Bonjour,
la question posée est très mauvaise, et les conditions d'un débat ne sont pas posées. Pour ce faire il conviendrait de réaliser une triangulation de la parole à partir d'un texte.
D'autre part une discussion pose la difficulté des représentations (ce que veut dire le mot et comment il résonne chez chacun. Il ne faut pas oublier que nous sommes parlés par les mots.) je vous renvoie aux définitions de l'art de aristote, arnaud et nocole, kant, schopenhauer, comte, nietzsche, bergson et heidegger. sur les ouevres d'art avec simmel, huyghe. Et du beau avec zenon, kant.
PHOTOGRAPHIE (art)
Depuis les années 1960, la photographie créatrice non seulement obtient droit de cité parmi les autres arts, mais encore inspire bien souvent leurs démarches. Elle, dont le problème fut toujours de saffirmer comme art sans en imiter aucun, se trouve à son tour imitée mais ne doit pas pour cela laisser dissoudre ses qualités particulières.
Lhyperréalisme (qui est surtout un photoréalisme), le body art, learth-art et lart conceptuel adoptent la photo comme un modèle dobjectivité ou un moyen relativement neutre de communiquer un acte ou une pensée à létat pur. Cependant, dans lincertitude où elle est encore de sa situation parmi les arts, la photographie proprement dite continue de tirer une constante interrogation sur ses caractères spécifiques. La voici donc demblée là où en sont les autres arts depuis quelque temps : se définir par une perpétuelle mise en question de sa définition.
Comme chaque discipline technique accédant au niveau de la création, la photographie est tenue de senvisager tout entière comme espace de création. Lépanouissement actuel ne signifie pas le repliement de lexpression photographique sur un seul genre, plus « artistique » et sophistiqué. Certes, lamateur comprend de mieux en mieux le long et délicat travail nécessité par un tirage de qualité et qui interdit, bien plus encore que pour la gravure, toute multiplication industrielle. Mais il nempêche que la création personnelle reste plus que jamais présente et ouverte dans tous les genres quotidiens de la photo, à commencer par le reportage et lillustration. Un des signes de cet achèvement culturel est quaucune tendance ni aucune technique nen sont désormais exclues. Depuis le photomaton jusquaux manipulations raffinées qui nécessitent lexemplaire unique, tout est donc possible au royaume de la création photographique.
Il fallait pour cela surmonter les vieux tiraillements entre une photo objective et réaliste et une photo subjective. Libre de déformer les données de la réalité, contrainte de renoncer à atteindre lobjectivité totale, mais aussi obligée dabandonner lespoir de se passer du reflet de la réalité, la photographie actuelle tend à renoncer à ces querelles et à les dépasser en manifestant que le constat photographique le moins manipulé est tout autant constat sur la vie intérieure du photographe. Limage du monde extérieur met à nu un instant vécu par celui qui la saisie. Et, comme le pressentait déjà Minor White, la photographie tend à rejoindre, avant même les autres arts, ce point radical où voir et découvrir sont aussi inventer, et même plus quinventer, créer.
Un art en plein essor
La photographie art de fixer la trace de la lumière occupe une place grandissante dans la culture de notre temps. Les signes en sont nombreux, avec une avance marquée des États-Unis où Alfred Stieglitz (1864-1946) la fait entrer dans les musées dès le début du XXe siècle, où le département de photographie du Museum of Modern Art de New York est créé en 1940, où Kodak fonde la George Eastman House (aujourdhui International Museum of Photography) en 1949 ; sans compter le rôle traditionnel de la Library of Congress de Washington, du Metropolitan de New York et du musée de Philadelphie. La présence de la photo au musée est devenue, là, normale ; citons, parmi les plus dynamiques : le Fogg Art Museum (Harvard University) de Boston, lArt Institute de Chicago, le Museum of Art de San Francisco, le Center for Creative Photography à Tucson (Arizona). En 1974, Cornell Capa fondait lInternational Center of Photography à New York, avec ses collections, ses expositions, ses conférences... Au Canada, ce sont les collections de la Galerie nationale dOttawa et lactivité de lOffice national du film. En Europe, le temps perdu se rattrape autour des collections déjà anciennes du département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale, de la National Portraits Gallery et du Victoria and Albert Museum de Londres, du Folkwang Museum dEssen, du Museum Ludwig à Cologne, du Prentenkabinet de Leyde (Pays-Bas). Des centres nouveaux souvrent ou sont établis : au musée de luniversité de Parme (Italie), au Kunsthaus de Zurich (Suisse), au Stedelijk Museum dAmsterdam, au Moderna Museet de Stockholm, au musée des Arts décoratifs de Prague, à Lodz en Pologne, à Siaulai en Lituanie. En Australie, il y a lAustralian Center for Photography de Sydney. En France, le musée Nicéphore-Niepce de Chalon-sur-Saône, la galerie municipale du Château-dEau à Toulouse témoignent du dynamisme de la province. À Arles, le musée Réattu est inséparable dun festival annuel qui est la plus grande rencontre mondiale dauteurs et damateurs. Enfin, en 1978, le congrès de Mexico a montré léveil à elle-même de la photo latino-américaine.
Un autre signe de la vitalité de la photographie est lessor des galeries privées qui commercialisent les photos comme uvres dart, parfois en tirage limité, bien que cet article nait pas beaucoup dimportance aux yeux du véritable amateur. Les États-Unis, là aussi, ont donné lexemple, et si les tentatives méritoires de Julien Levy, en 1932, et de Helen Gee, en 1954, furent prématurées, on a assisté à la réussite de Lee Witkin à New York depuis 1969 et de Harry Lunn à Washington depuis 1971. De fameux marchands ont suivi, comme Sydney Janis, Castelli, Marlborough, Zabriskie, Sonnabend, et on compte aujourdhui par centaines les galeries de photos aux États-Unis. En Europe, après Il Diaframma (Milan) en 1967 du pionnier et grand animateur Lanfranco Colombo, on a fondé des galeries de plus en plus nombreuses qui ont parfois réussi : à Londres (Photographers Gallery de Sue Davis), à Southampton, à Vienne (Autriche), à Amsterdam, à Cologne, à Aix-la-Chapelle, à Berlin, à Barcelone, à Madrid (où le Fotocentro, né du mécénat privé, déborde de beaucoup lactivité dune simple galerie)... À Paris, une galerie comme celle dAgathe Gaillard et quelques autres ont déjà fait largement leurs preuves. La revue multilingue Print Letter , de Zurich, suit ces activités. Les périodiques consacrés à la photographie sont nombreux, mais peu sont dune tenue véritablement artistique. Aux États-Unis, Aperture est un modèle de raffinement, mais Afterimage , organe du Visual Studies Center de Rochester, animé par Nathan Lyons, est la meilleure revue pour ses textes. En Europe, Camera (Lucerne) est une classique de portée internationale ; Creative Camera (Londres) suit la jeune photographie. Jusquà Zagreb (Croatie) avec Spot et jusquen Australie avec Light Vision , dheureuses tentatives voient le jour. Le domaine de lédition de livres de photos est trop diffus pour être même résumé ici, mais en France Robert Delpire, les éditions du Chêne, en Allemagne Schirmer and Mosel, aux États-Unis Aperture, Lustrum Press doivent être cités, comme les courageuses tentatives que représentent Contrejour et Créatis à Paris. Dailleurs, les jeunes photographes tendent à sexprimer le plus directement possible en assumant eux-mêmes la diffusion de leur travail. Cependant que de luxueux et très coûteux portfolios de photos véritables en tirage limité (chez Parasol Press, Lunn, Castelli, Sonnabend...) sont dignes des éditions de gravure originale.
Ce nest quaux États-Unis que lappartenance de lenseignement de la photographie au domaine de la culture est reconnue : à luniversité de Princeton, à lInstitute of Design de Chicago, au Massachusetts Institute of Technology, au Rochester Institute of Technology, à la San Francisco State University, à Albuquerque (New Mexico). LEurope souffre dun retard considérable en dépit de la qualité de professeurs comme Otto Steinert et ses successeurs à Essen, de Floris Michael Neusüss à Kassel (Allemagne), de Jean-Pierre Sudre en France, et de la Trent Polytechnic School de Nottingham.
Les mouvements nés au cours des années 1950
Les tendances actuelles ont leurs racines les plus immédiates dans trois mouvements principaux des années 1950 : le reportage humaniste, la photographie de libre expression ou « subjective », la photographie comme vérité intérieure de lartiste. Cest autour de ce dernier problème que, depuis les années 1970, sest manifesté lessentiel de la création photographique alors que lopposition entre photo-témoignage et photo-subjective tendait à être surmontée.
Le documentaire
La grande période du reportage, commencée avant la guerre (généralisation de lappareil 24 Z 36 mm, fondation de Life en 1936), se poursuit au lendemain du conflit (fondation de lagence Magnum en 1947) avant que la télévision ne vienne gêner ses débouchés (disparition de Life en 1972). Le symbole et le héros en est Eugène Smith (1918-1978, États-Unis), dont les images puissamment expressives plaident pour des causes généreuses, telle la dénonciation de la pollution industrielle criminelle (Minamata , 1975). Le point déquilibre parfait en est luvre, toujours continuée, de Henri Cartier-Bresson (1908, France) qui a donné la meilleure définition du genre : « La photographie est, dans un même instant, la reconnaissance dun fait en une fraction de seconde et lorganisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui expriment la signification de ce fait. » Cartier-Bresson qui avoue sa dette envers André Kertész (1894-1985, Hongrie puis États-Unis), dont luvre reste un modèle pour les plus avancés.
Ce courant de la photo comme témoignage sur lhumain a trouvé sa plus brillante illustration dans lexposition Family of Man organisée par Edward Steichen en 1952. Mais il allait aussi y trouver ses limites, dénoncées par Roland Barthes qui, dans Mythologies (1957), y décelait un système de reproduction didées générales toutes faites sur la nature humaine, alors que le vrai privilège de la photographie est de saisir des situations uniques et particulières, donc historiques. Plus récemment, Victor Burgin, réfléchissant sur le rapport entre art et langage, démontait les mécanismes qui lient le sens à limage, et Susan Sontag montrait quils sont loin dêtre toujours innocents.
Cest en 1958 que paraît le livre de Robert Frank (1924, Suisse puis États-Unis), Les Américains , édité dabord en France par Robert Delpire, car il fut repoussé par les Américains eux-mêmes. Loin dy rechercher les moments conventionnellement significatifs, Frank y montre les instants absurdes du quotidien à la fois haché et monotone, et dautant plus vécus quils ont moins de sens. En 1956, le livre New York , édité aussi en France, de William Klein (1928, États-Unis), peintre devenu photographe avant de devenir cinéaste, va ouvrir une autre issue au reportage en acceptant les données brutes de linstantané photographique (gros plan, grain) avec la violence propre au monde où nous vivons.
Les portraits de Diane Arbus (1923-1971, États-Unis) nont recours à aucun artifice pour crier lirrémédiable : malheur ou bêtise, solitude et folie. Issue partiellement de Lisette Model (1906-1983, Autriche puis États-Unis), celle-ci marquée par linsolent Weegee (1899-1969, États-Unis), luvre de Diane Arbus exerce une fascination intense sans guère se laisser imiter, bien que les portraits glacés de Richard Avedon (1923, États-Unis), les poupées inquiétantes de Rosalind Solomon (1930, États-Unis), les nus délirant dAllen Dutton (1922, États-Unis) ou impavides de Jean-François Bauret (1932, France) puissent lui être comparés.
La photographie subjective
La photographie de libre expression ou photographie subjective a eu une vogue parallèle à celle de lart abstrait en peinture. Aux États-Unis, László Moholy-Nagy (1895-1946), venu du Bauhaus, enseignait à Chicago lintégration des procédés photographiques à une expérimentation plastique totalement libérée (jeux de lumières-photogrammes). Il marqua Harry Callahan (1912, États-Unis) et Aaron Siskind (1903-1991, États-Unis) et leurs élèves. De leur côté, Francis Bruguière (1880-1945, États-Unis), Frederick Sommer (1905, États-Unis), Henry Holmes-Smith (1909, États-Unis) ont utilisé les papiers découpés, les produits étalés sur une plaque de verre, les superpositions pour créer des images abstraites. Mais cest en Europe que la photographie subjective se constitua en un ensemble coordonné de recherches grâce au professeur Otto Steinert (1915-1978, Allemagne) depuis 1949, dabord à Sarrebruck puis à Essen (1959), et à ses expositions collectives à partir de 1951. En France, le groupe Libre expression, animé par Jean-Claude Gautrand (1932), réunit des talents jusque-là isolés. Il sagit dune photo considérée comme une enquête sur ses propres moyens et comme une création personnelle autonome, attentive aux formes en tant que formes et libre de déformer lapparence immédiate de la réalité. Les bornes techniques, les limites objectives à lobjectivité absolue en photographie qui sont le cadrage qui isole la réalité, la perspective particulière, linstantanéité qui exclut le mouvement, etc. justifient toutes les initiatives du créateur.
Le dynamisme libérateur de cette tendance na pas pu, cependant, rendre compte de toute la diversité de la vie photographique. Il conduisait à une hiérarchie de valeurs entre la photo comme simple copie de la réalité, la photo comme interprétation personnelle et la photo comme pure création. Hiérarchie qui se détournait de cette donnée première quest la soumission à la réalité. Cest pourtant là loriginalité irremplaçable de la photographie. Alfred Stieglitz lavait compris, et Paul Strand lavait proclamé : « Lobjectivité est lessence même de la photographie [...] et chaque médium natteint le maximum de ses possibilités que par la pureté dans son utilisation. » Et rien ne peut aller contre la phrase de Villem Flusser : « Lobjet est la signification de la peinture et la cause de la photographie. »
Certaines uvres, bien quapparentées à lart abstrait, ont su respecter les données profondes de la photographie et maintenir leur présence auprès des jeunes créateurs. En 1961, lAnglais Bill Brandt (1904-1983) déjà connu par son regard hautain, ironique et sombre sur la société de son pays fait scandale par son livre Perspective sur le nu . Un objectif grand angulaire y transforme le corps humain en sculptures dignes de Henry Moore. Mais cest bien plus encore une méditation sur la vision photographique. Ami des peintres gestuels américains, quil inspira parfois, Aaron Siskind retrouva leurs formes dans les maculatures des murs et des affiches déchirées, mais son exaltation de lobjet trouvé par le cadrage reste avant tout une démonstration photographique. Harry Callahan a su ne rien rejeter des possibilités de son art, y compris les subtilités de laboratoire, mais cest pour atteindre au chant damour de la série Eleanor (1984) et à la pureté infinie de cette série de plages. Yasuhiro Ishimoto (1921), quant à lui, a porté son influence au Japon. Mais pour Callahan et ses disciples, linfluence de Minor White fut aussi importante que celle de Moholy-Nagy.
Lintériorisation
Minor White (1908-1976) est le représentant le plus typique du troisième courant dinfluences qui a marqué la photographie créatrice contemporaine. En 1952, il fonde, avec Walter Chappell et quelques autres, la revue Aperture consacrée au problème de la communication en photographie. Mû par un intense désir de fusion spirituelle avec la nature et avec Dieu, White en vient à saisir une réalité totalement transfigurée par la vision intérieure ; regardant et regardé se confondent dans une union mystique. Mirrors , Messages , Manifestations (1969) est à la fois un livre de photographies, de poésie et de religion (le catholicisme aussi bien que le bouddhisme zen). Lenseignement de White (au Rochester Institute of Technology, puis
au Massachusetts Institute of Technology de Boston) eut une influence considérable. Mais il aboutissait à une attitude purement contemplative et idéaliste qui, elle aussi, négligeait la part dobjectivité essentielle à toute photographie.
Très différente et cependant parallèle à celle de White, luvre de Walker Evans (1903-1975, États-Unis) a pris une importance grandissante. Partisan dune photo « totale, franche et pure », pour lui la qualité suprême dune photographie est denregistrer les détails précis de la réalité. Ses constats directs de la condition américaine après la grande dépression, dans le cadre de la Farm Security Administration, en témoignent. Mais en même temps Evans refuse de croire à lobjectivité parfaite du document photographique. Même et surtout lorsquelle est pure de toute manipulation intentionnelle, une photographie apporte aussi un témoignage sur un moment de la vie intérieure de son auteur. Et le titre du livre Messages from the Interior (1966) le dit bien.
Ayant cité quelques phares dont luvre, interrompue ou continuée, exerce une fascination particulière sur la jeune photographie, reprenons les trois grands aspects (le documentaire, limaginaire, lintériorisation), et tâchons de suivre les développements actuels des tendances principales de la photographie.
Les développements actuels
Du reportage classique aux expressionnismes
Le reportage classique est toujours vivant. Pensons à la tradition parisienne des Brassaï (1899-1984) et des Izis (1911-1980 ; Paris des rêves , 1950). Même face aux idées les plus avancées, un Robert Doisneau (1912-1994, France) garde sa présence, car sa bonté et son humour restent ouverts sur lambiguïté de la condition humaine. En Angleterre, Bert Hardy (1913) a aussi cette qualité comme leut le Suisse Gotthard Schuh (1898-1969). Aux États-Unis, Bill Owens (1938), illustrateur des petits bourgeois banlieusards (Suburbia , 1973), en présente une version plus grinçante. Lagence Magnum reste fidèle à sa réputation, grâce, entre autres, à Marc Riboud (1923, France), à Raghu Raï (1942, Inde), à Hiroshi Hamaya (1915, Japon). René Burri (1933, Suisse) y apporte sa version coupante très actuelle, Leonard Freed (1929), sa grandeur dramatique (reportage sur la police à New York), Mary Ellen Mark (1941, États-Unis), son ironie et sa pitié. Des agences plus jeunes comme Viva (Paris) répugnent au sensationnel pour se consacrer à la condition ordinaire des gens : Claude Raimond-Dityvon (1937), Guy Le Querrec (1941), Hervé Gloaguen (1937), lAméricain Richard Kalvar (1944). Jean-Philippe Charbonnier (1921, France) unit richesse des formes et qualité humaine.
Ce goût du banal quotidien rejoint souvent le grand courant américain que Nathan Lyons a dégagé dans ses expositions collectives de Rochester. Ce courant, issu de Robert Frank, ne cherche plus à mettre en valeur le sens supposé des situations mais le non-sens que seul révèle le hasard photographique. Démolissant lordonnance ordinaire des choses par une subversion systématique de tous les points de repère, Lee Friedlander (1934, États-Unis) reconstitue à partir de ces débris une structure nouvelle et extraordinairement rigoureuse (The American Monument , 1977) qui nest pas dénuée de poésie, comme dans sa série des jardins. Friedlander maîtrise la surabondance écurante des objets artificiels comme Garry Winogrand (1928-1984, États-Unis) exprime les solitudes ou les étranges rencontres dune humanité hagarde et automatisée. Burk Uzzle (1938, États-Unis), avec une élégante sûreté, Charles Harbutt (1935, États-Unis), avec un lyrisme parfois visionnaire. Elliott Erwitt (1928, États-Unis), avec beaucoup dhumour, le Japonais Ikko (1931), avec son impeccable froideur, et Tony Ray-Jones (1941-1972), sans renier, lui, son humour britannique, évoquent notre monde tronçonné en situations incommunicables. LEurope a suivi largement avec les compositions rigoureuses et poétiques de Raymond Moore (1920, Grande-Bretagne), de Heinrich Riebesehl (1938, R.F.A.), de John Vink (1948, Belgique), de Roberto Salbitani (1945, Italie). En France, après le précurseur Jacques Darche (1920-1965), Bernard Plossu (1945), Bruno Réquillart (1947), Edouard Kuligowski (1946), Bernard Descamps (1947) explorent aussi cette voie. Au Japon, Shoji Ueda (1913), Shimei Tomatsu (1930), Daidoh Moriyama (1938) ont réalisé des visions très intériorisées et pourtant objectives.
Depuis peu dannées, cette manière à la fois impassible et corrosive sest exprimée par la couleur, notamment chez les Américains Stephen Shore (1947), Joel Meyerowitz (1930), Willian Eggleston (1939), Neal Slavin (1941), chez le Français Hervé Gloaguen, et, avec une ironie plus efficace encore, chez lItalien Luigi Ghirri (1943).
Tous ces constats décapants de labsurdité quotidienne, de la solitude figée et fascinante des objets et des gens, laissent cependant sa place à une photographie qui saccommode dune grande sérénité, et même dun sens du bonheur, et sans pour cela tomber dans lanecdote, les clichés moraux ou sociaux désormais si souvent dénoncés. Ses maîtres plus lointains sont Paul Strand (1890-1976, États-Unis) et Auguste Sander (1876-1964, R.F.A.) et aussi le Mexicain Manuel Alvarez Bravo (1902), chantre des beautés profondes de son pays. En France, Édouard Boubat (1932) symbolise cette tendance (La Survivance , 1976), tout est pour lui émerveillement devant la noblesse du geste et la pureté de la lumière. Pureté que rejoignent, par le refus de tout effet, Gilles Ehrmann (1928, France) et le grand portraitiste Bernard Poinsot (1922-1965, France). Même dans les ghettos noirs misérables, Bruce Davidson (1933, États-Unis) sait voir la dignité humaine (East 100th. Street , 1970) quexpriment aussi Constantine Manos (1934, États-Unis) avec ses paysans grecs, et Claude Sauvageot (1935, France) jusque dans ses témoignages sur la misère du Tiers Monde, selon la grande tradition de Werner Bishof (1916-1954, Suisse).
Labus de la couleur dans les publications contraint beaucoup de reporters à en faire malgré eux. Mais certains artistes, Helen Levitt (1918, États-Unis), Marc Garanger (1936, France), Bruno Barbey (1941, France), Hans Silvester (1938, R.F.A.), y ont montré un talent exceptionnel.
La réalité atroce de la guerre ne supporte pas la stylisation ni lindifférence, et ici limage photographique tire sa triste beauté de sa véracité même. Comme les pionniers Robert Capa (1913-1954, États-Unis) et David « Chim » Seymour (1911-1956, États-Unis), Gilles Caron (1939-1970, France), Larry Burrows (1926-1971, États-Unis) y sont morts. Après David Douglas Duncan (1916, États-Unis), Philip Jones Griffiths (1936, Grande-Bretagne), Don McCullin (1935, Grande-Bretagne), Romano Cagnoni (1935, Italie) dénoncent au monde les souffrances du Vietnam, du Biafra, de Chypre et dIrlande. Lexpressionnisme intense de leurs images, issu du sujet même, évoque la violence dun Willian Klein et tout un courant où le reportage et lillustration se servent des oppositions puissantes du noir et blanc, et finissent par rejoindre, à force de volonté expressive, les démarches les plus subjectives. David Hurn (1935, Grande-Bretagne), montrant la fatuité de la high society , Jürgen Heinemann (1934, R.F.A.), la tristesse des tropiques, Mario Giacomelli (1925, Italie), avec une intensité inégalée, Joseph Koudelka (1938, Moravie), avec une grandeur et une compassion admirables (Gitans , 1975), le Lituanien Aleksandras Macijauskas (1938) atteignent à une vision épique et ont parfois recours à la déformation.
Cest ici que la distinction peut paraître arbitraire entre une photographie documentaire et une photographie soumise à limagination. Ainsi le reporter illustrateur hollandais Aart Klein (1909) évoque les grands travaux daménagement de son pays à travers un système de simplification graphique, tandis que lAméricain Wynn Bullock (1902-1975) enregistrait toutes les finesses de détails de paysages qui nen sont pas moins imprégnés dune philosophie très personnelle. Le plus parfait équilibre entre lauteur sujet et le modèle objet avait été atteint par Edward Weston (1886-1958, États-Unis), mais même alors une inquiétude sétait glissée dans ses derniers paysages de cyprès tordus et dérosions étranges (My Camera on Point-Lobos , 1950). Et si les compositions majestueuses et froides dAnsel Adams (1902-1984, États-Unis), célébrant la nature grandiose de lOuest américain, prolongent une imagerie ailleurs dépassée, le fils même dEdward Weston, Brett Weston (1911), utilisa des formes volontairement très contrastées. Art Sinsabaugh (1924, États-Unis) déroule des espaces immenses dans ses vues panoramiques. Lewis Baltz (1945, États-Unis) saisit larchitecture moderne avec rigueur et subtilité (Industrial Park , 1974).
Du document personnalisé au monde fantastique
La différence entre la tendance documentaire et la tendance subjective réside moins dans lapparence des images que dans lattitude spirituelle initiale du photographe, attitude évidemment difficile à prouver. Aux photographes soucieux de la relation de la forme et du fond cherchant à montrer au mieux une réalité, même sil faut pour cela linterpréter sopposeraient des photographes inquiets de la relation entre le sujet et lobjet, sinterrogeant sur leur inévitable interrelation, même sils choisissent de se retirer eux-mêmes le plus possible pour laisser place à la présence inaltérée du modèle.
Cela fut la leçon de Weston et aussi dAlbert Renger-Patzsch (1897-1966, R.F.A.) et en France des natures mortes dEmmanuel Sougez (1889-1972) et des portraits de Daniel Masclet (1892-1969). Ainsi le regard intense posé par Jean Dieuzaide (1921, France) sur un bac de goudron, par Robert Morian (Belgique) sur des végétaux, par Jean-François Malamoud (1950, France) sur les surfaces rocheuses va aboutir à des images totalement personnalisées à force de se vouloir fidèles au modèle. De même les roseaux, les sables, les charognes de lArlésien Lucien Clergue (1934). Le sentiment de la nature de Paul Caponigro (1932, États-Unis) se nuance dune extrême délicatesse. Tandis que celui de Denis Brihat (1928, France) sexprime par tous les raffinements de lartisanat. La mélancolie de la mort imprègne non seulement les monuments funéraires de George Krause (1937, États-Unis) mais aussi les natures mortes de Jean-Pierre Sudre (1921, France). Pour Detlef Orlopp (1937, R.F.A.), la mer et la montagne sétagent en austères murailles. Et Keiichi Tahara (1951, Japon) découvre un monde mystérieux dans la lumière dune fenêtre.
En couleur, Eliot Porter (1901-1990, États-Unis) est, comme Ansel Adams (États-Unis), amoureux de la nature quil contemple du plus petit détail au plus vaste panorama. Ernst Haas (1921-1986, Autriche), par ailleurs puissant reporter, saisit les rythmes cosmiques dans un livre admirable : La Création (1971). LItalien Franco Fontana (1933) ramène le sujet à quelques plans dépouillés. Au contraire, André Martin (1928, France) a une sensibilité très impressionniste. John Batho (1939, France) respecte infiniment la douce présence des choses.
La photo a une capacité inégalable pour enregistrer les textures de la matière. Mais elle ne le fait que par lintercession de la lumière. Et comme dans une « recherche fondamentale » propre à la photographie, certains vont descendre dans ces phénomènes de la lumière pour explorer plus profondément leur art. Jean-Pierre Sudre fait passer la lumière à travers la matière même des cristaux, sans lintermédiaire dun négatif, et obtient des paysages cosmiques de limaginaire. Pierre Cordier (1933, Belgique), prenant le processus habituel à rebours, travaille sélectivement avec les produits révélateurs sur une surface uniformément touchée par la lumière. Ses chimigrammes juxtaposent des éclosions de formes toujours inattendues et pourtant ordonnées. En photographiant des mobiles, Étienne-Bertrand Weill (1919, France) constitue des corps imaginaires dont la matière sest transmuée en lumière. Heinz Hajek-Halke (1898, R.F.A.) stratifie des matières quil met en contact direct avec la surface photographique. Dans les solarisations de Todd Walker (1917, États-Unis), les personnages apparaissent comme enveloppés dune soie doucement phophorescente. Et, chez Robert Heinecken (1931, États-Unis), la lumière, délicatement filtrée par les épaisseurs des formes en négatif, est comme mêlée à lintimité de la matière.
Les magies du laboratoire peuvent servir de tremplin à toutes les envolées de limagination. Jerry Uelsmann (1934, États-Unis) se sert de ses divers négatifs comme une simple matière première. Il les juxtapose dans son image, conciliant des objets venus de mondes différents par les éclats et les douceurs dune lumière surréelle, dans un même espace fantastique. Ray Metzker (1931, États-Unis), au contraire, part du choc de plusieurs images hétérogènes et de la tension des noirs et des blancs, pour les ramener à un graphisme presque abstrait mais où il subsiste assez de gris légers pour que son espace reste proprement photographique. Le Lituanien Vitaly Butyrin crée des mondes imaginaires en inversant les rapports ordinaires entre le ciel, les nuages et la terre.
Dans la lancée de cette exploration, rien ninterdit plus aux photographes dy mêler les éléments venus dautres arts. Robert Heinecken a fait des photos-sculptures. Désormais, on ose mêler les techniques les plus diverses, surtout chez les photographes issus de Rochester (États-Unis) mais aussi en Californie et de plus en plus en Europe. On peut couler soi-même une émulsion sensible sur un papier choisi (Betty Hahn, 1940), ou combiner sérigraphie et lithographie (Syl Labrot, 1929), on emploie le cyanotype (Bea Nettles), la xérographie (Joan Lyons, Ruth Breil). On ressuscite la gomme bichromatée, les procédés au charbon. Naomi Savage (1927), Keith Smith (1938) transforment leurs photos en gravures, et les épreuves de John Wood (1922) défient lanalyse technique. Ces recherches admettent le plus souvent la couleur, pour laquelle Todd Walker et Hubert Grooteclaes (1927, Belgique) expérimentent la sérigraphie, Scott Hyde (1926, États-Unis) superpose les passages en offset. La photographie coloriée à la main sest répandue depuis quelque temps, et Gail Skoff (1949, États-Unis) lenseigne. La frontière devient indistincte avec des peintres comme Rauschenberg ou Warhol qui utilisent la photo à travers des procédés dimpression. Triturant la surface des polaroïds couleurs, le peintre Lucas Samaras (1936, États-Unis) et le photographe Les Krims (1943, États-Unis) obtiennent des résultats comparables.
Auprès de lart moderne, les sciences sont à lorigine dun jaillissement inépuisable de formes. Nous ne citerons que quelques photographes scientifiques dont le travail rejoint la pure création. LAméricain Harold Edgerton (1903-1990), dans ses expériences dinstantanés ultrarapides (stroboscopie), rejoint la beauté involontaire des images dÉtienne-Jules Marey (1830-1904, France), précurseur du cinéma. Les photos aériennes de Georg Gerster (1928, Suisse) et dAlain Perceval (1933, France) nous émerveillent par leur beauté. Et le Suédois Lennart Nilsson (1922) a révélé en de prodigieuses images les structures internes du corps humain.
Lespace du rêve
La troisième grande source de nos images ce sont nos rêves, endormis ou éveillés. Depuis longtemps, certains photographes se sont essayés aux compositions surréalistes, à la manière des Magritte et des Dalí, mais avec un succès inégal. La photo, à la fois exacte et manipulable, sy prêterait pourtant si elle naboutissait alors à des montages très artificiels dont les dadaïstes des années 1920 ont épuisé la verve. Bien plus importantes pour la génération actuelle sont les uvres du poétique Clarence Laughlin (1905-1985, États-Unis), ses paysages mélancoliques de Louisiane, lunivers hanté du grand aîné Josef Sudek (1896-1976), le vieux magicien de Prague, et le monde à la fois familier et empreint dun mystère bouleversant du prodigieux Ralph Eugene Meatyard (1925-1972, États-Unis). Nous avons déjà vu des auteurs, comme Velsmann, qui atteignent le fantastique par des manipulations de limage en laboratoire. On pourrait lui comparer le Suisse Rudolf Lichtsteiner (1958) pour ses rapprochements dobjets insolites. Mais plus décisive est la conscience quune photo est aussi et dabord un témoignage sur un moment de la vie intérieure de celui qui la faite, Eikoh Hosoe (1933, Japon) se sert tantôt de la photo directe pour raconter une mystérieuse histoire (Kamaitachi , 1969), tantôt des superpositions pour évoquer un univers sensuel et cruel (Ordeal by Roses , 1971). Le Tchèque Jan Saudek (1935) poursuit un rêve étrange et familier. Paul de Nooijer (1943, Pays-Bas) agence minutieusement ses cauchemars irrespirables, Boris Kossoy (Brésil), ses rencontres inquiétantes. Quant à Arthur Tress (1940, États-Unis), il sintitule le collectionneur de rêves. Parmi ses nombreuses expériences, Floris Michael Neusüss (1937, R.F.A.) fait linventaire des apparences de la mort. Mais cest à la racine de nos idées conventionnelles que Les Krims sen prend, soit en montrant objectivement des situations ambiguës (The Deers Layers ) ou doucement délirantes (The Last Minority ), soit en dévoilant crûment ses fantasmes les plus intimes, après les avoir reconstitués avec minutie devant son appareil. Duane Michals (1932, États-Unis) affirme que les neuf dixièmes de son travail se font dans sa tête et, pour développer le récit complet de sa rêverie, procède par séquences dimages à la fois liées et discontinues. Le Français Roger Lautru (1932) lui est comparable, et la séquence (déjà inventée par Minor White) a fait depuis beaucoup dadeptes. Cela alors même que Duane Michals retournait à limage solitaire, quil accompagnait dun texte, non pas légende limitative mais méditation poétique ouverte à partir de lincertitude même de toute signification photographique. Il rejoint dans cet esprit poétique luvre de Ralph Gibson (1939, États-Unis) menée avec maîtrise depuis les fantaisies surréalistes (The Somnambulist , 1970) jusquà la présence dobjets dune plastique monolithique (Days at Sea , 1974) mais toujours émergés du monde intérieur des souvenirs et comme « déjà vus ». Roger Mertin (1942, États-Unis) est passé, lui aussi, de scènes discrètement fantastiques à la présence fascinante dun arbre brutalement éclairé.
Les jeux de limagination sont la grande ressource de la photo de mode et de publicité lorsquelle ne sen tient pas à la routine. Certains y ont atteint une richesse baroque qui rejoint par moments le talent créateur. Dautres, pourtant adulés dans leur profession, réussissent à échapper à la facilité pour sexprimer sincèrement dans des uvres remarquables. Ainsi Richard Avedon déjà cité, Irving Penn (1917, États-Unis) et ses portraits de types humains du monde entier, Jeanloup Sieff (1933, France), ses nus et ses paysages dun élégant dandysme. Tandis quun Harry Meerson (1911-1991, France), un Guy Bourdin (1933-1991, France), une Sarah Moon (France), un Hiro (1930, États-Unis) savent trouver dans leur travail quotidien loccasion dimages intensément personnelles et qui resteront.
Au-delà des étiquettes
Mais la grande découverte des années 1970 est que toute photo est surréaliste. Susan Sontag la bien montré. La photographie de famille ordinaire, dans sa spontanéité naïve, mais aussi avec ses conventions étroites, non seulement rejoint le « banalisme » dun Robert Frank, mais dépasse en bizarrerie les recherches les plus élaborées. Ken Graves et Mitchell Paynes en font un choix extraordinaire dans leur livre Snapshots (1977), tout comme Dave Heath (Canada) dans le Grand Album ordinaire . Dans Portraits of Violet and Al , William De Lappa (1943, États-Unis) évoque la vie dune petite bourgeoise imaginaire dont il fabrique les photos. Il est alors très proche du travail dun Christian Boltanski (1944, France) ou dun Jean Le Gac (1936, France). Rétrospectivement, le journal intime photographique quest luvre de Jacques-Henri Lartigue (1894-1986, France) depuis 1901 prend de ce point de vue un singulier relief. Dans The Lines of my Hand (1972), Robert Frank revoit sa vie à travers ses photos quotidiennes. Et Tulsa (1971) de Larry Clark (1943, États-Unis) est une confidence assez poignante. Même un photographe aussi raffiné dans son art quEmmet Gowin (1941, États-Unis) prend son inspiration dans la vie familiale. Quant à Nancy Rexroth (Iowa , 1977), elle utilise un objectif très bon marché pour atteindre la qualité intime et rêveuse de ses épreuves.
Acceptée la nature très intérieure de la démarche créatrice en photographie, même de froids constats, même des inventaires impassibles peuvent relever de la création sils reconstituent un monde original, une mythologie particulière née dune passion individuelle. Ainsi des parkings et des stations dessence recensés par le Californien Edward Ruscha (1937). Ainsi la beauté neutre des bâtiments industriels enregistrés par Bernhard et Hilla Becher (1931 et 1934, R.F.A.). Ainsi le livre-somme photographique de Mario Cresci (1942, Italie) sur Matera (1975) ou lexposition de Hans-Peter Feldmann (1941, R.F.A.) sur Essen (1977).
Nous avons déjà remarqué que la distinction entre « photographes » et « artistes » na plus guère de sens. Parmi les peintres abstraits, un Wols, un Hartung ont mené une uvre photographique parallèle à leur peinture. Jacques Monory (1934, France) sinspire, pour ses tableaux monochromes, de la poésie froide et énigmatique de ses propres photos. David Hockney (1937, Grande-Bretagne) retrouve dans les siennes la délicatesse de son univers coloré. Mais la distinction devient encore plus arbitraire lorsquil sagit dexplorer, par le moyen de la photo, les confins de lart. Les natures mortes en couleurs (1977), savamment conventionnelles, de Boltanski sollicitent les limites du goût. Et Jochem Gerz (1940, R.F.A.) crée des sortes dincidents à la frontière des notions reçues.
Lespace, thème très photographique (mais plus abstrait encore que la lumière), peut être exploré à léchelle des paysages ou à celle dune présence intime. LAnglais Hamish Fulton (1946) communique par la photo les monuments les plus purs de ses grandes randonnées solitaires à travers les pays encore vierges. Michael et Barbara Leisgen (1940 et 1944, R.F.A.) enregistrent les rapports entre leur propre corps et les paysages. Klaus Ritterbusch (1947, R.F.A.) regarde ces paysages en démontant subtilement leurs façons dêtre vus. Ian Dibbets (1941, Pays-Bas) assemble les horizons en élégantes compositions graphiques. John Hilliard (1945, Grande-Bretagne) utilise les effets de profondeurs de champ et de bougé. Ursula Schulz-Dornburg (R.F.A.) analyse poétiquement les variations du point de vue (Ansichten von Pagan , Burma, 1978). John Pfahl (1939, États-Unis) joue des ambiguïtés du regard et de la perspective. Alors que le Hollandais Michel Szulc Krzyzanowski (1949) condense en de puissantes séquences son aventure plastique au contact de son corps, de son ombre et du paysage.
Sentant venir sa mort, le reporter et portraitiste Ugo Mulas (1928-1973, Italie) concentra et résuma toutes les notions photographiques fondamentales dans la série des Verifiche . Ken Josephson (1932, États-Unis), dans des images daspect subtilement banal ou faussement simpliste, rend sensibles les mystères doù jaillissent les inépuisables possibilités créatrices de la photographie
_Voici donc pour clore ou alimenter le débat
Cordialement
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