Les animaux peuvent-ils tomber amoureux ? > Chez les animaux monogames, à chaque fois que le partenaire décède ou disparaît, on assiste régulièrement à une dépression et/ou à un grand stress chez l’animal qui reste. © Neale Howarth
Les êtres humains ne seraient pas les seuls à avoir le béguin. Si ce sentiment semblait leur être réservé, les recherches scientifiques nous montrent aujourd’hui le contraire.
Qui ne sait jamais posé cette question : que ressent mon animal de compagnie ? À l’instar des êtres humains, les bêtes peuvent avoir leurs humeurs et éprouver une large palette d’émotions allant de la joie à la tristesse. Mais qu’en est-il de l’amour ? Longtemps perçu comme un sentiment trop noble pour être connu des animaux, cette idée reçue se craquelle au fil du temps. « Il est toujours complexe de décrire l'expérience subjective vécue par les animaux, mais à mon sens, le lien d’attachement qu’ils ressentent peut-être si fort que l’on peut parler d’amour », souligne Jessica Serra, éthologue, spécialiste de la cognition animale et auteure du livre La bête en nous (Ed. Humensciences).
Le chagrin d'amour des poisson zèbres séparés > La spécialiste mentionne une étude portant sur des poissons zèbres, dévoilée en juin 2019 par la revue scientifique Proceedings of Royal Society B. Au cours de leurs travaux, ces chercheurs ont démontré que le Danio rerio (son nom scientifique) - dont le couple est monogame - expérimentait ce qu'en langage humain, nous appellerions un « chagrin d'amour » lorsqu'il était séparé de sa moitié.
« Le test de comportement consistait à séparer les couples en enlevant le mâle à la femelle. Une fois loin de lui, il a été démontré qu’elle devenait dépressive, même en présence d'un autre mâle », retrace Jessica Serra. Dans un souci éthique, l’expérience n’a duré que 48 heures. L'équipe a mené le même type d'expérience sur les mâles, donnant des premiers résultats similaires.
⋙ Les flamants roses sont fidèles en amitié > Des animaux déprimés dès qu’ils sont séparés de leur moitié ... « Chez les animaux monogames, à chaque fois que le partenaire décède ou disparaît, on assiste régulièrement à une dépression et/ou à un grand stress chez l’animal qui reste. Beaucoup ne veulent pas retrouver un autre compagnon », informe l’éthologue. Un comportement que l’on peut associer à celui d’un homme ou d’une femme lors d’une rupture amoureuse.
Non seulement, les bêtes ressentent des émotions, mais ces dernières ne sont pas très éloignées des nôtres. « Il est fort probable que les mammifères ressentent les émotions de manière similaire à nous, car les structures cérébrales impliquées n’ont guère évolué au cours du temps. Tout se passe au niveau d'une petite structure appelée amygdale.» Cependant, la spécialiste précise que, selon l'espèce, « la façon dont les émotions sont traitées par le cortex diffère. »
S’il est prouvé que deux animaux peuvent percevoir une forme d’amour l’un pour l’autre, qu’en est-il de l’attachement d’une bête envers son maître ? Pour répondre à cette question, des expériences de réunion-séparation ont été effectuées : ce processus normalement initié entre une mère et son enfant - afin de mesurer le degré d’attachement - a été reproduit entre le chien et son maître. « En utilisant un protocole initialement destiné à mesurer l'attachement entre un enfant humain et sa mère, les chercheurs ont démontré que les chiens exploraient plus facilement leur environnement en présence de leur maître, et qu'en son absence, ils se montraient anxieux, en vocalisant ou grattant à la porte pour le retrouver », reprend la spécialiste. Autrement dit, les animaux sont très attachés à leur humain.
⋙ Les dauphins forment les plus grandes alliances sociales, juste derrière les humains >>« On a passé des millénaires à renier ce qui nous rabaisse à l’animal » ... Autre fait intéressant : de nombreux animaux, comme les chiens, les chats ou certains rongeurs fabriquent de l’ocytocine, surnommée l’hormone de l’amour, du plaisir ou de l’attachement. En 2015, les chercheurs japonais ont publié une étude dans la revue Science .
Leur conclusion : lorsque les humains et les chiens se regardent dans les yeux, le niveau d'ocytocine, augmente nettement à l’intérieur du cerveau de l’animal, ce qui renforce leur attachement.
À la question des émotions, s’ajoute celle du désir. Quand ils ont des relations sexuelles, la majorité des animaux n’a pas l’ambition de procréer au moment de copuler et l'amour entre les deux partenaires n'est pas un passage obligé : « Lorsqu’une chatte est en chaleur, ce qui guide le passage à l’acte, c’est la recherche du plaisir et non l’idée de se reproduire », avance Jessica Serra, qui précise que de nombreuses femelles mammifères sont équipées d’un clitoris. La plupart du temps, ce sont elles qui vont accepter ou non une relation sexuelle. Preuve aussi que le pseudo-besoin de reproduction n’est pas ce qui meut leur désir : l’existence de l’homosexualité chez les animaux, qui a été observée chez 500 espèces, selon l’ethologue Fleur Daugey qui étudie ces comportements.
Si les recherches avancent sur ces sujets, le malaise persiste lorsque sont attribués des sentiments humains aux animaux, au sein de la communauté scientifique. De peur d’être associés à eux ? Jessica Serra acquiesce : « On se cache, on n’accepte pas ce que l’on est vraiment, à savoir des animaux animés par notre sexualité, et que finalement, on a passé des millénaires à renier ce qui nous rabaisse à l’animal. »
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