BillyEnColere a écrit :
Je suis universitaire en psychologie (enseignant-chercheur) et je voudrais réagir à des commentaires selon lesquels la psychologie ne sert à rien et que les étudiants feraient mieux de faire des formations utiles (dans l’industrie par exemple).
Concernant l’utilité de la psychologie, je travaille sur les effets secondaires de nouvelles techniques de neurosciences (Stimulation Magnétique Transcranienne, Stimulation Cérébrale Profonde par implants d’électrodes dans différentes zones du cerveau) permettant de soigner plusieurs maladies (telles que la maladie de Parkinson, la dépression, les TOCs, etc.) Ces recherches permettent de sauver des vies tous les jours. Est-ce que cela rentre dans la définition de « utile » ? Peut-être que les gens qui trouvent la psychologie inutile changeront d’avis lorsqu’ils se retrouveront avec 2 électrodes dans la tête suite à une maladie neurodégénérative et qu’ils seront bien contents que l’ont aient pu d’une part améliorer l’efficacité de ces techniques et d’autres part proposer des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) adaptées en complément de ces nouvelles méthodes thérapeutiques. Des milliers de patients bénéficient de ces techniques et il y a dans ce domaine des débouchés énormes pour des étudiants un minimum motivés et intelligents. Autre exemple de « l’utilité » de la psychologie : une amie recherche une neuropsychologue pour sa fille qui a des problèmes d’apprentissage scolaire (problème de représentation visuo-spatiale). Délai d’attente pour un RDV avec une neuropsychologue (diagnostique et exercices de remédiation cognitive): 6 mois d’attente ! Apparemment, certaines personnes ont donc compris l’utilité de la psychologie. Entre les problèmes scolaires, les victimes d’accidents neurologiques (AVC, tumeurs, accidents de la route, etc.) ou les diagnostiques/exercices pour personnes vieillissantes, cette neuropsychologue libérale ne peut simplement pas répondre à la demande.
Il est vrai qu’au niveau de la formation, les places sont chères, dans mon Université : 30 places en Master 2 pour 500 étudiants en première année, soit 6% des meilleurs étudiants, donc un taux de sélection plus élevé qu’en Médecine ou en Classes Préparatoires par exemple. Ceci dit, sur les 500 étudiants de 1° année, si on enlève les gens qui sont là sans vraiment savoir pourquoi (et qui ne viennent même pas aux examens lorsqu’ils se rendent compte qu’il s’agit en fait de matières scientifiques) et ceux qui font une formation en psychologie pour intégrer une école spécialisée (éducateur spécialisé, assistante sociale, Conseiller d’Orientation Psychologue, psychomotricien, orthophoniste, Conseiller Principal d’Education ou pour beaucoup prof), un Master est en fait tout à fait possible pour des étudiants motivés, travailleurs et intelligents. Le suivi de nos étudiants de Master montrent qu’ils trouvent ensuite tous un emploi, par contre ils savent qu’il faut être mobile (au moins en début de carrière). En même temps la mobilité n’est pas spécifique à la psychologie, la plupart des diplômes niveaux bac+5 sont spécialisés et nécessitent donc de la mobilité.
Concernant cette fois la plus grande utilité d’une formation dans l’industrie par rapport à la psychologie. Je travaille aussi sur les systèmes cognitifs artificiels. Des auteurs comme Mc Clelland, Rumelhart ou Hinton (des pontes de la psychologie et des sciences cognitives) ont révolutionné la psychologie grâce aux réseaux de neurones artificiels. Cette révolution s’est maintenant propagée aux sciences de l’ingénieur et de belles surprises sont en préparation entre chercheurs de psychologie, de neurosciences et de robotique. Un exemple concret auquel j’ai participé il y a moins d’un mois lors d’une conférence : des systèmes cognitifs artificiels sont maintenant tout à fait capables de remplacer les humains aux postes de commandes numériques. Les gens qui jouent les gros bras en ce moment feraient bien de commencer à réfléchir à comment sera le monde dans 10 ans et quelle sera leur place dans ce monde !
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