Petit retour dimpression sur cette expérience de jurée.
Bon, tout dabord, je suis vraiment contente de lavoir fait, et si ça se représentait, pas avant 5 ans maintenant, je ne chercherai pas de quelconque excuse.
Cependant, il ne faut pas croire non plus que ce soit une partie de plaisir, on est face à face avec lhorreur, il faut garder ça à lesprit. Par contre, on est plongé dans le monde de la justice, avec des gens dhorizons, dâges et dorigines différents. Pour résumer, cest enrichissant, instructif, stressant, difficile, fatigant et unique comme expérience.
Le déroulement.
52 jurés sont convoqués au premier jour de la session, pour laudience de révision de la liste des jurés. Hyper formel, mais cest lappel en gros, avec les excuses et les dispenses le cas échéant, et la déclinaison de lidentité complète. Un avocat général est présent et émet des réquisitions pour les dispenses et les excuses. De cette liste, il ressort 28 noms, les 28 premiers, non excusés, non dispensés. Cet ordre dépend du tirage au sort (et non alphabétique). Puis il y a une formation des jurés, à savoir un petit film sur des expériences de jurés et lexplication schématique du système judiciaire français, puis les questions et une intervention du batonnier. Laprès-midi, on allait visiter la maison darrêt. Ca jète un froid, cest particulier on va dire.
La justice a un fonctionnement hyper formel, qui met une distance avec les gens. Les robes des avocats et des juges, le « la Cour ! », qui fait assez monarchie, mais je dois avouer que cest assez sympa dêtre dans cette « cour » et que tout le monde se lève pour soi ( et les autres aussi accessoirement )!. Le juge nous a expliqué que malgré tout, les gens parlaient plus que pendant linstruction, ou la garde à vue, plus de distance physique, se sentant plus protégé, au-delà du respect plus important que les personnes ont dans un procès de manière générale. Chaque parole, chaque action est précédée de « selon la procédure N° 000 du ..... ». Mais même le président a ses antisèches !
La session se déroulant sur 2 semaines était composée de 4 procès, des crimes, du plus ou moins graves (selon mon appréciation, et aussi pour « préparer » les jurés), tentative dassassinat, meurtre, inceste et infanticide. Chaque matin où débute un procès, les 28 jurés doivent se présenter, le greffier nous appelle et place notre nom dans une urne. Les deux avocats ont la liste des noms également avec les âges et les professions, et ladresse pour lavocat général (pas pour la défense, et ça rassure qq part). Puis le président tire les noms au sort, et chaque juré se lève et savance vers lestrade. A ce moment, lavocat général ou la défense peuvent nous récuser. On ne doit pas le prendre pour soi, mais ça fait un peu délit de « sale gueule » parfois la façon quils ont de récuser. Puis, on se retrouve 9 jurés plus 2 suppléants de part et dautre du président et de ses deux assesseurs, face aux victimes, à laccusé et au témoin, surplombant la salle. Cest une position assez impressionnante la première fois quon sy assoit. Et surtout, il faut rester impassible face à tout le monde qui nous regarde. Le président refait lappel et on prête serment chacun son tour.
Puis le procès
Lecture de lacte dinstruction, très long et très détaillé, trop, puis parole à lauteur présumé des faits, dans un premier temps, il relate les faits, puis, il relate sa vie, son histoire. Puis, parole à (aux) la victime(s), si victime il y a. Ensuite, ce sont les experts qui parlent, balistiques, psychiatres, psychologues, légiste
..plus ou moins compréhensibles. Ensuite, les témoins viennent. Là ça peut être très dur, les larmes, le silence, mais pas toujours. Tout est une question dimplication bien sur, si cest le témoin de la défense, de la victime ou un témoin neutre. Enfin, on voit de tout. Ce qui est difficile pour la victime, laccusé et les témoins dans une moindre mesure, cest que leur vie est passée au peigne fin, leurs aventures amoureuses, les bagarres, le travail, leur rapport avec la justice bien sûr, les études et beaucoup de gens peuvent se trouver éclaboussés parfois. Ensuite, une fois que tout le monde est passé, les différents avocats plaident. Dabord les parties civiles, puis lavocat général qui requiert la peine qui doit donner une indication aux jurés et la défense Enfin laccusé peut rajouter qqch, la plupart du temps, des excuses. Puis, le juge suspend laudience et la cour se retire pour délibérer,
Délibérations
Cest plus ou moins long selon les procès. Les jurés sont tenus au secret des délibérations, ce qui est logique. Cependant, les délibérations dans la justice française ne se font pas à laméricaine, cest le juge et les jurés qui décident ensemble de la culpabilité ou non de qqn et de sa peine, et non, un jury populaire pour la culpabilité et un jury professionnel pour la peine comme en Amérique. Le jury a à répondre à des questions par oui ou par non, ainsi quà des questions subsidiaires, pour que si qqn qui a tué qqn dautre, sil nest pas reconnu de meurtre, il soit qd même condamné, par exemple pour coups ayant entraîné la mort, ou homicide involontaire, (ou pour que un Jackson ne soit pas totalment innocenté , oups, j'oubliais qu'il a été déclaré innocent et n'est plus présumé coupalble )Pour ce qui est de la peine, le juge donne le maximum encouru et la peine minimum et nous explique le fonctionnement de la justice. Puis après, cest en notre âme et conscience sur notre honneur, dans la mesure où on na prêté serment. Et comme les débats du moment, la peine est individuelle, en fonction de l'accusé, de la gravité des faits, de la récidive ou pas....
Puis retour de la cour qui rend son verdict, 2min à peu près puis retour dans la salle des délibérations et les jurés se séparent jusquau prochain procès ou définitivement. Après, selon la « température » du procès, soit on sort par la grande porte, soit par une porte dérobée, voire gardée (ça nous est arrivé une fois, là on se dit, ça craint quand même).
En ce qui me concerne, jai été jurée pour 2 affaires, un meurtre à la sortie de discothèque et un infanticide. Ce dernier a été très difficile. Arrivée chez moi, je prenais le vélo et je me faisais une quinzaine de km pour évacuer. Et puis, javais du soutien aussi, déjà entre jurés, puisquon voit la même chose, cest plus facile den parler, et puis un soutien familial et relationnel. Il faut évacuer.
Ces 15 jours sont 15 jours de stress énorme de pression, et hyper fatigants, mais une fois le procès fini, ça retombe. Cest une parenthèse dans une vie dans la mesure où on est presque coupé de la vie quotidienne, mais une parenthèse qui influe quand même un peu ma vie maintenant. On relativise beaucoup, on se dit quon a de la chance quand on voit le défilé de vies complètement brisées et surtout, on se demande toujours si on a fait le bon choix. Et ça, cest qqch qui poursuit longtemps je pense.
Voilà, jai fait un peu long, mais il y a plein de choses importantes et ça pourra toujours servir à qqn après.