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Les routes remodèlent notre planète et modifient l'ADN des animaux - Elias Insa – 26 juillet 2024 à 21h55
Le réseau routier, qui encercle la Terre et s'étend sur 40 millions de kilomètres, est un poison pour de nombreuses espèces.
Les «passages pour la faune» permettent aux animaux de traverser en toute sécurité.
Dans Crossings, un ouvrage du journaliste spécialisé sur les questions environnementales Ben Goldfarb, le réseau routier est présenté comme la force qui façonne notre planète. Les routes polluent les rivières et l'air, vident les sols et les forêts, mais effrayent aussi les animaux sauvages.
On estime que vingt-cinq millions de kilomètres de nouvelles routes seront construits dans le monde d'ici à 2050. Comme le souligne The Conversation, cet aménagement devra changer radicalement si l'on souhaite enrayer le changement climatique et préserver la biodiversité.
D'abord, il faut noter que les voitures sont des prédateurs modernes. Les véhicules tuent directement plus d'animaux vertébrés terrestres que n'importe quelle autre activité humaine, qu'il s'agisse de braconnage, de chasse, de piégeage ou d'incendies. Les routes sont si omniprésentes qu'elles laissent des traces dans l'ADN. Par exemple, «après des années de vol entre et au-dessus des voitures, les hirondelles de falaise ont développé des ailes plus courtes pour éviter avec agilité de se faire heurter par elles», explique Lauren Moore, chercheuse en écologie routière à l'université de Nottingham Trent (Royaume-Uni).
Tout au long de Crossings, les routes sont décrites comme des couteaux, des scalpels et des guillotines qui découpent le paysage. Les cours d'eau ne sont pas épargnés: les ponceaux (tunnels qui font passer les ruisseaux et les rivières sous les routes) sont tellement omniprésents et défectueux qu'ils ont empêché des poissons de migrer vers l'amont pour se reproduire, provoquant l'effondrement de populations.
Même les sons produits par les routes peuvent changer radicalement la vie de la faune. Les merles, les troglodytes et les mésanges augmentent ainsi la fréquence de leurs cris afin de se faire entendre au-dessus des voitures. Une étude de 2016 a montré que certains oiseaux dépensaient tellement d'énergie supplémentaire autour des routes bruyantes, en essayant d'écouter les prédateurs, qu'ils étaient trop fatigués pour chercher leur nourriture, et finissaient par mourir de faim.
Les élans, les ours et les loups ont appris à associer les voitures aux chasseurs qu'elles transportent, selon plus de cinquante études. Ces animaux évitent les routes, non pas à cause des véhicules, mais à cause des personnes qui s'y trouvent. D'après les écologistes, les routes ont créé un nouveau «paysage de la peur» pour les animaux.
Jusqu'à présent, les solutions en matière d'écologie routière ont été plus réactives que proactives. Mais il existe des exceptions, comme la route SP-139, dans le parc d'État Carlos Botelho, au sud du Brésil. «Lorsque j'ai travaillé là-bas en 2015 et 2016, j'ai vu que cette autoroute était fermée la nuit et qu'elle était conçue pour serpenter et onduler, ce qui obligeait les conducteurs à ralentir. Le gouvernement brésilien a osé gêner les conducteurs, et la faune s'en est trouvée renforcée», raconte Lauren Moore.
Cette branche de l'écologie entend favoriser la connectivité. Par exemple, les «passages pour la faune» (soit les ponts et autres structures construites par l'homme passant au-dessus ou au-dessous des routes) permettent aux animaux de traverser en toute sécurité. Dans le parc national de Banff, au Canada, quarante-quatre passages pour la faune ont permis de réduire de plus de 80% le nombre de collisions entre les voitures et les grands mammifères.
En Australie, les renards et les chats sauvages traversent les routes en moyenne trois fois plus souvent que les scientifiques ne le prévoyaient. En revanche, 40% des espèces animales environnantes n'ont jamais été détectées à un passage. Lauren Moore nuance: «Qu'ils soient efficaces ou non, les passages pour animaux sauvages pourraient devenir une nouvelle forme d'écoblanchiment qui justifierait la construction de nouvelles routes.»
Et puis, elles n'épargnent pas les humains. L'agence régionale de santé de Paris a révélé que cette pollution sonore réduit l'espérance de vie de certains Parisiens de trois ans.
https://biodiversite.wallonie.be/fr [...] l?IDC=3647