Vu ce matin dans le parisien (c'est un peu long
)
Vous reconnaissez vous là dedans ? Ou êtes vous en forme ?
Bonne lecture
LA METEO est parfois trompeuse. Avec ce soleil éclatant qui irradie la France depuis plusieurs semaines, on se croirait presque en vacances. En cette fin juin pourtant, les Français paraissent tirer la langue comme jamais. La canicule ? Elle n'arrange rien, mais c'est sans doute ailleurs qu'il faut chercher. Certains signes ne trompent pas. Par exemple, les cocktails de vitamines et autres cures de magnésium que les pharmacies vendent à tour de bras. Les enfants intenables dans les salles de classe où la dernière sonnerie de l'année, vendredi, sera vécue par tous - élèves et enseignants - comme une véritable délivrance. Et que penser de ces futurs vacanciers qui ont, selon les spécialistes du tourisme, troqué leurs envies de découverte contre la perspective d'un farniente réparateur ? La liste des indicateurs de la fatigue nationale serait encore longue, à commencer par toutes ces conversations d'employés éreintés qui se nouent autour des machines à café.
Il est vrai que le printemps a été particulièrement mouvementé. Depuis le mois de mars, le contexte général ne donne pas des raisons d'être optimiste : la guerre en Irak, le spectre de l'épidémie de Sras en Asie, les sombres perspectives économiques, et évidemment ce mois de grèves qui semble avoir mis tout le monde sur les rotules. Hélène, par exemple. Cette graphiste de 32 ans se souviendra du mois de juin 2003 comme celui d'une intense fatigue. « Pendant des semaines, j'ai subi, comme beaucoup, une véritable épreuve physique. Le métro bondé et surchauffé, ça m'a coupé les jambes. » Depuis quinze jours, elle roule en scooter.
Le docteur Christian Richoux, médecin du travail, qui a coordonné il y a deux ans une étude sur la fatigue ressentie par les actifs franciliens, s'est ainsi aperçu qu'elle reposait sur trois facteurs : les conditions de travail, de vie personnelle et de déplacement. « On a été surpris de constater que c'est la durée de transport qui arrive largement en tête quand les gens expliquent leur fatigue. On comprend dès lors mieux à quel point les grèves ont pu être crevantes. »
« Les ponts de mai reposent le corps, mais fatiguent le mental »
Heureusement que le joli mois de mai est passé par là. Sauf que les ponts à répétition - 2003 était une année « idéale » -, sur lesquels personne ne songerait à cracher, ont aussi un effet paradoxal. « Schizophrénique », selon le Centre de recherches pour l'étude et l'observation des conditions de vie. « Le mois de mai est à la fois facteur de repos et de fatigue. C'est bien connu : c'est souvent quand on commence à se reposer qu'on se sent fatigué. Et crac ! il faut reprendre le boulot. Cette arythmie est usante. » Des propos confirmés par Yann Rougier, neurobiologiste et auteur du « Livre anti-fatigue » (Michel Lafon). « Statistiquement, nous ne sommes pas le pays qui peut revendiquer la plus grande fatigue physique. En France, elle est plutôt nerveuse. Ainsi, les ponts de mai reposent le corps, mais fatiguent le mental. Notre plus grande source d'épuisement est due à la perte des rythmes au niveau du travail et des loisirs. L'idée selon laquelle plus on a de repos, moins on est fatigué est fausse. La santé de l'homme est liée à la régularité de l'observance des rythmes. »
A la fin de cette semaine, les premiers départs devraient nous aider à repartir du bon pied. Vraiment ? Robert Ebguy, sociologue, ne pense pas que cela va s'arranger. « Nous vivons dans un monde de plus en plus stressant, sous tension permanente, où il n'y a plus de certitudes. Les gens sont devenus très vulnérables, ont peur de ne pas être à la hauteur. Le premier symptôme, c'est la fatigue, puis encore derrière, le spectre de la dépression. C'est aussi pour cela que nous avons parfois besoin de décompresser. Les moments de communion autour d'une victoire sportive ou d'une Fête de la musique servent de soupape à ce stress ambiant. Mais c'est éphémère. »