SANTIAGO (Reuters) - Jacques Chirac a affirmé vendredi soir au Chili que sa décision d'amnistier Guy Drut, qui provoque un tollé en France, était "légitime" et nécessaire pour "garantir l'influence de la France" au sein du Comité international olympique (CIO).
 
Le chef de l'Etat a expliqué avoir fait ce choix "en application de la loi" sur une proposition du garde des Sceaux, faite à l'issue d'un "examen approfondi du dossier par les services de la chancellerie".
 
L'amnistie a été décidée en application de la loi du 6 août 2002, applicable aux "personnes qui se sont distinguées d'une manière exceptionnelle dans les domaines humanitaire, culturel, sportif, scientifique ou économique".
 
"C'est le cas de M. Guy Drut, donc c'était parfaitement légitime", a dit le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse commune avec la présidente chilienne, Michelle Bachelet.
 
Jacques Chirac, qui a présenté ses excuses à son hôte pour cette "incursion" dans la politique française, a ajouté avoir pris cette décision parce qu'elle "était absolument essentielle pour défendre les intérêts de la France au sein du Comité internationale olympique".
 
Pour le chef de l'Etat, le choix de Londres aux dépends de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques de 2012 a démontré "à quel point il était essentiel d'être défendu" au sein cette instance mondiale.
 
Guy Drut est l'un des trois représentants français du CIO, qui compte 114 membres.
 
"Priver la France d'un siège et notamment d'une compétence absolument reconnue, celle de Guy Drut, aurait été irresponsable alors que la loi prévoyait précisément ce cas", a estimé Jacques Chirac.
 
"REPUBLIQUE BANANIERE"
 
Médaillé d'or du 110 mètres haies en 1976 à Montréal, ministre des Sports de 1995 à 1997, Guy Drut, 55 ans, avait été condamné en octobre dernier à Paris à 15 mois de prison avec sursis et 50.000 euros d'amende dans l'affaire des marchés publics d'Ile-de-France.
 
L'amnistie de Guy Drut a provoqué un tollé en France, où la gauche et l'UDF se sont élevées contre un nouveau "fait du prince" qui, affirment-elles, va nourrir le vote extrémiste.
 
François Hollande, premier secrétaire du PS, a estimé que ce "droit régalien" du chef de l'Etat n'était "pas compatible avec l'esprit de la République" et le Vert Noël Mamère a dénoncé le geste du "prince d'une République bananière". Au nom de l'UDF, Gilles Artigues a déploré une décision révélatrice des "dérives de l'Etat UMP".
 
En revanche, le ministre de la Justice, Pascal Clément, a soutenu le bien-fondé de cette décision et le Premier ministre, Dominique de Villepin, n'a vu "aucune raison de polémiquer".
 
Devenu élu RPR puis UMP, Guy Drut a été condamné pour avoir bénéficié d'un emploi fictif entre juin 1990 et février 1993 dans l'entreprise de bâtiment et travaux publics Sicra, où il n'avait ni bureau, ni téléphone et où il n'est jamais venu.
 
Alors qu'il était député RPR et maire de Coulommiers (Seine-et-Marne) - mandats qu'il exerce toujours - et qu'il payait selon le dossier judiciaire l'impôt sur la fortune, il a perçu 774.047 francs (118.002 euros) de cette société.
 
Il a nié tout délit et expliqué à l'audience avoir "fait du télétravail".
 
Ecarté du comité de candidature de Paris pour les JO de 2012 en raison de l'affaire, Guy Drut a été suspendu début décembre de ses fonctions au CIO. Interrogé vendredi matin sur France Inter, l'ancien sportif s'est dit "soulagé" en évoquant une "très agréable surprise".

s dispositions du plaider-coupable annulées  
 
  Le Conseil d'Etat a annulé mercredi des dispositions de deux circulaires du ministère de la Justice concernant le plaider-coupable. Parmi elles, celle qui rendait facultative la présence du procureur à l'audience d'homologation.  
 
 
Créé le 27 avril 2006  
Mis à jour le 27 avril 2006 à 15h31  
 
 
Le Conseil d'Etat a annulé mercredi des dispositions de deux circulaires du ministère de la Justice concernant le plaider-coupable. Cette procédure permet à un justiciable, reconnaissant des faits passibles de cinq ans de prison maximum, d'éviter un procès en acceptant, en présence d'un avocat, une sanction proposée par le procureur de la République. Cet acte se déroule en deux temps : la comparution devant un magistrat du parquet puis une audience dite d'homologation devant un juge du siège.
 
Saisi par le Syndicat des avocats de France, le Conseil d'Etat a annulé une circulaire de la Chancellerie du 19 avril 2005, qui rendait facultative la présence du procureur à l'audience d'homologation. Cette question a cependant été tranchée. Au printemps 2005, la Cour de cassation et le juge des référés du Conseil d'Etat avaient déjà désavoué la Chancellerie sur ce point. Depuis, le législateur est intervenu, par la loi du 26 juillet 2005, pour prévoir expressément que la présence du procureur n'est pas obligatoire.
 
"On prend acte de ces deux arrêts"
 
Dans un second arrêt, le Conseil d'Etat annule partiellement une circulaire du 2 septembre 2004, qui prévoyait notamment que les policiers dès le stade de l'enquête puissent vérifier qu'une personne est susceptible d'accepter un plaider-coupable. Le SAF y voyait "une porte ouverte à toutes les pressions possibles par les enquêteurs pour arriver à des aveux", a expliqué à l'AFP un de ses membres, Me Didier Liger.
 
Dans son arrêt, le Conseil d'Etat a estimé qu'à travers cette disposition, "le garde des Sceaux a méconnu le sens et la portée des dispositions légales applicables". Pour les mêmes motifs, il a annulé également la possibilité que la convocation devant le procureur se fasse par l'intermédiaire d'un délégué du procureur. "Pour nous c'est une grande victoire du droit sur une circulaire dans laquelle la Chancellerie avait méconnu gravement les droits de la défense", a commenté Didier Liger.
 
Du côté de la Chancellerie, "on prend acte de ces deux arrêts" qui "ne remettent pas en cause le principe même et l'intérêt de la réforme". On précise que la circulaire du 2 septembre 2004 était suspendue dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat et que "dans les heures qui viennent, une nouvelle circulaire va informer les magistrats des conséquences" de cet arrêt.

Guy Drut a été condamné pour recel, ie pour avoir bénéficié d'argent détourné, pour son intérêt purement personel