je retrouve plus le topic où j'avais mis ça donc je recolle là.
(films vus à Venise en septembre - ouais je sais - ceux de Wenders et de Eastwood n'y étaient pas)
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Hors compétition :
Feel Like Going Home (Martin Scorcese, 2003, 83mn)
Red, White & Blues (Mike Figgis, 2002, 87mn)
Godfathers and Sons (Marc Levin, 2002, 96mn)
The Road to Memphis (Richard Pierce, 2002, 89mn)
Quatres films sur le blues, produits par Scorcese, qui est aussi l'initiateur du projet ("The Blues" ).
Feel Like Going Home (Martin Scorcese, 2003, 83mn)
On distingue deux parties dans ce film.
La première est une sorte d'historique du blues "ancien" (années 20 et 30). Le problème avec le blues des origines est que à part les enregistrements, nombreux, les documents autres sont la plupart du temps inexistants. Pour tel artiste génial on doit souvent se contenter d'une seule photographie. Et évidemment disposer d'un document filmé est absolument rarissime. Scorcese a pour contourner la difficulté adopté un double dispositif. D'une part les enregistrements effectués par Alan Lomax pour la Bibliothèque du Congrès, à partir des années 30, avec un studio mobile, ce qui a permis de découvrir dans les campagnes de nombreux bluesmens jusque là inconnus. A ces enregistrements s'ajoute une documentation écrite détaillant beaucoup de choses sur les scéances d'enregistrement et sur les artistes eux-mêmes. Le problème avec ces enregistrements est qu'ils ont donné une sorte de célébrité à des artistes qui étaient finalement assez mineurs (l'exemple le plus flagrant est celui du dénommé Leadbelly), mais au moins on trouve pour ceux-là quelques documents filmés. Les bluesmens vraiment géniaux, qui étaient déjà "connus" et avaient déjà enregistré par ailleurs, ne font pas du tout partie de cette "écurie Lomax". Mais enfin ce point de vue a le mérite d'exister, même s'il frustre les aficionados.
Deuxième dispositif : Scorcese a été dénicher le fils d'un vieux bluesmen décédé ; on voit ce fils (déjà âgé) jouer avec un pote et causer de choses et d'autres autour du blues. Rien de transcendant. Sauf qu'à un moment tout se met à fonctionner : Scorcese passe un morceau d'un des plus antiques bluesmens, Charlie Patton (enregistré bien avant que Lomax débarque), un excellent blues parlant d'une grande inondation qui a ravagé je ne sais quelle région US. Là dessus Sorcese alterne d'une part des documents filmés d'époque montrant peut-être cette même inondation, et d'autre part des commentaires du "fils" et de son pote sur le morceau lui-même, s'extasiant sur la qualité du chant et de la musique du vieux Patton. C'est véritablement le clou de cette première partie, le reste peut je pense passer aux oubliettes.
La deuxième partie est admirable et fait que ce film doit être vu absolument. L'objectif de cette 2ème partie est de démontrer les véritables origines du blues : la musique africaine importée par les esclaves. Scorcese montre d'abord un jeune bluesman noir-américain actuel (un bon, comme il y en a des centaines aux USA), on le voit un peu jouer avec le "fils" de la première partie. Et puis à un moment Scorcese transplante directement ce bluesman américain en Afrique, au Mali, et le fait rencontrer des musiciens africains. Il faut être peut-être un peu aficionado pour véritablement apprécier ce qui se passe, en tous cas jamais à ma connaissance la filiation musique africaine / blues n'avait été montrée d'une telle façon si vivante et lumineuse et évidente.
D'abord on voit le bluesman américain avec un musicien africain dans un petit village. Le musicien africain lui explique que les musiques africaines (très nombreuses et différentes) sont toutes basées sur la gamme pentatonique, et il improvise pour montrer l'exemple quelques airs de son cru sur un espèce d'instrument à cordes. Le bluesman américain met quelques secondes à percuter : mais oui le blues aussi est basé sur cette gamme pentatonique, et alors sur sa guitare il improvise à son tour quelques motifs, mais là c'est du blues. On sent que ces deux musiques sont comme deux frères ou soeurs séparés depuis leur naissance et qui se retrouveraient là pour la première fois : c'est absolument lumineux et magnifique.
Ensuite le bluesman rencontre ce musicien africain albinos qui s'appelle je crois qqchose Keita. Keita joue et chante un morceau de sa composition, c'est encore une fois magnifique, c'est là davantage dans le ton et le sentiment véhiculé que l'on sent une grande parenté avec le blues. Et Keita ensuite explique de façon détaillée et sensible que lorsqu'il écoute du blues américain, il sent cela comme de la musique africaine, mais comme transplantée, comme coupée de ses origines, avec comme une souffrance justement d'une perte ou recherche d'identité je ne sais plus, peut-être de désir souterrain de retour au bercail, enfin c'est parfait.
Troisième rencontre : avec Ali Farka Touré, le pape de la musique africaine tous pays confondus. Farka Touré a un discours très profond qui rejoint celui de Keita. A un moment le bluesman américain et Farka Touré jouent en duo un blues. L'américain fait comme il fait d'habitude : c'est bien. Et lorsque Farka Touré se met à chanter, c'est du blues, mais enrichi de multiples nuances et idées toutes venues de sa musique africaine : le morceau se transforme en un chef-d'oeuvre aux multiples résonances, c'est comme un miracle.
Il faut ajouter à tout ça beaucoup de paroles sensibles sur ce qu'ont du être les souffrances des esclaves arrachés à leur pays et horriblement maltraités, et ne survivant que grâce à leur culture et en particulier leur musique.
Ce film de Scorcese est affaibli par sa première partie assez terne, mais sa deuxième partie est un chef-d'oeuvre, construit simplement par petites touches modestes, comme prises au vol. On sort de là ravi.
Red, White & Blues (Mike Figgis, 2002, 87mn)
Ce film est une honte. J'aurais du me méfier : les couleurs indiquées dans le titre sont celles du drapeau anglais. Donc pour parler du blues, le réalisateur n'a rien trouvé de mieux que d'aller interviewer de vieux musiciens anglais... C'est n'importe quoi. On peut sauver de ce film : un document filmé rarissime (le seul à ma connaissance) du génial Big Bill Broonzy, interprétant Hey Hey Baby. Mais le réalisateur coupe ça au bout de quelques secondes alors que le document fait au moins une minute : c'est une honte un scandale, seul un dégénéré abatardi et coupé de tout a pu avoir une telle idée de fou, tout aficionado a là souffert et maudit ce réalisateur et toute sa descendance (s'il en a mais j'espère que non, il y a assez de pauvres hères égarés et ahuris sur cette planète). Autre chose à sauver : quelques moments montrant la chanteuse Koko Taylor, une rugissante qui explique que le blues ne véhicule pas forcément des choses tristes : effectivement avec elle on est pas très loin d'une incantation flamenco. Enfin on se demande comment Scorcese a pu laisser passer un tel "film", c'est totalement inepte et inintéressant et pout tout dire hors sujet.
Godfathers and Sons (Marc Levin, 2002, 96mn)
Les choses s'arrangent légèrement avec ce troisième film du cycle "The Blues". Le sujet est le blues de Chicago d'après guerre. Le réalisateur a choisi comme guide le fils du créateur de la maison de disques Chess, qui a enregistré pas mal de bluesmens (en particulier Muddy Waters), mais aussi des rockers comme Chuck Berry. Le problème est que ce fils Chess, doté d'un bagout immense, est une authentique tête à claques. Une photo de ce gars gamin ne laisse aucun doute à ce sujet : tout être humain sensé n'aurait pu que lui asséner une paire de baffes en guise d'apéritif. Le réalisateur, qui était présent lors de la projection et qui est une sorte de péteux sans envergure, s'est manifestement laissé ballader et embobiner par ce fils Chess : celui-ci est absolument omniprésent dans le film. Il y a diverses choses intéressantes ici ou là, mais enfin ce film est comme le précédent à oublier.
The Road to Memphis (Richard Pierce, 2002, 89mn)
Ce film est un chef-d'oeuvre, bien davantage qu'un simple documentaire, il surclasse même le film de Scorcese. Dès la première séquence, par la façon dont un bluesmen est pris en coulisses puis comme projeté en scène, en particulier grâce à un montage d'un rythme et pour tout dire d'une musicalité parfaite, on sait là que l'on est en présence d'un vrai bon réalisateur, et que ce film va être un bon film. Impossible de tout détailler, les musiciens sont magnifiquement choisis et magnifiquement mis en relief, à la scène comme à la ville : le film arrive à brasser son immense sujet avec une inspiration et une dynamique qui ne se relâchent pas un seul instant. Le sujet est le blues de Memphis d'après guerre, avec comme figure centrale B.B. King ; mais bien sûr c'est le blues en son entier qui est dans ce film magnifiquement illustré, et au delà tout ce qui touche au métier de musicien un peu itinérant. Nul doute que ce film sortira en salles : à ne pas manquer.
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vala c'était en septembre y faisait beau et ct encore les vacances