Bruxelles trop lumineuse pour les animaux et les plantes -par Barbara Boulet
Il n’existe pas de données précises sur l’étendue du problème, mais toutes les photos satellite le confirment : Bruxelles, comme d’ailleurs les autres villes du Nord-Ouest de l’Europe, figure parmi les villes les plus éclairées de nuit.
Les éclairages sur les voiries, sur les trottoirs, ceux qui illuminent les façades, les enseignes lumineuses… Voilà autant de sources lumineuses artificielles qui font du tort aux animaux de la ville, les espèces nocturnes comme certains types d’insectes. « Il y a des insectes attirés par la lumière et qui sont davantage prédatés, explique le chercheur René-Marie Lafontaine (musée royal des Sciences naturelles). Il y a aussi des insectes qui sont perturbés par la lumière et qui n’accèdent plus à certains sites. Les lucioles, par exemple. Elles émettent une petite lumière pour attirer le partenaire sexuel, donc s’il y a de la lumière partout, son petit flash lumineux ne lui sert plus à rien ».
Et tandis que certains animaux désertent ou s’affaiblissent, d’autres profitent de la situation. Comme le faucon pèlerin, qui niche sur la cathédrale de Bruxelles et qui se nourrit en chassant les oiseaux en vol. « Les oiseaux en migration passent de nuit au-dessus de Bruxelles. Auparavant, le pèlerin n’y avait pas accès. Mais maintenant qu’il y a une bulle de lumière au-dessus de la ville, il va les chasser en pleine nuit ».
La lumière artificielle est aussi un problème pour la flore. Le phénomène est moins étudié mais avéré. Pierre Meerts, professeur de botanique à l’ULB : « les plantes peuvent mesurer la longueur de la nuit très précisément. Et l’éclairage urbain, la nuit, peut les conduire à avoir de mauvaises informations sur la durée de la nuit qui influence leurs dates de floraison. Tous ceux qui habitent en ville ont déjà vu un arbre planté près d’un éclairage public : la branche qui se trouve près d’une lampe a souvent des feuilles beaucoup plus tard en automne que les autres branches ».
Depuis peu, des initiatives ponctuelles voient le jour pour limiter l’impact de la pollution lumineuse sur la faune et la flore. Ainsi, sur le site naturel du Rouge Cloître à Auderghem, les éclairages de la voirie ont été adaptés pour ne pas déranger les chauves-souris lucifuges (celles qui évitent les zones éclairées car elles s’y sentent vulnérables). « La lumière ici est vraiment intéressante, explique Pierrette Nyssen, spécialiste des chauves-souris chez Natagora. C’est un spectre centré sur le rouge orange, une couleur particulièrement peu vue par les chauves-souris et les autres éléments de la faune. Ils sont moins dérangés ». Ce même projet existe aussi dans la commune voisine de Watermael-Boitsfort. Les deux projets sont conduits par Bruxelles-environnement (gestionnaire des espaces verts de la région).
Des éclairages modulables
Ce qui commence à apparaître aussi sur les voiries – et c’est d’ailleurs préconisé dans le plan « lumière » de la région- ce sont des éclairages adaptés aux « besoins réels ». Des éclairages dont l’intensité est modulée en fonction des heures et de la fréquentation. C’est le cas dans le tunnel Porte-de-Hal, fraîchement rénové. C’est avant tout pour des raisons d’économies d’énergie (motivations budgétaires), mais cela ne peut être que bénéfique pour la faune et la flore. Des initiatives qui aujourd’hui restent toutefois marginales.
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Des éclairages à spectre rouge, moins gênants pour les chauves-souris, ont été installés...