la qualité finale. On s'adapte au public. En ce qui concerne les installation dites de haute-fidélité, les attentes du patient sont pratiquement inverses. On s'adapte aussi au public. C'est ça le commerce coco, je t'apprendrais.
Il souhaite avoir dans son salon l'Orchestre du Splendide en panavision sonore sans qu'il ne manque le moindre bruit de clé dans la cacophonie burlesque de ces interprétations sautillantes. On ajoute dans la fosse l'impératif de volume sonore qui pourrait débarquer sans prévenir dans la chambre de la bonne qui doit se lever tôt demain pour vous préparer le café. Il faut donc distinguer le pet de mouche sur la timbale alors que vous êtes à quatre bons mètres des enceintes et que l'adagio en ré mineur pour pompom et clarinette joue au plus bas, sans oublier votre grand âge qui fait que vous êtes allé voir l'opticien en oubliant vos oreilles. Pour ce faire, les électroniques doivent privilégier la musique sur le bruit, le son sur l'électronique et la cabane sur le chien. En résulte en principe une distorsion faible pour un volume sonore moyen.
Pour les enceintes, le souci est sensiblement identique, ces dernières privilégiant une reproduction agréable pour l'auditeur. Pour ce faire, les moyens techniques sont généralement moins importants que dans le domaine de la sonorisation. On met l'accent sur des composants montés avec plus de précision, parfois même de finesse, les artisans travaillant d'arrache-pied pour concevoir un modèle propre à reproduire au mieux les signaux envoyés par l'amplificateur. Comme vous n'écouterez jamais pendant toute une journée et à volume considérable une partie de votre sélection habituelle, les fabricants se fichent pas mal de l'endurance, de l'échauffement et de la solidité en milieu hostile du matériel qu'ils vous vendent. Chacun son métier, quoi. La priorité reste, pour les plus sérieux, une enceinte belle à regarder, à écouter et à soulever, tout en sachant qu'elle peut casser si d'aventure elle tombe du camion ou que vous décidez d'écouter AC/DC à un niveau répréhensible.
Même si cela se pratique de plus en plus par certains fabricants conscients de leur rôle de mère, les électroniques domestiques communes ne disposent pas toujours des protections électriques et électroniques utiles en cas de dérapage. De fait vous pouvez aisément voir vos tweeters passer de vie à trépas sur une erreur de volume ou un composant défectueux. Ces matériels sont fabriqués pour des gens raisonnables par des gens dont la vénalité n'a d'égal que leur hypocrisie.
Pour toucher du doigt le sujet initial, le home-cinema, celui-ci devrait être à mi-chemin entre la sonorisation et la haute-fidélité, permettant sereinement de suivre à fort volume un film tout en profitant goulûment de sa bande sonore travaillée. La plupart du temps il n'en est rien. Si l'on y prend garde, le home-cinema est la lie honteuse de l'industrie sonore. Les amplificateurs proposent des puissances dépassant largement leurs capacités réelles et les enceintes conçues à l'économie diffusent un bruit qu'on voudrait éphémère.
Il est donc rigoureusement impossible d'assurer une prestation de sonorisation correcte et durable avec un ensemble home-cinema. Le matériel est fragile et la puissance largement insuffisante vous forcera à le pousser dans ses retranchements, avec un résultat catastrophique en termes de son et de fiabilité.
En revanche il est techniquement possible de mettre en place chez soit un système 5.1 convenable en employant du matériel de sonorisation. La phénomène de distorsion exposé précédemment est largement compensé par les capacités en puissance du système. Les taux sont même souvent inférieurs, à puissance égale, qu'un ensemble de home-cinema de bonne facture (celle que la caissière vous tend, n'est-ce-pas).
Pour les pisses-froids, il est effectivement possible, dans des budgets confortables, d'obtenir une sonorisation puissante de qualité remarquable en terme de distorsion comme il est possible d'utiliser certains amplificateurs solidement construit et quelques enceintes construites avec soin qui accepteront sans broncher l'enchaînement jour et nuit de diffusions hors-normes. Mais pas pour 400€.
Message édité par muzah le 08-07-2010 à 16:03:05
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un instant monsieur ça-va-chier