Quand on nait Asiatique en France (Cambodgien de mon côté), j'imagine qu’on passe tous par certaines étapes.
A l’école, il y a toujours eu quelqu’un pour vous rappeler que vous n’êtes pas comme les autres. A l’école et même plus tard, on se rend compte que les clichés et moqueries envers les Asiatiques sont totalement décomplexés, qui ne s’est jamais fait appelé « chinetoque ». Les médias prennent un malin plaisir à caricaturer les Asiatiques de manière négative. Puis à l’âge adulte ou même avant, on se rend compte que le racisme anti-asiatique est moins grave que d’autres formes de racisme.
Mais être Asiatique, cela donne aussi des avantages. L’image des Asiatiques est en général plus positive que certaines communautés en France. Dans le monde scolaire, dans la vie de tous les jours ou dans le monde du travail, on peut parfois bénéficier de ces stéréotypes positifs du citoyen respectueux et studieux. Mes 25 années en France m’ont rendu fier de ce pays, tout comme je suis fier de mes origines Asiatiques.
Le danger pour les Asiatiques ne vient pas des autres. Le danger vient de nous-mêmes. Le racisme anti-Asiatique est perpétré par les Asiatiques en premier lieu. Cette découverte s’est faite progressivement tout au long de ma vie et elle est difficile à vivre, surtout pour quelqu’un comme moi, fier de mes racines.
Dans la plupart des pays d’Asie de l’est, le culte de la blancheur est omniprésent. Avoir la peau blanche est un commerce. Les produits cosmétiques pour être blanc représentent des milliards de dollars de revenus. Des traitements médicaux existent pour avoir la peau plus blanche. Pire encore, la chirurgie esthétique a un succès grandissant en Asie. De plus en plus de femmes et d’hommes y passent, pour se débrider les yeux, allonger leur nez, se refaire le menton etc.
Cette culture de la blancheur est d’une part plutôt mauvaise pour la santé. Mais elle reflète surtout la mauvaise image que les Asiatiques ont d’eux-mêmes. Ce que les Américains appellent le « self-hatred ». Elle crée de l’anxiété au sein de la population, elle crée une obsession à vouloir être toujours plus blanc, et elle crée au final le mépris de soi-même, le rejet de soi-même. Elle prône la suprématie blanche.
Si les Asiatiques ne sont pas capables de se respecter eux-mêmes, qui le fera ?
En France, le contexte est bien sûr différent. Mais le rejet qu’ont beaucoup d’Asiatiques les uns des autres existe trop souvent. Il est vrai que la culture des parents (qui ont immigré) est souvent très différente de la culture française, c’est une culture plus stricte et pas forcément compatible avec la culture française. Trop d’Asiatiques renient leur propre culture, leur propre tradition. Trop d’Asiatiques renient leurs origines, trop d’Asiatiques ont ce mépris d’eux-mêmes.
Je suis Cambodgien, Asiatique, et j’aime mon teint de peau légèrement bronzé, j’aime mes yeux bridés, mon nez aplati, mes grosses lèvres. Personne ne pourra me retirer la fierté d’être Asiatique, mais je suis tellement peiné par le constat que je fais.