Sujet 13: Tigerlily
 
Sortir du parking. Attention, le premier carrefour est traître, la visibilité mauvaise. La file au céder le passage est interminable, comme de coutume. A croire que tous les usagers de la route de la région se décident à rentrer chez eux en même temps que moi.
 
Prendre l'autoroute. La circulation est plus fluide, j'enclenche la cinquième. Je roule pil poil à la vitesse autorisée, le coin regorge de radars. Je monte le volume de la radio. Choisis sur le CD une chanson que j'aime bien. Ma voiture est le lieu de mes pires interpretations lyriques. Jusque là, je m'en moquais, je voyageais toujours seule. Mais aujourd'hui, tu es là. Peut-être m'entend-tu déjà? Cette idée saugrenue me fait sourire, et je chante plus fort encore.
 
Ta présence, si inattendue, mais tant souhaitée, me fait rire de joie.  
 
Sortie de l'autoroute. Si j'ai le rouge aux joues, c'est un peu à cause de toi. La soirée à venir sera mémorable. Les semaines suivantes également. Plus rien ne sera pareil.
 
Ma main tremble tant qu'il me faut deux minutes pour ouvrir la porte du garage souterrain. Le moteur éteint, je me hâte de claquer la portière et de m'envoler vers mon appartement.  
 
On ne se connait pas encore, mais je t'aime déjà. On aura tout le temps de se découvrir... dans neuf mois.

Le transal se met en branle, avancant lentement sur la piste. Je le suis en reculant, surveillant la lisiere de la foret d'ou s'elevent des colonnes de fumee noire. Les moteurs commecent a vrombir dans mon dos, il est temps d'embarquer. Je lance mon bardas sur la porte arriere qui est en train de remonter. Un rapide coup d'oeil a la foret. Tout est calme. J'embarque.  
 
A l'interieur des regards anxieux m'accueillent, certains ont l'air un peu surpris d'autres carrement paumes. Je penses deja aux titres des journaux "Les ressortissants francais de retour au pays", meme pas de quoi faire une bonne manchette, peut-etre quelques lignes dans la rubrique monde et pourtant si les journalistes voyaient se foutoir...  
 
Dans ce capharnaum, je cherche un coin ou m'assoir et je me pose sur mon bardas pas tres loi de l'aile gauche. Le bruit des moteurs est assourdissant, mais malgre cela je decide de faire un petit somme en attendant la suite; le voyage est loin d'etre termine. Quelque chose remue dans les couvertures en face moi. Je regardes plus fixement, en effet, une petite au cheveux boucles me fixe droit dans les yeux. On peut y lire de la curiosite, mais aussi de la peur. Son visage me dit quelquechose, je l'ai deja vu quelquepart. Oui, je sais, c'est la petite fille que j'ai recupere pret d'un autocar en flamme renverse sur la chaussee. Aucun signe de ses parents.  
 
Je lui fait un sourire qui se veut rassurant, ce sur quoi elle s'enfonce encore plus dans son coin. Je m'approche d'elle pour essayer de la reconforter et elle se cache carrement sous sa couverture. Evidement, elle a du voir beaucoup trop d'uniforme dernierement, et pas dans les circonstances les plus joyeuses. Pire meme, je suis celui qui l'a emmenee loin de ses parents. Je fouille dans ma poche est en tire une paquet de bonbon a la menthe. J'en pose un sur la couverture  
et je retourne m'asseoir sur mon sac. Je vois la couverture bouger et une petite main chercher a taton le bonbon. Sa tete emmerge, elle regarde le bonbon avec suspicion puis decide de le manger. Sur sa joue, on peut voir une larme couler. J'aurais voulu lui parler, essayer de la rassurer, mais avec le vacarme dans l'appareil, c'est impossible.  
Le lendemain le journal ne tirera de l'evenement pas plus que quelques lignes. En les lisant, je ne pourrai m'empecher a elle.

D'entres les fougues et les rixailles, je chouassions la grognasse par-delà croupe. Icelle m'en conçut un amour derechef, et filochât nostre compagnie lune après lune, elle pédestrement, nous de nostre équidé soustenu. D'aucuns l'eussent offert en pâture au messire Lou, mais nostre magnanimité lui fit secours et grâce de quelque rataillon de victuaille, de sorte qu'icelle ne trépassat ni ne fuit.
 
Par monts et par vaux, il advint qu'austres gonfanons croisames et défimes sans moult sangs. La chevauchaille brisait et pourfendait quiconque, tant et tant qu'apparut à l'aube septentrional les monts et les vaux d'un doux pays conté en d'autres temps par Dame ma mère.
 
Israël, terre du prophète, illuminons tes labours salis de nostre Sainte Lumière !
 
Ainsi, en la veille de nostre reconquête, le serpent se glissa sous ma couche afin d'y offir les paradis charnels de ses intimités affriolantes. Cette souillonne festoyait la future triomphaille de son croupion béni, quelle douce inspiration que de ne l'avoir chatouillée de l'épée comme le reste de sa misérable tribu !
 
Au réveil, la folichonne s'en était retournée à ses femelleries, aussi me parai-je de mes atours victorieux afin d'épater le barbare avant de le pourfendre au nom de nostre Sainte-Mère L'Eglise de la Sainte Rédemption par la Sainte Décapitation.
 
D'humeurs badines, de verbe grivois, je parcourus le camp pour exhorter les âmes et réveiller les feux sacrés. Dans l'albâtre solaire nous franchimes les dernières lieues nous séparant de l'enceinte brisée par feu nostre précédant, le preux et défunt Chevalier de la Table Ovale, et occimes le barbare comme la paysannerie fauche le blé.
 
Le palais souillé malévolait, le tapis des cadavres seul nous en séparait. Icelui nous pénétrames en vainqueur, en ce jour de l'an de grâce 1158.
 
L'objet de tout ces guerroiements estait devant nos mirettes esgourdies par tant d'incrédulance.
 
Aussi, m'en approchais-je plein d'espérance. Enfin, le souffle des ancestres sur l'échine, la dextre se saisit de la coupelle bénie...
 
Hélas, une étronnaille foutrement daubante en garnissait l'intérieur, et une estrange inscription souillait irrémédiablement son bois en son pourtour :
 
"nique ta mère enfant de putain !! tu vois ce que j'en fais de ton Saint-Graal, je chie dedans comme je chie sur ta croisade !! En plus tu sais pas baiser lol"